Cholestérol LDL chez les adultes en France métropolitaine : concentration moyenne, connaissance et traitement en 2015, évolutions depuis 2006
// LDL cholesterol in adults in metropolitan France: Mean concentration, awareness and treatment in 2015, and trends since 2006
Résumé
Introduction –
L’hypercholestérolémie est un facteur de risque cardiovasculaire important, souvent non-diagnostiqué. En France, 18,8% des adultes avaient un cholestérol-LDL (LDL-c) supérieur à 1,6 g/l en 2006. L’objectif de l’étude était d’estimer la cholestérolémie LDL moyenne chez l’adulte et la fréquence de l’hypercholestérolémie LDL, de décrire la prise en charge de l’hypercholestérolémie en France en 2015 et d’en étudier les évolutions depuis 2006.
Méthodes –
Esteban est une étude transversale menée entre 2014 et 2016 sur un échantillon représentatif de la population de France métropolitaine (hors Corse). Elle incluait une enquête par questionnaires et un examen de santé avec un bilan lipidique chez les adultes de 18 à 74 ans. Pour les analyses, deux valeurs seuils d’hypercholestérolémie LDL ont été considérées : 1,6 g/l et 1,9 g/l.
Résultats –
La cholestérolémie LDL moyenne était de 1,30 g/l (IC95%: [1,28-1,32]), sans différence selon le sexe. Dans la population, 19,3% avaient un LDL-c >1,6 g/l et 6,0% un LDL-c >1,9 g/l. Parmi l’ensemble des 18-74 ans, 10,9% des hommes et 6,7% des femmes avaient eu au moins la délivrance d’un traitement hypolipémiant au cours de l’année précédente. Entre 2006 et 2015, la cholestérolémie LDL moyenne et la proportion d’adultes avec un LDL-c élevé (>1,6 g/l et >1,9 g/l) sont restées stables. La proportion d’adultes ayant déjà eu un dosage du cholestérol a diminué de 8,7% chez les hommes (ps=0,002) et de 15,5% chez les femmes (ps<0,0001). La proportion d’adultes avec un traitement hypolipémiant a diminué de 29,6% (ps=0,0001) depuis 2006.
Conclusion -
La proportion d’adultes avec un LDL-c >1,6 g/l, relativement élevée par rapport aux autres pays industrialisés, n’a pas évolué depuis 2006 ; la proportion d’adultes déclarant avoir déjà eu un bilan lipidique et celle des adultes traités par hypolipémiants ont diminué. Ce nouvel état des lieux témoigne d’une situation qui reste préoccupante en France, dans la mesure où l’hypercholestérolémie-LDL est souvent associée à d’autres facteurs de risque cardiovasculaire.
Abstract
Introduction –
Hypercholesterolemia is a major cardiovascular risk factor, often undiagnosed. In France, in 2006, 18.8% of adults presented with LDL cholesterol (LDL-c) above 1.6 g/l. The aim of the study was to estimate the mean value of LDL-c and the proportion of hypercholesterolemia LDL in adults, and to describe hypercholesterolemia management in France in 2015, and to analyze its trends since 2006.
Methods –
Esteban is a cross-sectional study based on a representative sample of the French metropolitan population (Corsica excepted), implemented between 2014 and 2016. Data were collected using questionnaires and a biological and clinical exam in adults aged 18-74. Analyzes were based on two LDL-c threshold values: 1.6 g/l and 1.9 g/l.
Results –
The mean LDL-c was 1.30 g/l (CI95% [1.28-1.32]), with no significant gender differences. In the population, 19.3% of adults had a LDL-c value >1.6 g/l and 6.0% a LDL-c value >1.9 g/l. Among the 18-74 year-olds, the percentage of adults having at least one reimbursement for lipid-lowering drugs during the year preceding the survey was 10.9% in men and 6.7% in women. From 2006 to 2015, the mean LDL-c and the percentage of high LDL-c (>1.6 g/l and >1.9 g/l) did not change. The percentage of adults who reported having had a cholesterol check at least once in the past, decreased by 8.7% in men (ps=0.002) and by 15.5% in women (ps<0.0001). The prevalence of lipid-lowering drug decreased by 29.6% (ps=0.0001) since 2006.
Conclusion –
The percentage of adults having a LDL-c value >1.6 g/l, quite high compared to other high-income countries, has not changed since 2006, the percentage of adults who reported having had a cholesterol check at least once in the past and the percentage of adults having a lipid-lowering treatment decreased. This new overview shows a situation that remains worrying in France since hypercholesterolemia LDL is often linked to other cardiovascular risk factors.
Introduction
L’hypercholestérolémie est l’un des principaux facteurs de risque cardiovasculaire avec le tabagisme, l’hypertension artérielle et le diabète 1,2,3. Près de 4,3 millions de décès et 88,7 millions d’années de vie en bonne santé perdues (DALYs) dans le monde en 2010 lui seraient attribuables d’après le Global Burden of Diseases, la classant en 4e position des facteurs de risque 4.
La concentration des paramètres lipidiques dans le plasma est associée à plusieurs facteurs dont l’âge, le sexe, l’alimentation (riche/pauvre en fibres, en graisses), l’activité physique, l’indice de masse corporelle (IMC), le tabagisme, la consommation d’alcool et des facteurs génétiques 5. Le cholestérol-LDL (LDL-c), fraction la plus athérogène du cholestérol, s’accumule dans la paroi des artères lorsqu’il est en excès, contribuant ainsi à la formation de la plaque d’athérome. L’hypercholestérolémie peut être prévenue ou traitée par la mise en place de mesures hygiéno-diététiques, éventuellement associées à un traitement médicamenteux. Plusieurs méta-analyses ont montré que la réduction du cholestérol (total ou LDL-c) diminuait les évènements cardio-neuro-vasculaires ainsi que le risque de mortalité (cardiovasculaire et toutes causes) 6,7,8.
En France, les maladies cardio-neuro-vasculaires sont la première cause de mortalité chez les femmes et la deuxième chez les hommes 9. Elles ont été à l’origine de l’hospitalisation de près d’un million de personnes en 2014. En 2006-2007, d’après l’Étude nationale nutrition santé (ENNS), 18,8% des adultes âgés de 18 à 74 ans avaient un LDL-c supérieur à 1,6 g/l 10. Du fait de la part élevée de l’hypercholestérolémie non-diagnostiquée 11,12, l’estimation de la distribution des valeurs de cholestérolémie dans la population nécessite la réalisation d’enquêtes avec un examen de santé et un dosage du cholestérol. Ainsi, l’Étude de santé sur l’environnement, la biosurveillance, l’activité physique et la nutrition (Esteban), construite avec une méthodologie comparable à celle d’ENNS, permet : 1/ de fournir une nouvelle estimation de la cholestérolémie-LDL moyenne et de la fréquence de l’hypercholestérolémie LDL (au seuil de 1,6 g/l), 2/ de décrire la prise en charge de l’hypercholestérolémie dans la population adulte de France métropolitaine en 2015 et 3/ d’en étudier les évolutions depuis 2006.
Matériel et méthodes
L’étude Esteban
Esteban est une étude descriptive transversale en population générale menée sur un échantillon représentatif de la population française métropolitaine (hors Corse), d’enfants âgés de 6 à 17 ans et d’adultes de 18 à 74 ans, vivant dans un ménage au sens du recensement de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) 13,14. L’estimation de la prévalence des facteurs de risque vasculaire (hypertension artérielle et dyslipidémies) et de leur part non diagnostiquée chez l’adulte figurait parmi ses objectifs principaux. Elle repose sur un plan de sondage probabiliste à trois degrés (communes ou regroupement de communes, ménages, individus) avec une stratification en fonction de la région et du degré d’urbanisation. Les ménages ont été échantillonnés sur la base des numéros de téléphone fixes et mobiles (génération aléatoire de numéros) puis, dans chaque foyer, un individu a été tiré au sort. Le protocole incluait la passation de questionnaires par un enquêteur et d’auto-questionnaires, une enquête alimentaire, un examen de santé avec des prélèvements biologiques, réalisé dans un centre d’examen de santé (CES) de l’Assurance maladie (AM) ou à domicile, et une extraction des données de consommation de soins de l’AM. Les inclusions se sont déroulées entre avril 2014 et mars 2016 : 3 476 adultes ont accepté de participer à l’étude parmi les 4 912 ménages ayant donné leur accord 14. Cette étude a obtenu les autorisations nécessaires (Comité consultatif sur le traitement de l’information en matière de recherche dans le domaine de la santé, Commission nationale de l’informatique et des libertés et Comité de protection des personnes (n°2012-A00456-34), ainsi qu’un décret en Conseil d’État (n°2013-742) pour l’utilisation des données de l’AM via le numéro d’inscription au répertoire des personnes physiques (NIR).
Recueil des données
Les données sociodémographiques ont été recueillies par questionnaire en face à face lors de la première visite à domicile.
Bilan lipidique
Un prélèvement sanguin a été réalisé lors de l’examen de santé chez des personnes à jeun depuis au moins 12 heures. Le cholestérol total, le cholestérol HDL (HDL-c) et les triglycérides ont été dosés dans les heures suivant le prélèvement par les laboratoires de biologie médicale rattachés aux CES de l’AM ou par des laboratoires de ville. Le LDL-c a été calculé pour l’ensemble des adultes à partir de la formule de Friedewald, lorsque les triglycérides étaient inférieurs à 3,4 g/l 15. Pour les analyses statistiques, deux valeurs-seuil de LDL-c ont été considérées : 1,6 g/l et 1,9 g/l. Le seuil de 1,6 g/l, utilisé dans la définition d’une cholestérolémie LDL trop élevée jusqu’en 2016 16, permettra d’étudier les évolutions depuis 2006. Le seuil de 1,9 g/l correspond à un objectif de LDL-c maximal pour des personnes ayant un faible niveau de risque cardiovasculaire 15. Le HDL-c était considéré comme bas et facteur de risque cardiovasculaire en dessous de 0,40 g/l chez les hommes et de 0,50 g/l chez les femmes, et comme protecteur à partir de 0,60 g/l (hommes et femmes) 15.
Traitements
Les traitements hypolipémiants (classification Anatomical Therapeutic Chemical (ATC) : C10AA, C10BA, C10BX, C10AB, C10AC, C10AD, C10AX), antidiabétiques (classe A10 sauf le benfluorex) 17 et antihypertenseurs (C02, C03, C07, C08 et C09) 18 (nom et date de délivrance) ont été obtenus par un appariement des données individuelles des adultes inclus avec les données du Système national d’information inter-régime de l’Assurance maladie (Sniiram) (95,8% des personnes ayant accepté de donner leur NIR ont pu être appariées au Sniiram). Un adulte était considéré comme traité s’il avait bénéficié d’au moins une délivrance d’un traitement hypolipémiant dans l’année précédant l’examen de santé.
Connaissance de l’hypercholestérolémie
Un dépistage de l’hypercholestérolémie antérieur à l’étude a été considéré à partir de la question « Avez-vous déjà eu un dosage de votre cholestérol dans le sang ? ». La connaissance de l’hypercholestérolémie a été considérée si au moins une réponse aux questions suivantes était positive : « Avez-vous ou avez-vous déjà eu une hypercholestérolémie ? » ou « Un médecin vous a-t-il déjà dit que vous aviez trop de cholestérol dans le sang (hypercholestérolémie) ? ».
Autres facteurs de risque cardiovasculaires
La taille et le poids ont été mesurés lors de l’exa‑men de santé, permettant le calcul de l’indice de masse corporelle (IMC=poids/taille2). Les catégories d’IMC utilisées sont celles de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) : normal ou maigre (IMC <25 kg/m²), surpoids (25≤ IMC <30 kg/m²) et obésité (IMC ≥30 kg/m²). Le statut tabagique déclaré a été classé en trois catégories : fumeur actuel, ancien fumeur ou non-fumeur. Le niveau d’activité physique de la population adulte a été recueilli par auto-questionnaire (version française du Recent Physical Activity Questionnaire (RPAQ) 19). Le diabète traité était défini par la délivrance d’au moins trois traitements antidiabétiques à des dates différentes ou de deux s’il y avait au moins un grand conditionnement (quantité suffisante pour 90 jours), dans l’année précédant l’examen de santé, à partir des données du Sniiram. L’hypertension artérielle (HTA) était définie par une pression artérielle systolique ≥140 mm Hg ou une pression artérielle diastolique ≥90 mm Hg à l’examen de santé, ou la délivrance d’au moins un traitement antihypertenseur au cours de l’année précédant l’examen de santé 18.
Méthodes statistiques
La population d’étude était constituée de 2 074 adultes âgés de 18 à 74 ans pour lesquels le LDL-c a pu être calculé et ayant communiqué leur NIR (figure 1), soit 69% des adultes ayant participé à la première visite à domicile 13. L’ensemble des analyses a été réalisé sur des données pondérées et redressées (variables de redressement : âge, sexe, diplôme, vie en couple, avec/sans enfants et saison à laquelle l’individu a été enquêté) à l’aide du logiciel SAS® Enterprise Guide version 7.1, en utilisant la fonction Survey. Les résultats présentés se rapportent donc à la population des adultes de 18 à 74 ans vivant dans un ménage, en France métropolitaine (hors Corse). Pour les comparaisons, les tests du Chi2 et de Fisher ont été utilisés avec des données qualitatives et le test t de Student avec des variables quantitatives. Le seuil de significativité des tests statistiques était fixé à 5%.
Pour étudier les évolutions entre 2006 et 2015, les données de l’étude ENNS ont été standardisées sur les caractéristiques de la population d’Esteban, afin de s’affranchir d’un éventuel effet de l’évolution du profil de la population entre les deux études. Cette standardisation a été réalisée par le calcul d’un nouveau jeu de pondérations pour ENNS, calculées selon les mêmes principes de redressement et avec les mêmes données de calage que ceux d’Esteban 20. Une p-value standardisée (ps) a été calculée pour les tests de comparaison.
Résultats
Situation en 2015
Caractéristiques de la population
La population d’étude était constituée de 55,2% de femmes et l’âge moyen était de 46,9 ans (écart-type 0,46). Les principaux facteurs de risque cardiovasculaire non lipidiques sont présentés dans le tableau 1. Les hommes étaient plus souvent fumeurs ou anciens fumeurs que les femmes (57,9% vs 40,9%), plus souvent hypertendus (35,5% vs 25,0%) et avaient plus souvent un traitement antidiabétique (5,5% vs 1,4%). Un niveau d’activité physique bas était significativement plus fréquent chez les femmes que chez les hommes (47,7% vs 28,6%). La répartition par catégorie d’IMC différait selon le sexe, avec des femmes plus souvent dans les catégories « normal ou maigreur » ou « obésité » et les hommes plus souvent en surpoids.
Les femmes avaient plus souvent que les hommes des valeurs de HDL-c extrêmes (tableau 2). La concentration moyenne de cholestérol total était 2,1 g/l, sans différence selon le sexe (tableau 2). Enfin, 9,3% des hommes et 2,8% des femmes avaient une hypertriglycéridémie modérée ou sévère (≥2 g/l 15) (tableau 2).
Cholestérol LDL : valeur moyenne et distribution
En 2015, chez les 18-74 ans, la cholestérolémie LDL moyenne était de 1,30 g/l (intervalle de confiance à 95%, IC95%: [1,28-1,32]) (tableau 2). Près d’un adulte sur 5 (19,3% [17,0-21,5]) avait un LDL-c >1,6 g/l et 6,0% [4,6-7,4] un LDL-c >1,9 g/l. Le LDL-c moyen était similaire chez les hommes et les femmes (p=0,38), de même que la distribution en classes des valeurs du LDL-c (p=0,65). La proportion d’adultes avec un LDL-c >1,9 g/l augmentait avec l’âge jusqu’à 45-54 ans (10,3%) puis se stabilisait autour de 7 à 8%.
Chez les adultes avec un LDL-c >1,6 g/l, 30,3% n’avaient pas d’autre facteur de risque vasculaire (parmi tabagisme, HTA, diabète traité et sédentarité), 50,0% en avaient un autre : sédentarité (41,6%), HTA (38,4%) ou tabagisme (19,7%) ; 16,3% deux autres facteurs et 3,4% trois autres facteurs ou plus.
Dépistage et connaissance de l’hypercholestérolémie
Plus de deux tiers des hommes (67,1%) et trois quarts des femmes (77,3%) ont déclaré avoir déjà eu un dosage du cholestérol avant leur participation à l’étude (tableau 3). Ce pourcentage augmentait avec l’âge. Il était près de deux fois plus faible chez les 18-34 ans (47,6%) que chez les 65-74 ans (91,4%).
Parmi les adultes avec un LDL-c >1,6 g/l ou un traitement hypolipémiant, 51,3% déclaraient avoir connaissance de leur hypercholestérolémie, sans différence entre hommes et femmes (p=0,96). Cette proportion augmentait avec l’âge (tableau 3).
Traitements hypolipémiants
Parmi l’ensemble des adultes, 8,8% ont bénéficié d’au moins une délivrance d’un traitement hypolipémiant au cours de l’année précédant l’examen de santé (tableau 3). Cette proportion augmentait avec l’âge (quasi nulle chez les plus jeunes vs 28,0% chez les 65-74 ans) et était significativement plus élevée chez les hommes (10,9%) que chez les femmes (6,7%). Les statines étaient le traitement le plus fréquent (au moins une délivrance chez 83,4% des adultes traités), suivies par les fibrates (15,1%). Ces deux traitements étaient associés chez 1,3% des personnes. Un autre traitement (ézétimibe, acides gras oméga 3 ou colestyramine) était délivré chez 11,1% des personnes, associé à une statine dans 65,7% des cas.
Les adultes avec un traitement hypolipémiant étaient en moyenne âgés de 62,0 ans (vs 45,5 ans pour les non-traités) et étaient plus souvent des hommes (60,8% vs 47,5%). Les adultes avec un traitement avaient une cholestérolémie LDL-c moyenne significativement inférieure à la population non traitée (respectivement 1,21 g/l [1,15-1,27] vs 1,31 g/l [1,29-1,33]), et la proportion d’entre eux avec un LDL-c >1,6 g/l était significativement moindre que chez les non-traités (12,8% vs 19,9%, p=0,03). Parmi les adultes traités, 86,7% avaient connaissance de leur hypercholestérolémie, les femmes traitées déclarant significativement plus que les hommes connaître leur hypercholestérolémie (respectivement 93,3% vs 82,5%, p=0,029).
Parmi les adultes avec un LDL-c >1,6 g/l, 5,8% [3,0‑8,6] avaient un traitement hypolipémiant (4,9% [1,0-8,9] parmi ceux avec un LDL-c >1,9g/l).
Enfin, 27,0% [24,5-29,5] des adultes avaient un LDL-c >1,6 g/l et/ou un traitement hypolipémiant.
Évolutions depuis 2006
Entre 2006 et 2015, la cholestérolémie LDL moyenne et la proportion d’adultes avec un LDL-c >1,6g/l et >1,9 g/l n’ont pas évolué de façon significative (respectivement ps=0,09, 0,63 et 0,16) (figures 2 a et 2 b).
Par rapport à 2006, la proportion d’adultes ayant déclaré avoir déjà eu un dosage du cholestérol a significativement diminué de 8,7% chez les hommes (ps=0,002) et de 15,5% chez les femmes (ps<0,0001) (figure 2 c). Cette baisse concernait toutes les classes d’âge à l’exception des 18-34 ans, pour lesquels cette proportion est restée stable (ps=0,06).
La proportion d’adultes avec un traitement hypolipémiant parmi l’ensemble de la population a significativement diminué de 29,6% (ps=0,0001) (figure 2 d). La cholestérolémie LDL moyenne est restée stable chez les adultes avec un traitement (1,21 g/l) et chez ceux sans traitement (1,31 g/l). Le type de traitement (statines, fibrates, autres) n’a pas évolué significativement sur la période considérée (ps=0,14).
Discussion
L’étude Esteban a permis d’estimer la cholestérolémie LDL moyenne en population générale en France métropolitaine (hors Corse) en 2015 à partir d’un échantillon représentatif et de décrire la prise en charge. Depuis l’étude ENNS de 2006, la cholestérolémie LDL moyenne et la proportion d’adultes avec une concentration de LDL-c élevée sont restées stables. À cette absence d’amélioration sur le plan biologique s’est ajoutée une baisse significative de la proportion d’adultes déclarant avoir déjà eu un bilan lipidique et de la proportion d’adultes traités par hypolipémiants.
Cholestérol LDL : valeur moyenne et distribution
La cholestérolémie LDL moyenne estimée dans notre étude chez les 18-74 ans (1,30 g/l) était comparable à celle estimée en Italie en 2008-2012 chez les 35-74 ans (1,33 g/l) 21, mais plus élevée que celles estimées au Canada en 2012-2013 chez les 18-79 ans (1,07 g/l) 11 et aux États-Unis en 2011-2014 chez les adultes de 20 ans ou plus (1,13 g/l) 12. Dans ces deux pays, la proportion des patients traités par hypolipémiants est plus élevée qu’en France. Cela pourrait expliquer, en partie, une cholestérolémie moyenne plus basse que celle estimée dans cette étude 12.
Bien que les possibilités de comparaison de nos résultats avec ceux d’autres études soient limitées du fait de l’absence de définition commune d’une cholestérolémie LDL élevée, la situation française est moins favorable que celle observée au Canada où la même proportion d’adultes (19%) avait un LDL-c ≥1,35 g/l en 2012-2013 11.
Connaissance et traitements
Avec 51% des adultes ayant un LDL-c >1,6 g/l ou un traitement qui connaissaient leur hypercholestérolémie, la France se situe au même niveau que le Canada (51% en 2012-2013), un peu en dessous de l’Italie (62% des hommes et 58,5% des femmes en 2008-2012) et des États-Unis (69% en 2011-2012) 11,12,21 mais largement au-dessus du Luxembourg, où seuls 15% des 18-69 ans avec une dyslipidémie se déclaraient informés en 2007-2009 22. Actuellement, le repérage d’une anomalie lipidique est recommandé dans le cadre d’une évaluation du risque cardiovasculaire global chez les hommes après 40 ans et chez les femmes après 50 ans, lors d’une prescription d’une contraception hormonale œstroprogestative ainsi qu’en présence de certains évènements de santé ou facteurs de risque (maladie cardiovasculaire, HTA, diabète, insuffisance rénale, tabagisme actuel ou arrêté depuis moins de trois ans, notamment) 15. Cette méconnaissance de l’hypercholestérolémie interroge sur le dépistage et/ou le suivi de l’hypercholestérolémie et sur l’information du patient après le dépistage et/ou sa compréhension des résultats. En revanche, les patients avec un traitement hypolipémiant étaient assez bien informés de leur hypercholestérolémie (86,7%).
La proportion d’adultes traités par hypolipémiants dans notre étude (8,8%) était du même ordre de grandeur que l’estimation faite en 2010 par Tuppin et coll. parmi les affiliés au régime général de l’Assurance maladie dans la même classe d’âge (11%) 23. Malgré une définition plus stricte dans l’étude de 2010 (au moins trois remboursements ou deux si au moins l’un concerne un grand conditionnement), la différence pourrait s’expliquer par la baisse des traitements hypolipémiants 24,25. En matière de traitements hypolipémiants, la France est au même niveau que le Luxembourg (9% des 18-69 en 2007-2009) 22 mais se situe en-dessous des États-Unis (18% des plus de 20 ans en 2011-2012) 12. Dans ces deux études, le traitement a été recueilli de manière déclarative, avec vérification des boîtes de médicaments dans l’étude américaine.
Évolutions depuis 2006
En France, après une diminution de 5,7% entre 1997 et 2006 chez les 35 à 64 ans 26, la cholestérolémie LDL moyenne est restée stable entre 2006 et 2015, autour de 1,30 g/l. Ce niveau moyen reste élevé au regard du cumul de facteurs de risque cardiovasculaire dans la population. Le cumul est très fréquent, notamment chez les adultes avec un LDL-c >1,6g/l (70% d’entre eux ont au moins un second facteur de risque). Les évolutions du niveau moyen du LDL-c rapportées dans la littérature ne sont pas homogènes. Comme en France, une stabilisation du LDL-c moyen a été observée en Finlande entre 2007 et 2011 chez les 34-49 ans, après une période de diminution 27. En revanche, une diminution a été décrite aux États-Unis entre 1988 et 2010 et en Espagne entre 1992-1994 et 2004-2006, et une augmentation en Italie entre 1998-2002 et 2008-2012 21,28,29,30,31.
Entre 2006 et 2015, la proportion d’adultes déclarant avoir déjà eu un dosage du cholestérol a diminué en France, passant de 84% à 73%. Ce résultat peut être rapproché de celui observé aux États-Unis chez les plus de 20 ans entre 2006 (75%) et 2012 (69%) 12, mais il contraste avec l’augmentation observée en Suisse chez les plus de 18 ans entre 1997 (87%) et 2007 (94%) 32.
Dans notre étude, la proportion d’adultes avec un traitement hypolipémiant a significativement diminué entre 2006 et 2015 (-29,6%). Cette diminution est cohérente avec les données publiées par l’Assurance maladie, qui a mis en place dès le début des années 2000 une communication sur les recommandations de prise en charge de l’hypercholestérolémie (démarrage du traitement après échec de mesures hygiéno-diététiques) 24,25. La baisse significative de la proportion d’adultes avec un traitement hypolipémiant observée dans notre étude pourrait également être liée à la polémique sur les statines (fortement médiatisée en France à partir de 2013) et à la défiance qu’elle a pu susciter à la fois chez les prescripteurs et chez les patients. Sans pouvoir établir de lien de causalité avec la polémique sur les statines, Bezin et coll. avaient déjà observé un arrêt des statines plus important en 2013 qu’en 2012 et 2011 chez tous les patients traités, avec un risque d’arrêt augmentant inversement au risque cardiovasculaire du patient 33.
Cette réduction importante contraste avec l’absence d’évolution à la hausse du LDL-c entre 2006 et 2015. Par rapport à l’ensemble de la population, cette réduction (de 12,5% en 2006 à 8,8% en 2015) ne concerne qu’un faible pourcentage de la population, soit une baisse relative de 3,7%, et elle est insuffisante pour modifier significativement la valeur moyenne globale. Cette diminution ne semble pas concerner seulement les personnes avec une hausse modérée du LDL-c, mais bien toute la population avec une hypercholestérolémie indépendamment du niveau initial de LDL cholestérol, puisque la cholestérolémie LDL moyenne des adultes traités était similaire entre 2006 et 2015 (1,21 g/l). Une analyse du profil des adultes sans traitement avec un LDL-c élevé (notamment leurs caractéristiques socioéconomiques 34) pourrait être envisagée afin de comprendre les raisons de la non-initiation ou de l’interruption du traitement. Dans les autres pays, une augmentation de la prescription des statines a été décrite aux États-Unis, en Allemagne, en Suisse et en Pologne, mais les études portaient sur des périodes plus longues et antérieures à la nôtre (de la fin des années 1980 jusqu’à 2010) 12,29,32,34,35,36.
Forces et limites de l’étude
Points forts de notre étude, l’utilisation d’un échantillon représentatif et d’un plan de sondage complexe a permis d’extrapoler les résultats à l’ensemble des 18-74 ans vivant en ménage de France métropolitaine (hors Corse). Toutefois, certaines limites méritent d’être discutées. Premièrement, pour le redressement de l’échantillon, seules des variables sociodémographiques (âge, sexe, diplôme, composition du ménage), en plus de la saison de l’étude, ont été utilisées. Afin de mieux prendre en compte un éventuel biais de participation lié à l’état de santé, un redressement prenant en compte des caractéristiques relatives à l’état de santé ou au recours aux soins pourra être effectué ultérieurement grâce à l’appariement avec les données du Sniiram. Deuxièmement, bien que la méthodologie de l’étude Esteban soit comparable à celle d’ENNS 14, certaines modifications ont été apportées dans Esteban, complexifiant potentiellement la comparaison. Dans ENNS, la consommation de médicaments était recueillie de façon déclarative : 12,5% des adultes déclaraient prendre un traitement hypolipémiant. Une valeur probablement sous-estimée du fait du mode de recueil. Dans Esteban, les traitements étaient identifiés à partir du Sniiram, plus exhaustif qu’une déclaration. En conséquence, la baisse de 29,6% de la proportion d’adultes traités par hypolipémiants entre 2006 et 2015 est probablement sous-estimée. Enfin, certaines analyses par classe d’âge peuvent manquer de puissance en raison d’effectifs limités, notamment dans les classes les plus jeunes.
Conclusion
Dix ans après ENNS, l’étude Esteban a permis de fournir une nouvelle photographie de la distribution de la cholestérolémie LDL et de sa prise en charge chez les 18-74 ans en France métropolitaine. La proportion d’adultes avec un LDL-c >1,6 g/l, relativement élevée, n’a pas évolué depuis 2006 ; la proportion d’adultes déclarant avoir déjà eu un bilan lipidique et celle des adultes traités par hypolipémiants ont diminué. Ce nouvel état des lieux témoigne d’une situation qui reste préoccupante en France, dans la mesure où l’hypercholestérolémie LDL est souvent associée à d’autres facteurs de risque cardiovasculaires.
Remerciements
Les auteurs remercient l’équipe-projet Esteban, l’ensemble des personnes ayant participé à la collecte des données : le Cetaf,
les Centres d’examen de santé de la CnamTS, les laboratoires d’analyses médicales et les infirmiers, ainsi que les participants
à l’étude.
L’étude Esteban, issue du programme national de biosurveillance, a été financée par le ministère en charge des Affaires sociales
et de la Santé et par le ministère en charge de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer.
Liens d'intérêt
Jacques Blacher déclare avoir des liens d'intérêt, en dehors du cadre de cette étude, avec les laboratoires Astra-Zeneca, BMS, MSD, Novartis, Pierre Fabre, Pfizer, Sanofi-Aventis et Servier, qui commercialisent des produits hypocholestérolémiants.