Acceptabilité et freins chez les populations africaines et caribéennes vivant en Île-de-France d’une nouvelle offre de prévention du VIH : le Truvada® en prophylaxie pré-exposition (PrEP). Une enquête exploratoire

// New HIV preventive drug’s acceptance and constraints of African and Caribbean population living in Ile-de-France: the use of Truvada® in pre-exposure prophylaxis (PrEP). An exploratory survey

Laure Hadj1,2 (laure.hadj@u-picardie.fr), Annabel Desgrées du Loû2, Jean Dupont2, Vinh-Kim Nguyen3
1 Université de Picardie Jules Verne, Amiens, France
2 Centre population et développement, UMR 196, Université Paris Descartes – Institut de recherche pour le développement, Paris, France
3 Collèges d’études mondiales – Fondation Maison des sciences de l’homme, Paris, France
Soumis le 24.10.2016 // Date of submission: 10.24.2016
Mots-clés : Prophylaxie pré-exposition | PrEP | Prévention | VIH | Populations africaines et caribéennes | Île-de-France
Keywords: Pre-exposure prophylaxis (PrEP) | Prevention | HIV | African-Caribean population | Ile-de-France

Résumé

Objectifs –

Identifier les connaissances autour de la prophylaxie pré-exposition du VIH (PrEP) et l’acceptabilité de ce nouveau mode de prévention auprès de personnes africaines et caribéennes rencontrées dans le cadre d’actions de prévention menées en Île-de-France.

Méthode –

Une enquête exploratoire qualitative a été conduite au sein de deux associations engagées dans la prévention du VIH/sida, avec observations participantes et groupes de discussion. Les actions de sensibilisation auprès des populations africaines et caribéennes ont servi de sites clés pour évaluer les enjeux et les défis de la prévention auprès de ces populations et aborder la connaissance et l’acceptabilité de la PrEP.

Résultats –

Les personnes rencontrées originaires de pays endémiques ont bien été sensibilisées à la prévention du VIH, mais n’ont le plus souvent pas encore entendu parler de la PrEP. Une fois expliquée, la PrEP a été considérée comme une nouvelle stratégie de prévention acceptable. Les informateurs ont identifié en particulier deux situations pour lesquelles la PrEP offrirait une valeur ajoutée aux efforts actuels de prévention : pour les hommes ayant des partenaires multiples et pour les femmes qui soupçonnent leur partenaire d’infidélité.

Conclusion –

La PrEP parait acceptable chez les Africains et les Caribéens en Île-de-France quand elle est combinée à d’autres stratégies de prévention incluant le préservatif et le dépistage. Les efforts de sensibilisation sur la PrEP devront prendre en considération les préoccupations soulevées par cette population et participer à une approche globale et coordonnée de la santé sexuelle et de la promotion de la santé.

Abstract

Objective –

Identify knowledge on pre-exposure prophylaxis (PrEP) for HIV and the acceptance of this new prevention mode among the African and Caribbean population identified during prevention actions conducted in the Ile-de-France area.

Methods –

An exploratory, qualitative, community-based study was conducted in two associations working in HIV/AIDS prevention using participant observation and open ended interviews. Outreach efforts among the African and Caribbean population served as key sites to evaluate prevention challenges in this population, and address the knowledge and acceptance of PrEP.

Results –

Migrants from Endemic countries (MECs) were well informed on how to prevent HIV, but were ignorant of PrEP. Once it was explained to them, PrEP was seen as an acceptable new prevention strategy. Informants identified two scenarios where PrEP would offer added value to current prevention efforts: for men with multiple partners and women who suspect their partner of infidelity.

Discussion-Conclusion –

PrEP seems to be acceptable for Africans and Caribbeans living in Ile-de-France when it is combined with other prevention strategies, including condoms and testing. Efforts to educate around PrEP should take into consideration concerns raised by this population, and be part of a global and coordinated health promotion and sexual health approach.

Introduction

Le Truvada® (ténofovir-emtricitabine) en prophylaxie pré-exposition (PrEP) réduit de 86% (intervalle de confiance à 95%, IC95%: [40-99], p=0,002) le risque de contamination par le VIH des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH), comme l’a montré l’essai Ipergay (France et Canada) mené auprès de 414 hommes séronégatifs ayant des rapports sexuels à risque 1. La prise de ce médicament à la demande, c’est-à-dire lors de la période d’activité sexuelle, est une particularité par rapport à l’essai PROUD (Royaume-Uni) reposant sur une prise continue (journalière) 2,3.

En France, depuis le 4 janvier 2016, le ministère de la Santé a autorisé la mise à disposition exceptionnelle de ce traitement et son remboursement par la sécurité sociale. Cette autorisation est encadrée par une recommandation temporaire d’utilisation (RTU), élaborée par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Outre la population des HSH sur laquelle a été validé l’essai, la recommandation spécifie que d’autres populations à risque d’infection par le VIH peuvent bénéficier du traitement. Ainsi, « en lien avec l’effet préventif démontré, il est admis que les prescripteurs pourraient être confrontés en pratique à des situations de besoin au cas par cas. À ce titre, il est en particulier admis, que des situations à risque élevé d’acquisition du VIH sont identifiées chez des personnes hétérosexuelles nées en Afrique subsaharienne ou vivant en Guyane » 4.

En effet, après les HSH, les populations africaines (pour la plupart d’Afrique subsaharienne) et caribéennes sont les plus affectées par l’épidémie en France. Parmi les nouveaux diagnostics VIH posés en 2013, 31% concernaient une personne née dans un pays d’Afrique subsaharienne 5. Les taux départementaux de prévalence d’affection de longue durée (ALD 7) pour VIH en 2013 étaient particulièrement élevés dans les départements de Paris (quartiers nord-est) et de Seine-Saint-Denis (communes limitrophes de Paris notamment) 6,7.

Des résultats récents ont montré que ces infections ne sont pas seulement dues aux situations épidémiques dans les pays d’origine, mais aussi à des contaminations en France : on estime ainsi entre 35% et 49% la part des Africains suivis pour un VIH en France qui ont été infectés après leur migration 8. Les conditions de vie précaires souvent rencontrées lors de l’installation en France augmentent l’exposition au risque VIH 9. La prévention doit donc être renforcée dans ce groupe, et la PrEP pourrait être l’un des outils pour une prévention combinée efficace. Il est cependant nécessaire d’évaluer l’acceptabilité et la faisabilité de la PrEP comme stratégie de prévention du VIH dans ce groupe de population, car à l’heure actuelle en France on ne dispose d’éléments sur son acceptabilité que dans la population des HSH. L’objet de l’étude exploratoire qualitative présentée dans cet article était d’identifier l’acceptabilité et les obstacles à l’utilisation du Truvada® en PrEP par les populations africaines et caribéennes.

Méthode

Une enquête exploratoire a été menée entre avril et juin 2016 auprès de deux associations conduisant des actions de prévention et de dépistage auprès des populations africaines et caribéennes en Île-de-France, Afrique Avenir et Basiliade. Ces actions de prévention sont menées dans le Nord-Est de Paris (10e et 18e arrondissements) et la proche banlieue (départements 91, 93 et 94). L’association Afrique Avenir propose des tests rapides d’orientation diagnostique (TROD) dans des lieux publics (gares, places de marché, sorties de métro) et, parallèlement, suscite des groupes de discussion sur la prévention du VIH et des risques sexuels dans des lieux de convivialité – les salons de coiffure. Le service Uraca de l’association Basiliade organise tous les mardis une assemblée des femmes où est discutée la prévention des risques, y compris des risques sexuels.

Pour cette enquête exploratoire, une sociodémographe et un enquêteur non issus des communautés africaines et caribéennes ont participé aux actions de prévention et aux groupes de discussion de ces deux associations. À cette occasion, ces dernières ont introduit une information sur la PrEP au sein de leurs activités habituelles. Lors des groupes de discussion, les animateurs associatifs lançaient la discussion sur la PrEP en demandant qui en avait entendu parler. Ensuite, pour ceux qui n’en avaient jamais entendu parler, les acteurs associatifs décrivaient le principe de la PrEP et engageaient une discussion sur l’intérêt de ce mode de prévention, la connaissance que les personnes pouvaient en avoir et l’adéquation de cette méthode avec leurs besoins ou leurs contraintes. Ce travail repose donc majoritairement sur l’analyse des groupes de discussion autour de la PrEP.

Les échanges de ces groupes de discussion ont été collectés et analysés. Ces observations ont concerné 25 discussions dans des salons de coiffure (incluant 59 hommes et 12 femmes) et une discussion lors d’une assemblée des femmes (8 femmes). Les observations ont mis en évidence la constitution de groupes favorables aux échanges selon la disposition des salons de coiffure, qui elle-même conditionnait la place occupée par les acteurs de la prévention, les personnes enquêtées (patrons et clients) et les enquêteurs. Parallèlement, des entretiens individuels ont permis d’approfondir les échanges avec 7 personnes (2 femmes, 5 hommes) et avec une animatrice d’Afrique Avenir, qui a retracé l’évolution des actions de prévention dans les salons de coiffure. La collecte d’information a donc combiné observation participante, groupes de discussion et entretiens individuels non directifs.

La durée moyenne des discussions était de 40 minutes. Les réactions ont été transcrites de manière précise dans un cahier. Une approche basée sur l’analyse du discours 10 a permis d’identifier quatre thèmes récurrents dans les récits en rapport avec le sujet de la recherche : la PrEP, les relations affectives actuelles, les prises de risque et la protection par rapport au risque. Pour chacun des thèmes, nous avons regroupé les énoncés pour ensuite les classer en fonction de leur pertinence et adresser les questions liées à l’acceptabilité et la faisabilité de la PrEP dans cette population.

Résultats

Aucune des personnes originaires d’Afrique ou des Caraïbes rencontrées au cours de ces actions n’avait déjà entendu parler de la PrEP. Les acteurs associatifs ont été les premiers à leurs expliquer le principe de cette nouvelle offre de prévention et les conditions de la RTU. Il faut noter qu’au moment où s’est déroulée l’enquête, il n’existait pas encore de document d’information sur la PrEP à destination de cette population. Il ressort de ces discussions les éléments suivants sur l’acceptabilité de la PrEP et les obstacles perçus.

Acceptabilité

Les personnes interrogées soulignent un double avantage à l’utilisation du Truvada® : se protéger soi-même lorsqu’on prend des risques et se protéger de son partenaire si on pense qu’il a pris des risques. Le remboursement du traitement par la sécurité sociale est un élément favorable à son acceptabilité. Les acteurs associatifs, conformément à la RTU, ont indiqué que le Truvada® pouvait être prescrit aux « personnes à haut risque d’infection du VIH ». Ils donnaient l’exemple d’une femme qui serait contrainte à des rapports sexuels non protégés en contrepartie d’un hébergement. Les personnes interrogées ont réagi en identifiant, à partir de leurs expériences, trois autres types de situations qui leur paraissent être à haut risque d’infection VIH et donc susceptibles d’entrer dans le cadre de la RTU de la PrEP.

Premièrement, les relations occasionnelles sans protection, qui sont décrites dans les discussions comme « fréquentes ». Selon les hommes rencontrés, la prescription d’une PrEP à la demande est nécessaire face à la difficulté d’utiliser des préservatifs. Ils invoquent un manque de fiabilité du préservatif qui peut craquer ou être troué : « On ne peut pas avoir 100% confiance, tu mets la chaussette et elle est trouée avant que tu arrives à la porte ». L’inconfort est un autre argument à la désaffection du préservatif : « Je ne peux tout simplement pas, ça me bloque ». Enfin, l’alcool peut conduire à oublier l’usage du condom. Le risque se mesure à la « bonne mine » du partenaire. « La corpulence, c’est la santé ». Une personne qui n’est pas rachitique, pas souffrante ou qui est sportive est considérée comme non concernée par le VIH. Enfin, la protection divine ou la fatalité peuvent être invoquées pour légitimer l’absence de protection, sans que cela soit d’ailleurs en cohérence avec une pratique religieuse assidue.

Deuxièmement, la mise en couple. Pour marquer sa confiance à son nouveau partenaire, l’utilisation du préservatif est rapidement délaissée, sans pour autant qu’il y ait eu auparavant de dépistage du VIH chez les deux partenaires. Dans ce type de relation, le risque peut être pallié par la prise de Truvada® car « c’est plus facile d’avoir une pilule dans sa poche ».

Troisièmement, le couple stable, au sein duquel il apparait très difficile de se protéger du risque d’infection du VIH. Les femmes notamment ont pointé la difficulté « d’imposer » le préservatif à un mari susceptible d’avoir des rapports sexuels extra-conjugaux non protégés. Les femmes qui vivent dans un couple séparé géographiquement identifient la PrEP comme une solution qui leur serait utile : « J’ai besoin de la PrEP, je pars bientôt rejoindre mon mari au Congo. Je sais pas ce qu’il fait là-bas ». Autre situation, les femmes dont le mari « triche dehors » souhaiteraient prendre le médicament le temps que la confiance revienne dans le couple. Pour ces femmes, disposer de la PrEP leur permettrait de se protéger en toute discrétion du risque de contamination du VIH par leur mari et de s’assurer un statut sérologique négatif. Jusqu’à présent, elles se servent du dépistage pour connaitre leur statut sérologique et, de manière indirecte, celui de leur mari. L’angoisse d’une infection éventuelle entre deux dépistages renforce leur intérêt à utiliser de la PrEP.

Ainsi, divers types de situations à risque d’infection par le VIH ressortent des discours entendus et soulignent le besoin de prévention ressenti par cette population. Les hommes sont intéressés par une prise à la demande lors d’une période d’activité sexuelle à risque. Les femmes souhaitent pouvoir y recourir sur certaines périodes pendant lesquelles elles craignent que le comportement de leur partenaire les expose au VIH. Il ressort de ces discours qu’au « final tout le monde est à haut risque » et peut être intéressé par le traitement de PrEP à un moment ou à un autre de sa vie sexuelle.

Freins à la faisabilité

Les personnes rencontrées au cours de l’enquête comprennent le message préventif lié à la PrEP et connaissent les modes de transmission du virus. Elles définissent cependant quatre contraintes qui, selon elles, feront obstacle à l’utilisation de cette nouvelle offre de prévention.

Première contrainte, la difficulté d’accès. Le fait qu’il faille nécessairement se rendre dans une consultation hospitalière pour bénéficier du traitement suscite diverses inquiétudes. Dans la mesure où le médicament ne peut pas être prescrit par un professionnel de santé de proximité, comme le médecin généraliste ou le gynécologue, ni être acheté en pharmacie, cela peut laisser penser que cette stratégie n’en est qu’à « l’étape de test » (dans le sens expérimental). De plus, devoir se rendre à l’hôpital est un frein réel car ce lieu représente la maladie : « À l’hôpital on te trouve toujours quelque chose ». Pour autant, l’hôpital est également évoqué comme un endroit assurant l’anonymat, contrairement aux emplacements des TROD où la personne peut être vue.

Deuxièmement, le doute qu’une « simple pilule » puisse prévenir l’infection du VIH. Qu’il soit si simple d’éviter la menace de l’infection par le VIH semble miraculeux : « on arrive à créer une pilule pour prévenir l’infection mais on n’arrive pas à créer un vaccin pour guérir de la maladie ? ».

Troisièmement, le mode de délivrance a été spontanément abordé par les personnes enquêtées. Le Truvada® est la première offre de prévention du VIH destinée aux séronégatifs sous forme de pilule. Les femmes en particulier font le parallèle avec la pilule contraceptive : elles souhaitent connaitre les conséquences en cas d’oubli de prise du médicament. Comparativement à la pilule contraceptive elles demandent s’il existe une « pilule du lendemain » de Truvada®11. Certaines disent qu’elles aimeraient bénéficier du médicament sous forme d’un implant ou d’une injection et ainsi éviter une prise journalière de « pilule ».

Enfin, les effets secondaires. Les personnes enquêtées ont évoqué la compatibilité de la prise d’un médicament de manière régulière avec une consommation d’alcool ou les difficultés à concevoir un enfant. Du fait de la mise en place récente du dispositif, son efficacité et les connaissances du milieu médical sur les effets à long terme sont questionnées. L’absence de protection contre des infections sexuellement transmissibles et les hépatites est également présentée comme une réelle faiblesse par rapport au préservatif.

Face aux réticences exprimées par les personnes interrogées, soulignons l’importance du rôle des acteurs associatifs pour déconstruire des représentations et renouveler les informations quant aux modes de transmission de l’infection ou aux moyens de prévenir et de traiter la maladie. La question de la PrEP apparait clairement comme un outil de sensibilisation aux risques sexuels et aux modes de protection du VIH.

Discussion – conclusion

Cette enquête exploratoire s’est déroulée seulement quelque mois après l’octroi de la RTU à la PrEP, à un moment où aucune action de communication à ce sujet n’avait encore été développée vers les populations originaires d’Afrique ou des Caraïbes, et dans un contexte d’ouverture progressive des consultations PrEP en France. Ces résultats sont donc uniquement à visée exploratoire, préliminaires à la mise en place d’une enquête plus détaillée. À ce titre, ils n’ont aucune prétention de quantification : nous ne pouvons ici ni mesurer le niveau de connaissances et de pratiques de la PrEP dans cette population, ni estimer la taille de la population qui devrait ou pourrait être ciblée par ce nouveau mode de prévention. En outre, la parole des femmes et des homosexuels sur la connaissance et l’acceptabilité à utiliser la PrEP comme mode de prévention est sous-représentée. Cette limite s’explique par la proportion très majoritaire d’hommes dans les salons visités et par la difficulté à réaliser des entretiens individuels sur les lieux de déploiement des actions associatives, qui étaient des espaces collectifs.

Cependant, cette enquête apporte des éléments inédits sur l’acceptabilité de la PrEP auprès des personnes enquêtées, originaires d’Afrique et des Caraïbes et vivant en Île-de-France. Les discussions menées dans le cadre des actions des deux associations de lutte contre le VIH confirment que les personnes enquêtées sont sensibilisées au risque du VIH et à la nécessité de la prévention, comme cela avait déjà été rapporté par l’enquête KABP auprès des Africains en Île-de-France 12. Elle suggère que la PrEP apparait, dans ces populations africaines et caribéennes, comme un outil utile et tout à fait envisageable, sous réserve cependant de lever les confusions ou les inquiétudes qu’elle peut susciter : amalgame avec la pilule, qui peut entrainer des inquiétudes quant à l’effet sur la fécondité ; crainte des effets secondaires ; réticences à aller à l’hôpital pour un traitement préventif ; questionnement autour du rôle préventif du médicament, que ce soit pour les personnes séropositives (TasP : traitement comme prévention) ou séronégatives (PrEP).

Par ailleurs, pour réduire la transmission du VIH, l’utilisation devra être combinée à d’autres offres de prévention comme le dépistage. Notre enquête exploratoire a notamment confirmé que subsistent des difficultés dans l’utilisation du préservatif, en particulier dans certains contextes relationnels, qui légitimeraient de développer ce type d’outil de prévention dans la population enquêtée. La PrEP a aussi un effet mobilisateur permettant aux acteurs associatifs d’évaluer les connaissances des modes de prévention des populations africaines et caribéennes et de renforcer l’information.

Comment promouvoir aujourd’hui cette nouvelle offre de prévention et faciliter son usage ? La communication autour de ce nouvel outil doit être adaptée pour tenir compte des attentes (situations dans lesquelles la PrEP parait nécessaire) et des craintes (effets secondaires, infertilité supposée). Les groupes de discussion apportent des informations pouvant contribuer au renforcement de la communication. Il apparaît utile de 1) diversifier les supports d’informations selon les lieux de santé fréquentés (centre de planning familial, médecine générale, consultation de gynécologie, TROD…) et selon le genre, car la sexualité prend place au sein de rapports de pouvoirs inégalitaires entre hommes et femmes ; 2) préciser les modalités d’utilisation de la PrEP : à la demande (au moment des périodes d’activité sexuelle, recommandé jusqu’à présent aux hommes) ou en continu, selon les situations ; 3) lever les confusions entre les différents types d’utilisation préventive des antirétroviraux : TasP, TPE (traitement post-exposition), PrEP (prophylaxie pré-exposition).

De plus, cette nouvelle offre de prévention du VIH doit être pensée au sein d’un dispositif global de politique sociale et de santé. Les difficultés d’installation en France (obtention d’un titre de séjour, d’un logement et d’un travail), notamment en Île-de-France, qui entraînent une longue période de précarité après l’arrivée, tiennent plus aux conditions d’accueil (longueur du processus de régularisation, marché du travail segmenté, discriminations) qu’aux caractéristiques individuelles des arrivants 13. La question de la santé et de la prévention du VIH chez les populations africaines et caribéennes s’inscrit dans ce parcours d’installation et implique de prendre en compte les divers besoins élémentaires des personnes afin qu’elles soient en capacité de mettre en œuvre une prévention des risques sexuels.

Remerciements

Cette enquête exploratoire sur l’acceptabilité et la faisabilité de la PrEP auprès des populations africaines et caribéennes a bénéficié d’un appui financier de l’Agence nationale de recherche contre le sida et les hépatites virales (ANRS) et de l’European Research Council (ERC), ainsi que d’un appui logistique de la Fondation Maison des sciences de l’homme (FMSH).
Les auteurs remercient toutes les personnes qui ont accepté de participer à cette enquête exploratoire ainsi que les associations qui ont apporté leur soutien à cette recherche. Nous remercions particulièrement Romain Mbiribindi (directeur) et Faya Tess (médiatrice santé) de l’association Afrique Avenir. Nous remercions également Fati Abdou (coordinatrice du service Uraca) ainsi que Thiphaine Avrillon et Aissatou Gnabaly (responsables de l’action – Assemblée des femmes) du service Uraca de l’association Basiliade.

Références

1 Molina JM, Capitant C, Spire B, Pialoux G, Cotte L, Charreau I, et al. ANRS IPERGAY Study Group On-demand pre-exposure prophylaxis in men at high risk for HIV-1 infection. N Engl J Med. 2015;373(23): 2237-46.
2 McCormack S, Dunn DT, Desai M, Dolling DI, Gafos M, Gilson R, et al. Pre-exposure prophylaxis to prevent the acquisition of HIV-1 infection (PROUD): effectiveness results from the pilot phase of a pragmatic open-label randomised trial. Lancet. 2016;387(10013):53-60.
3 Grant RM, Lama JR, Anderson PL, McMahan V, Liu AY, Vargas L, et al. iPrEx Study Team. Pre-exposure chemoprophylaxis for HIV prevention in men who have sex with men. N Engl J Med. 2010;363(27):2587-99.
4 Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Argumentaire de l’ANSM justifiant l’utilisation de Truvada dans la prophylaxie pré-exposition au VIH dans le cadre de la RTU. Saint-Denis: ANSM; 2015. 14 p. http://ansm.sante.fr/S-informer/Points-d-information-Points-d-information/La-RTU-Truvada-dans-la-prophylaxie-Pre-Exposition-PrEP-au-VIH-etablie-par-l-ANSM-est-effective-Point-d-Information
5 Cazein F, Pillonel J, Le Strat Y, Pinget R, Le Vu S, Brunet S, et al. Découvertes de séropositivité VIH et de sida, France, 2003-2013. Bull Epidémiol Hebd. 2015;(9-10):152-61. http://opac.invs.sante.fr/index.php?lvl=notice_display&id=11607
6 Halfen S. Évolution récentes du VIH dans les populations et les territoires franciliens. Bulletin de santé. 2015;(22):1-3. http://www.ors-idf.org/dmdocuments/2015/bulletinDeSante22_2015.pdf
7 Halfen S. Des territoires et des populations diversement touchés par le VIH/sida. Bulletin de santé. 2014;(21):1-5. http://www.ors-idf.org/dmdocuments/2014/Bulletin21.pdf
8 Desgrées du Loû A, Pannetier J, Ravalihasy A, Gosselin A, Supervie V, Panjo H, et al. groupe ANRS-Parcours. Migrants subsahariens suivis pour le VIH en France : combien ont été infectés après la migration ? Estimation dans l’Étude Parcours (ANRS). Bull Epidémiol Hebd. 2015;(40-41):752-8. http://opac.invs.sante.fr/index.php?lvl=notice_display&id=12757
9 Desgrées du Loû A, Pannetier J, Ravalihasy A, Le Guen M, Gosselin A, Panjo H, et al. PARCOURS Study Group. Is hardship during migration a determinant of HIV infection ? Results from the ANRS PARCOURS study of sub-Saharan African migrants in France. AIDS. 2016;30(4):645-56.
10 Foucault M. L’archéologie du savoir. Paris: Gallimard; 2002. 288 p.
11 Myers JE, Sepkowitz KA. A pill for HIV prevention: Déjà vu all over again? Clin Infect Dis. 2013;56(11):1604-12.
12 Beltzer N, Fénies K, Halfen S, Lert F, Le Vu S, Lydié N. Les populations africaines d’Île-de-France face au VIH-sida. Connaissances, attitudes, croyances et comportements. Saint-Denis: Institut de prévention et d’éducation pour la santé; 2007. 176 p. http://inpes.santepubliquefrance.fr/CFESBases/catalogue/pdf/1044.pdf
13 Gosselin A, Desgrées du Loû A, Lelièvre E, Lert F, Dray-Spira R, Lydié N. Migrants subsahariens : combien de temps leur faut-il pour s’installer en France ? Population et Sociétés. 2016;(533):1-4. https://www.ined.fr/fr/publications/population-et-societes/migrants-subsahariens/

Citer cet article

Hadj L, Desgrées du Loû A, Dupont J, Nguyen VK. Acceptabilité et freins chez les populations africaines et caribéennes vivant en Île-de-France d’une nouvelle offre de prévention du VIH : le Truvada® en prophylaxie pré-exposition (PrEP). Une enquête exploratoire. Bull Epidémiol Hebd. 2017;(6):110-4. http://invs.santepubliquefrance.fr/beh/2017/6/2017_6_2.html