Le Centre de lutte anti-tuberculose de la Seine-Saint-Denis : activité 2013-2015

// The TB Health Centre of Seine-Saint-Denis: activities from 2013 to 2015

Laura Sulli1 (lsulli@seinesaintdenis.fr), Floréale Mangin1, Isabelle Nicoulet1,2, Robert Matra1, Agnès Duhamel1, Mathilde Marmier1
1 Département de la Seine-Saint-Denis, Bobigny, France
2 Équipe de recherche Éducation – Éthique – Santé, université François-Rabelais, Tours, France
Soumis le 12.06.2017 // Date of submission: 06.12.2017
Mots-clés : Tuberculose | Centre de lutte anti-tuberculose | Surveillance | Seine-Saint-Denis
Keywords: Tuberculosis | TB Health Centre | Surveillance | Seine-Saint-Denis

Résumé

En 2015, la Seine-Saint-Denis avait le taux d’incidence de tuberculose le plus élevé de France métropolitaine avec 24,6 cas/100 000 habitants.

Le Centre de lutte anti-tuberculose (Clat) du département de la Seine-Saint-Denis est, depuis 2015, constitué d’une cellule alerte et de trois centres départementaux de prévention santé (CDPS). Les résultats présentés concernent le dépistage des sujets contacts des cas de tuberculose déclarés dans ce département et les dépistages actifs sur la période 2013-2015.

Le Clat a atteint ses objectifs de dépistage autour des cas index et l’application généralisée des recommandations de 2013 devrait se traduire par une progression du taux de tuberculoses dépistées chez les sujets contacts (0,94% sur la période). Entre 2013 et 2015, 89 tuberculoses secondaires ont été diagnostiquées autour de 58 cas index et 1 436 infections tuberculeuses latentes ont été retrouvées autour de 576 cas index.

La stratégie de dépistage actif en direction des publics les plus à risque de tuberculose semble pertinente, avec des taux de rendement élevés (339/105 dépistages radiographiques).

Si les données collectées permettent d’analyser les caractéristiques des cas index, le Clat doit poursuivre l’amélioration du recueil des informations sur les sujets contacts. La création d’une cellule alerte centralisée doit également participer à l’amélioration de la qualité du recueil.

Abstract

Tuberculosis (TB) incidence rate in Seine-Saint-Denis (France) was higher than in the rest of the mainland France in 2015, with 26.4 cases / 100,000 inhabitants.

Since 2015, the TB Health Center of Seine-Saint-Denis is composed of one coordination unit and three screening and prevention centers. The data presented result from the contacts investigations and targeted screening in Seine-Saint-Denis for the period 2013-2015.

The TB Health Center reaches its screening goals around TB cases. The general application of the 2013 guidelines should lead to an increase in the rates of cases screening in contacts investigations (0.94% for the period). Between 2013 and 2015, 89 secondary tuberculosis cases were diagnosed around 58 TB cases, and 1,436 latent TB infections were found for 576 TB cases.

The targeted active screening strategy towards higher risk groups seems relevant with high rates of TB detection (339/105 chest X-ray).

The TB Health Centre should improve data collection on TB exposed people. The coordination unit should contribute to improve data quality.

Introduction

En 2015, la Seine-Saint-Denis avait le taux d’incidence de tuberculose le plus élevé de France métropolitaine, avec 24,6 cas/100 000 habitants 1. Troisième département français en terme de population, il était le premier en nombre de cas de tuberculose. Les missions de lutte contre cette maladie sont exercées par le département, en délégation de l’État.

Les champs d’action du Centre de lutte anti-tuberculose (Clat) se décomposent en plusieurs axes, dont quatre principaux analysés dans cette étude. Il s’agit : (1) des enquêtes dans l’entourage des cas de tuberculose, (2) du dépistage des personnes identifiées comme sujets contacts (SC) d’un cas index (CI), (3) du diagnostic et du suivi des infections tuberculeuses latentes (ITL) et (4) du dépistage actif auprès des populations les plus à risque.

Le Clat dépend du Service de la prévention et des actions sanitaires du département. Il est organisé autour d’un site central à Bobigny (siège du département) et, pour l’accueil du public, de trois centres départementaux de prévention santé (CDPS) localisés à Saint-Denis, Aubervilliers et Montreuil (figure 1). Des consultations délocalisées, à destination des migrants primo-arrivants, ont lieu au Centre d’accueil, de soins et d’orientation de Médecins du Monde (Caso) de Saint-Denis depuis 2010 et à Clichy-sous-Bois depuis 2012 (dans le cadre d’un dispositif expérimental et partenarial à destination des familles primo-arrivantes).

Le Clat s’est restructuré en 2014 avec la création d’une cellule alerte en site central et la fusion de plusieurs CDPS, dans le but de disposer d’équipes de taille plus importante et de faciliter la continuité de service tout en augmentant les actions hors les murs. Le nombre de CDPS est passé de six à trois (deux prévus au terme de la réorganisation en 2018). La cellule alerte centralise désormais la réception des déclarations obligatoires (DO). Elle réalise la pré-enquête auprès des établissements et professionnels déclarants et attribue les enquêtes aux CDPS en fonction du lieu de résidence du CI. Jusqu’en 2015, une équipe mobile était spécifiquement en charge du dépistage actif de la tuberculose. Cette activité est désormais entièrement intégrée aux centres.

Figure 1 : Organisation du Centre de lutte anti-tuberculose (Clat) de Seine-Saint-Denis (France)
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La stratégie de la lutte contre la tuberculose repose essentiellement sur des dépistages autour d’un cas, l’objectif étant d’interrompre la chaîne de contamination. Cela représente deux tiers de l’activité de consultation médicale.

L’activité de dépistage est conduite par les CDPS, chacun étant responsable d’un territoire dont le périmètre a été défini selon le nombre moyen de CI. Elle est assurée par des équipes pluridisciplinaires : médecins, infirmiers, secrétaires, médiateur santé et assistantes sociales, qui ont pour missions d’effectuer les enquêtes autour des cas de tuberculose et de réaliser les dépistages dès réception du signalement d’un cas contagieux. Ces équipes assurent également la prise en charge thérapeutique de la quasi-totalité des ITL chez les patients âgés de plus de 2 ans ainsi que le suivi de quelques cas particuliers de tuberculose maladie.

Cette stratégie est renforcée par des actions volontaristes de dépistage actif (parfois nommé ciblé) de la tuberculose maladie, proposées à des populations particulièrement à risque (résidents en foyers de travailleurs migrants, en bidonville, migrants primo-arrivants…). Opérationnel depuis 2010, ce plan renforce la stratégie de lutte contre la tuberculose. Ses objectifs sont fixés annuellement, en concertation avec l’Agence régionale de santé (ARS).

Cette étude porte sur le dispositif de lutte anti-tuberculose en Seine-Saint-Denis et présente une analyse des données 2013-2015 relatives aux différentes activités de dépistage menées par le Clat, en lien avec les objectifs de santé publique décrits par le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) 2. Les dépistages autour des cas de tuberculose sont analysés dans une première partie et les dépistages actifs dans une seconde.

Méthode

Recueil et analyse des données

Les données analysées concernent l’ensemble des cas de tuberculose et d’ITL déclarés en Seine-Saint-Denis, les résultats du dépistage des SC et les résultats des dépistages actifs sur la période 2013-2015. Les informations recueillies par les professionnels via la DO, lors des enquêtes d’entourage et au cours des dépistages, sont saisies dans le logiciel DAMOC® (Epiconcept) depuis 2013.

Les analyses ont été effectuées à l’aide du logiciel SAS® version 9.2 (SAS Institute Inc., Cary, NC, États-Unis), les cartographies avec le logiciel QGIS® version 2.14.9.

Définitions

L’enquête pour identifier les SC peut se faire au cours d’un entretien au lit du CI, à son domicile, par téléphone ou dans le centre de dépistage.

La notion de milieu du SC est définie par le type de lien qui le relie au CI. Le milieu est déterminé lors de l’enquête d’entourage : il peut s’agir d’un milieu d’habitat individuel (vivant sous le même toit), d’un lien familial ou amical, d’un milieu d’hébergement collectif, d’un milieu professionnel, etc.

Les tuberculoses pulmonaires comprennent les atteintes du parenchyme pulmonaire, de l’arbre trachéo-bronchique et du larynx. Les formes respiratoires incluent les formes pulmonaires, laryngées, pleurales, ganglionnaires endothoraciques, du médiastin, du rhinopharynx, du nez et des sinus de la face 2.

Les tuberculoses sont bacillifères lorsque l’examen microscopique (direct) des prélèvements respiratoires met en évidence des bacilles acido-alcoolo-résistants (Baar), signe d’une plus grande contagiosité que lorsque les bacilles ne sont retrouvés qu’après mise en culture (la contagiosité étant définie par la présence de bacilles dans les formes respiratoires). Les tuberculoses dont l’examen direct est positif sont nommées EM+ dans cette étude 2.

Résultats

Activité de dépistage autour des cas

Sur la période 2013-2015, ont été déclarés au Clat 1 230 CI résidant en Seine-Saint-Denis et 558 CI non-résidents mais ayant des SC dans le département. Les cas de tuberculose réfutés (N=41), ayant nécessité les mêmes procédures, ont été conservés dans l’analyse. Le Clat est intervenu pour 34% des CI franciliens (N=5 307 3).

Les notifications étaient, pour 97,6%, de source hospitalière. Près de 57% d’entre elles provenaient d’établissements de Seine-Saint-Denis et 32% d’hôpitaux parisiens (figure 2), le reste émanant essentiellement des hôpitaux du Val-de-Marne, des Hauts-de-Seine et du Val-d’Oise.

Figure 2 : Nombre de cas index domiciliés en Seine-Saint-Denis (France) par hôpital déclarant au Centre de lutte anti-tuberculose (Clat), 2013-2015
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Le Clat a mené 1 031 enquêtes, permettant d’identifier 14 424 SC à dépister (figure 3). Le Clat a également contribué au dépistage autour de 558 CI résidant hors de Seine-Saint-Denis. Les enquêtes étaient indiquées comme initiées pour la quasi-totalité (96,2%) des 794 CI présentant une tuberculose positive à l’examen direct ou avec caverne à la radiographie.

Sur les 14 424 SC identifiés, 86% ont été pris en charge par le Clat de Seine-Saint-Denis (10% par un autre Clat et 4% déclarés non concernés malgré une première identification lors de l’enquête auprès du CI).

Au total, le Clat a dépisté 81% des SC identifiés résidant dans le département (figure 3) ; ce taux atteignait 83,4% pour les SC autour des CI EM+ ou avec caverne à la radiographie.

Figure 3 : Activité de dépistage autour des cas de tuberculose déclarés en Seine-Saint-Denis (SSD), 2013-2015, France
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Le taux de SC dépistés variait selon les milieux, dépassant 80% dans l’entourage proche (sous le même toit, milieu personnel), le milieu professionnel et dans les collectivités (accueil de la petite enfance, établissements scolaires et universitaires…). Il était plus faible dans les milieux hospitaliers, les hébergements collectifs et les prisons.

Parmi les SC dépistés, le taux d’ITL était de 13,5% (tableau). Les contacts étant plus étroits et plus fréquents, ce taux était logiquement plus élevé dans l’entourage proche, avec au total près de 22,7% d’ITL dépistées (27,7% sous le même toit, 18,6% en milieu personnel).

Tableau : Résultats des dépistages effectués par le Centre de lutte anti-tuberculose de Seine-Saint-Denis (SSD) autour des cas de tuberculose, par milieu, France, 2013-2015
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Caractéristiques des tuberculoses secondaires

Sur la période 2013-2015, 89 cas de tuberculoses secondaires ont été diagnostiqués autour de 58 CI différents (dont 5 résidant hors de Seine-Saint-Denis) (figure 3), soit en moyenne 1,5 cas secondaire par CI. Près des deux tiers (72%) étaient retrouvés autour de CI EM+ ou avec caverne à la radiographie. Le nombre maximal de patients avec tuberculose secondaire pour un même CI était de 8. Les trois enquêtes avec le plus de cas groupés (respectivement 4, 6 et 8) concernaient des milieux intra-familiaux, autour de CI atteints de tuberculoses pulmonaires. Les tuberculoses secondaires ont été dépistées pour 83% d’entre elles en cercle étroit (vivant sous le même toit, milieu personnel).

Le taux de tuberculoses secondaires diagnostiquées était de 0,94% pour les SC dépistés par le Clat et atteignait 1,2% autour des CI EM+ ou avec caverne à la radiographie (le taux est calculé en rapportant les tuberculoses secondaires aux SC dépistés, après déduction des ITL).

Sur les 58 CI, 52 présentaient des tuberculoses respiratoires, dont 6 avec atteinte d’un organe extra-respiratoire et 49 avec une atteinte pulmonaire ; 84,2% des tuberculoses avaient été confirmées bactériologiquement (examen direct ou culture).

Les tuberculoses secondaires concernaient 53% d’hommes ; l’âge moyen était de 21,6 ans (minimum un an, maximum 70 ans). Les patients concernés présentaient, pour 90,7% d’entre eux, au moins une atteinte respiratoire. Les prélèvements respiratoires étaient négatifs à l’examen direct pour 68,6% et 41,9% des cas secondaires ont été confirmés bactériologiquement. Près de 70% des cas résidaient en logement individuel. Il est difficile de caractériser davantage les tuberculoses secondaires en raison d’un nombre important de données manquantes (47% pour l’item couverture sociale, 29% pour le pays de naissance).

Caractéristiques des ITL diagnostiquées

Sur la période d’étude, 1 436 ITL ont été diagnostiquées autour de 576 CI différents (figure 3). Le nombre maximal d’ITL pour un même CI était de 25, avec une moyenne de 2,5. L’enquête ayant permis le diagnostic de 25 ITL autour du même CI concernait une lycéenne, pour laquelle 50% des SC familiaux et de sa classe avaient une ITL.

Le taux d’ITL parmi les SC dépistés par le Clat était de 13,5%. Autour des patients EM+ ou avec caverne à la radiographie, ce taux était de 15,1% et il atteignait 27,5% en milieu personnel et sous le même toit.

Les cas sources étaient pour 479 des tuberculoses respiratoires, 75 respiratoires et extra-respiratoires, et 21 extra-respiratoires ; 80,6% étaient des tuberculoses pulmonaires. On dénombrait 80,5% de tuberculoses confirmées bactériologiquement.

Les patients ITL étaient pour 53% des hommes. Il y a eu 297 ITL chez les moins de 15 ans sur la période 2013-2015. L’âge moyen de l’ensemble des ITL diagnostiquées était de 16,5 ans, et de 6,7 ans pour les moins de 15 ans. Au moins 84,2% des ITL avaient été traitées, mais le suivi thérapeutique n’étant pas renseigné de manière exhaustive, cette proportion est vraisemblablement sous-estimée. Les taux élevés de données manquantes ne permettent pas d’analyser plus finement les caractéristiques sociodémographiques des ITL diagnostiquées (elles dépassent 50% pour la couverture sociale, les conditions de logement et le pays de naissance).

Dépistage actif

Dans le cadre du dépistage actif (figure 4), 7 661 radiographies ont été réalisées :

38,4% auprès des personnes accueillies au Caso de Médecins du Monde à Saint-Denis ;

55,1% auprès des résidents en foyers de travailleurs migrants ;

3,3% en bidonville ;

3,2% auprès des familles primo-arrivantes (consultation de Clichy-sous-Bois).

L’objectif fixé avec l’ARS pour la période étant de 9 170 radiographies, le taux de réalisation était donc de 83,5%.

Ces radiographies ont permis de détecter 26 tuberculoses (19 au Caso, 5 en foyers de travailleurs migrants et deux en bidonville), soit un taux de 339/105 dépistages radiographiques. Les taux de rendement les plus élevés sont en bidonville et au Caso, avec respectivement 784/105 et 646/105 dépistages radiographiques. La différence n’est pas significative entre le Caso et les bidonvilles.

Figure 4 : Nombre de radiographies et taux de rendement* en dépistages actifs menés par le Centre de lutte anti-tuberculose de Seine-Saint-Denis (France), 2013-2015
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Discussion

Objectifs atteints de dépistage autour des cas index

Le taux d’enquêtes déclenchées autour des CI EM+ (plus de 96%) atteint presque l’objectif du HCSP, qui est de 100% 2. Les enquêtes non débutées peuvent concerner des notifications arrivées tardivement, des patients perdus de vue (notamment en cas de délai important entre le prélèvement et le diagnostic), mais il peut s’agir aussi d’une saisie non exhaustive des données.

La proportion de sujets contacts dépistés dépasse l’objectif fixé à 80% pour les enquêtes autour de cas de tuberculose EM+ 2. La notion de « dépisté » est définie par le HCSP comme la réalisation d’une consultation médicale, d’une radiographie pulmonaire et d’un test immunologique 2. La définition dans notre étude est plus large, puisque est défini comme dépisté un SC ayant eu une consultation médicale ou un test immunologique ou une radiographie. Même si la plupart des SC bénéficient des trois examens, cette différence de définition pourrait être à l’origine d’une surestimation des SC dépistés. Cette définition adaptée s’appuie sur un travail interne au Clat. En 2013, afin de tenir compte des particularités de l’épidémiologie en SSD, les recommandations du HCSP 2 ont en effet été déclinées en protocoles de dépistage. À titre d’exemple, le test immunologique ne permet pas actuellement de distinguer une infection ancienne d’une infection récente. Ainsi, il n’apparaît pas toujours pertinent pour les patients nés ou ayant séjourné dans des pays endémiques. Autrement dit, un dépistage complet ne nécessite pas systématiquement une consultation, une radiographie et un test immunologique. Ces éléments nuancent en partie l’hypothèse d’une surestimation dans le calcul du taux de SC dépistés.

Les différences dans les taux de cas dépistés selon les milieux témoignent de la plus ou moins grande facilité à mener les enquêtes. En milieu professionnel et en collectivité, les dépistages sont très souvent organisés sur place, avec déplacement des professionnels du Clat pour la réalisation des radiographies pulmonaires et des tests immunologiques. Cette organisation engendre peu de démarches pour les SC, limitant le taux de perdus de vue.

Les dépistages en milieu pénitentiaire sont plus complexes 2 du fait des contraintes sécuritaires, des flux d’entrées et sorties. Ils nécessitent une coordination étroite entre professionnels, pas toujours aisée 4. Des difficultés de mise en place des dépistages s’observent également en milieu hospitalier. La gestion des cas (patients ou personnels) survenant en établissement de santé doit s’organiser en coordination avec l’équipe opérationnelle d’hygiène, les services cliniques et le service de santé du travail.

Ces modalités d’organisation, plus complexes que pour les autres milieux, peuvent expliquer, en partie, le taux de SC dépistés inférieur à celui retrouvé pour l’ensemble des SC. De plus, en milieu hospitalier, les résultats des dépistages effectués ne sont pas toujours transmis, ce qui peut expliquer des taux plus faibles.

Des taux de 10 à 30% d’ITL sont attendus dans le cercle étroit, lors des enquêtes autour des cas de tuberculose EM+ 2. C’est ce qui est observé pour le Clat de Seine-Saint-Denis, ce taux dépassant 27%.

Le taux attendu de tuberculoses-maladies dépistées parmi les SC suivis est fixé à 1% par le HCSP dans les recommandations 2013 pour les enquêtes autour des tuberculoses EM+. En Seine-Saint-Denis, ce taux atteint 1,2%. Il devrait progresser avec la mise en application progressive des nouveaux protocoles de dépistage par le Clat, se traduisant notamment par une diminution des SC à dépister.

Une stratégie de dépistage actif pertinente

Les taux de tuberculoses-maladies dépistées au cours des dépistages actifs atteignent 339/105 avec la radiographie, les rendements étant les plus élevés au Caso et en bidonville. Ces taux, inférieurs à ceux retrouvés au Caso de Paris en 2012 5, ou au Comede (Comité médical pour les exilés) entre 2009 et 2011 6, restent importants. Ils confirment l’intérêt du dépistage actif en direction des populations en situation de précarité, notamment primo-arrivantes. Le travail d’enquête et de dépistage est en effet plus difficile à mener chez les migrants et précaires 6. Le dépistage actif a été élargi en 2016 à d’autres publics (réfugiés, structures de domiciliation pour personnes sans adresse postale…). Le Clat s’assure de la prise en charge effective des personnes orientées pour suspicion de tuberculose à la suite d’un dépistage actif ou autour d’un cas.

Un recueil de données à améliorer

Depuis 2015, le Clat 93 s’est doté d’une cellule alerte tuberculose permettant de centraliser les données épidémiologiques des CI. En développant les relations et les échanges avec les partenaires (hospitaliers notamment), une amélioration du remplissage des DO est observée depuis 2015. Par exemple, les professionnels de la cellule alerte contactent systématiquement les établissements déclarants afin de fiabiliser et/ou compléter les données de la DO. Le Clat doit désormais améliorer le renseignement des dossiers des SC dans son logiciel métier. Certaines données sont perçues comme plus difficiles à recueillir par les professionnels et souvent non demandées aux patients. De plus, les informations recueillies auprès des patients ne sont pas systématiquement saisies dans le dossier informatisé, rendant impossible leur exploitation statistique. En particulier, les taux élevés de données manquantes n’ont pas permis de caractériser finement les cas secondaires de tuberculose ou les ITL sur la période.

Conclusion

Avec un taux d’incidence significativement plus élevé que dans le reste de la France métropolitaine, la tuberculose demeure un problème de santé publique en SSD. Le Clat doit poursuivre l’adaptation de ses activités à la situation épidémiologique et sociale des populations à risque.

Remerciements

Aux médecins et biologistes déclarants, aux personnels du Centre de lutte anti-tuberculose de Seine-Saint-Denis, en particulier le personnel de la cellule alerte et des Centres départementaux de prévention santé, qui contribuent au recueil et à l’amélioration de la qualité des données de surveillance de la tuberculose.
Aux équipes du Centre d’accueil, de soins et d’orientation de Médecins du Monde (Caso) de Saint-Denis et du service santé de Clichy-sous-Bois.

Références

1 Guthmann JP, Aït Belghiti F, Lévy-Bruhl D. Épidémiologie de la tuberculose en France en 2015. Impact de la suspension de l’obligation vaccinale BCG sur la tuberculose de l’enfant, 2007-2015. Bull Epidémiol Hebd. 2017;(7):116-26. http://opac.invs.sante.fr/doc_num.php?explnum_id=10711
2 Haut Conseil de la santé publique (HSCP). Enquête autour d’un cas de tuberculose. Recommandations pratiques. Collection avis et rapports. Paris: HSCP; 2013. 93 p. http://www.hcsp.fr/Explore.cgi/avisrapportsdomaine?clefr=391
3 Santé publique France. Dossier tuberculose. Données épidémiologiques. [Internet]. Saint-Maurice: Santé publique France. http://invs.santepubliquefrance.fr//Dossiers-thematiques/Maladies-infectieuses/Infections-respiratoires/Tuberculose/Donnees-epidemiologiques
4 Cochet A, Isnard H. Tuberculose dans les maisons d’arrêt en Île-de-France. Enquête prospective, 1er juillet 2005-30 juin 2006. Bull Epidémiol Hebd. 2008;(2):12-4. http://opac.invs.sante.fr/doc_num.php?explnum_id=3441
5 Rieutord G, de Champs Léger H, Caubarrere I, Corp E, Blacher J. Évaluation du dépistage de la tuberculose-maladie chez les étrangers en situation précaire dans un centre de santé de Médecins du Monde à Paris en 2012. Bull Epidémiol Hebd. 2015;(29):533-41. http://opac.invs.sante.fr/doc_num.php?explnum_id=10125
6 Romby A, Fleury F, Revault P. Migrants en situation de vulnérabilité et tuberculose, suivi et dépistages autour des cas. Enquête au centre de santé du Comede, France, 2009-2011. Bull Epidémiol Hebd. 2013;(28-29):348-53. http://opac.invs.sante.fr/doc_num.php?explnum_id=9058

Citer cet article

Sulli L, Mangin F, Nicoulet I, Matra R, Duhamel A, Marmier M. Le Centre de lutte anti-tuberculose de la Seine-Saint-Denis : activité 2013-2015. Bull Epidémiol Hebd. 2017;(32):676-82. http://invs.santepubliquefrance.fr/beh/2017/32/2017_32_3.html