Les accidents de la vie courante en France métropolitaine selon l’Enquête santé et protection sociale 2012
// Home and leisure injuries in mainland France based on the Health Care and Insurance Survey, 2012
Résumé
Introduction –
Les accidents de la vie courante (AcVC) constituent un enjeu majeur de santé publique. Ils entraînent chaque année en France plus de 21 000 décès et plusieurs centaines de milliers d’hospitalisations.
Les données de l’Enquête santé et protection sociale (ESPS) ont été analysées dans un double objectif : i) mesurer les taux d’incidence des accidentés en France métropolitaine en 2012 ; ii) identifier les facteurs associés aux AcVC.
Méthodes –
L’enquête ESPS a été réalisée sur un échantillon aléatoire en population générale en France métropolitaine en 2012. Les données ont été collectées par interview en face à face ou par téléphone dans un premier temps, puis par auto-questionnaires auprès des bénéficiaires de l’Assurance maladie et des membres de leurs ménages. Les analyses ont porté sur un échantillon de 16 410 répondants à l’auto-questionnaire dans lequel se trouvait un module sur les AcVC.
Résultats –
Des taux d’incidence d’accidentés en France métropolitaine en 2012 ont été établis : 4,8% des personnes de tous âges ont eu un AcVC dans les trois derniers mois. Plusieurs facteurs associés à la survenue d’un AcVC ont été mis en évidence chez les 15 ans et plus : le fait d’avoir de l’attrait pour le risque, d’être jeune, d’avoir un niveau d’études supérieur au baccalauréat, d’être plutôt en mauvaise santé.
Discussion –
Les résultats d’incidence obtenus avec l’ESPS en 2012 sont proches de ceux de l’ESPS 2004. Les facteurs associés à la survenue d’un AcVC sont généralement les mêmes que ceux retrouvés dans la littérature. Les analyses multivariées ont également permis d’identifier des associations peu retrouvées dans la littérature sur les AcVC. Avoir de l’attrait pour le risque augmenterait la probabilité d’avoir un AcVC en général et un accident de sport et de loisirs en particulier ; la pratique sportive fréquente serait associée à un risque accru d’accident de sport et de loisirs. Ces associations devront être confirmées et précisées dans une optique d’actions de prévention.
Abstract
Introduction –
Home and leisure injuries (HLI) are a major public health issue. Each year in France, they lead to more than 21,000 deaths and several hundred thousand hospitalizations.
HLI’s data from the Health, Health Care and Insurance Survey (ESPS) were analyzed in a dual objective: i) Measure the incidence rates of injured persons in mainland France in 2012; ii) Identify factors associated with HLI.
Methods –
Data concerning the ESPS Survey was collected in a randomized sample representative of the general population in mainland France in 2012. Data were first collected by face to face or phone interviews, and secondly by self-administered questionnaires among beneficiaries of the healthcare insurance system and members of their household. Statistical analyses were conducted on a sample of 16,410 respondents to the self-administered questionnaires, where a module on HLI was included.
Results –
Incidence rates of injured persons in mainland France in 2012 were estimated: 4.8% of the respondents were victims of HLI in the past three months whatever the age. Several factors were associated with HLI among people aged 15 and older: to enjoy taking risks, to be young, to have an upper than secondary education level, and to have a poor health.
Discussion –
According to our results, incidence of HLI remained stable between 2004 and 2012. The factors associated to the occurrence of HLIs are often similar to those established in the literature. Moreover, multivariate analyses also contributed to identify some associations seldom found in the literature on HLIs. Generally, risk-taking would increase the likelihood of having an HLI, particularly a sport or leisure accident; to practice sport on a regular basis would be associated with an increased risk of sport and leisure accident. These results have to be confirmed and detailed to improve primary prevention.
Introduction
Les accidents de la vie courante (AcVC) sont définis comme des traumatismes non-intentionnels qui ne sont ni des accidents de la circulation routière, ni des accidents du travail 1. Ils regroupent ainsi les accidents domestiques, les accidents de sport et de loisirs, ceux survenus à l’école et tous ceux se produisant à un autre moment dans la vie privée. Les AcVC constituent un problème majeur de santé publique. En effet, en France, plus de 21 000 personnes décèdent chaque année d’un AcVC 2, et plusieurs millions sont prises en charge à l’hôpital (urgences et/ou hospitalisations) 3. Une part importante de ces accidents pourrait être évitée par la mise en place d’actions de prévention adaptées qui nécessitent au préalable la mesure de l’incidence des accidentés et l’identification des facteurs de risque.
Dans ce contexte, l’objectif de ce travail était de mesurer l’incidence des accidentés en France métropolitaine en 2012 et d’identifier des facteurs de risques associés à la survenue d’un AcVC à partir des données de l’Enquête santé et protection sociale (ESPS), réalisée par l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes).
Méthode
Population d’étude
Le champ de l’enquête ESPS est celui des ménages ordinaires (hors institutions) résidant en France métropolitaine, dont un membre au moins est assuré à l’un des trois principaux régimes de sécurité sociale (CnamTS, RSI, MSA). La constitution de l’échantillon est basée sur un plan de sondage stratifié sur les trois régimes d’assurance maladie, à deux degrés, avec tirage au sort dans l’échantillon généraliste des bénéficiaires (EGB) d’un bénéficiaire majeur (premier degré), dont on enquêtera tous les membres du ménage (second degré), ce qui permet une représentation des bénéficiaires absents du champ initial (les sections locales mutualistes et régimes spéciaux) 4.
Déroulement de l’enquête et informations recueillies
L’enquête ESPS est multimodale puisqu’elle associe l’interview standardisée directe (par téléphone ou en face à face) et l’envoi ou le dépôt de questionnaires auto-administrés. Les questions concernant les AcVC étaient posées par auto-questionnaire. Une première question permettait d’isoler les personnes victimes d’au moins un AcVC avec un recours à un professionnel de santé (achat en pharmacie, kinésithérapie, soins de médecin, soins infirmiers, urgence, hospitalisation, etc.) au cours des trois mois précédant l’enquête. Ensuite, une série de questions permettait de décrire l’accident et ses conséquences (lieu, activité pratiquée lors de l’accident, lésion causée par l’accident, type de recours aux soins, niveau de limitation dans les 48 heures suivant l’accident). Lorsque le répondant déclarait plusieurs AcVC, l’interrogation portait uniquement sur l’AcVC le plus récent.
En 2012, l’ESPS s’est déroulée en deux vagues successives, une au printemps (entre mars et juin), l’autre en automne (entre octobre et décembre), afin de tenir compte de la saisonnalité de certaines pathologies. L’Irdes a enquêté en face à face tous les ménages dont le bénéficiaire sélectionné était âgé de 65 ans ou plus, ceux dont le bénéficiaire sélectionné était bénéficiaire de la CMUC (Couverture maladie universelle complémentaire) ainsi que ceux dont la « grappe » assurance maladie (un ouvrant droit et ses ayants droit) du bénéficiaire sélectionné comptait plus de cinq personnes.
Analyses des données
L’échantillon global de l’ESPS comptait 23 047 répondants. Un calage sur marges 5 a été appliqué pour le rendre représentatif de la population générale. Les analyses n’ont cependant porté que sur le sous-ensemble des 16 416 répondants à l’auto-questionnaire contenant le module sur les AcVC, dont on a retiré six observations pour lesquelles l’âge (n=5) ou le sexe (n=1) n’étaient pas renseignés. Au total, l’échantillon de travail comportait 16 410 enregistrements.
Des taux d’incidence trimestriels ont été établis directement puisque les répondants étaient interrogés sur la survenue d’un AcVC dans les trois derniers mois précédents l’enquête. À partir de ces taux trimestriels, des taux d’incidence annuels ont été estimés par application d’une méthode déjà utilisée dans l’ESPS 2002 6. L’analyse descriptive de l’AcVC le plus récent a été réalisée sous SAS® Enterprise guide 7.1. Les liaisons entre variables qualitatives ont été testées par le test du Chi2, au seuil de signification de 5%.
L’étude du lien entre différents facteurs associés et la survenue ou non d’un AcVC ayant entraîné le recours à un professionnel de santé (dans les trois mois précédant l’enquête) a été effectué par régression logistique multivariée. Les variables retenues ont été celles qui sont classiquement prises en compte dans ce type d’analyses : les variables sociodémographiques (l’âge, le sexe, la situation professionnelle, le niveau d’études, le statut matrimonial, la taille d’unité urbaine du lieu d’habitation) ; les variables d’état de santé (l’état de santé perçue, l’état de santé mentale, l’indice de masse corporelle, les troubles liés à la consommation d’alcool, la présence de troubles visuels ou auditifs) et les variables relatives aux comportements à risque et à la pratique d’activités sportives.
Ces analyses ont été conduites chez les répondants de 15 ans ou plus uniquement, car plusieurs variables intéressantes pour les analyses n’étaient pas renseignées par les moins de 15 ans. Il a été possible de distinguer trois groupes d’AcVC pour l’analyse : les AcVC dans leur ensemble ; les AcVC ayant entraîné une limitation sévère dans la réalisation des activités habituelles dans les 48 heures ; les accidents de sport et de loisirs. L’analyse sur les accidents de sport et de loisirs a été menée uniquement sur le sous-échantillon des répondants ayant déclaré avoir pratiqué du sport au moins une fois par semaine. Chaque régression logistique intégrait le sexe et l’âge en variable d’ajustement forcé et les variables significatives jusqu’au seuil de 20% en univarié. Les modèles finaux identifiant les facteurs indépendamment associés à la survenue d’un AcVC ont été obtenus par une procédure pas à pas descendante excluant les variables non significatives au seuil de 5%.
Toutes les analyses ont été réalisées sur données pondérées afin de prendre en compte le plan de sondage et la non-réponse. Les pourcentages, les intervalles de confiance (IC) à 95%, les tests statistiques et les odds ratio (OR) ont été calculés à partir des données pondérées. Les effectifs totaux qui apparaissent dans les tableaux sont les effectifs non-pondérés.
Résultats
Caractéristiques de la population étudiée
L’échantillon comprenait 16 410 individus, 7 957 hommes et 8 453 femmes. L’âge médian des répondants était de 40 ans. La proportion de femmes dans l’échantillon de l’ESPS 2012 était de 51,6%, conformément à la proportion observée dans l’ensemble de la population de France métropolitaine en 2012 7. La structure par âge de l’échantillon de l’ESPS 2012 était identique à celle de la population de France métropolitaine en 2012. La part des 0-14 ans était de 18,4%, 12,1% chez les 15-24 ans, 25,8% chez les 25-44 ans, 26,4% chez les 45-64 ans et 17,3% chez les 65 ans et plus. Concernant l’état de santé, 92,9% des répondants de 15 ans et plus déclaraient être en bonne santé (très bonne, bonne, assez-bonne), proche des 90% retrouvés dans l’enquête « Statistiques sur les ressources et conditions de vie » 2009 8.
Taux d’incidence trimestriels des accidentés
Dans l’ESPS 2012, 759 personnes ont déclaré avoir été victimes d’au moins un AcVC nécessitant un recours à des soins au cours des trois derniers mois, 387 hommes et 372 femmes. Le taux brut (sur données pondérées) d’incidence trimestriel des accidentés a été estimé à 4,8% (IC95%:[4,4-5,1]). Les taux d’incidence chez les hommes 4,9% [4,4-5,4] et chez les femmes 4,6% [4,1‑5,1] ne différaient pas significativement (p=0,4), excepté chez les 15-24 ans, pour lesquels le taux d’incidence chez les hommes était significativement plus élevé que chez les femmes (p=0,02) (figure). Les taux d’incidence des accidentés différaient selon l’âge : chez les hommes, ils étaient élevés chez les jeunes (0-24 ans) (figure), ils décroissaient ensuite jusqu’à 64 ans avant d’augmenter de nouveau aux âges plus avancés. Le taux d’incidence le moins élevé était mesuré chez les 45-64 ans et était significativement plus faible que ceux de toutes les autres classes d’âge.
Chez les femmes (figure), le taux d’incidence des accidentées était élevé chez les plus jeunes (0-14 ans), puis diminuait chez les 15-24 ans avant d’augmenter de nouveau et de se stabiliser chez les 25-64 ans. Les taux d’incidence augmentaient de nouveau chez les 65 ans et plus. Le taux d’incidence chez les 65 ans et plus était significativement plus élevé que ceux mesurés chez les 15-24 ans (p=0,02) et les 45-64 ans (p=0,02).
Taux d’incidence annuels des accidentés
Dans l’ESPS, les enquêtés étaient interrogés sur la survenue d’un accident dans les trois mois précédant l’enquête. À partir du taux d’incidence trimestriel calculé dans l’ESPS 2012, le taux d’incidence annuel des accidentés a été estimé (cf. le paragraphe Méthode) à 17,8%. Ainsi, le nombre de personnes résidant en France métropolitaine et ayant eu un AcVC au cours de l’année précédant l’enquête peut être estimé à 11,3 millions (0,178*63 375 971) d’après les données du recensement 2012 de l’Insee 7.
Épidémiologie des accidents
La répartition par âge montre que 20,9% des AcVC ont été déclarés chez les moins de 15 ans et 20,7% chez les 65 ans et plus. Les AcVC étaient majoritairement des accidents domestiques (50,7% des AcVC) et des accidents liés à la pratique de sports ou de loisirs (26,5% des AcVC). Ils causaient le plus souvent des entorses et des luxations (30,5% des AcVC), les membres inférieurs étant le plus souvent touchés (38,8 % des AcVC), et près de la moitié des accidentés (48,9%) a eu recours à des soins hospitaliers (urgences et/ou hospitalisation). Une grande majorité des accidentés (81,9%) déclarait avoir été limitée dans les 48 heures suivant l’accident (47,7% limités « seulement » et 34,2% sévèrement limités).
Facteurs associés aux accidents
Facteurs associés aux AcVC dans leur ensemble
Chez les 15 ans et plus, plusieurs facteurs étaient indépendamment associés à la survenue d’un AcVC dans les trois mois précédant l’enquête. Les répondants ayant de l’attrait pour le risque, un niveau d’étude supérieur au baccalauréat et déclarant un état de santé mentale plutôt mauvais avaient un risque plus important d’AcVC. D’autres facteurs, au contraire, étaient associés à un moindre risque d’AcVC : le fait d’avoir entre 45 et 64 ans (plutôt qu’entre 15 et 44 ans) et de déclarer un état de santé bon ou très bon. Le sexe n’était pas significativement associé aux AcVC (tableau 1).
Facteurs associés aux accidents avec limitation sévère
Plusieurs facteurs, indépendamment associés à la survenue d’un accident avec limitation sévère dans les 48 heures chez les 15 ans et plus, ont été identifiés. Le fait de vivre seul et de déclarer avoir un mauvais état de santé mentale était associé à un risque accru de survenue d’accident avec limitation sévère dans les 48 heures. À l’inverse, le fait d’avoir entre 45 et 64 ans (plutôt qu’entre 15 et 44 ans), de déclarer être en bonne ou très bonne santé, était associé à un moindre risque d’accidents avec limitation (tableau 2).
Facteurs associés aux accidents de sports et de loisirs
Plusieurs facteurs indépendamment associés à la survenue d’un accident de sports et de loisirs chez les 15 ans et plus ont été identifiés : le fait d’être un homme, d’avoir de l’attrait pour le risque, de faire du sport régulièrement, d’avoir entre 15 et 44 ans. Ainsi, par rapport aux 15-44 ans, l’ORa chez les 45 ans et plus était égal à 0,4 (tableau 3).
Discussion
Dans l’ESPS 2012, près de 5% des répondants déclaraient avoir eu, dans les trois mois précédant l’enquête, un AcVC nécessitant un recours à un professionnel de santé. Ce taux est comparable à celui retrouvé dans l’ESPS 2004 3. Cette stabilité de l’incidence des accidentés contraste avec la hausse constatée chez les 15-75 ans dans les enquêtes du « Baromètre santé » entre 2005 et 2010 : de 5,0% en 2005 à 7,5% en 2010 en incidence annuelle 10. On ne dispose pas d’autres sources en population générale, sur la période 2004-2012, susceptibles d’être mises en perspective. Les méthodes variables, d’une enquête et/ou d’une période à l’autre, sont susceptibles d’expliquer en partie les évolutions constatées, mais nous ne disposons pas d’éléments pour le confirmer et/ou pour estimer ce qui pourrait être attribué aux variations méthodologiques ou aux variations de l’incidence des AcVC.
Selon l’ESPS 2012, le taux annuel d’accidentés a été estimé à 17,8%, soit en effectif 11,3 millions de personnes accidentées au moins une fois dans l’année en 2012 en France métropolitaine. Cette estimation est la même que celle obtenue dans l’ESPS 2002. Parmi ces 11,3 millions d’accidentés, près de la moitié (48,9%) a eu recours à des soins hospitaliers (urgences et/ou hospitalisation), soit 5,5 millions de personnes.
Chez les 15-24 ans uniquement, le taux d’incidence trimestriel mesuré chez les hommes était significativement plus élevé que chez les femmes. Mais, comme en 2004, le taux d’incidence trimestriel d’accidentés tous âges confondus ne différait pas significativement chez les hommes et chez les femmes (4,9% vs 4,6%). Ce résultat est différent de ceux retrouvés dans d’autres enquêtes, Baromètres santé 2005 et 2010, ESPS 2002 et Enquête permanente sur les accidents de la vie courante (EPAC) 11. Dans ces enquêtes, en effet, les hommes ont davantage d’AcVC que les femmes, excepté aux âges avancés. Chez les enfants, les résultats des enquêtes scolaires sont plus contrastés : les garçons ont significativement plus d’AcVC que les filles à 6 ans et à 14 ans, mais il n’existe pas de différence significative entre garçons et filles à 11 ans 12,13.
Les analyses multivariées ont permis d’identifier les facteurs indépendamment associés à la survenue des accidents chez les répondants de 15 ans et plus. Il est intéressant de constater que les facteurs associés à l’ensemble des AcVC relevaient de différentes dimensions : caractéristiques sociodémographiques (niveau d’études), état de santé (santé perçue et santé mentale), comportement (attrait pour le risque).
Nos résultats semblent indiquer que les personnes les plus favorisées socialement ont davantage d’accidents nécessitant un recours à des soins que les moins favorisées. Le risque d’AcVC était en effet significativement plus élevé chez les répondants dont le niveau d’étude était supérieur au baccalauréat. Il s’agit toutefois de la seule variable, parmi toutes les variables socioéconomiques testées, qui est ressortie dans les modèles. Une revue de la littérature sur le lien entre traumatisme et caractéristique socioéconomique a montré que le gradient social était très net pour les traumatismes mortels 14 : les personnes défavorisées présentaient un risque accru d’en être victime. Pour les traumatismes non mortels, les résultats différaient selon la gravité des traumatismes étudiés. Les personnes socialement défavorisées présentaient un risque accru de traumatismes sévères nécessitant une hospitalisation ; pour ceux ayant entraîné un recours à des soins médicaux (de tous types), certaines études n’ont retrouvé aucune association, d’autres ont mis en évidence une association positive entre le niveau socioéconomique et le risque de traumatismes, résultat semblable à celui établi à partir des données de l’ESPS 2012. Les auteurs évoquent la possibilité que cette absence d’association ou cette association positive soit expliquée par le moindre accès aux soins chez les plus défavorisés en cas de traumatisme mineur. La pratique plus fréquente d’activités récréatives à risque chez les plus favorisés pourrait également expliquer en partie cette association positive entre le niveau socioéconomique et le risque de traumatisme.
Nos résultats montrent qu’un mauvais état de santé général et un mauvais état de santé mental (états de santé perçus) sont significativement associés à la survenue plus fréquente d’un AcVC. Ces associations ont été retrouvées non seulement avec la survenue d’un AcVC en général, mais également d’un AcVC avec limitation sévère dans les 48 heures. D’un point de vue méthodologique, l’intégration d’une variable « état de santé » dans les modèles visant à expliquer la survenue d’un AcVC pourrait sembler contestable. Les personnes enquêtées sont susceptibles de déclarer être en mauvaise santé, justement, dans certains cas, parce qu’elles viennent d’être victimes d’un AcVC. Afin d’explorer cette possibilité, la variable « état de santé » a été remplacée par la variable « maladie chronique » dans les modèles. Il est apparu que les résultats étaient similaires et que les personnes souffrant d’une maladie chronique présentaient un risque augmenté d’AcVC dans leur ensemble et d’AcVC avec limitation sévère dans les 48 heures. Ce lien entre la survenue d’un AcVC et l’état de santé physique est de plus bien identifié dans la littérature chez les personnes âgées 10,15.
Concernant plus spécifiquement la santé mentale, plusieurs études ont montré que la dépression était un facteur de risque de traumatismes non intentionnels 16,17,18 et plusieurs travaux ont mis en évidence un risque accru d’hospitalisations pour traumatisme non intentionnel chez les personnes souffrant de pathologies mentales 19,20,21,22,23. L’interprétation visant à expliquer le risque augmenté de traumatisme non intentionnel chez les personnes souffrant de troubles psychiatriques n’est pas très claire. Certains travaux évoquent un lien entre l’effet sédatif des psychotropes et la survenue de chutes chez les personnes âgées 24,25, d’autres indiquent que les comportements impulsifs chez les personnes souffrant de troubles de l’humeur pourraient expliquer la survenue plus fréquente de traumatismes non intentionnels 26.
Les analyses de l’ESPS 2012 ont montré que le fait d’avoir de l’attrait pour le risque augmentait le risque d’AcVC en général et d’accident de sport et de loisirs spécifiquement. La littérature, malgré un nombre limité d’études, apporte un niveau de preuve suffisant pour conclure à une association positive entre la prise de risque et la survenue de traumatismes suite à des accidents de la route 27, même s’il faut mentionner deux études qui ont retrouvé une association négative entre la prise de risque et la survenue d’accident de ski alpin 28,29. Le très bon niveau de maîtrise technique chez les skieurs prenant le plus de risque expliquerait ce résultat.
D’autres facteurs associés aux accidents de sport et de loisirs, déjà retrouvé dans la littérature, ont été mis en évidence dans ce travail. Ainsi, le sur-risque d’accidents de sport et de loisirs chez les jeunes et chez les hommes était déjà décrit dans le baromètre santé 2005 30. Par ailleurs, les résultats de l’ESPS 2012 ont montré une association significative entre l’intensité de la pratique sportive et le risque d’accidents de sport et de loisirs. Un résultat semblable a été établi chez les enfants de CM2 et de 3e dans les enquêtes scolaires 31,32. Une enquête menée en 2010 sur les pratiques sportives mettait également en évidence une association entre l’intensité de la pratique sportive et le risque d’accidents 33. Toutefois, les études sur ce sujet, portant sur un nombre restreint de sports, présentent des résultats divergents. Un niveau élevé d’intensité de la pratique sportive est associé négativement ou positivement au risque d’accident de sport 34.
Certaines limites de l’enquête peuvent être mentionnées. D’abord l’ESPS est une enquête déclarative, par conséquent il est possible que le dénombrement des AcVC parmi les accidents déclarés dans l’enquête ait été compliqué par la difficulté des enquêtés à comprendre la définition des AcVC. Certains accidents du travail ou de la circulation ont pu être considérés, à tort, comme des AcVC. Mais en pratique, il n’était pas possible de les identifier pour les exclure de l’analyse. Ensuite, certains répondants ont pu oublier de déclarer avoir eu un accident. Néanmoins, comme l’indique la littérature, le biais de mémoire est probablement réduit lorsque le délai d’interrogation est limité à trois mois 35,36,37,38. Enfin, des analyses par type d’accidents (hormis les accidents de sport) n’ont pu être réalisées par manque d’effectifs et certains résultats de la littérature (tels que les survenues de brûlures, d’empoisonnement ou de chutes variables selon le profil social) n’ont pu être explorés 39.
Conclusion
L’Enquête santé et protection sociale 2012 a permis de confirmer plusieurs résultats déjà mis en évidence dans les ESPS de
2002 et de 2004 et de retrouver des notions documentées dans la littérature. Elle a également fourni de nouveaux éléments,
qui contribuent de façon originale à la connaissance des AcVC et des circonstances de leur survenue, et qui méritent d’être
confirmés et précisés. Dans un contexte où l’incidence des personnes accidentées en France métropolitaine reste aussi élevée
en 2012 qu’en 2004
(en tenant pour négligeable l’effet éventuel lié aux variations méthodologiques), l’identification précise
des groupes les plus à risque d’AcVC reste une nécessité pour améliorer la prévention primaire et réduire l’incidence de ces
accidents.