Pratiques d’hygiène et prévention des infections respiratoires de l’hiver : résultats du Baromètre santé 2016

// Hygiene and prevention practices of respiratory infections during the winter months: results from the 2016 Health Barometer, France

Colette Ménard (colette.menard@santepubliquefrance.fr), Arnaud Gautier, Christine Jestin, et le groupe Baromètre santé 2016*
Santé publique France, Saint-Maurice, France


* Le groupe Baromètre santé 2016 : Arnaud Gautier, Jean-Baptiste Richard, Delphine Rahib, Nathalie Lydié, Frédérike Limousi, Cécile Brouard, Christine Larsen
Soumis le 16.06.2017 // Date of submission: 06.16.2017
Mots-clés : Virus respiratoires | Comportements d’hygiène et de prévention | Grippe | France
Keywords: Respiratory viruses | Behavior of hygiene and prevention | Influenza | France

Résumé

Cet article présente les résultats du Baromètre santé 2016 relatifs à la pratique de certains gestes d’hygiène et de prévention permettant de limiter la transmission des infections respiratoires de l’hiver.

Méthodes –

5 014 personnes âgées de 18 à 75 ans ont été interrogées par téléphone entre janvier et août 2016 sur la fréquence du lavage des mains dans différentes situations de la vie quotidienne, le fait de se couvrir la bouche en cas de toux ou d’éternuement et, en cas d’affection respiratoire, d’éviter d’embrasser un nourrisson et d’éviter les lieux fréquentés.

Résultats –

En 2016, 79,0% des personnes interrogées ont déclaré se laver « systématiquement » les mains après être allées aux toilettes, 71,9% avant de s’occuper d’un bébé, 63,2% avant de faire la cuisine ; données comparables à 2006. Deux comportements, se laver les mains après s’être mouché (39,0%) et se les laver après avoir pris les transports en commun (24,7%) étaient moins systématiques mais en progression. En cas d’éternuement, 41,6% des personnes interrogées disaient se couvrir la bouche avec leur coude ou avec un tissu ou mouchoir, comme cela est préconisé depuis 2010. En cas d’affection grippale, éviter d’embrasser un nourrisson était systématique pour 8 personnes sur 10 ; éviter de se rendre dans les lieux publics ne l’était que pour 20,4%.

Conclusion –

En 2016, les messages de prévention pour se protéger et protéger son entourage des infections respiratoires de l’hiver, dont la grippe, semblaient connus ; toutefois, les attitudes se différenciaient selon les situations. Ces résultats invitent à suivre les recommandations du Haut Conseil de la santé publique et à renouveler annuellement les campagnes de promotion des gestes barrières, au moyen de dispositifs adaptés.

Abstract

This article presents the results of the 2016 Health Barometer (Baromètre santé) relative to the practice of hygiene and prevention habits contributing to limit the transmission of respiratory infections during the winter months.

Methods –

5,014 persons aged 18-75 years old were interviewed by telephone between January and August 2016 about the frequency of hand-washing in various daily life situations, the fact of covering one’s mouth when coughing or sneezing, and in case of respiratory illness, and of avoiding kissing an infant, and avoiding visiting crowded places.

Results –

In 2016, 79.0% of interviewees reported systematic hand-washing after using the toilet, 71.9% before taking care of a baby, 63.2% before cooking. These results are comparable to those of 2006. Two behaviors, hand-washing after blowing one’s nose (39.0%) and hand-washing after having taken public transportation (24.7%) were less systematic, but in progress. In case of sneezing, 41.6% of respondents reported covering their mouth with the elbow or with a tissue or handkerchief, in line with the 2010 recommendation. In case of flu-like illness, the fact of avoiding kissing an infant was systematic for 8 people on 10, and of avoiding visiting public places was systematic for only 20.4% of respondents.

Conclusion –

In 2016, prevention messages to protect oneself and people around from respiratory infections of the winter, including influenza, seemed to be known; however, attitudes differed from one situation to the other. These results suggest that the recommendations of the French High Committee of the Public Health should be followed, and that the promotion of healthy barrier practices should be renewed through adapted plans.

Introduction

Les épidémies et pandémies d’infections virales, ainsi que les infections aiguës virales saisonnières, représentent chaque année pendant l’hiver une menace importante pour la santé des populations, notamment pour les personnes âgées et les personnes fragilisées par certaines maladies chroniques (cardiaques, pulmonaires, métaboliques, immunitaires …). Elles pèsent aussi en termes de morbidité et de recours aux soins chez les personnes habituellement en bonne santé (enfants et adultes). Chaque année en France, près de 30% des enfants de moins de 2 ans sont affectés par la bronchiolite 1 et environ 2,5 millions de personnes sont touchées par l’épidémie de grippe saisonnière, qui cause 4 000 à 6 000 décès 2.

Certaines mesures d’hygiène simples peuvent contribuer à limiter la transmission des virus respiratoires de personne à personne. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a clairement mis en avant le lavage des mains à l’eau et au savon comme la mesure d’hygiène la plus efficace pour prévenir la transmission des infections 3. L’efficacité de cette pratique a été confirmée par une méta-analyse récente 4. En France, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) recommande, aux côtés d’une stratégie vaccinale annuelle contre la grippe pour les personnes à risque ou en contact avec des personnes à risque de complications, des campagnes d’information du public sur la mise en œuvre de mesures de prévention telles que l’hygiène des mains et la limitation des contacts entre les personnes malades et les autres, en particulier les sujets à risque 5. Le port du masque, dont l’efficacité demeure controversée 4,5, est recommandé par le HCSP aux sujets atteints de maladies respiratoires infectieuses et à la population en cas d’émergence d’un agent respiratoire hautement pathogène 4,5,6.

Dès 2003, l’Inpes (Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, devenu Santé publique France) a lancé des campagnes d’information et de communication grand public destinées d’abord à sensibiliser les parents aux gestes permettant de limiter la transmission de la bronchiolite du nourrisson puis, à partir de 2006, à prévenir plus largement la transmission des virus respiratoires dans la perspective d’une pandémie grippale. Ces campagnes ont depuis été récurrentes et reprises fin 2016, lors de la dernière épidémie de grippe saisonnière, par un message télévisé et des messages radio 7. Il est ainsi recommandé :

de se laver systématiquement les mains à l’eau et au savon ou, à défaut, avec des solutions hydro-alcooliques après s’être mouché, avoir toussé ou éternué, après avoir rendu visite à une personne malade, après chaque sortie à l’extérieur et bien sûr avant de préparer les repas, de les servir ou de les prendre ;

de se couvrir la bouche dans le creux du coude, avec la manche ou dans un mouchoir à usage unique dès que l’on tousse ou éternue ;

en cas d’affection respiratoire, de limiter les contacts avec d’autres personnes et d’éviter les lieux très fréquentés (centres commerciaux, transports en commun).

Afin d’évaluer et orienter les actions de communication, l’Inpes puis, désormais, Santé publique France, conduisent régulièrement des enquêtes en population générale comprenant des questions relatives aux pratiques d’hygiène et à certains gestes permettant la limitation des infections respiratoires : l’enquête Nicolle en 2006, portant spécifiquement sur les maladies infectieuses 8, le Baromètre santé 2010, enquête multithématique sur les comportements de santé 9 et le Baromètre santé 2016, sur la prévention des maladies infectieuses et la santé sexuelle. Cet article présente les résultats du Baromètre santé 2016 sur les pratiques d’hygiène et de prévention de la population générale, au regard de celles recommandées en période hivernale ordinaire pour limiter la transmission des virus respiratoires, ainsi que les évolutions de ces comportements parmi les personnes âgées de 18 à 75 ans (population commune aux trois enquêtes) au cours des 10 dernières années.

Matériel et méthodes

Les Baromètres santé sont des enquêtes téléphoniques périodiques mises en place depuis 1992, visant à mieux connaître et suivre les évolutions des connaissances attitudes et comportements des Français en matière de santé.

L’échantillon du Baromètre santé 2016 repose sur un sondage aléatoire à 2 degrés : des numéros de téléphone, fixes comme mobiles, ont été générés aléatoirement ; un seul individu parmi l’ensemble des personnes éligibles au sein du ménage pour les fixes ou au sein des utilisateurs du téléphone pour les mobiles, était sélectionné au hasard par la méthode Kish. L’enquête a été menée par l’Institut Ipsos, entre le 8 janvier et le 1er août 2016, auprès de 15 216 personnes âgées de 15 à 75 ans résidant en France métropolitaine. Parmi celles-ci, 5 014 personnes âgées de 18 à 75 ans ont été interrogées sur leurs pratiques de lavage des mains et leurs attitudes préventives face à la transmission des virus respiratoires.

Les questions portaient sur : a/ la fréquence du lavage des mains dans différentes situations de la vie quotidienne (après s’être mouché, après avoir pris les transports en commun, avant de s’occuper d’un bébé, avant de faire la cuisine et après être allé aux toilettes), b/ la manière de se couvrir la bouche en cas de toux ou d’éternuement ; c/ les comportements d’évitement en cas d’affection respiratoire : « éviter d’embrasser comme à l’habitude des nourrissons ou enfants de moins de 2 ans de son entourage », « éviter d’aller dans des lieux publics très fréquentés ». Le port du masque, exploré dans les précédentes enquêtes, n’a pas été questionné dans ce Baromètre santé 2016.

À l’instar de l’enquête Nicolle, qui avait démontré l’influence de variables sociodémographiques sur les perceptions et attitudes de la population à l’égard des maladies infectieuses 10, ainsi que sur les pratiques d’hygiène et mesures d’évitement 11,12, les principaux indicateurs – lavage systématique des mains, couvrir sa bouche avec son coude, un tissu, un mouchoir en cas d’éternuement, éviter systématiquement d’embrasser des nourrissons ou de se rendre dans des lieux publics très fréquentés en cas d’affection grippale – sont, dans une perspective de prise en compte des inégalités sociales, analysés selon différentes caractéristiques sociodémographiques disponibles dans le Baromètre santé 2016. Ces caractéristiques sont le sexe, l’âge, le niveau de diplôme, la catégorie socioprofessionnelle (PCS) (dernière profession de l’interviewé ou bien profession du référent du foyer si la personne interrogée était étudiante ou inactive), la présence ou pas d’enfants de moins de quatre ans dans le foyer et la taille de la commune de résidence. Les données ont été pondérées pour tenir compte de la probabilité d’inclusion et redressées sur les données de l’enquête emploi 2014 de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee).

Les analyses bivariées ont été testées au moyen du test du Chi2 de Pearson ; elles sont complétées par des analyses multivariées (régressions logistiques intégrant l’ensemble des variables pré-citées).

Lorsque les données sont disponibles, les résultats 2016 sont comparés aux résultats de l’enquête Nicolle 2006 (N=4 022) et du Baromètre santé 2010 (N=4 434), également au moyen du test de Chi2 de Pearson.

Résultats

Fréquence de déclaration du lavage des mains

En 2016, 79,0% des personnes interrogées déclaraient se laver « systématiquement » les mains après être allées aux toilettes, 71,9% avant de s’occuper d’un bébé, 63,2% avant de faire la cuisine. En revanche, elles n’étaient que 39,0% à le faire de manière systématique après avoir pris les transports en commun (29,2% disaient le faire souvent), et seulement un quart après s’être mouchées (36,2% souvent) (figure 1).

Figure 1 : Évolution des pratiques de lavage des mains déclarées entre 2006 et 2016 chez les 18-75 ans (en %), France
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Quelles que soient les situations de la vie quotidienne, les femmes déclaraient plus souvent que les hommes se laver systématiquement les mains : OR ajusté (ORa) compris entre 1,4 et 2,4 ; p<0,001) (tableau).

Tableau : Facteurs associés au lavage systématique des mains dans la vie quotidienne, chez les 18-75 ans. Baromètre santé 2016, France
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L’âge n’influençait d’aucune manière le fait de se laver systématiquement les mains avant de faire la cuisine, après être allé aux toilettes ou avant de s’occuper d’un bébé. En revanche, dans les autres situations, les pratiques de lavage des mains progressaient avec l’avancée en âge de 18 à 55 ans, pour diminuer ensuite.

Le niveau d’éducation était un facteur discriminant dans toutes les situations. À l’exception du lavage systématique des mains « après s’être mouché » qui décroissait avec le niveau de diplôme, les pratiques augmentaient avec le niveau d’études jusqu’à Bac+3, tandis que les personnes de niveaux d’études supérieurs affichaient une moindre vigilance que ces derniers.

Certaines disparités étaient observées selon les professions pour ce qui concerne les pratiques de lavage systématique des mains avant de faire la cuisine ou après être allé aux toilettes (ORa=0,7 pour les ouvriers), après s’être mouché (ORa=1,4 pour les employés et ouvriers, au regard des professions intermédiaires).

Avoir de jeunes enfants de moins de 4 ans influençait peu le lavage des mains, même dans la situation de s’occuper d’un nourrisson.

Les personnes résidant en agglomération parisienne se distinguaient par des pratiques de lavage de mains plus systématiques après utilisation des transports en commun que celles résidant dans d’autres catégories d’agglomérations (p<0,001).

Si l’on compare les pratiques systématiques de lavage des mains chez les 18-75 ans entre 2006 et 2016 (figure 1), deux comportements étaient en constante progression : se laver les mains après s’être mouché (14,9% en 2006 vs 24,7% en 2016 ; p<0,001) et après avoir pris les transports en commun (32,4% en 2006 vs 39,0% en 2016 ; p<0,001). Les autres situations, après avoir connu une diminution dans le déclaratif du Baromètre santé 2010, revenaient à leur niveau de 2006. Dans leur ensemble, les pratiques de lavage des mains systématiques ou fréquentes ont progressé entre 2006 et 2016.

Précautions en cas d’éternuement

En cas d’éternuement, 98,4% des personnes de 18-75 ans interrogées déclaraient prendre la précaution de se couvrir la bouche : 56,8% en se couvrant la bouche avec leur main (60,2% des hommes vs 53,5% des femmes ; p<0,001) et 41,6% en se couvrant la bouche avec leur coude ou avec un tissu, mouchoir, manche, écharpe (45,8% des femmes vs 37,2% des hommes; ORa=1,3 ; p<0,001). On ne note aucune différence suivant les autres variables sociodémographiques étudiées.

Stratégie d’évitement en cas d’affection grippale

En cas d’affection telle que grippe, bronchiolite, rhume ou rhinopharyngite, la majorité des personnes concernées (82,5%) déclaraient ne jamais embrasser de nourrissons et ce, sans distinction de genre ; 14,9% déclaraient le faire rarement, 1,6% souvent, 1,0% systématiquement comme à leur habitude.

Ce comportement d’évitement (« ne jamais embrasser de nourrisson ») augmentait avec l’avancée en âge jusqu’à 54 ans (ORa=1,8 chez les 45-54 ans vs les 18-24 ans ; p<0,05) ; il était moins important chez les parents d’enfants de 0 à 3 ans que chez les autres (62,3% vs 85,2%, ORa=0,3 ; p<0,001).

Éviter les lieux publics très fréquentés tels que cinémas, centres commerciaux ou supermarchés en cas d’affection grippale, était en revanche moins suivi : seuls 20,4% déclaraient ne jamais y aller, 46,7% s’y rendre rarement, 25,2% y aller souvent et 7,8% systématiquement comme à leur habitude.

Déclarer éviter systématiquement des lieux très fréquentés augmentait linéairement avec l’avancée en âge (de 11,8% chez les 18-24 ans à 26,1% chez les 65-75 ans ; ORa=2,5 ; p<0,001). En revanche, il diminuait significativement avec le niveau de diplômes (11,3% parmi les Bac+4/5 vs 37,0% des personnes non diplômées, ORa=0,3 ; p< 0,001).

Bien que la formulation des questions ait été modifiée dans les enquêtes, on peut toutefois appréhender l’évolution entre 2006 et 2016 des comportements interrogés selon les indicateurs « d’évitement systématique », à savoir : ne jamais embrasser un bébé ou ne jamais aller dans les lieux publics (équivalent de systématiquement s’abstenir dans l’enquête Nicolle). En 2016, les comportements déclarés conformes aux recommandations étaient en recul par rapport à 2010 (p<0,001), mais en sensible progression depuis 2006 (p<0,001) (figure 2).

Figure 2 : Évolution des précautions d’évitement systématique déclarées en cas d’affection respiratoire (grippe, bronchite, rhume, rhinopharyngite) entre 2006 et 2016 (en %)
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Discussion

En 2016, les messages de prévention pour se protéger et protéger son entourage des infections respiratoires semblaient connus ; toutefois les attitudes différaient selon les situations. Le lavage des mains après être allé aux toilettes, qui relève d’habitudes prises dès la petite enfance et à l’école, était bien intégré 11. Prendre soin de se laver systématiquement les mains avant de s’occuper d’un bébé, pratique déclarée par 7 interviewés sur 10, fait écho aux messages de prévention sur la bronchiolite régulièrement diffusés depuis 2003 par l’Inpes 2 et par l’Assurance maladie 13, ainsi qu’aux conseils délivrés dès la maternité par les professionnels de santé et personnels de PMI. Si se laver les mains après s’être mouché ou après avoir pris les transports en commun était moins systématisé, ces comportements, promus depuis 2006 et surtout depuis la pandémie grippale de 2009, étaient en constante progression.

Ces recommandations, comme déjà constaté dans l’enquête Nicolle et dans d’autres domaines de la prévention, étaient davantage suivies par les femmes et s’amélioraient avec l’âge et le niveau socioculturel, avec toutefois une moindre vigilance parmi les personnes les plus diplômées, laissant supposer – en dehors de l’accessibilité à des lave-mains – des variations selon les habitudes de vie et situations professionnelles (métiers, trajets) 11.

Se couvrir la bouche en cas de toux ou éternuement était quasi-généralisé et, dans 4 cas sur 10, le public se couvrait la bouche avec le coude, la manche ou un mouchoir à usage unique, comme préconisé depuis 2010.

En cas d’affection grippale, on constatait que les gestes de distanciation sociale étaient encore des pratiques difficiles à mettre en place pour certains 12. Si plus de 8 personnes sur 10 déclaraient ne « jamais embrasser les bébés » en cas d’infection respiratoire (plus difficilement les parents de jeunes enfants), une même proportion continuait à se rendre comme à son habitude dans des lieux publics très fréquentés. Les plus jeunes et les personnes de niveau socioculturel plus élevé semblaient avoir plus de difficultés à mettre en place cette mesure, sans doute en raison de leurs habitudes de vie 12.

En dehors des limites méthodologiques liées aux contextes des études et à la formulation des questions, on peut faire l’hypothèse que l’inflexion observée dans les comportements d’évitement en 2016 par rapport au Baromètre santé 2010 peut être liée à l’ampleur des épidémies de grippe et à l’importance de la communication à leur sujet. L’épidémie de grippe 2015-2016 a été longue mais d’ampleur et de gravité modérée 14. Le terrain du Baromètre santé 2010 s’est déroulé en pleine pandémie de grippe A(H1N1), période durant laquelle une campagne de communication médiatique de très grande ampleur portait les messages de limiter les contacts avec les personnes malades et de rester chez soi en cas de grippe. Les controverses médiatiques sur le vaccin qui avaient à ce moment, par ailleurs, fragilisé l’opinion sur la vaccination et sur les risques de cette grippe 15,16, ont pu renforcer l’adhésion aux mesures d’éviction.

Le Baromètre santé 2016 ne permet pas d’étudier, chez les moins de 65 ans, les liens entre l’observance des mesures d’hygiène et de prévention des infections respiratoires et l’adhésion à la vaccination, les questions sur la vaccination contre la grippe n’ayant été posées qu’aux personnes âgées de 65 ans et plus. Si, dans ce Baromètre santé, l’application des mesures d’hygiène et de prévention des 65-75 ans est indépendante de leurs opinions et attitudes à l’égard de la vaccination contre la grippe, il est possible que, pour d’autres tranches d’âge ou groupes particuliers (malades chroniques, parents d’enfants…), les personnes les plus actives en termes d’adhésion aux mesures barrières soient aussi celles qui (se) vaccinent le plus. On peut aussi supposer que certaines personnes vaccinées appliquent moins les mesures d’hygiène et de prévention car elles se perçoivent protégées de la grippe ou, enfin, que les personnes qui appliquent les mesures d’hygiène estiment qu’elles n’ont pas besoin d’être vaccinées.

La promotion des gestes qui permettent de limiter la transmission des infections virales saisonnières, et en particulier de la grippe, n’est qu’une partie d’un dispositif de prévention plus large, visant également à promouvoir la vaccination contre la grippe pour les personnes à risques, selon les recommandations du calendrier vaccinal en vigueur 5. Sur ce point, les résultats du Baromètre santé de 2016 indiquent que moins d’une personne sur deux parmi les 65-75 ans a déclaré s’être fait vacciner contre la grippe saisonnière lors de l’hiver 2015-2016 17.

L’ensemble de ces résultats invite à suivre les recommandations du HCSP et à renouveler régulièrement les campagnes de promotion des gestes barrières et de la vaccination contre la grippe, par des dispositifs adaptés.

Références

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Citer cet article

Ménard C, Gautier A, Jestin C, et le groupe Baromètre santé 2016. Pratiques d’hygiène et prévention des infections respiratoires de l’hiver : résultats du Baromètre santé 2016. Bull Epidémiol Hebd. 2017;(22):482-9. http://invs.santepubliquefrance.fr/beh/2017/22/2017_22_3.html