Surveillance de la grippe en France, saison 2016-2017
// Influenza activity in France, season 2016-17
Résumé
Cet article présente le bilan épidémiologique et virologique de l’activité grippale en France durant la saison 2016-2017.
Méthodes –
Ce bilan s’appuie sur l’analyse descriptive des données de surveillance de la grippe ou des syndromes grippaux transmises par les réseaux de médecine ambulatoire, les analyses virologiques des laboratoires partenaires, les signalements d’épisodes d’infections respiratoires aiguës (IRA) dans les collectivités de personnes âgées, la surveillance des passages aux urgences et des hospitalisations codées grippe, la surveillance des cas graves de grippe hospitalisés en services de réanimation et les données de mortalité.
Résultats –
L’épidémie de grippe a débuté mi-décembre et a atteint son pic mi-janvier pour se terminer début février, soit une durée totale de 10 semaines. Due quasi-exclusivement au virus grippal de type A(H3N2), elle a été d’intensité modérée en milieu ambulatoire mais a eu un impact important chez les personnes âgées. Elle a été caractérisée par une part importante d’hospitalisations parmi les passages aux urgences pour syndrome grippal (16% des 40 000 passages) et par une proportion importante des 65 ans et plus parmi les patients hospitalisés (69%). Cette tranche d’âge a représenté 67% des 1 479 cas de grippe admis en réanimation. Cette épidémie a également été marquée par un excès de mortalité estimé à 14 400 décès attribuables à la grippe, dont plus de 90% chez les personnes de 75 ans et plus.
Conclusion –
L’épidémie de grippe 2016-2017, précoce et d’intensité modérée, s’est caractérisée par un impact particulièrement important chez les personnes âgées, lié à la circulation quasi-exclusive de virus A(H3N2) dans un contexte de couverture vaccinale insuffisante et d’efficacité vaccinale sub-optimale. Cette épidémie rappelle la gravité de la maladie et l’importance de la prévention, à savoir la vaccination chez les personnes à risque, qui doit être complétée de mesures barrières pour limiter la diffusion du virus dans l’entourage des cas.
Abstract
This article summarizes the influenza activity in France for the 2016-17 season.
Methods –
This report is based on the descriptive analysis of different sources of data on influenza or influenza-like illness collected in mainland France: influenza clinical activity in the community reported by the primary health care network, virological data analysed by reference laboratories, emergency units visits and hospitalizations for clinical influenza, reporting of acute respiratory infections (ARI) clusters in nursing homes, reporting of severe influenza cases hospitalised in intensive care units (ICU) and mortality data.
Results –
In mainland France, the 2016-17 season was characterized by a moderate influenza epidemic in the community which started in mid-December, peaked mid-January and lasted 10 weeks. Sub-type A(H3N2) viruses were the almost exclusive circulating influenza viruses. The impact of the influenza epidemic was especially severe among the elderly (65 years old and more) with a high proportion of hospitalisations for influenza among outpatients presenting to emergency ward (16% of 40 000 outpatients) and a high proportion of patients aged above 65 years (69%) among hospitalized patients. This age group accounted for 67% of the 1,479 cases admitted to intensive care. During the epidemic wave, a marked excess mortality estimate at 14,400 deaths attributable to influenza was observed. Over 90% of this excess affected people 75 years old and more.
Conclusion –
The 2016-17 influenza epidemic was early, moderate, and particularly severe among the elderly. This severity is due to the almost exclusive circulation of A(H3N2) viruses in a context of low vaccine coverage and sub-optimal vaccine effectiveness. It confirms the severity of the disease for the population at risk and strengthens the need for prevention, especially a higher vaccine coverage among people at risk and the implementation of non-pharmaceutical control measures to limit the spread of the virus around cases.
Introduction
La grippe est une maladie infectieuse virale très contagieuse qui survient généralement de manière saisonnière, entre les mois de décembre et d’avril en France métropolitaine. Environ 2,5 millions de personnes sont touchées chaque année. La mortalité due à la grippe saisonnière concerne essentiellement les sujets fragiles : les personnes âgées de plus de 65 ans et celles présentant des facteurs de risques (maladies chroniques, sujets immunodéprimés…).
La surveillance de la grippe en France a pour objectifs la détection précoce, le suivi de la dynamique, l’estimation de la morbidité et de la mortalité des épidémies grippales, ainsi que l’identification et le suivi de l’évolution antigénique et génétique des virus grippaux qui circulent. Cette surveillance, qui s’appuie sur de nombreux partenaires, est coordonnée par Santé publique France.
Cet article présente le bilan épidémiologique et virologique de la grippe en France métropolitaine pour la saison 2016-2017, à partir des données de médecine ambulatoire et hospitalière ainsi que des données de mortalité. Un paragraphe spécifique est dédié à l’épidémie de grippe dans les départements d’outre-mer (DOM).
Méthodes
Les objectifs et méthodes spécifiques des différents réseaux complémentaires de surveillance de la grippe ont été précédemment décrits 1. L’encadré ci-après recense les définitions de cas de syndrome grippal, grippe grave et infection respiratoire aiguë (IRA) utilisées dans les différents réseaux.
Définitions de cas
Syndrome grippal
Réseau Sentinelles : personne présentant une fièvre supérieure à 39°C, d’apparition brutale, accompagnée de myalgies et de signes respiratoires.
SOS Médecins : personne présentant une fièvre supérieure à 38,5°C, d’apparition brutale, accompagnée de myalgies et de signes respiratoires.
Cas grave de grippe : patient hospitalisé dans un service de réanimation et présentant un diagnostic de grippe confirmé biologiquement ou une forme clinique grave sans autre étiologie identifiée, dont le tableau clinique et l’anamnèse évoquent le diagnostic de grippe même si la confirmation biologique ne peut être obtenue.
Infection respiratoire aiguë (IRA) : association ou succession d’au moins un signe fonctionnel ou physique d’atteinte respiratoire basse (mal de gorge, « rhume », toux, dyspnée, douleur thoracique, sifflement) et d’au moins un signe général suggestif d’infection (fièvre, sueurs, céphalées, arthralgies).
En médecine ambulatoire, les données de l’activité grippale proviennent de deux réseaux complémentaires :
–le réseau Sentinelles (www.sentiweb.fr) qui, à partir des cas déclarés par les médecins du réseau (soit 0,7% de l’ensemble des médecins généralistes de France métropolitaine), estime les incidences nationales et régionales des cas de syndromes grippaux vus en consultation de médecine générale ;
–l’ensemble des 61 associations SOS Médecins qui transmettent quotidiennement à Santé publique France des données relatives à leurs visites, réalisées 7 j/7– 24 h/24, y compris les jours fériés et pendant les vacances scolaires. La proportion hebdomadaire de patients présentant un syndrome grippal est calculée à partir de l’ensemble des actes codés.
En milieu hospitalier, la surveillance s’appuie sur deux systèmes :
–le suivi des passages aux urgences et des hospitalisations après passages aux urgences pour grippe (confirmée ou non confirmée), codé J09 à J11 selon la classification CIM-10 de l’Organisation mondiale de la santé. Ces données sont transmises quotidiennement à Santé publique France par plus de 600 structures d’urgence hospitalière appartenant au réseau OSCOUR® (Organisation de la surveillance coordonnée des urgences), qui représentent en métropole environ 92% de l’ensemble des passages aux urgences. Parmi ceux-ci, les trois quarts environ font l’objet d’un codage du diagnostic ;
–la surveillance des cas graves de grippe admis dans les services de réanimation des centres hospitaliers, adultes et pédiatriques, pilotée par les Cellules d’intervention en région (Cire) de Santé publique France. Tous les cas de grippe – probables (jugement du médecin hospitalier) ou confirmés – admis en réanimation doivent être signalés à la Cire de la région sous forme d’une fiche standardisée comprenant des informations démographiques, des données sur les facteurs de risque, le statut vaccinal, le résultat virologique et des éléments de gravité du patient. Compte tenu du nombre important de services en Île-de-France, un échantillon d’établissements a été sélectionné, contrairement aux autres régions où la majorité des services de réanimation participe à cette surveillance.
La surveillance virologique en médecine ambulatoire est réalisée à partir de prélèvements rhinopharyngés effectués par les médecins généralistes et les pédiatres participant au réseau Sentinelles, selon un protocole de prélèvement défini. Les analyses virologiques sont réalisées essentiellement par le Centre national de référence (CNR) des virus influenzae et, pour la Corse, par le laboratoire de virologie de l’Université de Corse. En médecine hospitalière, la surveillance est mise en œuvre via les 44 laboratoires du Réseau national des laboratoires hospitaliers (RENAL) qui envoient au CNR chaque semaine un bilan de leurs analyses virologiques. Ces données sont complétées par les analyses virologiques des patients admis en réanimation ainsi que de certains prélèvements respiratoires réceptionnés pour expertise.
Dans les collectivités de personnes âgées, la surveillance porte sur les épisodes d’IRA signalés aux Agences régionales de santé (ARS) et rapportés secondairement à Santé publique France. Une collectivité de personnes âgées est définie comme un établissement hébergeant des personnes âgées dépendantes au sein d’un établissement hospitalier (unité de soins de longue durée) ou d’une maison de retraite. La définition d’une IRA repose sur le jugement de l’équipe de soins. Le critère de signalement d’un épisode est : toute survenue dans une collectivité d’au moins cinq cas d’IRA parmi les résidents dans un délai de quatre jours 2.
La surveillance de la mortalité liée à la grippe repose, d’une part, sur le suivi de la létalité des cas graves en réanimation et des résidents malades lors des épisodes d’IRA dans les collectivités de personnes âgées et, d’autre part, sur la mortalité globale toutes causes confondues. Cette dernière est suivie en temps quasi réel à partir des données administratives des décès enregistrées par un échantillon d’états civils couvrant 80% des décès. Ces données sont transmises quotidiennement par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) à Santé publique France. Elles sont redressées pour prendre en compte la couverture de cette surveillance.
Pour estimer le nombre de décès attribuables à la grippe durant l’épidémie, Santé publique France a développé, depuis la saison 2010-2011, un modèle statistique de régression sur des données hebdomadaires. Dans ce modèle, la mortalité toutes causes est expliquée par différents facteurs, dont un indicateur grippe basé sur le nombre de consultations pour syndrome grippal en médecine ambulatoire et la part de prélèvements positifs pour la grippe. La circulation du virus respiratoire syncytial (VRS) et des données météorologiques sont également prises en compte.
Analyses
La détermination de la période épidémique aux niveaux national et régional s’effectue, depuis la saison 2010-2011, à partir des données historiques des trois sources décrites de consultations pour syndromes grippaux (Sentinelles, SOS Médecins et OSCOUR®) selon trois méthodes statistiques différentes (régression périodique, régression périodique robuste et modèle de Markov caché). Un maximum de neuf alarmes statistiques peut donc être généré chaque semaine dans chaque région et au niveau national. Selon le nombre d’alarmes statistiques générées, la région et la métropole sont considérées sans alerte (<4 alarmes), en phase pré ou postépidémique (entre 4 et 8 alarmes) ou en phase épidémique (9 alarmes) 3. La période épidémique est déterminée par la phase épidémique au niveau national. Cette approche statistique est complétée par l’analyse réalisée par les Cire sur la base de leur connaissance de la qualité des données ou de données complémentaires (virologiques…). Cela peut les conduire à proposer un niveau d’alerte différent de celui produit par l’approche statistique. Ces informations permettent d’adapter l’offre de soins au niveau d’alerte généré.
Dans les DOM, le système de surveillance est comparable à celui de la métropole 4.
Une analyse descriptive des données de la saison 2016-2017 a été réalisée et les résultats ont été comparés aux saisons antérieures.
Résultats
La surveillance épidémiologique et virologique de la grippe a débuté en semaine 40/2016 (3-9 octobre 2016) et s’est terminée en semaine 14/2017 (3-9 avril 2017). La période épidémique a débuté en Bretagne et en Île-de-France en semaine 49/2016 (5-11 décembre) et s’est étendue en deux semaines à l’ensemble de la métropole. Elle s’est poursuivie jusqu’à la semaine 6/2017 (6-12 février), soit une durée totale de 10 semaines. Il n’a pas été observé de particularité dans la diffusion de l’épidémie au plan géographique (figure 1). L’épidémie de grippe 2016-2017 a été précoce par rapport aux six dernières saisons. Durant cette période, une synthèse de la situation épidémique a été publiée chaque mercredi dans le Bulletin hebdomadaire grippe, disponible sur le site de Santé publique France (1).
Surveillance en médecine ambulatoire
Le nombre de consultations pour syndrome grippal pendant l’épidémie a été estimé à 1,9 million à partir des données du réseau Sentinelles. Le pic d’activité a été observé en semaine 3/2017 (16-22 janvier), avec un taux de consultations pour syndrome grippal de 410 pour 100 000 habitants (intervalle de confiance (IC) à 95% [386;434]) selon les données Sentinelles et une proportion de 16% de syndromes grippaux parmi les actes codés par SOS Médecins (figure 2). L’estimation des taux cumulés de consultations pour syndrome grippal a été similaire à celle observée dans les épidémies antérieures, plus élevée dans les classes d’âge 0-4 ans (5 451/100 000) et 5-14 ans (4 516/100 000) et plus faible chez les personnes de 65 ans et plus (1 512/100 000). Cependant, ce dernier taux était le double de celui de la saison 2015-2016 (725/100 000), tout en étant inférieur à celui de la saison 2014-2015 (2 159/100 000).
Si l’on se réfère aux données historiques du réseau Sentinelles, l’épidémie se place en 23e position, pour le nombre de consultations cumulées, parmi les 33 épidémies surveillées par le réseau depuis 1984 5, indiquant ainsi qu’elle a été d’une ampleur modérée cette saison.
Surveillance des passages et hospitalisations aux urgences pour grippe
Pendant l’épidémie de grippe en métropole (semaines 49/2016 à 06/2017), le réseau OSCOUR® a rapporté 41 000 passages pour grippe aux urgences, dont 6 500 (16%) ont donné lieu à une hospitalisation. Cette proportion d’hospitalisations parmi la totalité des passages pour grippe est la plus élevée observée depuis la mise en place de cette surveillance (2010‑2011). Elle est plus de deux fois plus importante que lors de la saison 2015‑2016 (7%) et plus élevée qu’en 2014‑2015 (10%). La majorité des patients hospitalisés étaient âgés de 65 ans et plus : 13% appartenaient à la tranche d’âge des 65-74 ans et 56% avaient 75 ans et plus. Comparée à la saison 2014-2015, durant laquelle le virus A(H3N2) co-circulait avec les virus A(H1N1)pdm09 et de type B (54% des virus grippaux identifiés en médecine ambulatoire étaient de sous-type A(H3N2)), la part des hospitalisations pour grippe parmi l’ensemble des hospitalisations suivant le passage aux urgences durant cette saison était largement supérieure chez les 75 ans et plus (56% versus 36%; p<10-6). Tous âges confondus, pendant l’épidémie, cette proportion a été de 10,2/1 000 hospitalisations alors qu’habituellement elle est inférieure à 5/1 000, excepté en 2014-2015 où elle s’élevait à 9,2/1 000. Cette proportion a dépassé 10/1 000 hospitalisations de la semaine 51/2016 à la semaine 05/2017 avec un pic en semaine 52 (15,4/1 000), soit 3 semaines avant le pic observé en médecine ambulatoire (figure 3).
La dynamique de l’épidémie a été variable d’une région à l’autre. Trois régions du sud-est de la France (Auvergne-Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Corse) et l’Île-de-France ont été particulièrement touchées (figures 4, 5 et 6). Dans les trois régions du sud-est de la France, la part du nombre de passages hebdomadaires aux urgences pour grippe ou syndrome grippal a été supérieure à 35/1 000 lors du pic d’activité, alors qu’en Île-de-France elle était de 27/1 000, et inférieure à 23/1 000 dans les autres régions métropolitaines. La part hebdomadaire d’hospitalisations après passage aux urgences pour grippe ou syndrome grippal a dépassé 35/1 000 au moment du pic d’activité dans les trois régions du sud-est de la France mentionnées ci-dessus, et elle était inférieure à 16/1 000 dans les autres régions.
Surveillance des cas graves admis en service de réanimation
Cette saison, 1 479 cas graves de grippe ont été signalés à Santé publique France par les services de réanimation en France métropolitaine. Le nombre de cas admis pendant l’épidémie était comparable à celui de la saison 2014-2015 (1 366 versus 1 369 cas), avec un pic en semaine 52 (figure 3). La majorité (98%) des cas a été infectée par un virus de type A, les autres par un virus de type B ou un virus grippal non typé. À noter que 6 patients ont présenté une co-infection par des virus de type A et B. La majorité des virus de type A (60%) n’a pas été sous-typée du fait de l’absence de RT-PCR (Reverse Transcriptase Polymerase Chain Reaction) spécifique dans de nombreux hôpitaux, et ceux qui l’ont été appartenaient essentiellement au sous-type A(H3N2). La majorité des patients étaient des personnes âgées : 26% appartenaient à la tranche d’âge des 65-74 ans et 40% d’entre eux avaient 75 ans et plus. La proportion des 65 ans et plus était supérieure à celle observée durant la saison 2014-2015 (20% chez les 65-74 ans et 28% chez les 75 ans et plus). L’âge moyen des cas était le plus élevé depuis 2009 (66 ans versus 61 ans en 2014-2015) et la médiane était de 70 ans.
La majorité des cas (92%) présentaient au moins un facteur de risque de grippe grave, essentiellement l’âge supérieur à 65 ans et/ou la présence d’une ou plusieurs pathologies chroniques avec, pour les plus fréquentes : des pathologies pulmonaires (43%), cardiaques (34%) ou un diabète (27%). Parmi les 1 094 patients pour lesquels le statut vaccinal était connu, 63% n’étaient pas vaccinés.
Par rapport à la saison 2015-2016, un nombre moindre de patients ont présenté un syndrome de détresse respiratoire aiguë (52% en 2016‑2017 versus 64% en 2015-2016 ; p<10-6) ou ont eu besoin d’oxygénation par membrane extracorporelle (1% en 2016‑2017 versus 7% en 2015-2016 ; p<10-6).
Parmi les 263 décès répertoriés, 4 étaient des enfants (3 avec une pathologie chronique et 1 sans information sur les facteurs de risque), 22% avaient entre 65 et 74 ans et 54% avaient 75 ans et plus. La majorité (96%) des patients décédés présentaient au moins un facteur de risque. La létalité observée parmi les cas graves était de 18%, comparable à celle des saisons précédentes (entre 16% et 22%).
Surveillance virologique
Cette saison a été marquée par la circulation quasi exclusive des virus A(H3N2).
En médecine ambulatoire, parmi les 2 969 prélèvements réalisés, 1 437 virus grippaux ont été détectés, dont 98% étaient de sous-type A(H3N2). Seuls 11 virus de sous-type A(H1N1)pdm09 et six virus de type B ont été détectés. La proportion la plus importante de prélèvements positifs pour un virus grippal a été atteinte en semaine 51 avec 67%.
En milieu hospitalier, parmi les 104 391 prélèvements réalisés, 14 891 virus grippaux ont été détectés et la proportion de virus grippaux de type A était de 99%, sans que l’on puisse connaitre la proportion des différents sous-types. En effet, les laboratoires hospitaliers utilisent des kits qui ne permettent généralement que le sous-typage des virus A(H1N1)pdm09.
La proportion de prélèvements positifs pour les virus grippaux a augmenté dès la semaine 49/2016 et a été la plus importante en semaine 52/2016, avec 28% de prélèvements positifs.
La caractérisation génétique des virus A(H3N2) a été possible pour 447 virus isolés ; 99% d’entre eux appartenaient au clade 3C.2a, comme la souche vaccinale A/Hong Kong/4801/2014. Par ailleurs, 71% de ces virus caractérisés appartenaient au sous-clade 3C.2a1, représenté par A/Bolzano/7/2016, antigéniquement analogue à la souche vaccinale.
Surveillance des épisodes d’infections respiratoires aiguës en collectivités de personnes âgées
Entre les semaines 40/2016 et 14/2017, 1 903 épisodes d’IRA survenus en collectivités de personnes âgées ont été signalés à Santé publique France. Le nombre hebdomadaire d’épisodes a considérablement augmenté en semaine 51/2016, pour atteindre un pic en semaine 01/2017. Le nombre de ces épisodes – et notamment de ceux attribués à la grippe – était largement supérieur à celui constaté lors des quatre dernières saisons grippales (figure 7). La majorité (86%) d’entre eux a débuté pendant l’épidémie.
Parmi les 1 704 (90%) épisodes pour lesquels un bilan final a été réalisé, le taux d’attaque moyen d’IRA par épisode parmi les résidents était de 28%, valeur comparable à celles habituellement observées, excepté durant la saison 2015-2016 où ce taux avait été de 23%. Le taux d’hospitalisation était de 7% et la létalité de 3%, valeurs habituellement retrouvées. La durée moyenne des épisodes était de 14 jours. Le taux d’attaque moyen d’IRA par épisode parmi le personnel était de 6% (médiane : 4,2%).
D’après les rapports transmis par les collectivités concernées, dans la quasi–totalité des épisodes signalés (99%) des mesures de contrôle ont été mises en place dans un délai moyen de deux jours (médiane de 0 jour). Ces mesures comprenaient le renforcement de l’hygiène des mains (99%), les précautions de type gouttelettes (97%), la limitation des déplacements des malades (98%), l’arrêt ou la limitation des activités collectives (87%) et une information aux visiteurs et intervenants (97%). Pendant l’épidémie, une chimioprophylaxie antivirale a été mise en œuvre dans 39% des épisodes.
Sur les 1 903 épisodes signalés, 62% ont fait l’objet d’une recherche étiologique, dont 71% étaient positives pour la grippe, essentiellement de type A (520/528 foyers avec typage connu). Le virus respiratoire syncytial (VRS) a été détecté lors de 17 épisodes.
La couverture vaccinale moyenne des résidents contre la grippe était de 83% et celle du personnel de 21%. Ces valeurs sont comparables à celles des saisons antérieures.
Surveillance de la mortalité globale toutes causes confondues
La surmortalité toutes causes, extrapolée à l’échelle nationale pendant les 10 semaines de l’épidémie, a été estimée à 21 200 décès, un nombre supérieur à celui observé en 2014-2015 (18 300 décès). Cet excès de mortalité, qui a concerné essentiellement les personnes âgées de plus de 75 ans et touché l’ensemble des régions métropolitaines, est le plus élevé depuis l’hiver 2006-2007. Le modèle statistique développé pour la saison grippale 2016-2017 a permis d’évaluer à 14 358 (IC95% [11 171;16 944]) le nombre de décès attribuables à la grippe, dont 91% sont survenus chez les personnes âgées de 75 ans et plus, soit 13 136 décès [11 413;14 859]. Ces chiffres sont comparables à ceux obtenus par le même modèle pour l’épidémie de 2014-2015 (14 490 décès dont 13 011 chez les 75 ans et plus). Comparé à l’excès de mortalité toutes causes observé, le modèle permet d’estimer que près de 70% de l’excès observé durant l’épidémie grippale 2016-2017 peut être attribué à la grippe.
Épidémie dans les DOM
Dans les Antilles, l’épidémie de grippe a été d’ampleur modérée. En Martinique, elle a débuté fin novembre 2016 pour se terminer début février 2017. Le virus de sous-type A(H3N2) a été prédominant. Quatre personnes hospitalisées en services de réanimation ont été répertoriées par la surveillance des cas graves. En Guadeloupe, l’épidémie s’est étendue de mi-octobre 2016 à fin janvier 2017. Les virus analysés étaient tous de sous-type A(H3N2). Huit cas graves hospitalisés en services de réanimation ont été répertoriés. À Saint-Martin, l’épidémie s’est déroulée de mi-novembre 2016 à mi-mars 2017, tandis qu’à Saint-Barthélemy elle a démarré fin novembre 2016 et s’est poursuivie jusqu’à début février 2017.
En Guyane, l’épidémie a commencé plus précocement qu’à l’accoutumée et a duré 23 semaines entre mi-septembre 2016 et mi-février 2017, avec une prédominance de virus A(H3N2). Un premier pic épidémique a été atteint en semaine 38 en septembre 2016 et un second en semaine 5 en février 2017. Quatre cas graves hospitalisés en service de réanimation ont été répertoriés.
À La Réunion, la saison grippale est inverse de celle de l’hémisphère nord. Elle a débuté en avril 2016 avec une 1ère vague épidémique (semaines 17 à 30) où le virus de type B a été majoritaire, suivi du virus A(H1N1)pdm09. Une 2e vague est survenue fin août (semaines 35 à 41) avec des virus A(H3N2) ainsi que d’autres virus respiratoires. Cette épidémie a été marquée par un nombre très élevé de cas graves, avec 68 personnes hospitalisées en service de réanimation (17 cas en moyenne sur la période 2010-2015) 6.
Discussion – Conclusion
Cette saison, l’épidémie de grippe a été précoce au regard des dernières saisons (depuis 2010-2011) et due quasi-exclusivement aux virus A(H3N2), comme observé dans les autres pays européens (2). Elle s’est révélée d’une intensité modérée en médecine ambulatoire, contrairement à l’épidémie de 2014-2015 où 2,9 millions de personnes avaient consulté pour un syndrome grippal 7. Toutefois, elle a été particulièrement sévère chez les personnes âgées. En comparaison avec les six saisons grippales passées, il a été observé cette année : une proportion plus élevée d’hospitalisations après recours aux urgences, concernant majoritairement des sujets âgés de 75 ans et plus ; une proportion importante de sujets âgés parmi les cas de grippe admis en service de réanimation ; un nombre important d’épisodes de cas groupés d’IRA en collectivités de personne âgées.
Une des principales limites des données de surveillance est liée au fait qu’elles reposent le plus souvent sur des diagnostics cliniques de grippe sans confirmation virologique. Toutefois, la proportion de grippe parmi les syndromes grippaux est élevée : durant la saison 2016-2017, la part de prélèvements positifs pour la grippe parmi ceux réalisés par les médecins sentinelles sur un échantillon aléatoire de syndromes grippaux était de 42% au moment du passage du seuil épidémique (semaine 49), et elle a atteint son maximum avec 67% en semaine 51.
Un important excès de mortalité, supérieur à 20 000 décès, a été observé. Plus des deux tiers de ces décès ont été attribués à la grippe par un modèle statistique, lequel a estimé que plus de 90% des décès liés à la grippe ont concerné des sujets âgés de 75 ans et plus. Une situation comparable a été observée dans la majorité des pays participant au projet européen de surveillance de la mortalité, notamment dans les pays d’Europe du Sud 8. Elle est due à la particularité du virus A(H3N2) qui a circulé presque exclusivement cet hiver en Europe et qui est souvent responsable de complications chez les personnes fragiles.
La couverture vaccinale de la population à risque en France métropolitaine reste très insuffisante et a diminué depuis la saison 2009-2010, où elle était de 60,2%. Cette année, moins d’une personne à risque sur deux était vaccinée (46,0% pour l’ensemble des sujets ciblés par la vaccination et 49,8% chez les personnes de 65 ans et plus selon l'Assurance maladie 9). L’étude cas-témoins multicentrique européenne I-Move a estimé cette année, en Europe, une efficacité vaccinale modérée en population générale (38,0% [21,3;51,2]) et faible pour l’ensemble des groupes à risque (25,7% [1,5;43,9]) ainsi que chez les personnes 65 ans et plus (23,4% [-15,4;49,1]). Chez les personnes hospitalisées de 65 ans et plus, elle a été évaluée à 2,5% [-43,6;33,8]) 10. Même si l’efficacité du vaccin antigrippal est le plus souvent modérée, voire faible, chez le sujet âgé, notamment contre le virus A(H3N2), l’impact positif de la vaccination contre la grippe saisonnière sur la mortalité des personnes âgées peut être conséquent, comme le montre l’analyse des données françaises sur la période 2000-2009 qui avait estimé à plus de 2 000 le nombre moyen de décès évités chaque année par la vaccination et à 35% l’efficacité vaccinale moyenne dans cette tranche d’âge 11. Le vaccin étant bien toléré, il est donc important de convaincre la population à risque de se vacciner pour éviter les formes graves. Dans les collectivités de personnes âgées, la couverture vaccinale des résidents est élevée, mais celle du personnel n’a pas augmenté ces dernières années et reste très insuffisante. La vaccination reste la première mesure de prévention, mais les mesures barrières (réduction des contacts avec les malades et renforcement de l’hygiène) ainsi que l’utilisation des antiviraux pour les sujets à risque doivent la compléter pour permettre de protéger les personnes les plus vulnérables.
La dynamique et l’intensité de l’épidémie ont été différentes d’une région à l’autre. L’épidémie a été plus marquée dans les régions du Sud-Est. Des analyses complémentaires seront nécessaires pour explorer cette hétérogénéité. Les analyses issues de l’outil statistique utilisé cette saison en routine au niveau régional ont permis aux Cire de suivre la dynamique de l’épidémie de grippe et d’alerter les ARS sur l’évolution de l’activité grippale afin d’adapter au mieux l’offre de soins dans chaque région.
Remerciements
Nous remercions l’ensemble des acteurs des différents réseaux pour leur implication dans la surveillance de la grippe, notamment les médecins des réseaux de médecine ambulatoire (réseau Sentinelles, Fédération SOS Médecins France) et les structures d’urgence du réseau OSCOUR®, la Société française de médecine d’urgence, la Fédération des observatoires régionaux des urgences, les réanimateurs et leurs sociétés savantes (Société de réanimation de langue française, Groupe francophone de réanimation et urgences pédiatriques, Société française d’anesthésie réanimation), les Agences régionales de santé, les laboratoires de virologie et l’ensemble des professionnels de santé qui participent à la surveillance de la grippe, ainsi que Météo France et l’Insee. Nous remercions également, au sein de Santé publique France, pour leur contribution dans la surveillance de la grippe, les personnes de la Dircom, particulièrement K. Le Floch, N. Mateos, H. Nourdin et V. Lemoine, et l’équipe de Dire USS, I. Pontais, C. Caserio-Schönemann, M. Ruello et J. Naud.