Épidémie dhépatite A liée à la contamination des denrées dune boulangerie-pâtisserie, Hérault, 2014

// Hepatitis A outbreak linked to the contamination of products from a bakery, Herault (France), 2014

Laure-Hélène Boudinot1,2, Anne-Marie Roque-Afonso3, Béatrice Broche2, Amandine Mendy2, Eric Schwartzentruber2, Elisabeth Couturier4, Cyril Rousseau1 (cyril.rousseau@santepubliquefrance.fr)
1 Santé publique France, Cellule d’intervention en région Occitanie, Montpellier, France
2 Agence régionale de santé Occitanie, Montpellier, France
3 Centre national de référence VHA-VHE, AP-HP, Hôpital Paul Brousse, Service de virologie, Villejuif, France
4 Santé publique France, Saint-Maurice, France
Soumis le 02.06.2017 // Date of submission: 06.02.2017
Mots-clés : Hépatite A | Boulangerie | Investigation | Épidémie
Keywords: Hepatitis A | Bakery | Investigation | Outbreak

Résumé

Introduction –

Fin décembre 2013, un biologiste a alerté l’Agence régionale de santé (ARS) Languedoc-Roussillon du diagnostic de quatre cas d’hépatite A en cinq jours. Après interrogatoire des cas, il est apparu que deux d’entre eux travaillaient dans la même boulangerie-pâtisserie de l'Hérault. Une enquête épidémiologique a été conduite afin de recenser les cas, d’identifier une source de contamination et de prendre les mesures de contrôle et de prévention adaptées.

Méthodes –

Une recherche active de cas a été effectuée auprès des biologistes du département. Chaque cas a été interrogé au moyen d’un questionnaire standardisé. Une analyse virologique a été effectuée par le Centre national de référence VHA-VHE pour caractériser et comparer les souches de VHA.

Résultats –

Au total, 27 cas d’hépatite A porteurs d’une même souche épidémique de type IA, non connue jusqu’alors, ont été identifiés. Le cas index était un employé d’une boulangerie-pâtisserie. Dix-sept cas étaient liés sur le plan épidémiologique à cette boulangerie, dont 2 cas y travaillant ; 10 étaient des cas secondaires ou non reliés directement à cet établissement.

Conclusion –

Cette épidémie était liée à la contamination des denrées d’un établissement commercial alimentaire. Les épidémies d’hépatite A alimentaires sont peu fréquentes en France (neuf épisodes décrits entre 2005 et 2014) et majoritairement liées à des aliments contaminés par un manipulateur excréteur. Leur prévention repose sur la formation des opérateurs en hygiène alimentaire et l’application des mesures d’hygiène et de sécurité alimentaire.

Abstract

Background –

At the end of December 2013, the diagnosis of four viral hepatitis A cases in 5 days led a biologist to alert the regional health authorities of Languedoc-Roussillon (France). After questioning the cases, two of them worked in the same bakery in Hérault district. An epidemiological investigation was led to identify all cases, find a common source of contamination, and take appropriate control and prevention measures.

Methods –

An active case study was carried out with the biologists of the district. Each case was interviewed with a standardized questionnaire. Virological analyses were performed by the National Reference Center (CNR Hepatitis A) to characterize and compare VHA strains.

Results –

A total of 27 cases of hepatitis A with the same genotype 1A epidemic strain, previously unknown, were identified. The index case was an employee of a bakery. Seventeen cases were epidemiologically linked to this bakery, in which one case worked, and 10 were secondary cases or not directly related cases to this facility.

Conclusion –

This outbreak was linked to the contamination of products of a bakery. Food-borne hepatitis A epidemics are unusual in France (9 episodes between 2005 and 2014), and are mainly due to a contamination by a food handler during its excretion period. Their prevention is based on the training of operators to food hygiene, and implementation of hygiene and food safety measures.

Introduction

Le virus de l’hépatite A (VHA) est un hépatovirus, connu pour sa très grande résistance dans le milieu extérieur 1. Son réservoir est l’homme infecté. Sa transmission interhumaine est de type féco-oral par contact direct ou, plus rarement, indirecte via l’ingestion d’eau ou d’aliments contaminés.

L’hépatite A aiguë est le plus souvent asymptomatique chez les enfants âgés de moins de 6 ans ; la proportion de formes symptomatiques et la sévérité augmentent avec l’âge 2. Après une incubation de 15 à 50 jours (en moyenne 30 jours), les signes cliniques sont : fièvre, asthénie, nausées, douleurs abdominales suivies d’un ictère. La période d’excrétion virale débute 15 jours avant l’apparition de l’ictère, et peut durer jusqu’à trois semaines après.

La surveillance de l’hépatite aiguë A est assurée depuis novembre 2005 par la déclaration obligatoire (DO), basée sur la positivité des IgM anti-VHA 3. L’objectif de cette surveillance est de détecter les cas groupés afin de prendre les mesures de contrôle. Le Centre national de référence VHA-VHE (CNR) contribue à la surveillance par l’identification et le typage des souches qu’il reçoit spontanément, ou lors d’une suspicion de cas groupés.

Entre 2006 et 2013, 9 473 cas d’hépatite A ont été déclarés en France, soit en moyenne 1 184 cas par an (environ 1,8 cas/100 000 habitants) 4. Les deux principales expositions à risque identifiées étaient un séjour hors France métropolitaine et la présence de cas d’hépatite A dans l’entourage.

La vaccination de l’entourage des cas fait partie des mesures de contrôle, comme précisé dans deux avis complémentaires du Haut Conseil de la santé publique (HCSP) du 13 février 2009 5,6.

Lalerte

Fin décembre 2013, un biologiste de l’Hérault signalait à l’Agence régionale de santé (ARS) quatre cas d’hépatite A survenus entre le 19 et le 23 décembre, ce qui semblait élevé pour la période. Le nombre mensuel moyen de DO d’hépatite A aiguë dans l’Hérault avait été en effet inférieur à quatre durant les trois années précédentes.

Aucune exposition à risque habituellement recherchée dans la DO n’était identifiée auprès des médecins traitants : autre cas dans l’entourage, séjour hors métropole, enfants âgés de moins de 3 ans à domicile, consommation de fruits de mer, fréquentation de crèche ou d’établissement pour personnes handicapées. En revanche, deux des quatre cas travaillaient dans une même boulangerie-pâtisserie et les deux autres cas étaient clients de cette boulangerie. Une investigation a été initiée en formulant l’hypothèse d’un épisode de cas groupés liés à une source commune issue de la boulangerie. Elle avait pour objectifs de décrire l’épisode, d’identifier la souche impliquée, la source et ses modes de diffusion, afin de permettre des mesures de contrôle adaptées. Cet article fait également le point sur les épisodes de transmission du VHA dans le secteur des métiers de bouche.

Méthodes

Investigation microbiologique

Les sérums des patients prélevés entre le 22 novembre 2013 et fin février 2014 et présentant des IgM anti-VHA positives (IgM+) ont été adressés au CNR par les laboratoires locaux, pour génotypage et caractérisation des souches de VHA par analyse phylogénétique d’une séquence de 508 nucléotides (région VP1/2A), comme décrit précédemment 7.

Investigation épidémiologique

Il s’agit d’une enquête descriptive réalisée durant les investigations, basée sur un questionnaire standardisé administré par téléphone.

Définition de cas

Un cas primaire était défini comme toute personne présentant une anorexie, des vomissements, des douleurs abdominales, une diarrhée, des signes digestifs, un ictère, associé(s) à des IgM+, ayant fréquenté la commune où était localisée la boulangerie et porteur de la souche épidémique, entre le 1er novembre 2013 et le 1er mars 2014.

Un cas secondaire était défini comme un cas ayant des symptômes similaires survenant dans les deux à six semaines après un contact avec un cas primaire, et porteur de la souche épidémique.

Recensement des cas

Une recherche active de cas IgM+ a été effectuée auprès des laboratoires de biologie médicale de l’Hérault et des deux centres hospitaliers de la région, de mi-novembre 2013 à fin février 2014.

Recueil et traitement des données

Les informations sociodémographiques et cliniques ont été recueillies, ainsi que les expositions à risque. Une enquête alimentaire a été conduite pour les consommations des 2 à 6 semaines précédant les signes cliniques. Les variables suivantes ont été recueillies : consommation de coquillages, végétaux crus, boissons, pâtisseries, salades, sandwiches, fréquentation d’établissements de restauration sur place ou à emporter, existence de repas collectifs.

L’analyse des données a été réalisée avec le logiciel Stata 13® (Stata Corporation, College Station, Texas, États-Unis).

Aspects éthiques et confidentialité des données

Cette investigation a été menée conformément à l’autorisation n° 341194V42 délivrée le 16 mai 2011 par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) pour les traitements de données à caractère personnel dans le cadre d’investigations urgentes.

Investigations alimentaires et mesures de gestion

Une inspection de la boulangerie a été effectuée par les services vétérinaires de la Direction départementale de la protection des populations (DDPP) afin de vérifier le respect des obligations sanitaires, des règles d’hygiène et de maîtrise du risque sanitaire, et d’effectuer une analyse microbiologique des aliments proposés à la vente (recherche de germes témoins d’une contamination fécale et de VHA). La médecine du travail a évalué le risque professionnel avec vérification de l’hygiène individuelle et des connaissances, ainsi que le statut vaccinal vis-à-vis du VHA pour lequel il existe une recommandation d’immunisation à titre professionnel 8.

Résultats

Investigation microbiologique

Les 36 prélèvements reçus par le CNR provenaient essentiellement de plateformes biologiques de ville.

L’ARN viral était indétectable dans les sérums de 3 patientes âgées de 33, 68 et 69 ans, avec une avidité des IgG anti-VHA élevée, permettant d’exclure une infection récente. Ces patientes n’ont pas été incluses dans l’analyse des cas.

Des souches uniques (et donc génétiquement distinctes) de génotype IA ou IIIA ont été identifiées chez 5 patients (signalées par ◆ dans l’arbre phylogénétique, figure 1). Ces patients n’ont donc pas été inclus dans l’analyse épidémiologique.

Une souche de génotype IA correspondait à une patiente asymptomatique, non incluse dans l’analyse du fait qu’elle ne correspondait pas à un tableau clinique et biologique d’hépatite A aiguë et que la datation de son infection était impossible.

Les 27 patients dont les sérums ont été retenus avaient tous une même souche épidémique de génotype IA, non connue jusqu’alors dans la base de données nationale du CNR.

Figure 1 : Analyse phylogénétique des souches de VHA issues des cas dhépatite A liés à une boulangerie, Hérault, 2013-2014
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Investigation descriptive

Entre novembre 2013 et fin février 2014, 41 cas d’hépatite A aiguë ont été déclarés dans le département de l’Hérault, parmi lesquels 7 ont été exclus :

5 cas interrogés orientaient vers une autre exposition à risque (voyage en zone d’endémicité du VHA) ;

1 cas asymptomatique, lié à 1 cas symptomatique, ne répondait pas à la définition de cas qui ne retenait que les tableaux clinico-biologiques d’hépatite A aiguë ;

1 cas était perdu de vue et non interrogeable.

Parmi les 34 cas investigués, les souches de 2 d’entre eux n’ont pas été reçues par le CNR, celles de 3 cas n’avaient pas de génome détectable et celles de 2 cas avaient des génotypes différents de la souche épidémique. Au final, 27 cas ont donc été retenus, en accord avec le CNR, avec identification au niveau moléculaire d’une même souche épidémique de génotype IA.

Le sexe-ratio homme/femme était de 1,2 (16 hommes pour 11 femmes), l’âge médian de 33 ans [6-73 ans] ; 6 cas ont été hospitalisés (22%), et l’évolution a été favorable pour tous. Les signes cliniques étaient : ictère (26/27), asthénie (25/27), vomissements (16/27), fièvre (16/27), anorexie (15/27).

La survenue des cas se répartissait entre la semaine 46-2013 et la semaine 5-2014, avec un pic en semaines 51-52 (figure 2). La courbe évoquait une source commune ponctuelle. La période potentielle de contamination retenue se situait entre les semaines 44 et 47, soit deux semaines avant les signes des premiers cas signalés (pour une incubation courte) et sept semaines avant la date de début des signes des derniers cas primaires (pour une incubation longue).

Figure 2 : Distribution des cas dhépatite A, Hérault, 2013-2014
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Le cas index a été identifié. Il s’agissait d’un pâtissier dans la boulangerie, dont les signes cliniques étaient apparus trois semaines avant les signes des cas suivants. Il avait travaillé dans la boulangerie durant sa phase d’excrétion virale, qui coïncidait avec la période de contamination des cas primaires. Il a été symptomatique en même temps qu’une personne de son entourage (semaine 46), mais l’origine de la contamination n’a pas été identifiée. Un seul autre membre du personnel (boulangère) a été identifié parmi les cas, mais ses symptômes sont survenus plus de 6 semaines après ceux du cas index, et elle a immédiatement suspendu son activité.

Enquête alimentaire

Dix-sept cas avaient consommé des denrées de la boulangerie A, dont 3 ne pouvaient préciser la nature de leurs consommations.

Consommations des clients de la boulangerie A

L’enquête montrait une consommation majoritaire de pâtisseries, de façon exclusive dans 36% des cas (tableau). Ces pâtisseries étaient variées : chou à la crème, tarte au citron et gâteau à la crème, autres pâtisseries sans précision. Du pain seul et un sandwich seul avaient été consommés par 3 cas, et aucun cas ne rapportait la consommation de salades préparées.

Tableau : Distribution des consommations parmi les cas dhépatite A clients de la boulangerie A, Hérault, 2013‑2014
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Consommation des cas non clients de la boulangerie A

Un cas faisait partie de l’entourage du cas index et 1 cas n’avait ni exposition, ni contact identifié avec un cas primaire.

Deux cas ont acheté des pâtisseries exclusivement dans une autre boulangerie B, dans laquelle il est apparu que le cas index avait aussi travaillé occasionnellement pendant sa phase excrétrice.

Six cas correspondaient à des cas secondaires.

Investigations alimentaires et mesures de gestion

L’inspection d’hygiène alimentaire de la boulangerie A a révélé des non-conformités des locaux, l’absence de distributeur de savon et de respect des règles de lavage des mains lors des opérations de manipulation des denrées. L’atelier de préparation des denrées, la zone de stockage et la zone de vente ne présentaient pas de non-conformité majeure. Enfin, l’employé malade avait travaillé pendant une durée indéterminée avant d’être en arrêt maladie, notamment à la préparation des pâtisseries (produits non destinés à être cuits après leur confection). Il ne participait pas à la vente des produits de la boulangerie.

Les pâtisseries étaient exclusivement vendues par la boulangerie A en remise directe. Les seules denrées délivrées à des clients professionnels étaient du pain à des restaurateurs de la ville. Les analyses microbiologiques (pain, sandwiches et diverses pâtisseries) pour recherche de germes fécaux (entérobactéries), ont montré leur présence dans trois prélèvements sur 12, témoignant d’un important défaut d’hygiène le jour de l’inspection. Les recherches de VHA effectuées par RT-PCR au laboratoire départemental de Perpignan (réactif CEERAM Tools) sur plusieurs pâtisseries le jour de l’inspection n’ont pas détecté d’ARN viral du VHA.

La destruction des matières premières et des denrées congelées au moment de la période de contagiosité des cas travaillant dans la boulangerie, ainsi qu’un nettoyage approfondi de tous les sites possibles de contamination croisée ont été requis.

Une formation du personnel aux règles d’hygiène et un plan de maîtrise sanitaire ont été demandés. La médecine du travail a vérifié le statut vaccinal des quatre membres du personnel non symptomatiques et a fait procéder à leur vaccination du fait d’une absence d’immunisation.

L’ARS a réalisé une information des professionnels de santé de la commune afin de rappeler l’importance du signalement et de la déclaration des cas d’hépatite A aiguë.

Discussion

L’épisode a regroupé 27 cas d’hépatite A aiguë de génotype IA, dont un cas index pâtissier travaillant durant sa phase excrétrice, qui a été identifié. L’absence de diagnostic initial du cas index n’a pas permis la mise en place de mesures appropriées. L’alerte n’a été donnée que lors de la survenue de trois autres cas parmi le personnel et les clients. Les épisodes de cas groupés peuvent être à leur tour à l’origine d’une diffusion d’un génotype spécifique dans la communauté 9. La source de contamination du cas index n’a pas été identifiée, mais ne semble pas être liée aux denrées de la boulangerie, en raison d’un délai de plusieurs semaines entre les symptômes du cas index et la survenue des premiers cas parmi les clients.

L’enquête alimentaire ne permet pas de conclure à la responsabilité d’une denrée en particulier et suggère que les véhicules de la transmission sont les pâtisseries et/ou le pain contaminés lors de leur manipulation. Une enquête analytique n’a pas été retenue en raison du faisceau de preuves disponibles au moment de l’alerte et d’un contexte de ressources limitées. En effet, le signal initial, très localisé, indiquait que deux membres du personnel et plusieurs clients habituels de la boulangerie partageaient les mêmes symptômes, avec des délais compatibles avec une diffusion de la souche épidémique par un des professionnels.

Cinq épisodes impliquant une boulangerie et/ou une pâtisserie ou un établissement revendeur ont été décrits dans la littérature 10,11,12,13,14 entre 1968 et 2014, à l’origine de 61 à 83 cas et durant généralement deux mois. Comme ici, un personnel excréteur était à chaque fois identifié et aucune contamination des matières premières identifiée.

Parmi les cinq publications, le véhicule suspecté était le nappage par du sucre glace pour deux d’entre elles 10,12, la contamination du pain lors de la confection de sandwiches ou de leur emballage pour une autre 11 et enfin la préparation de beignets fourrés 13. Dans une dernière publication 14, la personne excrétant le VHA était chargée de la vente et pouvait avoir contaminé l’ensemble des denrées. Des analyses épidémiologiques de type « cas-témoins » orientaient vers une pâtisserie particulière dans deux cas, mais une transmission croisée du VHA via plusieurs denrées et opérateurs n’était pas exclue.

Seule une étude 14 s’appuyait sur des recherches de génome viral dans l’environnement et identifiait sur les surfaces (caisse, poignées de portes, clavier), une souche génétiquement similaire à celle des cas, mais elle avait nécessité la réalisation d’un nombre important de prélèvements. Dans notre investigation, la recherche de VHA sur certains aliments était négative, mais des signes de contamination fécale des denrées témoignaient de l’absence de maîtrise du risque viral, ce qui apporte une information pertinente.

Les données disponibles en France de 2005 à 2014, montrent que les épidémies d’hépatite A d’origine alimentaire sont peu fréquentes, avec neuf épisodes de toxi-infection alimentaire collective liée au VHA rapportés à Santé publique France en dix ans. La contamination par le VHA peut se produire en tout point de la chaîne alimentaire : culture, récolte, transformation, distribution, ou préparation 15. Lorsqu’une source était suspectée, la majorité des épisodes étaient liés à un aliment contaminé par un manipulateur excréteur en restauration commerciale 16 ou dans le cadre privé 17. D’importantes épidémies d’origine alimentaire mettant en cause une contamination des matières premières ont aussi été décrites, liées à la consommation d’huîtres en 2007 18, de tomates semi-séchées en 2009-2010 19 ou de fruits rouges surgelés en 2013-2014 20. L’identification de l’étape de la chaîne alimentaire où la contamination a eu lieu peut être complexe, du fait principalement de la méconnaissance ou de l’oubli par les consommateurs des aliments présents dans les préparations, en particulier les aliments cachés comme les tomates séchées dans les sandwichs.

L’épidémie décrite ici a permis de rappeler les mesures de prévention de l’hépatite A. Celles-ci reposent avant tout sur l’hygiène personnelle et collective. Enfin, la vaccination contre l’hépatite A, disponible depuis 1992 confère une protection durable avec un schéma vaccinal à deux doses. Elle est recommandée pour les personnels exposés professionnellement à un risque de contamination (voir encadré), notamment ceux impliqués dans la préparation alimentaire en restauration collective. De plus, cette vaccination est aussi recommandée 6 dans l’entourage familial d’un cas et dans les communautés de vie en situation d’hygiène précaire.

Encadré :
Synthèse des recommandations vaccinales 2017 contre lhépatite A (hors vaccination autour dun cas)

Recommandations particulières

La vaccination contre l’hépatite A est recommandée pour :

les jeunes accueillis dans les établissements et services pour l’enfance et la jeunesse handicapées ;

les patients atteints de mucoviscidose et/ou de pathologie hépatobiliaire susceptibles d’évoluer vers une hépatopathie chronique (notamment dues au virus de l’hépatite B, de l’hépatite C ou à une consommation excessive d’alcool) ;

les enfants, à partir de l’âge de 1 an, nés de familles dont l’un des membres (au moins) est originaire d’un pays de haute endémicité et qui sont susceptibles d’y séjourner ;

les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH).

Recommandations pour les personnes immunodéprimées ou aspléniques

Voir Rapport du HCSP du 7 novembre 2014 : http://www.hcsp.fr/explore.cgi/avisrapportsdomaine?clefr=504

En milieu professionnel

La vaccination contre l’hépatite A est recommandée pour les personnels exposés professionnellement à un risque de contamination :

s’occupant d’enfants n’ayant pas atteint l’âge de la propreté (par exemple personnels des crèches, assistants maternels...) ;

des structures collectives d’accueil pour personnes handicapées ;

chargés du traitement des eaux usées et des égouts.

Elle est également recommandée pour les professionnels impliqués dans la préparation alimentaire en restauration collective.

Recommandations sanitaires pour les voyageurs

La vaccination contre l’hépatite A est recommandée à partir de l’âge de 1 an pour tous les voyageurs devant séjourner dans un pays ou l’hygiène est précaire, quelles que soient les conditions du séjour. Elle est particulièrement recommandée chez les personnes souffrant d’une maladie chronique du foie ou de mucoviscidose. Un examen sérologique préalable (recherche d’IgG) a un intérêt pour les personnes ayant des antécédents d’ictère, ayant passé leur enfance en zone d’endémie ou nées avant 1945.

Sources : Calendrier des vaccinations et recommandations vaccinales 2017 : http://solidarites-sante.gouv.fr/prevention-en-sante/preserver-sa-sante/calendrier-vaccinal ; Recommandations sanitaires pour les voyageurs 2017 : http://opac.invs.sante.fr/index.php?lvl=notice_display&id=13377

Conclusion

Cette épidémie d’hépatite A d’origine alimentaire est survenue dans un contexte de diffusion par un professionnel manipulateur excréteur et a permis de rappeler l’importance de la maîtrise des mesures d’hygiène à toutes les étapes de la production alimentaire. Si le virus de l’hépatite A est très résistant dans le milieu extérieur, le lavage des mains permet de diminuer fortement le risque de sa transmission par manipulation des aliments. Des enquêtes analytiques peuvent permettre d’aider à identifier la source de telles épidémies, mais cet article montre aussi l’intérêt de réaliser une enquête descriptive détaillée, plus simple à mettre en œuvre, pour guider les mesures de gestion. Cet épisode rappelle aussi la nécessité de renforcer la sensibilisation à la déclaration des maladies obligatoires.

Remerciements

Nous remercions l’ensemble des biologistes des laboratoires de biologie médicale et des laboratoires hospitaliers, ainsi que les cliniciens concernés pour leur appui à cette investigation.

Références

1 Couturier E, Delarocque-Astagneau E, Duponchel JL, Dussaix E, Hoen B, Ichai P, et al. Guide pour l’investigation, la prévention et l’appui à la gestion des cas d’hépatite aiguë A. Saint-Maurice: Institut de veille sanitaire; 2009. 23 p. http://opac.invs.sante.fr/doc_num.php?explnum_id=1020
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3 Décret n° 2005-1395 du 10 novembre 2005 modifiant la liste des maladies faisant l’objet d’une transmission obligatoire de données individuelles à l’autorité sanitaire. https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000261595&dateTexte=20170802
4 Santé publique France. Dossier Hépatite A – Données épidémiologiques. [Internet]. Saint-Maurice: Santé publique France. http://www.invs.sante.fr/fr/Dossiers-thematiques/Maladies-infectieuses/Hepatites-virales/Hepatite-A/Donnees-epidemiologiques
5 Haut Conseil de la santé publique. Avis relatif à la vaccination autour d’un (ou de plusieurs) cas d’hépatite A. Paris: HCSP; 13 février 2009. 3 p. http://www.hcsp.fr/Explore.cgi/avisrapportsdomaine?clefr=60
6 Haut Conseil de la santé publique, Avis relatif aux recommandations de vaccination préventive ciblée contre l’hépatite A. Paris: HCSP; 13 février 2009. 3 p. http://www.hcsp.fr/Explore.cgi/avisrapportsdomaine?clefr=125
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8 Ministère des Affaires sociales et de la Santé. Calendrier des vaccinations et recommandations vaccinales 2017. 24 p. http://solidarites-sante.gouv.fr/prevention-en-sante/preserver-sa-sante/calendrier-vaccinal
9 Situation épidémiologique de l’hépatite A dans les Pays de la Loire 2006-2012. Bulletin de veille sanitaire Pays de Loire. 2013;(14):1-16. http://invs.santepubliquefrance.fr/fr/Publications-et-outils/Bulletin-de-veille-sanitaire/Tous-les-numeros/Pays-de-la-Loire/Bulletin-de-veille-sanitaire-Pays-de-la-Loire.-n-14-Mai-2013
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Citer cet article

Boudinot LH, Roque-Afonso AM, Broche B, Mendy A, Schwartzentruber E, Couturier E, et al. Épidémie d’hépatite A liée à la contamination des denrées d’une boulangerie-pâtisserie, Hérault, 2014. Bull Epidémiol Hebd. 2017;(21):447‑54. http://invs.santepubliquefrance.fr/beh/2017/21/2017_21_2.html