Couvertures vaccinales, connaissances, perceptions et attitudes vis-à-vis de la vaccination des adolescents dans les départements du Calvados et de l’Orne (Normandie), 2015-2016

// Vaccination coverage, knowledge, perceptions and attitudes of teenagers toward vaccination in Calvados and Orne districts (Normandy, France), 2015-2016

Ludivine Boulet, Arthur Spillebout, Arnaud Mathieu, Nathalie Nicolay (nathalie.nicolay@ars.sante.fr)
Santé publique France, Cellule d’intervention en région Normandie, Rouen, France
Soumis le 02.06.2017 // Date of submission: 06.02.2017
Mots-clés : Couverture vaccinale | Connaissances | Perceptions | Vaccination | Adolescents
Keywords: Vaccination coverage | Knowledge | Perception | Immunization | Adolescents

Résumé

Introduction –

La couverture vaccinale (CV) des adolescents est peu documentée en routine en France à une échelle infranationale. Or, il est important que les Agences régionales de santé disposent d’indicateurs précis à l’échelle de leurs territoires de santé pour pouvoir mener des politiques de promotion de la vaccination et mettre en place des campagnes de rattrapage ciblées. Cette étude avait pour objectifs de documenter les CV des adolescents des départements du Calvados et de l’Orne (Normandie), ainsi que leurs connaissances et perceptions vis-à-vis de la vaccination et des maladies à prévention vaccinale.

Méthodes –

Étude descriptive transversale de mesure des CV d’adolescents convoqués à plusieurs « Journées défense citoyenne », à qui il avait été demandé d’apporter leur carnet de santé. Par ailleurs, des données sur leurs connaissances, attitudes et perceptions de la vaccination ont été recueillies par auto-questionnaire.

Résultats –

Les CV étaient similaires dans les deux départements : deux tiers des adolescents avaient reçu 2 rappels coqueluche ; les CV rougeole-oreillons-rubéole 2 doses étaient supérieures à 90% ; moins d’un quart avait reçu le rattrapage contre le méningocoque C ; un tiers avait reçu 3 doses de vaccin contre l’hépatite B, et un quart des adolescentes avaient reçu 2 doses de vaccin contre le HPV. Une grande majorité des adolescents des deux départements jugeait la vaccination « utile » ou « très utile ».

Conclusion –

Les CV mesurées chez les adolescents du Calvados et de l’Orne sont insuffisantes pour certains vaccins, nécessitant la mise en place de campagnes de rattrapage ciblées. Les adolescents perçoivent assez positivement la vaccination mais méconnaissent les maladies contre lesquelles ils sont ou pourraient être vaccinés.

Abstract

Introduction –

Vaccination coverage (VC) of adolescents is poorly documented on a regular basis in France at the subnational level. It is important that the Regional Health Agencies have specific indicators at health district level to implement policies promoting vaccination and targeted catch-up campaigns. The objectives of this study were to document the VC of adolescents living in Calvados and Orne districts (Normandy) as well as their knowledge, attitudes and perceptions on immunization and vaccine-preventable diseases.

Methods –

Cross-sectional study measuring VC (all valences) among adolescents attending Defense Citizens Days organized in Calvados and Orne districts who were asked to bring up their vaccination record. Data on their knowledge, attitudes and perception were also collected using a self-administered questionnaire.

Results –

VC was similar in both districts: about two third had received 2 boosters of pertussis vaccine, more than 90% had received 2 doses of the measles-mumps-rubella vaccine, one fifth had received the meningococcal C vaccine, about one third had received 3 doses of hepatitis B vaccine, and a quarter of female had received 2 doses of HPV vaccine. Most of the adolescents considered vaccination to be useful or very useful.

Conclusion –

VC in adolescents in the Calvados and Orne districts were insufficient regarding some vaccines and require the implementation of targeted catch-up campaigns. Adolescents perceived vaccination quite positively, but they had poor knowledge of diseases against which a vaccine is available.

Introduction

En France aujourd’hui, les recommandations du calendrier vaccinal sont qu’à l’adolescence, chaque individu ait reçu trois doses plus deux rappels de vaccin contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite (DTP), ainsi que trois doses plus deux rappels de vaccin contre la coqueluche, trois doses de vaccin contre l’Haemophilus influenzae de type b (Hib), trois doses de vaccin contre l’hépatite B, deux doses de vaccin contre la rougeole, les oreillons et la rubéole, (ROR), une dose de vaccin contre le méningocoque C et, pour les filles, deux doses de vaccin contre les papillomavirus humains (HPV) 1.

Il n’existe pas de sources de données nationales de couvertures vaccinales (CV) disponibles en routine qui permettraient de suivre et d’évaluer, chez les adolescents, l’application de l’ensemble des recommandations vaccinales à l’échelle d’un territoire de santé. Les deux sources principales d’information sur les CV des enfants et des adolescents sont, d’une part, les enquêtes en milieu scolaire, qui portent sur les enfants scolarisés en classes de grande section de maternelle (6 ans), en CM2 (11 ans) et en troisième (15 ans) 2 : ces enquêtes produisent des indicateurs à l’échelle nationale et leur répétition est espacée dans le temps (tous les 6 ans pour chacun des niveaux scolaires). S’y ajoutent d’autre part des travaux récents d’estimation des CV à partir des données de l’Assurance maladie 3, avec la production d’indicateurs départementaux de CV pour les vaccinations contre le méningocoque C et les HPV dans les tranches d’âge cibles 4. Ils indiquaient de faibles niveaux de CV et des objectifs de santé publique non atteints 5. Par ailleurs, il y a peu de données publiées sur les perceptions de la vaccination par les adolescents eux-mêmes, de telles données ayant été plus fréquemment recueillies auprès des parents au sujet des vaccinations recommandées chez leurs enfants 6,7, ou alors de manière peu détaillée 8.

En 2014, la Cellule d’intervention en région (Cire) Normandie de Santé publique France a été sollicitée par l’Agence régionale de santé (ARS) de Basse-Normandie pour documenter les CV des adolescents par territoire de santé (correspondant au territoire départemental), afin d’envisager un rattrapage vaccinal lorsqu’il était encore possible (ROR, coqueluche, méningocoque C) et de discuter des actions de promotion de la vaccination pertinentes à mettre en œuvre, lorsque le rattrapage était plus difficile à mettre en place (HPV). Les résultats descriptifs des études menées dans le Calvados et dans l’Orne sont présentés dans cet article. Les objectifs étaient d’évaluer les CV chez les adolescents âgés de 16 à 18 ans dans chacun des deux départements et de documenter les connaissances et perceptions des adolescents sur les vaccinations et les maladies à prévention vaccinale.

Population et méthodes

Type d’étude et population d’étude

Deux études épidémiologiques descriptives transversales ont été menées en partenariat avec le Bureau du service national de la région Basse-Normandie, à l’occasion des Journées défense citoyenneté (JDC) organisées dans les départements du Calvados en 2015 et de l’Orne en 2016. La population source était constituée de l’ensemble des adolescents de nationalité française ou binationaux, résidant dans le Calvados ou dans l’Orne, à l’exclusion des adolescents porteurs de handicap. La convocation intervenait entre la date du recensement effectué à l’âge de 16 ans et 3 mois et la date anniversaire des 18 ans. La JDC est obligatoire dans le parcours citoyen des adolescents français. Le site d’accueil des JDC pour le département du Calvados était situé à Caen, ceux de l’Orne à Argentan et Alençon. L’étude s’est déroulée sur six de ces JDC dans le Calvados et sur huit dans l’Orne.

Recueil des données

L’étude comportait deux composantes :

la mesure des CV des adolescents à partir des informations de vaccination recueillies dans leurs carnets de santé (CS) apportés le jour de la JDC. Ces données étaient recueillies et saisies sur site dans une base Epidata (EpiData Software – http://www.epidata.dk) par les épidémiologistes de la Cire. Un courrier spécifique d’invitation à apporter le CS était adressé à chaque participant deux semaines avant la date de convocation à la JDC ;

la description des connaissances, perceptions et attitudes vis-à-vis de la vaccination de l’ensemble des adolescents participants. Ces données étaient recueillies au moyen d’un auto-questionnaire individuel administré le jour de la JDC, à l’occasion d’une animation spécifique portant sur la vaccination et les maladies à prévention vaccinale.

Aucune donnée directement ou indirectement nominative n’a été recueillie.

Définitions des indicateurs

L’adolescent était considéré comme à jour des vaccinations recommandées s’il avait reçu l’ensemble des vaccins suivants :

3 doses de vaccin DTP et 3 rappels ;

un 2e rappel du vaccin contre la coqueluche à 11-13 ans ou un 3e rappel du vaccin contre la coqueluche entre 16 et 18 ans si le second avait été administré avant l’âge de 11 ans ;

4 doses de vaccin Hib ;

3 doses de vaccin contre l’hépatite B ;

2 doses de vaccin ROR ;

1 dose de vaccin contre le méningocoque C ;

chez les jeunes filles, 3 doses de vaccin anti-HPV.

Ces définitions intégraient les recommandations vaccinales en vigueur pour les adolescents au moment de l’étude et prenaient en compte les évolutions du schéma vaccinal DTP-coqueluche dans le calendrier vaccinal de 2013 (avec la suppression du 4e rappel DTP à 16-18 ans) 9.

Analyses des données

Les CV et leurs intervalles de confiance à 95% [IC95%] ont été calculés dans chacun des deux départements parmi les adolescents ayant apporté leur CS. La proportion d’adolescents ayant un schéma vaccinal global complet a été calculée.

Les principales caractéristiques sociodémographiques des adolescents ainsi que leurs connaissances, leurs perceptions et leurs attitudes vis-à-vis de la vaccination ont été décrites.

L’analyse des données a été réalisée avec le logiciel Stata® V11 (Stata Corp., College Station, Texas, États-Unis). Les résultats sont présentés séparément pour chacun des deux départements.

Résultats

Description de l’échantillon d’étude

Sur l’ensemble des journées de recrutement dans les deux départements, 1 025 adolescents ont été convoqués, dont 82 (8%) n’ont pas honoré leur convocation. Parmi les 943 adolescents présents, 75 ont été exclus, en raison soit d’un âge supérieur à 18 ans, soit d’un lieu de résidence dans un département autre que celui où était organisée la JDC, soit d’un département de résidence non renseigné.

Au total, 868 (85%) adolescents ont été inclus, 495 dans le département du Calvados et 373 dans le département de l’Orne. Parmi eux, respectivement 405 (81,8%) et 301 (80,7%) ont accepté de participer à l’étude sur les CV et avaient apporté leur carnet de santé (CS+). Les caractéristiques sociodémographiques des adolescents inclus sont présentées dans le tableau 1 pour chacun des deux départements et en fonction de leur statut CS+/CS-.

Aucune différence significative n’était observée entre les caractéristiques sociodémographiques des adolescents CS+ et CS dans l’échantillon du Calvados. Dans le département de l’Orne, des différences significatives étaient observées selon la composition de la fratrie et le niveau de scolarisation (tableau 1).

Parmi l’ensemble des adolescents n’ayant pas apporté leur CS, l’« oubli » était le motif le plus fréquemment cité (52%), suivi par le refus des parents de le fournir (16,5%) et la perte du carnet (10,5%).

Tableau 1 : Description des caractéristiques sociodémographiques des adolescents de 16-18 ans. Étude Journées défense citoyenneté, départements du Calvados (2015) et de l’Orne (2016), Normandie, France
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Couvertures vaccinales à 16-18 ans

Les CV ne différaient pas statistiquement entre les deux départements (tableau 2).

Les CV des vaccins contre la coqueluche, le ROR 2 doses, le méningocoque C, l’hépatite B et le HPV (chez les filles) étaient basses dans les deux départements étudiés. La CV du vaccin contre la coqueluche s’élevait à 66,9% (IC95%: [61,5-70,8]) dans le Calvados et à 63,8% [58,3-69,2] dans l’Orne ; elle correspondait au nombre total d’adolescents ayant reçu un rappel contre la coqueluche entre 11 et 13 ans ou un 3e rappel à l’âge de 16-18 ans si le 2e rappel avait été administré avant l’âge de 11-13 ans (25%), et pour qui aucun rattrapage n’était indiqué. En effet, un quart des adolescents avaient reçu un 2e rappel du vaccin contre la coqueluche avant l’âge de 11 ans dans chacun des deux départements. La CV ROR 1 dose était élevée (>98%) ainsi que celle du ROR 2 doses (92,1% [89,5‑94,7] et 92,3% [89,3‑95,4] respectivement dans le Calvados et l’Orne). Pour 25% des adolescents, la 2e dose du vaccin ROR avait été administrée après l’âge de 6 ans, dans le cadre du rattrapage. La CV contre le méningocoque C s’élevait à 22% et celle de l’hépatite B était de 37% dans les deux départements. Une adolescente sur quatre était correctement vaccinée avec 3 doses de vaccin contre les HPV (23,6% [17,7-29,6] et 22,2% [15,3‑29,1] respectivement dans le Calvados et l’Orne).

Au total, moins d’un adolescent sur dix (8,2% dans le Calvados et 8,7% dans l’Orne) avait un schéma vaccinal global complet pour l’ensemble des vaccinations prises en compte dans cette étude (à l’exclusion de la vaccination HPV) et ne nécessitait aucune mesure de rattrapage.

Tableau 2 : Valeurs des couvertures vaccinales mesurées parmi les adolescents de 16-18 ans. Étude Journées défense citoyenneté, départements du Calvados (2015) et de l’Orne (2016), Normandie, France
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Description des connaissances, perceptions et attitudes des adolescents vis-à-vis de la vaccination

Les adolescents pensaient « être à jour de leurs vaccinations » à hauteur de 81,1% dans le Calvados et 74,5% dans l’Orne. Ils déclaraient majoritairement avoir reçu un vaccin au cours des cinq dernières années (83% dans les deux départements), mais en réalité seuls 48,6% (Calvados) et 42,2% (Orne) d’entre eux avaient effectivement reçu une injection, attestée dans le CS, durant cette période. Les adolescents reconnaissaient (>95%) le rôle de la vaccination dans la prévention individuelle conférée contre certaines maladies infectieuses, et près de la moitié reconnaissait son rôle dans la prévention collective contre la transmission des maladies infectieuses. Moins d’un adolescent sur 4 connaissait l’existence d’un vaccin contre la méningite (22,6% dans le Calvados et 16,1% dans l’Orne) (tableau 3).

La majorité des adolescents (plus de 75%) citaient leur médecin traitant comme étant leur principale source d’informations sur la vaccination, devant leurs parents et les enseignements scolaires (cours de sciences de la vie et de la terre) (tableau 3).

Tableau 3 : Connaissances de la vaccination par les adolescents de 16-18 ans. Étude Journées défense citoyenneté, départements du Calvados (2015) et de l’Orne (2016), Normandie, France
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Les adolescents (88,7% dans le Calvados et 85,2% dans l’Orne) jugeaient la vaccination « utile » ou « très utile » pour prévenir la survenue des maladies infectieuses. Ils souhaitaient être mis à jour de leurs vaccinations au cas où celles-ci ne le seraient pas (89,4% dans le Calvados et 95,7% dans l’Orne). La moitié d’entre eux manifestait le souhait d’être mieux informés sur les vaccinations (tableau 4).

Tableau 4 : Perceptions de la vaccination par les adolescents de 16-18 ans. Étude Journées défense citoyenneté, départements du Calvados (2015) et de l’Orne (2016), Normandie, France
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Le rôle du papillomavirus humain (HPV) dans la survenue du cancer du col de l’utérus était méconnu : 40,3% des adolescents dans le Calvados et 30,4% dans l’Orne le citaient comme pouvant être responsable de survenue de cancers. Ce rôle était mieux connu par les filles que par les garçons (49,8% vs 23%, p<0,05). Ils méconnaissaient la gravité potentielle d’une infection par les virus de l’hépatite B, des oreillons ou de la rougeole (tableau 5).

Tableau 5 : Connaissance des maladies à prévention vaccinale par les adolescents de 16-18 ans. Étude Journées défense citoyenneté, départements du Calvados (2015) et de l’Orne (2016), Normandie, France
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Des différences dans les niveaux de perception et de connaissance étaient observées entre les adolescents des deux départements. Ainsi, les adolescents du Calvados pensaient davantage être à jour de leurs vaccinations (p=0,02), avaient une meilleure connaissance du vaccin comme moyen de prévention et non pas comme traitement curatif (p=0,003) ; ils connaissaient davantage l’existence du vaccin contre le méningocoque C (p=0,019) et le rôle du virus de l’hépatite B dans la genèse d’un cancer du foie (p<10‑3). Les adolescents de l’Orne s’exprimaient davantage en faveur de l’obligation vaccinale (p=10-3) (tableau 4).

Discussion

Des indicateurs de CV à l’échelle du territoire de santé

Un des objectifs de cette étude, menée en partenariat avec le Bureau du service national de la région Basse-Normandie, était de documenter les CV des adolescents à l’échelle du territoire de santé (département), en l’absence d’indicateurs disponibles pour l’ensemble des vaccinations recommandées. Les résultats montrent que les tendances à la vaccination sont similaires dans les deux départements étudiés : l’application des recommandations vaccinales à 11-13 ans (âge des derniers rappels recommandés) ainsi que le rattrapage vaccinal ne sont pas optimaux. Ces résultats devraient amener l’ARS Normandie à définir des stratégies permettant un rattrapage de la vaccination chez les adolescents, ciblé en particulier sur les valences hépatite B, méningocoque C et HPV pour lesquelles les CV estimées étaient les plus faibles. Ils indiquent également la nécessité de travailler à une meilleure promotion des vaccinations à destination des adolescents dans ces départements.

Des couvertures vaccinales insuffisantes

Les CV étaient insuffisantes pour les valences hépatite B, méningocoque C, coqueluche et HPV 5.

Les valeurs de la CV contre l’hépatite B (37% dans le Calvados et 37,6% dans l’Orne) étaient proches de celles observées dans l’Échantillon généraliste des bénéficiaires (EGB) sur les cohortes d’enfants n’ayant pas bénéficié du vaccin hexavalent 10,11 et très en deçà des objectifs proposés par le Haut Conseil de la santé publique (75%) 5. En effet, la mise sur le marché du vaccin hexavalent (commercialisé en 2008) a permis d’augmenter la vaccination et d’atteindre des CV élevées chez les jeunes enfants, d’après les données des certificats de santé du 24e mois (respectivement 88,5% et 86,7% dans les départements du Calvados et de l’Orne chez les enfants âgés de 24 mois nés en 2013) 4. Les efforts de sensibilisation aux risques liés à la contamination par le virus de l’hépatite B sont nécessaires auprès de ces adolescents n’ayant pu bénéficier du vaccin hexavalent. Les adolescents qualifiaient le risque de contamination par le virus de l’hépatite B de « faible mais réel », ce qui reflète une faible perception du risque de contamination par ce virus. Ils ont cependant majoritairement manifesté leur désir d’être mis à jour pour leur vaccination contre l’hépatite B.

Dans les deux territoires étudiés, les CV du vaccin contre le méningocoque C étaient insuffisantes. Dans cette étude, le vaccin contre le méningocoque C apparaissait être méconnu des adolescents. Le rattrapage étant indiqué jusqu’à l’âge de 24 ans, une proposition systématique de la vaccination est à encourager afin d’atteindre les objectifs de CV de 90% 5.

Des erreurs dans l’âge d’administration du rappel coqueluche peuvent expliquer la faible CV mesurée : il a été observé qu’un quart des adolescents avait reçu le 2e rappel coqueluche avant l’âge de 11 ans, en même temps que le rappel DTP (recommandé à l’âge de 6 ans) 9, ce qui ne leur garantit pas une immunité suffisante. Parmi ces adolescents, seul un tiers a par la suite bénéficié d’un 3e rappel coqueluche à 16-18 ans. La simplification du calendrier vaccinal en 2013 devrait contribuer à l’amélioration de cette CV à l’adolescence.

La CV ROR 2 doses s’élevait à 92%, ce qui reflète une très bonne dynamique de rattrapage dans cette population. Ces valeurs étaient en progression par rapport à l’enquête chez les élèves en classe de troisième réalisée en 2008-2009, mais l’objectif de santé publique de 95% n’était toujours pas atteint.

Enfin, dans chacun des deux territoires, seule une adolescente sur quatre était à jour de sa vaccination HPV. Il est toutefois intéressant de noter que le schéma vaccinal était majoritairement complété une fois débuté (peu d’adolescentes n’avaient reçu qu’une seule dose ou deux doses de vaccin).

Validité des résultats de mesure des couvertures vaccinales

En Normandie, cette étude répondait à une demande forte de l’ARS de documenter l’ensemble des CV des adolescents sur des territoires de santé correspondant à des territoires d’action spécifique. Le caractère obligatoire des JDC dans le parcours citoyen des adolescents, les modalités de convocation à la JDC et les modalités de choix des journées d’étude, indépendantes du statut vaccinal des adolescents, garantissent que la population source est non biaisée. Toutefois, les adolescents de nationalité étrangère et/ou souffrant de handicap ne faisant pas partie de la population source, les CV mesurées ne reflètent pas l’application des recommandations parmi ces derniers. Le taux de fourniture des CS était élevé (80%), l’oubli étant le motif principalement cité dans les cas d’absence de CS. Il n’est pas possible d’établir si les adolescents n’ayant pas apporté leur CS étaient mieux ou moins bien vaccinés que ceux qui l’avaient fait.

Les CV mesurées dans cette étude ont été comparées à celles obtenues par l’exploitation des bases de données de l’Assurance maladie pour la vaccination HPV en 2016 et méningocoque C, produites annuellement depuis 2014 12. Ainsi, les CV du vaccin contre le HPV mesurées dans notre étude (23,6% dans le Calvados et 22,2% dans l’Orne) étaient supérieures aux estimations de CV départementales issues des travaux sur les bases de données de remboursement de l’Assurance maladie parmi les jeunes filles nées en 1998 et 1999 (respectivement 14,6% et 12,5% dans le Calvados et 13,4% et 12% dans l’Orne) 4. Dans notre étude, était considérée comme à jour toute adolescente ayant reçu 3 doses de vaccin HPV le jour de la JDC, indépendamment de son âge à la vaccination, et chez qui aucun rattrapage ne sera à effectuer. En tenant compte de l’âge d’administration des vaccins HPV, 10% des adolescentes auraient eu un statut vaccinal « à jour », ce qui peut expliquer les différences observées entre les deux sources de données. Les CV pour la vaccination contre le méningocoque C étaient proches des valeurs fournies pour la tranche d’âge 15-19 ans par l’exploitation des données de l’Assurance maladie en 2015 dans les deux départements 3.

Cette étude renvoie à deux études similaires qui ont été réalisées à l’occasion de JDC en régions Bretagne et Aquitaine 13,14. Notamment, des comparaisons des valeurs de CV sont permises avec celles obtenues en Bretagne, les modalités de recrutement des adolescents étant similaires 13. La CV contre le méningocoque C était plus élevée (34,6%) dans le département d’Ille-et-Vilaine. Par ailleurs, la tendance à la vaccination semble meilleure en ce qui concerne la vaccination contre l’hépatite B et le HPV.

Une meilleure éducation à la vaccination et aux maladies à prévention vaccinale est nécessaire

Les médecins généralistes doivent être attentifs au statut vaccinal des adolescents et continuer à proposer la vaccination à chaque occasion 15. Le rôle de référent du médecin sur ce sujet est important et appuyé par les résultats de cette étude, dans laquelle les adolescents placent le médecin comme source principale d’information sur la vaccination.

Afin de proposer des interventions efficaces dans cette population, il est nécessaire de connaître leur degré d’information sur les risques liés aux maladies à prévention vaccinale. Cette étude produit des données originales sur les connaissances et perceptions des adolescents sur la vaccination et les maladies à prévention vaccinale. Ces informations complètent et enrichissent celles du Baromètre santé jeunes de 2010, dans lequel deux tiers des jeunes âgés entre 15 et 30 ans s’estimaient bien informés sur les vaccinations 8. Leur méconnaissance des vaccins et des risques liés aux maladies contre lesquelles la vaccination protège peut expliquer en partie la faible adhésion à la vaccination et au rattrapage vaccinal, phénomène très marqué pour les vaccinations hépatite B, HPV et méningocoque C. Notre étude montre que les niveaux de perception et de connaissance peuvent varier entre les deux départements, ce qui peut s’expliquer par une formation initiale différente, les jeunes vivant dans le Calvados étant plus fréquemment scolarisés en lycée général. Pour garantir l’atteinte de la cible, les messages et les techniques d’information et de communication à destination des jeunes doivent être adaptés au regard de cette observation.

Une meilleure sensibilisation des adolescents quant aux bénéfices individuels et collectifs de la vaccination est nécessaire. Elle doit inclure leurs parents, en charge de ces vaccinations pendant l’enfance 16. Cette étude ne permet pas d’évaluer le degré d’autonomie des adolescents quant aux décisions qu’ils peuvent être amenés à prendre vis-à-vis de leurs vaccinations et plus particulièrement les vaccins et rappels à faire à partir de 11-14 ans. Ces adolescents, futurs adultes et futurs parents, ont toutefois manifesté leur désir d’être mieux informés sur les vaccinations. Au-delà du médecin généraliste, cette sensibilisation/information pourrait également se faire via d’autres canaux tels que les infirmières scolaires, mais aussi les cours de sciences de la vie et de la terre et les JDC, cités comme lieux possibles d’éducation à la santé par les adolescents eux-mêmes. Dans le cadre de cette étude, la distribution du questionnaire était accompagnée d’une animation sur la vaccination et les maladies à prévention vaccinale sous la forme d’un « jeu question-réponse » interactif, fournissant l’opportunité de répondre à leurs interrogations sur ces sujets.

Conclusion

En conclusion, les niveaux de CV chez les adolescents du Calvados et de l’Orne se sont révélés insuffisants en particulier pour l’hépatite B, le méningocoque C, la coqueluche et le HPV. La connaissance par les adolescents de leur statut vaccinal était erronée, mais leur perception plutôt positive de la vaccination et leur désir que leur statut vaccinal soit mis à jour offrent la possibilité d’envisager des actions positives dans ce domaine. L’échantillon d’adolescents recrutés à l’occasion des JDC fournit une information utile à l’ARS pour développer et concrétiser ces actions.

Par ailleurs, cette enquête met en évidence une méconnaissance des maladies à prévention vaccinale dans cette population. Les perceptions des risques liées à ces maladies sont le plus souvent erronées. Remédier aux méconnaissances de ces jeunes adultes à l’aube de prendre la pleine responsabilité de leurs vaccinations ainsi que celles de leur futur enfant est un enjeu de taille. Leur désir d’être mieux informés est une opportunité pour des actions dans ce domaine.

Remerciements

Nous tenons à remercier tous les épidémiologistes ayant participé au recueil des données, ainsi que l’ensemble du Bureau du service national de la région Basse-Normandie, qui a mis en œuvre tous les moyens nécessaires au bon déroulement de cette étude. Merci aux adolescents et à leurs parents ayant accepté de participer. Nous remercions Bertrand Gagnière pour le partage d’expérience sur les études menées à l’occasion des Journées défense et citoyenneté dans le département d’Ille-et-Vilaine.

Références

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Citer cet article

Boulet L, Spillebout A, Mathieu A, Nicolay N. Couvertures vaccinales, connaissances, perceptions et attitudes vis-à-vis de la vaccination des adolescents dans les départements du Calvados et de l’Orne (Normandie), 2015-2016. Bull Epidémiol Hebd. 2017;(21):438-47. http://invs.santepubliquefrance.fr/beh/2017/21/2017_21_1.html