Mortalité par accident de la vie courante en France métropolitaine, 2000-2012

// Mortality due to home and leisure injuries in mainland France, 2000-2012

Linda Lasbeur (linda.lasbeur@santepubliquefrance.fr), Bertrand Thélot
Santé publique France, Saint-Maurice, France
Soumis le 15.09.2016 // Date of submission: 09.15.2016
Mots-clés : Épidémiologie | Mortalité | Causes médicales de décès | Accidents de la vie courante
Keywords: Epidemiology | Mortality | Medical causes of death | Home and leisure injuries

Résumé

Introduction –

L’objectif de ce travail était de mesurer et caractériser les décès par accident de la vie courante (AcVC) en France de 2000 à 2012.

Méthode –

Les résultats ont été établis à partir d’une liste « accidents » issue des Causes externes de traumatismes de la Classification internationale des maladies, 10e révision (CIM-10) et exprimés en effectifs, taux bruts et taux standardisés sur l’âge.

Résultats –

En 2012, il y a eu 21 470 décès par AcVC en France métropolitaine (taux standardisé : 28,1/100 000). Une surmortalité masculine a été retrouvée : 36,7/100 000 chez les hommes versus 21,3/100 000 chez les femmes. Des disparités régionales ont été constatées. Les deux tiers des décès par AcVC sont survenus chez les 75 ans et plus. Les chutes (12/100 000), les suffocations (3,8/100 000), les noyades (1,4/100 000), les intoxications (2,8/100 000) et les accidents par le feu (0,6/100 000) ont été les principales causes de décès par AcVC. Entre 2000 et 2012, le taux de mortalité par AcVC a diminué de 2,2% par an. Cette diminution, variable selon les types d’AcVC, a été observée surtout chez les moins de 15 ans (-5,4% par an). Cependant, une augmentation des effectifs de décès par AcVC est constatée depuis 2006.

Conclusion –

Les AcVC restent une cause importante de décès en France. De nombreux décès pourraient être évités par des mesures de prévention adaptées.

Abstract

Introduction –

The aim of this work was to measure and characterize deaths due to home and leisure injuries in France from 2000 to 2012.

Methods –

The results were established from a list of causes of deaths using the external causes of injury codes of the International Classification of Diseases, 10th Revision (ICD-10) expressed in numbers, crude death rates and age-adjusted death rates.

Results –

In 2012, 21,470 deaths due to home and leisure injuries occurred in metropolitan France (age adjusted death rate 28.1/100,000). The age-adjusted death rate was higher for males than for females (36.7/100,000 versus 21.3/100,000). Regional disparities were observed. Two thirds of home and leisure injuries-related deaths occurred in persons aged 75 or more. Falls (12/100,000), suffocations (3.8/100,000), drowning (1.4/100,000), poisoning (2.8/100,000), and fire accidents (0.6/100,000) were the leading causes of home and leisure injuries-related deaths. The home and leisure injuries death rate decreased by 2.2% per year over the period 2000 to 2012. This decrease, depending on the type of home and leisure injuries, was higher among children under 15 years of age (-5.4% per year). However, the number of home and leisure injuries-related deaths has increased since 2006.

Conclusion –

Home and leisure injuries remain a significant cause of death in France. A great number of those deaths could be avoided with adapted prevention measures.

Introduction

Les traumatismes regroupent les accidents (accidents de la circulation, du travail et de la vie courante), les homicides, les suicides et les traumatismes d’intention indéterminée 1. Avec 37 175 décès en 2012, les traumatismes ont représenté le troisième groupe de causes de décès en France, après les cancers et les maladies cardiovasculaires. Les accidents de la vie courante (AcVC) constituaient 58% de ces décès. L’article 63 de la loi de santé de 2016 définit les AcVC comme « l’ensemble des traumatismes non intentionnels, à l’exception des accidents de circulation et des accidents du travail » 2,3. Ils regroupent les accidents domestiques (à la maison et ses alentours), de sports et de loisirs, les accidents scolaires, etc. Une partie de ces accidents pourrait être évitée par des actions de prévention adaptées.

L’objectif de cette étude était de faire un état des lieux de la mortalité par AcVC en France métropolitaine en 2012, mettant ainsi à jour les résultats publiés en 2011 4. L’étude repose sur les données issues de la base nationale des causes médicales de décès, élaborée à partir des certificats de décès par le Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès (CépiDc-Inserm) 5. Depuis l’année 2000, les causes de décès sont codées par le CépiDc selon la Classification internationale des maladies, 10e révision (CIM-10), établie par l’Organisation mondiale de la santé.

Méthodes

Les décès par AcVC ont été sélectionnés lorsque leur cause appartenait à la « liste de référence des AcVC », constituée de codes du chapitre XX de la CIM-10 (tableau 1) 6.

Tableau 1 : Accidents de la vie courante selon la Classification internationale des maladies, 10e révision (CIM-10)
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Les analyses ont été effectuées selon la cause initiale à l’origine de l’enchaînement des évènements ayant conduit au décès et sur laquelle il est possible d’agir pour l’éviter. Les décès par chute accidentelle sont sous-estimés par ce type d’analyse, du fait de la construction de la CIM-10. Par ailleurs, des études ont montré que les fractures du col du fémur chez les personnes de 65 ans et plus étaient la conséquence d’une chute dans 87% à 98% des cas 7,8. Une analyse complémentaire a donc été effectuée dans ces cas, dite en « causes multiples », en ajoutant aux décès de cause initiale « chute » (codes W00-W19) les décès codés à la fois en cause initiale « exposition à des facteurs sans précision » (code X59) et, en cause associée, « fracture du fémur » (code S72) 6. Dans les résultats établis par l’analyse en cause initiale, une grande partie des décès par chute (de l’ordre de 40%) se trouve parmi les décès pour « autres accidents non précisés ». L’analyse en causes multiples permet de réaffecter ces décès par chute dans leur catégorie, ce qui diminue d’autant celle des décès par causes « autres et non précisées ».

Les résultats sont exprimés en nombre de décès par an, en taux spécifiques par âge et en taux de mortalité standardisés sur l’âge. Les taux spécifiques ont été calculés pour 100 000 habitants de la population moyenne de l’année en cours. Les taux de mortalité standardisés sur l’âge ont été calculés selon la méthode de standardisation directe sur l’âge, en prenant comme référence la population française de 1999. L’indice comparatif de mortalité (ou Standardized Mortality Ratio, SMR) a été utilisé pour les comparaisons régionales. Les tendances et les taux de variations annuels moyens, ajustés sur l’année et l’âge, ont été estimés par un modèle de régression binomiale négative, qui tient compte de la surdispersion des effectifs 9.

Résultats

Mortalité par AcVC en 2012

Les traumatismes ont été à l’origine de 37 175 décès. Les AcVC ont représenté 48% des décès par traumatismes chez les hommes (10 791/22 269) et 72% chez les femmes (10 679/14 906). Chez les moins de 15 ans, cette proportion était de 54% (221/406) et, chez les 65 ans et plus, de 77% (16 713/21 825). Le taux brut de mortalité par AcVC était de 34/100 000 et le taux standardisé de 28/100 000. Ces décès par AcVC ont compté pour 3,8% de la mortalité totale (21 470 décès parmi 558 241). Chez les enfants, ils étaient responsables de 21% des décès entre 1 et 4 ans (111/518) et de 13% entre 5 et 14 ans (83/647).

Caractéristiques démographiques des personnes décédées d’un AcVC en 2012

Si, parmi les 21 470 personnes décédées par AcVC, le nombre d’hommes et de femmes était quasiment égal (tableau 2), les différences de taux de mortalité selon le sexe indiquent une surmortalité masculine avec 37/100 000 chez les hommes versus 21/100 000 chez les femmes ; le rapport hommes/femmes de taux standardisés de mortalité était ainsi égal à 1,7, alors que le sex-ratio du nombre de décès était égal à 1. Plus des deux tiers des décès par AcVC sont survenus chez les 75 ans et plus (14 805 décès).

Tableau 2 : Effectifs et taux de mortalité standardisés par accident de la vie courante selon l’âge et le sexe, France métropolitaine, 2012 (taux pour 100 000 personnes)
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Répartition des lésions traumatiques et des lieux de décès en 2012

Un code lésion, en causes associées, apparaissait pour 67% des décès. Il s’agissait le plus souvent d’atteintes aux organes internes (36%) et de fractures (34%). Les blessures étaient principalement situées au niveau de la tête (46%) et de la hanche (36%). Près de la moitié des décès par AcVC a eu lieu dans un établissement hospitalier (56%), puis à domicile (22%), dans une maison de retraite (13%), sur la voie publique (4%) et dans un autre lieu (5%).

Disparités régionales de mortalité par AcVC en 2012

Les décès par AcVC en 2012 étaient répartis de façon hétérogène selon les régions françaises (figure 1). La région Nord-Pas-de-Calais et la Bretagne ont enregistré une mortalité supérieure de 24% et 23% au taux standardisé moyen de la France métropolitaine ; le Limousin a enregistré une mortalité supérieure de 14% et le Languedoc-Roussillon et la Franche-Comté une surmortalité de 11% supérieure à ce taux. À l’opposé, l’Île-de-France a connu une mortalité significativement plus faible de 25% à ce taux.

Figure 1 : Ratio standardisé de mortalité (SMR) par accident de la vie courante et par région, France métropolitaine, 2012
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Différents types d’AcVC en 2012 (tableau 3, figure 2)

Les chutes ont constitué la première cause de décès par AcVC. En retenant seulement la chute comme cause initiale de décès, on comptabilisait 6 119 décès en 2012. Comme expliqué plus haut, il est recommandé d’analyser les décès par chute en causes multiples : on dénombrait alors 9 600 décès par chute, soit 58% des causes connues de décès par AcVC (9 600/16 692). Bien qu’en nombre absolu les décès des femmes aient été plus nombreux, on observe une surmortalité masculine : sex-ratio hommes/femmes égal à 0,7 et rapport hommes/femmes de taux de mortalité standardisés égal à 1,4.

S’agissant des suffocations, 69% des décès (2 039/2 940) sont survenus à partir de 75 ans. Le sex-ratio des taux standardisés (hommes/femmes) était de 1,5. Ces décès étaient liés, dans 89% des cas, à l’ingestion d’aliments provoquant l’obstruction des voies respiratoires (2 611 décès).

Il y a eu 971 décès par noyade accidentelle en 2012, avec un sex-ratio de 2,5. Chez les moins de 25 ans, il s’agissait de la première cause de décès par AcVC, avec 137 décès en 2012, soit 39% des causes connues, dont 46 décès chez les moins de 5 ans, soit 34%.

Les intoxications ont été à l’origine de 2 040 décès. Le sex-ratio était de 1,8. Au total, 66% des intoxications accidentelles (1 348) ont eu pour cause des ingestions médicamenteuses (analgésiques, sédatifs, antibiotiques, etc.) et 20% sont survenues à cause d’une exposition à l’alcool (399 décès, dont 317 chez les hommes).

Les accidents causés par le feu ont entraîné 416 décès en 2012, avec un sex-ratio de 2. Sur ce total, 74% avaient un code lésion, dont 42% de brûlures et 54% d’effets toxiques (fumées et gaz toxiques).

Tableau 3 : Effectifs et taux de mortalité standardisés par type d’accident de la vie courante, selon l’âge, France métropolitaine, 2012 (taux pour 100 000 personnes)
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Figure 2 : Répartition des différents types d’accident de la vie courante selon l’âge, France métropolitaine, 2012
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Les autres AcVC dont la cause était précisée ont provoqué 725 décès en 2012. Les causes les plus fréquentes étaient le surmenage et les mouvements épuisants ou répétés (247 décès), les séquelles d’accidents (205), les heurts causés par le lancement ou la chute d’un objet (62), les compressions ou écrasements par des objets (38), les électrocutions (28), les décharges d’armes à feu (25), les contacts avec des frelons, guêpes ou abeilles (15), les corps étrangers pénétrant dans l’œil ou un autre orifice naturel (12), les morsures ou coups donnés par des mammifères (14), les contacts avec de l’eau bouillante provenant d’un robinet (8) (tableau 4). Les autres AcVC dont la cause n’était pas connue ont été responsables de 22% des décès (4 778).

Tableau 4 : Répartition des « Autres accidents précisés », France métropolitaine, 2012
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Évolution de la mortalité par AcVC de 2000 à 2012

Le taux annuel moyen de décès par AcVC a diminué significativement de 2,2% (p<0,001) entre 2000 et 2012 (tableau 5). Une augmentation des effectifs de décès par AcVC est constatée : 20 817 en 2000, 18 549 en 2006, 19 703 en 2008, 20 851 en 2010 et 21 470 en 2012. Cette augmentation du nombre de décès est en partie liée à l’évolution démographique et précisément à celle de la taille de la population et à son changement de structure entre 2000 et 2012. La méthode mise au point par Bashir et Estève 10 permet de différencier dans les évolutions de mortalité la part due aux changements démographiques et celle due à la variation de survenue des accidents. En appliquant cette méthode, les variations entre 2000 et 2012 (augmentation de 3,1% des effectifs de décès sur cette période) sont dues pour 7% à l’évolution de la taille de la population et pour 19% à l’évolution de la structure de la population ; la part du risque a quant à elle diminué de 22% : cette diminution a presque compensé l’évolution (taille et structure) de la population.

Les évolutions ont été très différentes selon l’âge (figure 3, tableau 5). La baisse de la mortalité a été la plus forte chez les enfants de moins de 15 ans, de 5,4% par an en moyenne, davantage que chez les 65 ans et plus (2,0% par an) et chez les 15-64 ans (1,3%) (p<0,001). La baisse la plus importante est celle des décès par chute (-3,4%), bien que les chutes restent la première cause de décès chez les personnes âgées et représentent, dans cette classe d’âges, plus de la moitié des décès par AcVC.

Tableau 5 : Évolution des effectifs et taux de mortalité bruts par type d’accident de la vie courante de 2000 à 2012, chez les enfants, les adultes et les personnes âgées en France métropolitaine (taux pour 100 000 personnes)
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Figure 3 : Ratio par rapport à l’année 2000 des effectifs de décès par accident de la vie courante selon l’âge, France métropolitaine, 2000-2012
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Focus sur les décès par intoxications

Les décès liés aux intoxications ont augmenté de 4,5% par an en moyenne. En effectifs, l’augmentation des décès des 15-64 ans a été importante en 10 ans, passant de 295 décès en 2002 à 911 en 2012 (+90%), avec +47% (de 273 à 406) chez les 15-44 ans et +146% (de 205 à 505) chez les 45-64 ans. Ces augmentations sont principalement liées aux décès par intoxications accidentelles dues à des médicaments (ou substances biologiques) et à l’alcool. Entre 2000 et 2012, les décès ayant un code alcool sont passés de 3 enregistrements à 399 ; les premières évolutions sont constatées à partir de 2007. Elles concernent principalement les hommes et les adultes entre 25 ans et 64 ans. Les décès ayant un code médicament sont passés de 733 décès à 1 212 décès entre 2000 et 2012. Les augmentations constatées à partir de 2009 concernent principalement les personnes âgées de 75 ans et plus.

Discussion

Les décès par AcVC représentent plus de la moitié de l’ensemble des décès par traumatisme et les chutes près de la moitié. Chez les enfants de 1 à 14 ans, les AcVC sont la première cause de décès. Il en est de même en Europe et dans les pays industrialisés 11,12,13,14. Chez les personnes âgées, les AcVC sont une cause importante de décès, comme dans les autres pays européens 11,12 ou aux États-Unis 13 ; le mécanisme le plus fréquent est la chute. Selon un rapport sur la santé en Europe de 2009, le taux de mortalité standardisé par AcVC sur la population européenne serait plus élevé en France (35/100 000) que celui de l’ensemble des pays de l’Union européenne (UE-25 : 22/100 000) 13. Une partie de cet écart résulte des différences de certification entre médecins et de codage entre pays européens. Des recommandations ont été rédigées, dont certaines concernent le niveau de précision et le type d’information reportées par les médecins sur le certificat de décès 15,16. Le taux standardisé de mortalité par accident était de 39/100 000 aux États-Unis en 2013 17 et de 45/100 000 en Australie en 2009-2010 18.

La sur-représentation des décès par AcVC chez les hommes par rapport aux femmes est retrouvée dans tous les travaux ; les hommes ont plus souvent d’accidents et ceux-ci sont souvent plus graves. Des études sur les accidents de la circulation ont montré que l’exposition au risque n’était pas la seule explication des différences entre hommes et femmes. Il a été démontré que les femmes respectaient davantage les règles et prenaient moins de risques que les hommes, ce qui expliquerait la proportion plus importante d’hommes à avoir un accident de la circulation, à nombre équivalent de kilomètres parcourus 19,20. Ces observations se retrouvent également chez les enfants. Plusieurs approches ont tenté d’expliquer ces différences entre les garçons et les filles : prise de risque plus importante chez les garçons, perception différente de l’appréhension du danger entre les garçons et les filles, socialisation différente entre les garçons et les filles 21,22.

La baisse des décès par AcVC chez les enfants pourrait être attribuée en partie, et sans qu’aucune mesure de leur efficacité ait été réalisée, aux campagnes de prévention et à la réglementation sur les produits manufacturés pour enfants.

Les principales limites de ces résultats proviennent de la précision de la certification et des difficultés liées au codage des causes de décès par traumatisme. En particulier, le caractère accidentel ou intentionnel (suicides, agressions et violences) du traumatisme n’est pas toujours précisé sur le certificat de décès. Par convention, les noyades et les intoxications sans indication de l’intentionnalité sont considérées comme accidentelles depuis 2000, et donc codées comme telles, ce qui entraîne probablement une surestimation de ces accidents 6.

L’augmentation des décès par intoxications entre 1999 et 2000 (+44%) est due à la mise en place du codage automatique, qui classe les intoxications pour lesquelles l’intentionnalité n’est pas claire (accidentelle ou intentionnelle, plus souvent suicide) en intoxication accidentelle 6. Rocket et coll. 23 ont avancé la même hypothèse quant aux problèmes liés aux conclusions sur l’intentionnalité d’un décès et concluent à une sous-estimation des suicides par empoisonnement. Cette augmentation a perduré bien après, puisque entre 2000 et 2012 le nombre de décès par intoxications accidentelles est passé de 1 088 à 2 040, ce que l’on peut qualifier d’augmentation artificielle. Les décès par intoxications liées à l’alcool augmentent à partir de 2007. En 2008, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a fait de nouvelles recommandations sur le codage des décès par intoxication accidentelle en lien avec l’alcool. Il est recommandé de coder « Intoxication accidentelle en lien avec l’alcool » (code X45) s’il est mentionné sur le certificat de décès « Troubles mentaux et du comportement liés à l’utilisation d’alcool » (code F10) avec la mention d’un code X45. Il est probable que cette recommandation a eu pour effet d’augmenter le nombre de décès par intoxications accidentelles en lien avec l’alcool 24. Ce constat a également été fait dans d’autres pays, comme l’Angleterre et le Pays de Galles, où l’on parle « d’augmentation exagérée » 25. Il est donc difficile de tirer des conclusions sur ces évolutions : augmentation artificielle ou réelle des décès par intoxication accidentelle en lien avec l’alcool ?

Le manque de précision des certificats de décès sur l’accident (22% des AcVC sont codés « autres accidents non précisés ») induit une sous-estimation des différents AcVC. Une étude a comparé entre plusieurs pays les décès ayant pour code X59 26. C’est en Suède que la proportion était la plus importante, avec 33% des décès codés X59, alors qu’elle n’était que de 17% en Australie, 13% à Taiwan et 7% aux États-Unis. Le faible pourcentage aux États-Unis est dû au fait que des items plus précis sur l’AcVC ont été ajoutés sur le certificat de décès (date, lieu, accident du travail, description des circonstances de l’AcVC en texte libre, etc.). En Australie, les résultats des enquêtes des coroners sont utilisés pour compléter les certificats de décès ; des recommandations sont adressées aux médecins certificateurs pour qu’ils reportent suffisamment d’informations afin que les décès soient correctement classés, ce qui contribuerait à une meilleure prévention des AcVC 26. Afin de corriger ces imprécisions, nous avons attribué à des chutes les accidents non précisés avec une lésion « Fracture du col du fémur ». Des études ont montré que les fractures du col du fémur chez les personnes de 65 ans et plus étaient la conséquence d’une chute dans 87% à 98% des cas 7,8. Ce type d’imputation a été exploré pour d’autres accidents avec lésions très spécifiques comme les « corps étrangers dans les voies respiratoires », les « asphyxies », qui pourraient être ajoutés aux suffocations, et les lésions « intoxications » ou « effets toxiques », qui pourraient être ajoutées aux intoxications. Mais ces possibilités d’imputations restent limitées : le gain n’est que d’environ 100 cas sur près de 5 000 décès dont la cause accidentelle n’est pas connue. De plus, leurs valeurs n’ont pas été démontrées dans la littérature.

Une étude a estimé le nombre d’accidents mortels liés au travail à 1 557 sur trois années (2002-2004) en France, répartis en 905 accidents du travail (chute de hauteur, machines, etc.) et 652 accidents de la circulation dans le cadre du travail 27. Ces derniers sont exclus des AcVC. Quant aux 905 décès par accident du travail hors circulation, ils sont difficilement repérables dans les données du CépiDc, et donc inclus par excès dans les décès par AcVC. On peut donc estimer que les résultats présentés ici surestiment d’environ 300 par an le nombre de décès par AcVC.

Les personnes âgées de 65 ans et plus contribuent à la grande majorité des décès par AcVC et, dans plus de la moitié des cas, ces décès font suite à une chute. Par ailleurs, les conséquences de ces chutes, lorsqu’elles ne sont pas mortelles, sont lourdes en termes de santé publique : séquelles physiques, perte d’autonomie et fragilisation de l’état de santé initial 28,29,30. La prévention des chutes chez les personnes âgées passe par la prise en compte de facteurs prédictifs, bien identifiés dans la littérature 31,32,33. Les recommandations et les actions de prévention des chutes chez les personnes âgées sont nombreuses. Un essai contrôlé randomisé multicentrique, Ossébo, a permis de mesurer l’efficacité sur le risque de chute d’actions comme l’activité physique régulière et encadrée chez des femmes âgées vivant à domicile 32.

Malgré une diminution importante, il reste que 221 enfants sont décédés d’un AcVC en 2012. La grande majorité de ces accidents est évitable 34. Les données de mortalité, qui permettent une description par cause, ne sont pas suffisantes pour comprendre les événements et la chronologie ayant conduit au décès. La mise en place en 2016 du système de surveillance « Analyse détaillée des décès par traumatismes d’enfants de moins de 15 ans, ADT » permettra de décrire en détail les circonstances de survenue des traumatismes à l’origine des décès, d’analyser les facteurs de risque et d’en mesurer l’évitabilité. Ses résultats permettront de mettre à jour les messages de prévention, de mieux cibler les populations à risque et d’améliorer la réglementation sur les produits dangereux 35.

La prévention des AcVC est complexe à mettre en œuvre, car il existe une multitude d’accidents : différents type de chutes (défenestrations accidentelles, chutes à vélo, chutes dans les escaliers, chutes de cheval, etc.) et les risques sont différents selon les populations (enfants d’âge préscolaire, personnes âgées, etc.). Quelques campagnes et actions de prévention ont été évaluées selon différentes méthodes : des post-tests ont été faits auprès de parents d’enfants soumis au risque d’AcVC 36, des actions de prévention avec essais contrôlés randomisés avec un groupe témoin et un groupe soumis à l’intervention 32, une revue de littérature des programmes et actions de prévention des AcVC chez les enfants 37. Ces mesures d’efficacité ne sont pas systématiques et devraient être généralisées aux nombreuses actions dans le domaine de l’accidentologie.

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Citer cet article

Lasbeur L, Thélot B. Mortalité par accident de la vie courante en France métropolitaine, 2000-2012. Bull Epidémiol Hebd. 2017;(1):2-12. http://invs.santepubliquefrance.fr/beh/2017/1/2017_1_1.html