Évolution de la mortalité et de la surmortalité à 5 ans des personnes diabétiques traitées pharmacologiquement en France métropolitaine : comparaison des cohortes Entred 2001 et Entred 2007

// Five-year mortality and excess mortality trends in people pharmacologically treated for diabetes in metropolitan France: a comparison between the 2001 and 2007 ENTRED cohorts

Laurence Mandereau-Bruno1 (laurence.mandereau-bruno@santepubliquefrance.fr), Anne Fagot-Campagna2, Grégoire Rey3, Clara Piffaretti1, Juliana Antero-Jacquemin4, Aurélien Latouche5, Sandrine Fosse-Edorh1
1 Santé publique France, Saint-Maurice, France
2 Caisse nationale de l'Assurance maladie des travailleurs salariés (CnamTS), Paris, France
3 Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès (Inserm-CépiDc), Le Kremlin-Bicêtre, France
4 Institut de recherche biomédicale et d’épidémiologie du sport/ Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (Irmes/Insep), Paris
5 Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), Paris, France
Soumis le 29.07.2016 // Date of submission: 07.29.2016
Mots-clés : Diabète | Taux de mortalité | Surmortalité | Maladies cardiovasculaires | Cancers
Keywords: Diabetes | Mortality rates | Excess mortality | Cardio-vascular diseases | Cancers

Résumé

Objectif –

Étudier l’évolution de la mortalité et de la surmortalité à 5 ans des personnes diabétiques par rapport à la population générale, en France métropolitaine, au cours de la période 2002-2012.

Méthodes –

Deux cohortes d’adultes âgés de 45 ans et plus, affiliés au régime général de l’Assurance maladie, résidant en France métropolitaine et ayant bénéficié d’au moins un remboursement d’antidiabétiques oraux et/ou d’insuline au cours des trois mois précédant le tirage au sort, ont été constituées à partir des études Entred 2001 et Entred 2007. Le suivi a concerné respectivement les périodes allant du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2006 pour Entred 2001 et du 1er août 2007 au 31 juillet 2012 pour Entred 2007. Une repondération sur l’âge, le sexe et le traitement antidiabétique en début de suivi a été appliquée pour tenir compte des données manquantes liées au refus de participer (respectivement <1% et 16% pour chacune des deux cohortes). Les analyses ont été stratifiées sur le sexe. Les causes médicales de décès ont été analysées en utilisant la cause initiale et les taux de décès standardisés sur l’âge de la population standard européenne (Eurostat). Des ratios standardisés de mortalité (SMR) ont été calculés pour comparer la mortalité des personnes diabétiques à celle de la population générale. La comparaison des taux de décès des personnes diabétiques entre les deux périodes de suivi a été effectuée à l’aide de CMF (Comparative Mortality Figure).

Résultats –

L’analyse a porté sur 8 437 personnes de la cohorte Entred 2001 (hommes : 54% ; âge médian au 1er janvier 2002 : hommes 65 ans et femmes 70 ans) et 5 869 personnes de la cohorte Entred 2007 (hommes : 52% ; âge médian au 1er août 2007 : hommes 65 ans et femmes 69 ans). Les taux de décès standardisés sur l’âge étaient respectivement dans les deux cohortes de 48,5‰ et 35,8‰ pour les hommes (CMF=0,74 [0,64-0,85]) ; et pour les femmes de 30,5‰ et 27,1‰ (CMF=0,89 [0,77-1,02]).

Par rapport à la population générale, l’excès de mortalité toutes causes était élevé pour les hommes diabétiques comme pour les femmes diabétiques (pour Entred 2007, respectivement +34% et +51%). La surmortalité liée aux maladies cardiovasculaires diminuait de 1,62 [1,43-1,83] à 1,41 [1,20-1,64] pour les hommes, sans que la différence soit statistiquement significative, et restait stable pour les femmes 1,68 [1,46-1,91] et 1,74 [1,47-2,03] entre les deux périodes.

Conclusion –

Malgré une diminution des taux de mortalité entre les deux périodes, la surmortalité globale par rapport à la population générale reste élevée sur la période la plus récente, chez les hommes comme chez les femmes. L’excès de mortalité par maladie cardiovasculaire reste élevé chez les hommes et plus particulièrement chez les femmes, chez lesquelles il ne diminue pas entre les deux périodes. Ces résultats rappellent l’importance des mesures de prévention des complications cardiovasculaires du diabète et soulignent que des progrès sont encore nécessaires.

Abstract

Objective –

To study 5-year mortality and excess mortality trends in people pharmacologically treated for diabetes compared with the general population, in metropolitan France, between 2002 and 2012.

Methods –

Two cohorts of adults aged 45 years and older, living in metropolitan France, beneficiaries of the main French health insurance scheme who had at least one claim for the delivery of oral hypoglycemic agents or insulin in the three months preceding random selection, were designed from the 2001 ENTRED and 2007 ENTRED studies. Follow-up periods were January 1, 2002 to December 31, 2006 and August 1, 2007 to July 31, 2012 for 2001 and 2007 ENTRED, respectively. To account for missing values due to non-participation in the ENTRED studies (respectively <1% and 16% in each cohort), weighted analysis on age, sex and antidiabetic treatment at baseline were performed. Analyses were stratified according to sex and performed using the underlying cause of death. Death rates were standardized on the standard European population (Eurostat) and standardized mortality ratios (SMR) computed to assess excess mortality. Age-standardized mortality rates were compared between the two periods using Comparative Mortality Figure (CMF).

Results –

Analyses were performed on 8,437 participants in the 2001 ENTRED cohort (men: 54%; median age on 1 January 2002: men 65 years and women 70 years), and 5,869 participants in the 2007 ENTRED cohort (men: 52%; median age on 1 August 2007: men 65 years and women 69 years). Age-standardized ratios were respectively within the two cohorts 48.5‰ and 35.8‰ in men (CMF=0.74 [0.64-0.85]); and in women 30.5‰ and 27.1‰ (CMF=0.89 [0.77-1.02]). The all-cause excess mortality remained high for both men and women (in 2007 ENTRED respectively +34% and +51%). Cardiovascular excess mortality decreased from 1.62 [1.43-1.83] to 1.41 [1.20-1.64] though not statistically significantly in men, and remained stable in women 1.68 [1.46-1.91] and 1.74 [1.47-2.03] between the two periods.

Conclusion –

Despite the decrease in mortality rates in people treated for diabetes between the two follow-up periods, all-cause excess mortality remains high in the late period, for both genders. Cardiovascular excess mortality remains high in men and especially in women for whom it remains stable between the two periods. These results highlight the importance of the prevention of diabetes cardiovascular complications and that further improvements are still necessary.

Introduction

En France, comme dans la plupart des pays européens, le taux de mortalité dans la population générale a diminué au cours des dernières décennies. Cette diminution est surtout liée à une diminution de la mortalité pour les principales causes de décès que sont les cancers et les maladies cardiovasculaires 1. Pour ces dernières, la tendance semble être expliquée par l’amélioration de la prévention primaire et de la prise en charge médicale et chirurgicale 2,3. Par ailleurs, on a observé une diminution de la mortalité par cancer, plus rapide chez les hommes du fait d’une baisse de leur consommation d’alcool et de tabac 4.

Les maladies cardiovasculaires sont la principale cause de décès des personnes diabétiques 5,6. Or, l’étude de l’évolution du contrôle des facteurs de risque vasculaire entre les cohortes Entred 2001 et Entred 2007 a montré, chez les personnes diabétiques de type 2, une amélioration du contrôle glycémique, de la pression artérielle et du LDL-cholestérol, mais une augmentation de la prévalence de l’obésité et un tabagisme toujours présent 7.

De nombreuses études ont mis en évidence un risque accru de mortalité chez les personnes diabétiques en comparaison aux personnes non diabétiques. Cette surmortalité concerne notamment la mortalité liée aux maladies cardiovasculaires et aux maladies rénales mais aussi, dans une moindre mesure, certaines localisations de cancers ou d’autres pathologies 5. L’analyse de la surmortalité des personnes diabétiques par rapport aux personnes non diabétiques a montré, en France, des résultats similaires sur la période 2002-2006 dans la cohorte Entred 2001 (Échantillon national témoin représentatif des personnes diabétiques 2001) 8.

L’objectif de l’étude était d’analyser l’évolution de la mortalité globale, par maladies cardiovasculaires et par tumeurs malignes, des personnes diabétiques incluses dans les cohortes Entred 2001 et Entred 2007 et suivies pendant cinq ans, ainsi que l’évolution au cours de la période 2002-2012 de la surmortalité de la population diabétique par rapport à la population générale.

Population et méthodes

Les personnes diabétiques ont été incluses dans les cohortes Entred 2001 et Entred 2007 par deux tirages au sort distincts, à partir des bases de consommation médicale de l'Assurance maladie. Afin de comparer les deux cohortes, la population d’étude a été restreinte sur la base des critères de sélection retenus dans Entred 2001 : adultes affiliés au Régime général de l’Assurance maladie, résidant en France métropolitaine et ayant bénéficié d’au moins un remboursement d’antidiabétiques oraux (ADO) et/ou d’insuline au cours des trois mois précédant le tirage au sort. Les études Entred ont été décrites en détail dans des publications antérieures 9,10. En 2001, 11 femmes enceintes et 11 personnes décédées avant le début du suivi ont été exclues. Ont également été exclues les personnes ayant refusé de participer aux études, soit 45 personnes en 2001 et 1 275 en 2007. Le taux de refus a fortement augmenté entre les deux études (<1% en 2001 et 16% en 2007), en raison d’une modification de méthodologie d’enquête liée à un changement législatif.

La population d’étude a été restreinte aux personnes de 45 ans et plus afin de sélectionner essentiellement des personnes diabétiques de type 2.

Les périodes de suivi de cinq ans se sont étendues du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2006 (01/2002-12/2006) pour Entred 2001 et du 1er août 2007 au 31 juillet 2012 (08/2007-07/2012) pour Entred 2007.

La recherche du statut vital a été effectuée par l’Insee dans le Répertoire national d’identification des personnes physiques (RNIPP). Les causes de décès, issues des certificats de décès, ont été obtenues auprès du Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès (Inserm-CépiDc). Les décès ont été classés en fonction de la cause initiale codée selon la 10e Classification internationale des maladies (CIM-10). Les décès par tumeurs malignes correspondent aux codes C00-C97, ceux par maladies cardiovasculaires aux codes I00-I99.

Afin de limiter les biais liés au refus de participer, les données d’Entred 2007 ont été repondérées en fonction des caractéristiques suivantes liées à la non-participation : sexe, âge en trois classes (≤55, ]55;70] et >70 ans) et traitement antidiabétique en début de suivi (1 ADO / plusieurs ADO / insuline ± ADO) 9.

Les taux de décès ont été standardisés par la méthode directe sur l’âge de la population standard européenne (Eurostat, population EU-27). Les taux de décès standardisés ont été comparés entre les deux périodes à l’aide de CMF (Comparative Mortality Figure), la deuxième période étant au numérateur. La comparaison des cohortes de personnes diabétiques à la population générale a été effectuée à l’aide de SMR (Standardized Mortality Ratio). Le nombre attendu de décès a été calculé en utilisant les taux de mortalité de France métropolitaine par sexe, âge en classes quinquennales et année calendaire. Les CMF et SMR sont présentés avec leur intervalle de confiance à 95%, calculés pour les SMR en utilisant l’approximation de Byar 11. Les analyses ont été stratifiées sur le sexe. L’ensemble des analyses a été effectué à l’aide du logiciel SAS® Enterprise Guide, version 7.1.

Résultats

Le statut vital était connu à 5 ans pour 8 437 personnes de la cohorte Entred 2001 (97% des personnes pour lesquelles la demande a été faite) et pour 5 869 personnes (98%) de la cohorte Entred 2007). Dans chaque cohorte, les causes médicales de décès ont été retrouvées pour 99% des décès (figure 1).

Les cohortes comprenaient respectivement 54% et 52% d’hommes dont l’âge médian en début de suivi était de 65 ans. L’âge médian en début de suivi des femmes était respectivement de 70 ans et 69 ans.

Figure 1 : Recherche du statut vital et des causes médicales de décès dans les cohortes Entred 2001 et Entred 2007, France
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Évolution de la mortalité toutes causes, par maladie cardiovasculaire et par tumeur maligne chez les personnes diabétiques

Sur la période 01/2002-12/2006 correspondant aux cinq ans de suivi d’Entred 2001, le nombre de décès (toutes causes) observé était de 1 493 (17,7%) : 862 parmi les hommes (18,9%) et 631 parmi les femmes (16,3%). Sur la période 08/2007-07/2012 de suivi d’Entred 2007, après repondération, il était de 1 067 (15,3%) : 603 parmi les hommes (16,4%) et 464 parmi les femmes (13,9%). L’âge médian au décès était de 75 ans pour les hommes et 81 ans pour les femmes pour les deux périodes (tableau 1).

Pour les hommes, les taux de décès (toutes causes) standardisés sur l’âge étaient respectivement, dans les deux cohortes, de 48,5‰ et 35,8‰, soit une diminution significative de 26% entre les deux périodes (CMF=0,74 [0,64-0,85]). Pour les femmes, des taux de 30,5‰ et 27,1‰ étaient observés, soit une diminution de 11%, à la limite de la signification statistique (CMF=0,89 [0,77-1,02]) (tableau 1).

Tableau 1 : Évolution par sexe de la mortalité globale sur 5 ans dans les cohortes Entred 2001 et Entred 2007 (≥45 ans), France
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Les décès par maladies cardiovasculaires étaient au nombre de 253 parmi les hommes (29% des décès) et 218 parmi les femmes (35%) au cours de la première période, et de 161 (27%) et 153 (33%) respectivement au cours de la deuxième période.

La mortalité par maladies cardiovasculaires diminuait entre les deux périodes de façon statistiquement significative pour les hommes (CMF=0,70 [0,51-0,95]). Une diminution était également observée chez les femmes mais elle n’était pas significative (CMF=0,90 [0,70-1,15]) (tableau 2).

Au cours de la première période, les tumeurs malignes étaient la cause de 266 décès (31%) parmi les hommes de la cohorte et de 143 décès (23%) parmi les femmes. Pour la deuxième période, les nombres de décès étaient respectivement de 193 (32%) et 102 (22%).

La mortalité par tumeur maligne baissait de façon similaire pour les deux sexes : 15% chez les hommes et 16% chez les femmes. La diminution entre les deux périodes, chez les hommes comme chez les femmes, était non significative (tableau 2).

Tableau 2 : Évolution par sexe de la mortalité sur 5 ans due aux maladies cardiovasculaires et aux tumeurs malignes dans les cohortes Entred 2001 et Entred 2007 (≥45 ans), France
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Surmortalité toutes causes, par maladie cardiovasculaire et par tumeur maligne, chez les personnes diabétiques par rapport à la population générale

Sur la période 01/2002-12/2006, la surmortalité toutes causes par rapport à la population générale était de 1,53 [1,44-1,63] chez les hommes diabétiques et de 1,57 [1,45-1,69] chez les femmes (tableau 3). Elle avait diminué significativement entre les deux périodes chez les hommes pour atteindre 1,34 [1,23-1,45] sur la période 08/2007-07/2012, et était restée stable chez les femmes (1,51 [1,38-1,66]). Pour les deux périodes, la surmortalité s’atténuait avec l’âge. Chez les hommes diabétiques âgés de 80 ans et plus, on ne mettait plus en évidence de surmortalité lors de la deuxième période de suivi (tableau 3).

Tableau 3 : Évolution par sexe de la surmortalité globale à 5 ans des personnes diabétiques par rapport à la population générale dans les cohortes Entred 2001 et Entred 2007 (≥45 ans), France
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Par rapport à la population générale, au cours de la première période, la surmortalité par maladies cardiovasculaires était élevée et du même ordre pour les hommes (SMR=1,62 [1,43-1,83]) et les femmes (1,68 [1,46-1,91]). Elle diminuait chez les hommes entre les deux périodes jusqu’à 1,41 [1,20-1,64], sans que la différence soit statistiquement significative, et restait stable chez les femmes à 1,74 [1,47-2,03] (figure 2a).

Par rapport à la population générale, au cours de la première période, une surmortalité liée aux tumeurs malignes était observée chez les hommes (1,31 [1,16-1,48]) et les femmes (1,46 [1,23-1,72]).

Elle diminuait légèrement au cours de la deuxième période pour les deux sexes (hommes : 1,21 [1,05-1,40] ; femmes : 1,26 [1,03-1,53]) (figure 2b).

Figure 2 : Ratios standardisés de mortalité par maladies cardiovasculaires et tumeurs malignes en fonction du sexe dans les cohortes Entred 2001 et Entred 2007* (≥45 ans), France
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Discussion

Les cohortes Entred sont représentatives de la population des adultes diabétiques traités pharmacologiquement en France métropolitaine. Elles permettent l’étude de l’évolution dans le temps de la mortalité des personnes diabétiques, ce que ne permettent pas les seuls certificats de décès, compte tenu des difficultés d’identification des personnes diabétiques liées à la sous-déclaration du diabète, bien documentée en France comme dans d’autres pays 8,12. Le renouvellement de l’étude Entred en 2017 et le suivi d’une troisième cohorte de personnes diabétiques permettra de poursuivre l’étude de ces évolutions.

Cette étude de la mortalité des personnes diabétiques traitées pharmacologiquement entre les périodes 01/2002-12/2006 et 08/2007-07/2012 souligne à nouveau le poids des maladies cardiovasculaires, qui demeurent la première cause de décès chez les personnes diabétiques, avec des taux bruts qui s’élèvent respectivement à 9,5‰ chez les hommes et 9,9‰ chez les femmes diabétiques à cinq ans dans la période la plus récente. La mortalité par cancer est plus élevée chez les hommes, atteignant 11,4‰ hommes diabétiques, alors qu’elle touche 6,6‰ femmes diabétiques.

Cette analyse met en évidence une baisse de la mortalité globale des personnes diabétiques des deux sexes entre les deux périodes d’étude, mais cette baisse est plus importante chez les hommes (-26%) que chez les femmes (-11%). La mortalité par maladies cardiovasculaires est en partie responsable de cette évolution favorable, avec respectivement pour les hommes et les femmes diabétiques une baisse de 30% et 10% de la mortalité. La mortalité par cancer diminue d’environ 15% pour les deux sexes entre les deux périodes de suivi, sans toutefois que cette diminution soit significative.

Enfin, par rapport à la population générale, la surmortalité toutes causes a baissé (de +53% à +34%), chez les hommes diabétiques mais pas chez les femmes, où elle est estimée à +51% sur la période la plus récente. Cette évolution à la baisse est aussi enregistrée pour la mortalité par cancer (l’excès est maintenant estimé autour de +21% chez les hommes et +26% chez les femmes). Cependant, l’excès de mortalité par maladie cardiovasculaire reste élevé chez les hommes (+41%) et surtout chez les femmes (+74%), chez lesquelles il ne diminue pas entre les deux périodes.

Dans les pays développés, la diminution de la mortalité globale et par maladies cardiovasculaires chez les personnes diabétiques de type 2 a été décrite, y compris sur des périodes récentes 13,14. Cette amélioration a été attribuée à la mise en place de recommandations basées sur une intensification à la fois des traitements antidiabétiques et des traitements des facteurs de risque des complications du diabète 14. L’étude Sténo 2 a montré une diminution de la mortalité globale et par maladies cardiovasculaires suite à une approche thérapeutique intensive incluant des recommandations alimentaires, l’augmentation de l’activité physique et l’arrêt du tabac 15.

Les résultats observés dans notre étude concernant l’évolution de la mortalité cardiovasculaire chez les hommes comparée à l’évolution chez les femmes diabétiques ont été retrouvés dans de précédentes études. Ainsi, une baisse de la mortalité cardiovasculaire, uniquement chez les hommes, a été décrite dans une étude réalisée en Suède sur la période 1972-2004 16 et une étude portant sur des cohortes américaines suivies au cours des années 1971-2000 17. Parmi les études réalisées sur des périodes plus récentes, des résultats similaires ont été retrouvés dans une étude réalisée en Italie sur la période 2001-2007 pour la mortalité toutes causes 18, alors qu’une étude menée aux États-Unis sur la période 1997-2006 mettait en évidence des diminutions parallèles de la mortalité cardiovasculaire chez les hommes et les femmes 19.

En France, les études Entred ont mis en évidence entre 2001 et 2007 une amélioration du contrôle glycémique, de l’hypertension artérielle et de la dyslipidémie des personnes diabétiques de type 2 7. Il est probable que ces évolutions favorables du niveau de risque vasculaire soient en partie responsables d’une baisse de la mortalité. Les évolutions sont du même ordre, pour les deux sexes, en ce qui concerne le contrôle de l’hémoglobine glyquée (diminution de la moyenne d’HbA1c de -0,3% chez les hommes et -0,2% chez les femmes) et le LDL-cholestérol (taux de patients avec un LDL-cholestérol <1,30g/l : +19 points), alors qu’une amélioration plus importante est observée chez les femmes pour la pression artérielle (taux d’hommes diabétiques avec une pression artérielle <140/90 mm Hg : +12 points versus +22). En ce qui concerne les traitements à visée cardiovasculaire, la progression est moins forte chez les femmes pour les antihypertenseurs (≥1 inhibiteur de l’enzyme de conversion : +2 points pour les hommes versus -5 pour les femmes ; ≥1 antagoniste du récepteur de l’angiotensine II : +18 versus +16) comme pour les hypolipémiants (≥1 statine : +28 versus +20 ; ≥1 fibrate : -5 versus -11) (données non publiées). La prévalence de l’obésité (IMC ≥30 kg/m2) a progressé de façon équivalente pour les deux sexes entre 2001 et 2007 (+7 points) et la prévalence de l’obésité morbide (≥35 kg/m2) a augmenté chez les hommes (+4 points) et chez les femmes (+3 points). Le pourcentage de fumeurs a diminué parmi les hommes (-2 points) et augmenté parmi les femmes (+2 points), particulièrement dans la tranche d’âge 45-64 ans (+5 points) (données non publiées).

L’absence de diminution de la mortalité cardiovasculaire observée chez les femmes diabétiques pourrait être liée en partie à l’augmentation de leur consommation de tabac, ainsi qu’à d’autres facteurs de risque de maladies cardiovasculaires. Ainsi, des études observationnelles ont suggéré que la réponse au changement de comportement concernant l’activité physique serait moins favorable chez les femmes, pour lesquelles une plus grande fréquence et une plus grande intensité de l’activité seraient nécessaires 20. Par ailleurs, des études suggèrent que l’effet propre du diabète serait plus délétère chez les femmes, engendrant un profil de risque cardiovasculaire plus défavorable 20,21. L’obésité chez les femmes diabétiques jouerait un rôle plus péjoratif que chez les hommes 20.

D’autre part, les femmes bénéficieraient de traitements moins intensifs que les hommes, comme le montre la moins forte progression chez les femmes du traitement par statines et par hypertenseurs observée entre les deux périodes. Une moins bonne observance des traitements par les femmes diabétiques a également été avancée comme hypothèse pour l’absence de diminution de la mortalité cardiovasculaire dans cette population 20. Enfin, il existe chez les femmes un nombre plus important de complications après revascularisation et hospitalisation pour maladie cardiovasculaire 17,20.

La baisse de la surmortalité globale avec l’avancée en âge, observée au cours de chacune des périodes, a été décrite dans d’autres études, suggérant que l’impact relatif du diabète sur la mortalité est plus grand aux âges où la mortalité est plus faible dans la population générale 22,23. Par ailleurs, une diminution de la surmortalité globale entre les deux périodes n’est observée que chez les personnes les plus âgées.

En France, dans la population générale, la mortalité par maladies cardiovasculaires a diminué sur la période 2000-2008 de façon parallèle chez les femmes et les hommes 1. Par ailleurs, une étude récente a montré une diminution, sur la période 2002-2012, de la mortalité par infarctus du myocarde similaire dans les deux sexes chez les 65 ans et plus 24. La stabilité de la surmortalité des femmes diabétiques entre les deux périodes semble indiquer une diminution de la mortalité parallèle à celle de la population générale. Les hommes diabétiques, dont la mortalité a diminué plus rapidement que celle des femmes diabétiques, ont vu leur surmortalité par rapport à la population générale se réduire.

Les faibles effectifs de décès n’ont pas permis d’étudier l’évolution de la mortalité par localisation de cancer comme cela est recommandé 4. L’étude de l’ensemble des cancers, du fait de l’hétérogénéité de leurs facteurs de risque et de leur prise en charge, peut en effet masquer des évolutions différentes en fonction de la localisation 4. Il est important de souligner que les cancers, toutes localisations confondues, restent la 2e cause de décès chez les personnes diabétiques, avec une surmortalité par rapport à la population générale voisine de +25%, avec toutefois une tendance à la diminution dans les deux sexes, qui pourrait en partie être due à une amélioration de la prise en charge et de la prévention des comorbidités chez les personnes diabétiques.

L’étude présente un certain nombre de limites. La population étudiée n’inclut pas les personnes diabétiques non traitées ou traitées seulement par mesures hygiéno-diététiques, les personnes diabétiques non diagnostiquées ainsi que celles hospitalisées sur une longue durée ou résidant en institutions. Par ailleurs, l’algorithme d’identification a pu sélectionner à tort certaines personnes (prescription d’antidiabétiques oraux hors autorisation de mise sur le marché, notamment pour l’hyperglycémie modérée à jeun). Enfin, seules les personnes diabétiques affiliées au Régime général sont incluses dans l’étude, mais ce régime représente plus de 75% des bénéficiaires d’un régime d’assurance maladie.

Les causes de décès ont été analysées en causes initiales, ce qui a sous-estimé la surmortalité pour les complications du diabète, en particulier les maladies cardiovasculaires. En effet, parmi les 11% de certificats de décès sur lesquels le diabète était déclaré en cause initiale de décès, moins de 1% avait un code désignant une complication aiguë du diabète en cause initiale. Parmi les 99% de certificats restant, une pathologie cardiovasculaire était très souvent reportée en cause contributive. Un nouveau logiciel a par ailleurs été introduit en 2011 pour la codification des causes initiales de décès. Ce logiciel n’a toutefois pas eu d’impact important pour les décès dus aux maladies cardiovasculaires et aux cancers. En effet, l’évolution sur la période 2002-2012 des taux annuels de décès dus à ces pathologies pour la France métropolitaine n’identifie pas de rupture particulière de tendance avant et après 2011.

Enfin, une part de la surmortalité par rapport à la population générale mise en évidence dans cette étude peut être liée au niveau socioéconomique plus défavorable ou à d’autres facteurs plus fréquents dans la population diabétique par rapport à la population non diabétique (tabagisme, obésité, recours aux soins tardif, difficultés de prise en charge…) 25, lesquels ne sont pas pris en compte dans le calcul des SMR. Cependant, l’impact sur l’étude des évolutions entre les deux périodes devrait être minime. Une analyse de l’évolution des années de vie perdues entre les deux périodes viendra compléter la présente étude. Elle permettra d’étudier cette évolution en fonction de caractéristiques sociodémographiques, en particulier le niveau de désavantage social de la commune de résidence. Enfin, les analyses n’ont pas été ajustées sur d’autres facteurs de confusion potentiels, en particulier l’ancienneté du diabète et l’âge au diagnostic, car les données n’étaient pas disponibles pour l’ensemble des personnes incluses dans l’étude 26.

Conclusion

Les maladies cardiovasculaires demeurent la première cause de décès chez les personnes diabétiques, suivies de près par les tumeurs malignes. Une baisse de la mortalité a toutefois été observée entre les périodes 2002-2007 et 2007-2012, dont l’amplitude varie selon le sexe. La mortalité globale et par maladies cardiovasculaires des personnes diabétiques a diminué entre ces deux périodes, mais davantage chez les hommes que chez les femmes, alors que la mortalité par cancer a tendance à diminuer de façon similaire pour les deux sexes.

Par rapport à la population générale, la surmortalité des personnes diabétiques a baissé chez les hommes, chez lesquels un excès de +34% est toujours observé alors que chez les femmes, cet excès ne diminue pas et est estimé à +51%. L’excès de mortalité par maladie cardiovasculaire reste élevé chez les hommes (+41%) et plus particulièrement chez les femmes (+74%) chez lesquelles il reste stable entre les deux périodes. Une tendance à la baisse est aussi enregistrée pour la mortalité par cancer, dans les deux sexes, et le sur-risque atteint environ +21% à +26% lors de la période la plus récente.

Ces évolutions, pour la plupart favorables, résultent probablement de l’amélioration du contrôle du risque vasculaire dans la population diabétique observée entre les deux périodes, ainsi que d’une meilleure prise en charge médicale du diabète, de ses complications ou d’autres comorbidités. L’évolution de la surmortalité cardiovasculaire rappelle cependant l’importance des mesures de prévention des complications cardiovasculaires du diabète et souligne que des progrès doivent être réalisés afin de réduire la surmortalité des personnes diabétiques, en particulier des femmes.

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Citer cet article

Mandereau-Bruno L, Fagot-Campagna A, Rey G, Piffaretti C, Antero-Jacquemin J, Latouche A, et al. Évolution de la mortalité et de la surmortalité à 5 ans des personnes diabétiques traitées pharmacologiquement en France métropolitaine : comparaison des cohortes Entred 2001 et Entred 2007. Bull Epidémiol Hebd. 2016;(37-38):668-75. http://invs.santepubliquefrance.fr/beh/2016/37-38/2016_37-38_1.html