Système d’information nutritionnelle à cinq couleurs sur la face avant des emballages alimentaires : comparaison de trois formats de logo

// 5-colour front-of-pack nutrition label: comparaison of three logo formats

Angélique Nugier (angelique.nugier@santepubliquefrance.fr), Anne-Juliette Serry, Viêt Nguyen Thanh
Santé publique France, Saint-Maurice, France
Soumis le 02.05.2016 // Date of submission: 05.02.2016
Mots-clés : Système d’information nutritionnelle | Compréhension | Perception | Impact | Politique nutritionnelle | Emballage alimentaire
Keywords: Nutritional information system | Understanding | Perception | Impact | Nutrition policy | Front-of-pack labels

Résumé

Introduction –

Un système d’information nutritionnelle simplifiée à cinq couleurs (5-C), fondé sur le score des aliments de la Food Standards Agency britannique, a été proposé dans le cadre des nouvelles recommandations de santé publique nutritionnelle françaises. L’objectif de cette étude était de tester, auprès d’un échantillon de la population française, trois formats de logo à cinq niveaux de couleurs afin d’identifier le plus pertinent en termes de compréhension, de perception et d’impact potentiel sur les consommateurs et sur l’image des marques.

Matériel et méthodes –

Un échantillon de 3 000 personnes âgées de 15 à 86 ans, redressé en fonction des caractéristiques de la population française, a complété un questionnaire en ligne du 23 septembre au 5 octobre 2015. Au sein de cet échantillon, chaque personne a été exposée à un – et un seul – format de logo sélectionné aléatoirement parmi les trois ; chaque format de logo a ainsi été visualisé par 1 000 sujets. Les participants ont été interrogés sur leur compréhension et leur perception du logo ainsi que sur son impact potentiel sur les comportements et sur l’image des marques.

Résultats –

Parmi les personnes déclarant lire les informations nutritionnelles présentes sur les emballages au moins « parfois » (92%), moins de la moitié (41%) considérait qu’elles étaient faciles à comprendre. Parmi les trois formats de logo testés, un des logos a obtenu des résultats significativement supérieurs aux deux autres logos en termes de compréhension objective, d’utilité perçue, d’adhésion à sa présence sur les emballages, d’aide aux consommateurs dans leurs achats de produits alimentaires et d’intention d’en tenir compte pour choisir ses produits alimentaires. De plus, il a recueilli des résultats significativement supérieurs à l’un des deux autres logos en termes d’appréciation globale, de perception de sa forme et de son dégradé de couleurs, d’aide pour limiter les produits alimentaires moins bons pour la santé, de capacité à faire réfléchir à la qualité nutritionnelle des aliments achetés et d’envie d’acheter une marque qui choisirait de le mettre sur ses emballages.

Discussion – Conclusion –

Si l’un des trois logos testés s’est avéré être plus pertinent pour représenter le système 5-C, des études complémentaires mobilisant d’autres méthodologies restent cependant nécessaires pour comparer l’impact potentiel de ces logos auprès de populations très précaires. À plus long terme, si ce logo est adopté, il sera également important d’évaluer son impact sur les comportements d’achat des consommateurs en conditions réelles.

Abstract

Background –

A front-of-pack 5-colour nutritional information system (5-C) based on the food standards score of the British Food Standards Agency has recently been proposed as a novel public health nutrition policy in France. This study aimed to compare understanding, perception, potential impacts on consumers and brands of three logos representing the 5-C system among a sample of the French population.

Material and methods –

A sample adjusted according to the characteristics of the French population, aged from 15 to 86 years (N=3,000), completed an online questionnaire between 23 September and 5 October 2015. In this sample, each person was exposed to one – and only one – logo randomly selected among the three proposed. Each logo has been viewed by 1,000 subjects. Participants were asked about their understanding and perception of the logo, and its potential impact on behavior and brand image.

Results –

Among participants reporting reading nutrition labels at least “sometimes” (92%), less than half (41%) considered that the information was easy to understand. Among the three logos tested, one received a significantly better score compared to the other two in terms of: objective understanding, perceived usefulness, adherence to its presence on packaging, help to consumers in their food purchases, and intention to take the logo into consideration when choosing food products. In addition, this logo received a significantly higher score than one of the other logos in terms of: overall appreciation, perception of its shape and color gradient, help to limit less healthy food products, ability to encourage thinking about the nutritional quality of food purchased, and the will to buy a brand that has chosen to put the logo on the packaging.

Discussion – Conclusion –

Although one of the three logos proved to be the most appropriate to represent the 5-C system, further studies involving other methodologies are still needed to compare the potential impact of these logos on most deprived populations. In the longer term, if this logo is adopted, it will also be important to assess its impact on the purchasing behavior of consumers in real conditions.

Introduction

Des travaux scientifiques ont mis en évidence le rôle majeur des facteurs nutritionnels (intégrant l’alimentation et l’activité physique) dans le déterminisme des principales maladies chroniques qui constituent la première cause de mortalité à l’échelle de la planète 1,2.

L’article 5 de la loi de modernisation du système de santé français prévoit : « afin de faciliter l’information du consommateur et pour l’aider à choisir en toute connaissance de cause, sans préjudice des dispositions des articles 9, 16 et 30 du règlement (UE) n°1169/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires, la déclaration nutritionnelle peut être accompagnée d’une présentation ou d’une expression au moyen de graphiques ou symboles au sens de l’article 35 du même règlement ».

Le logo nutritionnel ainsi défini a un double objectif 3. D’une part, il vise à permettre aux consommateurs d’appréhender rapidement et de comparer la qualité nutritionnelle des produits alimentaires au travers d’un format visuel simple, afin d’orienter ses choix alimentaires vers des produits de meilleure qualité nutritionnelle. D’autre part, il cherche à encourager les opérateurs économiques à améliorer la qualité nutritionnelle de leurs produits et à valoriser les innovations et les reformulations. L’un des systèmes proposés comprend cinq catégories (système 5 couleurs, 5-C), allant du produit de la meilleure à la moins bonne qualité nutritionnelle, sous la forme d’une échelle de couleurs couplée à une lettre 3. Le score nutritionnel servant de base à ce système d’information nutritionnelle est celui élaboré par la Food Standards Agency britannique (appelé score FSA). Il est actuellement utilisé en Grande-Bretagne par l’Office of Communication (OfCom) pour la régulation de la publicité télévisuelle s’adressant aux enfants 4. L’applicabilité et la validité du score FSA en contexte français ont été testées dans plusieurs travaux scientifiques (NutriNet-Santé 5, Étude nationale nutrition santé 6,7) ainsi que sa corrélation avec le risque de survenue de maladies (SUVIMAX 8,9,10).

Aussi, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) a considéré, dans son avis du 25 juin 2015, que seul le système 5-C répondait aux critères de pertinence et de faisabilité d’un système d’information nutritionnelle synthétique et a recommandé sa mise en place 11.

Des études ont montré que, par rapport à d’autres systèmes d’information nutritionnelle (« Multiple Traffic Lights » (MTL) utilisé au Royaume-Uni, « Guideline Daily Amonts » (GDA) déjà utilisé en France par certains industriels, « Coche verte » utilisée dans les pays scandinaves et aux Pays-Bas), le système 5-C était considéré par un échantillon redressé sur les caractéristiques de la population française comme le plus facile à identifier et nécessitait le moins de temps et d’effort pour être compris 5,12. Il s’est aussi avéré plus efficace pour aider les individus à classer des produits alimentaires en fonction de leur qualité nutritionnelle 13 et pour améliorer la qualité nutritionnelle du panier d’achat en condition de simulation d’une situation d’achats en ligne 14. Cependant, la représentation graphique optimale de ce système 5-C reste à définir.

Notre objectif était de tester auprès d’un échantillon de la population française trois formats de logo à cinq niveaux de couleurs afin d’identifier le plus pertinent en termes de compréhension, de perception, d’impact potentiel sur les consommateurs et sur l’image des marques.

Matériel et méthodes

Les trois formats de logo testés : méthode d’élaboration

Une agence spécialisée en identité visuelle et conception d’emballages été sollicitée pour concevoir trois représentations graphiques de signalétique nutritionnelle (ou formats de logo) sur la base d’une échelle à cinq niveaux de couleurs.

Les formats de logo proposés devaient permettre de présenter l’échelle dans son intégralité, afin que le consommateur puisse y situer le niveau de qualité nutritionnelle du produit. Des variantes, en termes de couleur, de forme et éventuellement de symboles complémentaires (lettres, chiffres, étoiles), étaient demandées afin d’évaluer l’impact de ces éléments sur la compréhension et la perception (figure 1).

Le logo 1 comprenait une échelle de 5 couleurs allant du vert au orange foncé en référence directe aux feux tricolores (les valeurs positives A et B en vert clair et foncé ; la valeur moyenne C en jaune et les valeurs plus négatives D et E en orange clair et foncé) ;

le logo 2 reprenait les 5 codes couleurs de l’échelle de qualité nutritionnelle proposée par des chercheurs dans un rapport remis en 2013 à la Ministre des Affaires sociales et de la Santé, dans le cadre de la stratégie nationale de santé (vert-jaune-orange-rose-rouge) 3 ;

le logo 3 correspondait à un format plus compact, à l’image d’une jauge, afin de faciliter son intégration sur les emballages et disposait du même dégradé de couleur que le logo 1.

Figure 1 : Les trois formats de logos testés, chacun par 1 000 personnes
Agrandir l'image

Afin de faire comprendre que l’objet du logo porte sur la qualité nutritionnelle du produit, le nom de « Nutri-score » a été ajouté. L’échelle de couleurs a été renforcée par une lettre pour faciliter sa lecture par les personnes ayant des troubles visuels et sur les emballages en bichromie (ex : canette de cola) ou en noir et blanc. Le choix a été fait, sur les conseils de l’agence spécialisée, de ne tester que des formats de logo présentant les cinq catégories de façon horizontale, suite à un benchmarking des logos existants à l’étranger et afin de permettre une bonne lecture du titre et de ne pas multiplier les conditions expérimentales.

Échantillon

Un échantillon national de la population française constitué de 3 000 personnes âgées de 15 à 86 ans a complété un questionnaire en ligne du 23 septembre au 5 octobre 2015. Au sein de cet échantillon, chaque personne a été exposée à un – et un seul – format de logo sélectionné aléatoirement parmi les trois ; chaque format a ainsi été visualisé par 1 000 sujets. Nous avons fait l’hypothèse, comme dans d’autres enquêtes, que les jeunes de moins de 15 ans ne sont pas en charge des courses alimentaires 15.

Cet échantillon a été constitué à partir d’un access panel d’internautes, c’est à dire un groupe d’individus ayant accepté volontairement de participer à des enquêtes en ligne. Au préalable, il a été indiqué aux volontaires que cette étude portait sur les informations figurant sur les produits alimentaires. La méthode des quotas a été appliquée, pour l’ensemble de l’échantillon, aux variables suivantes : sexe et âge du répondant, catégorie socioprofessionnelle (CSP) de la personne de référence du ménage (homme dans un couple, père pour les enfants ou à défaut la mère), CSP du répondant (avec reclassement des chômeurs et retraités ayant déjà travaillé), catégorie d’agglomération et région d’habitation.

Données recueillies

Profil des participants

Les données sociodémographiques (sexe ; âge ; CSP et statut d’activité actuel du répondant et de la personne référente du ménage ; catégorie d’agglomération ; région ; nombre de personnes et présence d’enfants de moins de 15 ans dans le foyer ; niveau de diplôme du répondant et revenus mensuels du ménage par unité de consommation), le poids, la taille, le niveau d’information perçue sur l’alimentation, la fréquence de lecture et la compréhension déclarées des informations sur les emballages des produits alimentaires achetés ont été recueillis. Une question a également été posée afin de savoir si le répondant était la personne en charge des courses alimentaires.

Compréhension objective et subjective

Afin d’évaluer la compréhension objective, les participants ont été invités à classer trois produits de la même famille en fonction de leur qualité nutritionnelle (meilleure, intermédiaire ou moins bonne), à partir des informations livrées par le logo apposé sur les emballages (figure 2). Trois familles de produits ont été testées (yaourts, pizzas, produits apéritifs). Les produits ont été sélectionnés de façon aléatoire via le site Open food facts16 et afin de correspondre, au sein de chaque famille à, des couleurs différentes sur l’échelle du logo. L’intégralité des niveaux de l’échelle a été testée (A, B, C, D, E).

Un score de compréhension dite objective a été calculé en fonction du nombre de combinaisons exactes (0, 1, 2 ou 3) restitué par l’interviewé pour les trois familles de produits. Une combinaison exacte correspondait à l’association des bons niveaux de qualité nutritionnelle proposés (meilleure, intermédiaire ou moins bonne) aux trois produits d’une même famille. La compréhension subjective (logo « facile à comprendre ») a également été évaluée.

Figure 2 : Test de compréhension objective des différents niveaux de l’échelle (visuels présentés)
Agrandir l'image

Perception

Des questions ont été posées sur l’appréciation globale du format proposé ; la perception de sa forme, de ses couleurs, de son nom, de son utilité, de son caractère culpabilisant et le souhait de le voir apposé sur les emballages des produits alimentaires (encadré).

Impact potentiel sur les comportements

L’impact potentiel du format de logo sur les comportements a été évalué en interrogeant sur l’intention d’en tenir compte pour choisir ses produits ; sur sa capacité perçue à aider, lors des achats, à limiter les produits les moins bons pour sa santé, à faire réfléchir sur la qualité nutritionnelle des aliments achetés et à son alimentation en général (encadré).

Impact potentiel sur l’image des marques

L’image d’une marque qui choisirait de mettre le logo sur ses emballages a été questionnée en termes de responsabilité, de transparence, de confiance et d’envie de l’acheter (encadré).

Des échelles de type Likert à choix forcé, c’est- à-dire sans réponse médiane et contraignant le répondant à se prononcer sur le côté positif ou négatif de l’échelle 17, ont été utilisées afin d’évaluer la perception des formats des logos et leur impact potentiel.

Encadré :
Liste des questions analysées et modalités de réponse

De façon générale, diriez-vous que ce logo vous plaît ?

(1. Oui, beaucoup ; 2. Oui, assez ; 3. Non, pas tellement ; 4. Non, pas du tout)

Et pour chacun des éléments suivants concernant ce logo, diriez-vous qu’il vous plaît ?

a) La forme du logo

b) Les couleurs du logo

c) Le nom du logo : « Nutri-Score »

(1. Oui, beaucoup ; 2. Oui, assez ; 3. Non, pas tellement ; 4. Non, pas du tout)

Et plus précisément, le dégradé de couleurs du logo est-il adapté pour représenter la qualité nutritionnelle d’un produit alimentaire ?

(1. Oui, tout à fait ; 2. Oui, plutôt ; 3. Non, plutôt pas ; 4. Non, pas du tout)

Indiquez si vous êtes d’accord ou pas avec les affirmations suivantes concernant ce logo.

a) Ce logo est facile à comprendre

b) Ce logo est culpabilisant

c) Ce logo est utile

(1. Tout à fait d’accord ; 2. Plutôt d’accord ; 3. Plutôt pas d’accord ; 4. Pas du tout d’accord)

Êtes-vous favorable ou non à ce que ce logo soit présent sur les emballages des produits alimentaires ?

(1. Tout à fait favorable ; 2. Plutôt favorable ; 3. Plutôt pas favorable ; 4. Pas du tout favorable)

Impact potentiel sur les comportements

Une fois présent sur les emballages de produits alimentaires, avez-vous l’intention de tenir compte de ce logo pour choisir vos produits alimentaires ?

(1. Oui, certainement ; 2. Oui, probablement ; 3. Non, probablement pas ; 4. Non, certainement pas)

Indiquez si vous êtes d’accord ou non avec les affirmations suivantes concernant la présence de ce logo sur les emballages des produits alimentaires.

a) Ce logo me permettra de limiter les produits alimentaires moins bons pour ma santé

b) Ce logo guidera les consommateurs dans leurs achats de produits alimentaires

c) Ce logo me fera réfléchir à la qualité nutritionnelle des aliments que j’achète

d) Ce logo me fera réfléchir à mon alimentation en général

(1. Tout à fait d’accord ; 2. Plutôt d’accord ; 3. Plutôt pas d’accord ; 4. Pas du tout d’accord)

Impact potentiel sur l’image des marques

Pour vous, une marque qui choisira de mettre ce logo sur ses emballages sera une marque…

a) responsable

b) transparente

c) qui inspire confiance

d) que vous avez davantage envie d’acheter

(1. Tout à fait d’accord ; 2. Plutôt d’accord ; 3. Plutôt pas d’accord ; 4. Pas du tout d’accord)

Analyses statistiques

L’échantillon a été redressé selon la méthode du calage sur marge par procédure itérative sur les mêmes variables que celles des quotas et en faisant en sorte de conserver un poids équivalent pour chaque groupe (33,3% pour chacun des trois). Les structures de redressement étaient issues des données du recensement 2012 de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee).

Afin de comparer les résultats entre les trois groupes (trois formats des logos), des analyses statistiques univariées (test du Chi2 et test t de Student) ont été réalisées à l’aide du logiciel Daisie V.2.3.7 18 sur les bases brutes et les pourcentages redressés. Le seuil de significativité statistique a été fixé à 0,05.

De plus, les mêmes tests statistiques ont été utilisés afin de faire des analyses comparatives des formats des logos au sein des sous-groupes de population suivants : CSP les moins favorisées incluant les employés et les ouvriers, personnes ayant un niveau de diplôme inférieur au Bac et personnes se déclarant en difficulté pour comprendre l’étiquetage nutritionnel actuel.

Les tests de significativité sont reportés à titre indicatif afin de comparer trois groupes sélectionnés aléatoirement. Les pourcentages et tests présentés n’ont pas vocation à être utilisés dans le cadre de statistiques inférentielles.

Résultats

Toutes les probabilités présentées dans les résultats prennent comme référence le format de logo 1.

Caractéristiques de l’échantillon

Les données brutes étaient quasiment similaires aux données pondérées après redressement selon les caractéristiques de la population française. Après pondération, les trois groupes de logos comparés étaient homogènes sur les différents critères sociodémographiques (tableau).

Tous groupes confondus, alors que près de 9 répondants sur 10 déclaraient se charger régulièrement (« toujours » ou « souvent ») des courses alimentaires au sein de leur foyer, 38% considéraient être mal informés sur l’alimentation.

Un peu plus d’une personne sur deux (54%) déclarait avoir l’habitude (« toujours » ou « souvent ») de lire sur les emballages des produits alimentaires achetés la liste des ingrédients ou le tableau présentant la composition nutritionnelle.

Parmi les personnes qui déclaraient lire les étiquettes nutritionnelles (92%, « toujours », « souvent » ou « parfois »), une majorité (59%) considérait ces informations comme « plutôt » ou « très difficiles » à comprendre.

Tableau : Caractéristiques de l’échantillon
Agrandir l'image

Compréhension objective et subjective des formats de logo

Des trois formats de logo testés, le logo 1 a obtenu un score de compréhension objective significativement supérieur aux deux autres logos : 82% des répondants ont reconstitué de façon systématique les trois combinaisons correctes contre 77% pour les deux autres logos (p<0,05).

Par ailleurs, plus de 9 participants sur 10 étaient d’accord (« tout à fait » ou « plutôt ») avec le fait que les logos 1 et 2 étaient faciles à comprendre, contre 87% de l’échantillon pour le logo 3 (p<0,05). Plus précisément, 50% des répondants étaient « tout à fait d’accord » pour dire que le logo 1 était facile à comprendre contre 45% pour le logo 2 (p<0,05) et 48% pour le logo 3 (différence non significative (NS)).

Perception des formats de logo

Le logo 1 était plus apprécié que le logo 2 : il a plu à 87% des répondants contre 83% pour le logo 2 (p<0,05) et 85% pour le logo 3 (NS) (figure 3).

Respectivement 92%, 89% et 91% des personnes interrogées appréciaient les couleurs des logos 1, 2 et 3 (figure 3). Cependant, le dégradé de couleurs utilisé, du vert foncé pour le A à l’orange foncé pour le E (logos 1 et 3), apparaissait comme le plus adéquat pour représenter la qualité nutritionnelle d’un produit alimentaire. En effet, pour le logo 2, 88% des sujets étaient d’accord avec cette affirmation, dont seulement 40% « tout à fait », alors qu’ils étaient 92% (p<0,01) à être d’accord pour le logo 1, dont 53% (p<0,001) « tout à fait » et 91% (NS) pour le logo 3, dont 52% (p<0,001) « tout à fait ».

La forme du logo 2 était significativement moins appréciée que celles des deux autres : elle plaisait à 87% des répondants contre 90% pour le logo 3 et 91% pour le logo 1 (figure 3).

Tous logos confondus, près de 7 personnes sur 10 appréciaient le nom « Nutri-Score ». Cependant ce nom plaisait davantage lorsqu’il était associé au logo 1 (74%) par rapport au logo 2 (69%, p<0,05) et au logo 3 (71%, NS) (figure 3).

Figure 3 : Perception des formats de logo par un échantillon redressé selon les caractéristiques de la population française
Agrandir l'image

Au total, 9 sujets interrogés sur 10 étaient favorables à ce que le logo 1 soit apposé sur les emballages des produits alimentaires (dont 57% « tout à fait » favorables), alors qu’ils étaient significativement moins nombreux à approuver la présence d’un des deux autres logos (87%, p<0,05). Le logo 1 était jugé utile par 89% de l’échantillon contre 85% (p<0,05) et 86% (p<0,05) respectivement pour les logos 2 et 3. Tous groupes confondus, 24% des participants étaient « tout à fait » ou « plutôt » d’accord avec le fait que le logo était culpabilisant, sans différence significative entre les groupes.

Impact potentiel des formats de logo sur les comportements

Les personnes qui déclaraient être d’accord avec le fait que le logo guiderait les consommateurs dans leurs achats de produits alimentaires étaient significativement plus nombreuses lorsqu’elles étaient exposées au logo 1 (89%) par rapport aux logos 2 (85%) et 3 (84%) (figure 4). Au total, 87% des répondants ont déclaré que le logo 1 les ferait réfléchir à la qualité nutritionnelle des aliments qu’ils achètent et 82% à leur alimentation en général (contre respectivement 83% (p<0,05%) et 78% (NS) pour le logo 2 ; 85% (NS) et 79% (NS) pour le logo 3) (figure 4). De plus, davantage de répondants (82%) étaient d’accord avec le fait que le logo 1 leur permettrait de limiter les produits alimentaires moins bons pour leur santé comparativement aux logos 2 (80%, NS) et 3 (79%, p<0,05) (figure 4).

Figure 4 : Impact potentiel des formats de logo sur les comportements des consommateurs
Agrandir l'image

Parmi les participants exposés au logo 1, 86% déclaraient avoir l’intention d’en tenir compte pour choisir leurs produits alimentaires une fois qu’il serait présent sur les emballages, contre respectivement 82% (p<0,05) et 83% (p<0,05) pour les participants exposés aux logos 2 et 3.

Impact potentiel des formats de logo sur l’image des marques

Tous formats de logo confondus, 86% des répondants étaient d’accord (« tout à fait » ou « plutôt ») avec le fait qu’une marque qui choisirait de mettre le logo sur ses emballages serait une marque responsable, 80% qu’elle serait une marque transparente et 83% qu’elle serait une marque qui inspire confiance. Les répondants étaient un peu plus nombreux à déclarer avoir envie d’acheter une marque si elle mettait le logo 1 (76%) sur ses emballages par rapport aux autres logos (72% pour le logo 2 (p<0,05) ; 74% pour le logo 3 (NS)).

Comparaison des résultats au sein de sous-groupes de population spécifiques

Le logo 1 était le mieux compris des trois logos par les personnes des CSP les moins favorisées (82% avaient un score de compréhension objective maximal contre 78% pour le logo 2 (NS) et 74% pour le logo 3 (p<0,01)), par les personnes ayant un niveau de diplôme inférieur au Bac (80% contre 74% pour le logo 2 (NS) et 69% pour le logo 3 (p<0,01)) et celles déclarant que les informations nutritionnelles sur les emballages étaient difficiles à comprendre (84% contre 78% pour le logo 2 (p<0,05) et 79% pour le logo 3 (p<0,05)).

Dans ces mêmes sous-groupes, les niveaux d’appréciation globale du logo et d’adhésion à la présence du logo sur les emballages étaient élevés (supérieurs à 80%), sans différence significative avec l’échantillon global.

Enfin, spécifiquement dans le sous-groupe des personnes déclarant que les informations nutritionnelles sur les emballages étaient difficiles à comprendre, le logo 1 obtenait des résultats significativement supérieurs au logo 3 en termes de perception de son utilité et d’intention d’en tenir compte pour choisir ses aliments. En effet, 89% des répondants étaient d’accord (« tout à fait » ou « plutôt ») avec le fait que le logo 1 soit utile contre respectivement 86% (NS) et 85% (p<0,05) pour les logos 2 et 3. De même, 89% des répondants déclaraient avoir l’intention (« certainement » ou « probablement ») de tenir compte du logo 1 pour choisir leurs aliments dès qu’il serait présent sur les emballages, contre 86% (NS) pour le logo 2 et 84% (p<0,05) pour le logo 3.

Discussion – Conclusion

D’après nos résultats, le format du logo 1 s’avère le plus pertinent pour représenter le système 5-C par rapport aux deux autres testés. En effet, il a obtenu des résultats significativement supérieurs en termes de compréhension objective des différents niveaux de l’échelle nutritionnelle, d’utilité perçue, d’adhésion à sa présence sur les emballages, d’aide aux consommateurs dans leurs achats de produits alimentaires et d’intention d’en tenir compte pour choisir ses produits alimentaires. De plus, il a recueilli des résultats significativement supérieurs à l’un des deux autres logos en termes d’appréciation globale, de perception de sa forme et de son dégradé de couleurs, d’aide pour limiter les produits alimentaires moins bons pour la santé, de capacité à faire réfléchir à la qualité nutritionnelle des aliments achetés, d’envie d’acheter une marque qui choisirait de le mettre sur ses emballages. Les résultats obtenus au sein des sous-groupes de population (les personnes moins favorisées, ayant un niveau de diplôme inférieur au Bac ou trouvant les informations nutritionnelles sur les emballages difficiles à comprendre) étaient similaires à ceux obtenus dans l’échantillon total. Ce point était particulièrement important à vérifier dans une logique de prise en compte des inégalités sociales de santé qui pourraient être engendrées par la mise en place de ce système d’information, même si les résultats de cette étude doivent être interprétés avec prudence, ne s’agissant pas d’une expérimentation en conditions réelles.

Parmi les personnes déclarant lire les informations nutritionnelles présentes sur les emballages au moins « parfois » (92%), moins de la moitié (41%) considérait que ces informations étaient faciles à comprendre. Même si les méthodes d’enquêtes différentes invitent à une certaine vigilance dans les comparaisons, ce résultat tend à confirmer une diminution du niveau de compréhension des étiquettes nutritionnelles depuis une vingtaine d’années. En effet, d’après le Baromètre santé nutrition, parmi les 44% des 15-75 ans interrogés par téléphone déclarant lire les informations nutritionnelles sur les emballages, de moins en moins de personnes trouvaient ces informations faciles à comprendre : elles étaient 80,4% en 1996, 60,4% en 2002 et seulement 53,6% en 2008 15. Nos données soulignent donc la nécessité de mettre en place un système d’information nutritionnelle simplifié complémentaire à la déclaration nutritionnelle obligatoire afin de permettre aux consommateurs de faire des choix éclairés. De plus, il serait également intéressant de savoir si la mise en place du système 5-C pourrait amener les personnes qui ne lisent pas les étiquettes nutritionnelles à tenir compte de cette information.

Tous groupes confondus, 24% des participants considéraient le logo comme culpabilisant. Ce résultat est supérieur à celui d’une étude menée en ligne parmi les participants à la cohorte NutriNet-Santé (N=13 578), qui visait entre autres à évaluer l’acceptabilité, la perception et la compréhension objective du système 5-C par rapport à quatre autres systèmes d’information nutritionnelle 5. Dans cette étude employant une méthodologie relativement proche de la nôtre, seuls 13% des répondants estimaient que le logo 5-C était culpabilisant. Cette différence peut probablement s’expliquer par le fait que les répondants à la cohorte NutriNet-Santé étaient volontaires pour participer à une étude nutritionnelle et, au regard de leurs caractéristiques, ils pourraient avoir eu de meilleures connaissances nutritionnelles et être davantage intéressés par les questions nutritionnelles 14. Des analyses approfondies de nos résultats montraient cependant que les trois quarts des personnes trouvant le logo culpabilisant le jugeaient aussi utile et avaient l’intention d’en tenir compte pour choisir leurs produits alimentaires s’il était présent sur les emballages.

Il convient de souligner les limites de notre étude. Les résultats doivent être interprétés en prenant en considération le mode de collecte et la méthode d’échantillonnage utilisés, dont les avantages et les limites relatives à la représentativité ont été décrits ailleurs 19,20. La non-inclusion des personnes ne disposant pas d’une connexion Internet et l’auto-sélection de volontaires par l’intermédiaire d’un access panel pourraient être responsables d’un biais de sélection et de couverture 21. En effet, le fait de mener une enquête auprès d’un échantillon d’utilisateurs d’Internet pourrait être associé à des comportements spécifiques et ne nous garantissait pas un accès aux populations très précaires, pourtant prioritaires dans l’objectif d’une diminution des inégalités sociales de santé. Des études complémentaires, mobilisant d’autres méthodologies, restent nécessaires pour comparer l’impact potentiel de ces logos auprès de ces populations. Enfin, la portée des résultats de notre étude est limitée par le caractère déclaratif de l’enquête. En effet, si nos résultats en termes de perception, de compréhension et d’intention d’utilisation des logos sont encourageants, ils ne permettent pas directement de prédire leurs effets sur les comportements d’achat des consommateurs en conditions réelles 22. Néanmoins, l’acceptabilité et la compréhension du logo par les consommateurs sont des conditions préalables et nécessaires à son utilisation, d’autant plus qu’une mesure objective de sa compréhension a été mise en œuvre dans l’étude. Si le logo est adopté, des études complémentaires seront nécessaires pour compléter les connaissances acquises jusqu’à présent et contribuer à orienter la décision publique, en France comme à l’étranger. Il sera notamment important d’évaluer à long terme son impact sur les comportements d’achat des consommateurs en conditions réelles.

Remerciements

À Valérie Deschamps et Benoît Salanave pour leur relecture.

Références

1 World Health Organization. Global Health Risks: Mortality and burden of disease attributable to selected major risks. Geneva: World Health Organization; 2009. 62 p. http://www.who.int/healthinfo/global_burden_disease/global_health_risks/en/
2 Alwan A, Armstrong T, Bettcher D, Branca F, Chisholm D, Ezzati M, et al. Global status report on noncommunicable diseases 2010. Geneva: World Health Organization; 2011. 176 p. http://www.who.int/nmh/publications/ncd_report2010/en/
3 Hercberg S. Propositions pour un nouvel élan de la politique nutritionnelle française de santé publique dans le cadre de la Stratégie nationale de santé. 1ère partie : mesures concernant la prévention nutritionnelle. Paris: Ministère des affaires sociales et de la santé; 2014. 127 p. http://social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_Hercberg_15_11_2013.pdf
4 Rayner M, Scarborough P, Lobstein T. The UK Ofcom nutrient profiling model – Defining ’healthy’ and ’unhealthy’ food and drinks for TV advertising to children. London: United Kingdom Government, Department of Health; 2009. 11 p. https://www.ndph.ox.ac.uk/bhfcpnp/about/publications-and-reports/group-reports/uk-ofcom-nutrient-profile-model.pdf
5 Julia C, Ducrot P, Kesse-Guyot E, Touvier M, Fezeu L, Méjean C, et al. Système d’information nutritionnelle à cinq couleurs sur la face avant des emballages : application, performance et perception dans le contexte français. Obésité. 2015;10(4):262-76.
6 Deschamps V, Julia C, Salanave B, Verdot C, Hercberg S, Castetbon K. Score de qualité nutritionnelle des aliments de la Food Standard Agency appliqué aux consommations alimentaires individuelles des adultes en France. Bull Epidémiol Hebd. 2015;(24-25):466-75. http://opac.invs.sante.fr/index.php?lvl=notice_display&id=12622
7 Deschamps V, Julia C, Salanave B, Verdot C, Hercberg S, Castetbon K. Application of the Food Standard Agency Nutrient Profiling System: consistency with nutritional recommendations in French children [Communication affichée]. ICDAM9, Brisbane (Australia), 1-3 Septembre 2015.
8 Julia C, Méjean C, Touvier M, Péneau S, Lassale C, Ducrot P, et al. Validation of the FSA nutrient profiling system dietary index in French adults: findings from SUVIMAX study. Eur J Nutr. 2016;55(5):1901-10.
9 Julia C, Fézeu L, Ducrot P, Méjean C, Péneau S, Touvier M, et al. The nutrient profile of foods consumed using the British Food Standards Agency nutrient profiling system is associated with metabolic syndrome in the SU.VI.MAX Cohort. J Nutr. 2015;145(10):2355-61.
10 Adriouch S, Julia C, Kesse-Guyot E, Mejean C, Ducrot P, Peneau S, et al. Prospective association between a dietary quality index based on a nutrient profiling system and cardiovascular disease risk. Eur J Prev Cardiol. 2016 Mar 21. pii:2047487316640659.
11 Haut Conseil de la santé publique. Avis relatif à l’information sur la qualité nutritionnelle des produits alimentaires. Paris: HCSP; 2015. 69 p. http://www.hcsp.fr/explore.cgi/avisrapportsdomaine?clefr=519
12 Ducrot P, Méjean C, Julia C, Kesse-Guyot E, Touvier M, Fezeu L, et al. Effectiveness of front-of-pack nutrition labels in French adults: results from the NutriNet-Santé cohort study. PLOs One. 2015;10(10):e0140898. http://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0140898
13 Ducrot P, Méjean C, Julia C, Kesse-Guyot E, Touvier M, Fezeu L, et al. Objective understanding of front-of-package nutrition labels among nutritionally at-risk individuals. Nutrients. 2015;7(8):7106-25. http://www.mdpi.com/2072-6643/7/8/5325
14 Ducrot P, Julia C, Méjean C, Kesse-Guyot E, Touvier M, Fezeu LK, et al. Impact of different front-of-pack nutrition labels on consumer purchasing intentions: A randomized controlled trial. Am J Prev Med. 2016;50(5):627-36. doi: 10.1016/j.amepre.2015.10.020.
15 Escalon H, Bossard C, Beck F. Baromètre santé nutrition 2008. Saint-Denis: Inpes; 2009. 424 p. http://www.inpes.sante.fr/CFESBases/catalogue/pdf/1270.pdf
16 Open food facts - France. [Base de données en ligne]. http://fr.openfoodfacts.org/
17 Techniques d’investigation. In : Delhomme P, Meyer T. Les projets de recherche en psychologie sociale. Paris: Armand Colin; 1997. pp. 155-214.
18 ADN. Daisie, activez le traitement et l’analyse de données [logiciel en ligne]. 2016. http://adn-soft.com/daisie/
19 Bigot R, Croutte P, Recours F. Enquêtes en ligne, peut-on extrapoler les comportements et les opinions des internautes à la population générale? Cahier de Recherche N° 273. Paris: Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie; 2010. 123 p. http://www.credoc.fr/pdf/Rech/C273.pdf
20 Guignard R, Wilquin JL, Richard JB, Beck F. Tobacco smoking surveillance: is quota sampling an efficient tool for monitoring national trends? A comparison with a random cross-sectional survey. PLoS ONE. 2013;8(10):e78372. http://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0078372
21 Frippiat D, Marquis N. Les enquêtes par Internet en sciences sociales : un état des lieux. Population. 2010;65(2):309-38. http://www.cairn.info/revue-population-2010-2-page-309.htm
22 Darmon N. Interventions et politiques publiques : affichage nutritionnel sur les produits. In : Inégalités sociales de santé en lien avec l’alimentation et l’activité physique. Paris: Les éditions Inserm; 2014. pp. 525-65. http://www.inserm.fr/espace-journalistes/inegalites-sociales-de-sante-en-lien-avec-l-alimentation-et-l-activite-physique-une-expertise-collective-de-l-inserm

Citer cet article

Nugier A, Serry AJ, Nguyen Thanh V. Système d’information nutritionnelle à cinq couleurs sur la face avant des emballages alimentaires : comparaison de trois formats de logo. Bull Epidémiol Hebd. 2016;(34):598-607. http://invs.santepubliquefrance.fr/beh/2016/34/2016_34_2.html