Description de l’état de santé et des caractéristiques sociales des personnes entrées en détention en Picardie en 2013

// Description of health and social characteristics of the new inmates in Picardy (France) in 2013

Émilie Fauchille1, Céline Thienpont1, Olivier Sannier2 (olivier.sannier@justice.gouv.fr), René Faure3, Alain Trugeon1
1 Observatoire régional de la santé et du social (OR2S), Amiens, France
2 Direction de l’Administration pénitentiaire, Paris, France
3 Agence régionale de santé de Picardie, Amiens, France
Soumis le 18.12.2015 // Date of submission: 12.18.2015
Mots-clés : Personnes détenues | Prison | Santé | Surveillance
Keywords: Inmates | Prison | Health | Surveillance

Résumé

Afin d’adapter la prise en charge sanitaire des personnes détenues à leur besoin en santé, il est nécessaire de disposer de données sur leur état de santé et leurs caractéristiques sociodémographiques. L’Observatoire régional de la santé et du social (OR2S) de Picardie développe, depuis 2011, une application de recueil d’informations déployée dans les unités sanitaires des établissements pénitentiaires du territoire. Ces données sont saisies par le personnel soignant sur une page Web sécurisée, à l’occasion de la consultation médicale de l’arrivant. Les données anonymisées sont stockées sur le serveur sécurisé habilité de l’OR2S.

En 2013, les données concernant l’état de santé d’une moitié (n=1 780) des personnes nouvellement détenues en Picardie ont pu être analysées. Un cinquième des hommes faisait l’objet d’un suivi psychiatrique ; la moitié des entrants nécessitait des soins dentaires ; 85,0% étaient fumeurs de tabac ; 24,0% consommaient régulièrement une drogue ; 12,5% vivaient dans une situation précaire avant l’incarcération.

Ce recueil d’information permet de connaître annuellement l’état de santé de la population nouvellement détenue dans un établissement ou sur un territoire, et ainsi d’adapter les interventions des acteurs socio-sanitaires et pénitentiaires. La souplesse d’utilisation et d’évolution de l’application permet d’ajuster de manière dynamique la nature des données recueillies. Son coût et sa facilité d’implantation en font un outil efficient, qui peut être étendu facilement à d’autres régions françaises.

Abstract

In order to adjust healthcare to the health needs of inmates, data on the health and social status of inmates are necessary. Since 2011, the Regional Observatory of Health and Social (OR2S) has been developing in Picardy an application for collecting these data within medical units in prisons on the territory. The health information and social characteristics of detainees entering prison are input by the caregiver on a secure web page during the medical examination of new inmates. The anonymous data are stored in the authorized secured server of the OR2S.

In 2013, the health status of almost half of new inmates (n=1,780) in Picardy was analysed. Among them, 1/5 of men had psychiatric care, 1/2 needed dental care, 85.0% of inmates were smokers, 24.0% regularly consumed a drug, 12.5% lived in a precarious situation before being incarcerated.

The application allows knowing the yearly health status of newly detained population in a prison or a territory. Thus, tailored interventions of social, health and prison interventions can be adapted. Its flexibility of use and evolution allows dynamically adjusting the state of knowledge. Its cost and ease of implementation make this application an efficient tool that can be easily extended to other regions.

Introduction

La loi du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale rattache la prise en charge sanitaire des personnes détenues au service public hospitalier qui met en place, dans chaque établissement pénitentiaire, une unité sanitaire chargée de délivrer les soins et de développer des actions de prévention et de promotion de la santé. La loi prévoit l’examen systématique de la personne entrant en prison par un personnel de santé, tel que cadré par les codes de la santé publique (R.6112-19) et de procédure pénale (R.57-8-1) et rappelé par la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009.

À cette occasion, une fiche médicale d’entrée est renseignée et intégrée dans le dossier médical de la personne détenue. L’article R.6112-19 du code de la santé publique prévoit, par ailleurs, l’organisation d’un système de recueil de données relatives à l’état de santé des personnes incarcérées et visant à adapter les dispositifs de prise en charge sanitaire.

Vingt ans après la promulgation de cette loi, un rapport de l’Institut de veille sanitaire (InVS) sur les dispositifs de surveillance de la santé des personnes détenues 1, réalisé dans le cadre du plan d’actions stratégiques 2010-2014 « Politique de santé pour les personnes placées sous main de justice » du ministère en charge de la Santé, rappelait la pauvreté des connaissances sur l’état de santé des personnes détenues en France. Il préconisait la réalisation d’enquêtes régulières et le développement d’outils standardisés et informatisés propres au milieu carcéral, permettant à long terme de collecter des données, dont celles issues des dossiers médicaux. Pour autant, à ce jour, aucun outil commun à l’ensemble des unités sanitaires n’a été créé pour organiser un recueil uniformisé de ce type de données.

Soucieuse d’améliorer ses connaissances sur l’état de santé des personnes détenues, de les confronter aux moyens sanitaires déployés en établissement pénitentiaire et d’assurer l’adéquation entre les besoins des personnes détenues et l’offre de soins mise en œuvre par les unités sanitaires, la Direction régionale des affaires sanitaires et sociales (Drass) de Picardie avait entrepris, en 2009, l’élaboration d’un formulaire uniformisé de recueil des données de santé des personnes nouvellement incarcérées. Dans la continuité, l’Agence régionale de santé (ARS) de Picardie, dans le cadre du partenariat santé-justice, a chargé l’Observatoire régional de la santé et du social (OR2S) d’élaborer l’outil nécessaire à cette surveillance et a financé sa mise en place.

Cet article présente les résultats de l’analyse descriptive des données recueillies dans les établissements enquêtés par l’OR2S en Picardie en 2013 et discute leur utilisation pour l’organisation de l’offre sanitaire et les actions de promotion pour la santé.

Méthode

En décembre 2009, un formulaire uniformisé de recueil d’informations sur l’état de santé des personnes entrant dans les établissements pénitentiaires de la région Picardie, élaboré par un groupe de travail piloté par la Drass, était testé par les unités sanitaires d’Amiens et de Liancourt. Suite aux retours des praticiens, les items révisés et sélectionnés ont été inclus dans une application informatique de recueil spécifiquement développée par l’OR2S. Testée dans les établissements pénitentiaires de Beauvais et Compiègne (maisons d’arrêt) entre juillet 2010 et juin 2011, elle a ensuite été progressivement implantée, durant l’année 2012, dans ceux d’Amiens (maison d’arrêt), Laon et Liancourt (centres pénitentiaires).

L’application développée est une page Web sécurisée, avec accès par identifiant et mot de passe délivrés aux professionnels de santé qui saisissent, sur une fiche de recueil uniformisée, les informations relatives à l’état de santé et à la situation sociale de toute personne entrant en détention. Les informations concernent sept grandes thématiques : situation socioéconomique, antécédents médicaux, conduites addictives, dépistages du VIH, des hépatites et des infections sexuellement transmissibles réalisés avant l’incarcération, vaccinations antérieures à l’incarcération, état de santé actuel du détenu, prescriptions et dépistages effectués à l’entrée en détention. La fiche est renseignée anonymement sur l’application informatique par un membre du personnel soignant à l’occasion de la consultation à l’entrée dans l’établissement. Validées par le médecin, les données sont stockées sur un serveur sécurisé habilité de l’OR2S, qui bénéficie d’une autorisation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) pour la mise en œuvre de traitements automatisés de données à caractère personnel. Une fiche en format PDF est générée. Elle intègre l’ensemble des données saisies et peut être enregistrée localement, voire imprimée. Elle peut ainsi être intégrée dans le dossier médical du patient, en tant que pièce indispensable à sa constitution, sans double saisie (manuelle ou informatique).

Une même personne a pu être enregistrée plusieurs fois si elle a été incarcérée à plusieurs reprises durant la même année dans l’un des établissements concernés. Néanmoins, cette double comptabilisation a été évitée lors d’un transfert entre deux établissements participant à l’enquête.

L’OR2S réalise chaque année une analyse statistique des données enregistrées à l’aide du logiciel Stata®.

Le groupe de travail, piloté par l’OR2S, participe à l’élaboration et à la rédaction d’une plaquette reprenant les résultats de ces analyses. Celle-ci est diffusée aux professionnels impliqués 2. Le recueil d’informations peut être adapté aux évolutions que les professionnels souhaitent y voir apporter.

Suivi du dispositif

Au cours de l’année 2013, le comité de pilotage, composé de l’ARS, de l’OR2S et d’un représentant de l’administration pénitentiaire, s’est réuni à trois reprises pour suivre le bon déroulement du dispositif. Selon le nombre de retour de fiches, les médecins responsables des unités sanitaires ont pu être sensibilisés par le comité de pilotage (entretien téléphonique, rencontre) à l’importance de les renseigner systématiquement sur l’application dédiée. Malheureusement, ce rappel du dispositif et de son intérêt n’a pas conduit à une amélioration des taux de renseignement des fiches des entrants.

Les médecins contactés par téléphone afin de connaître leur situation réelle d’exercice ont pu faire état :

  • de l’absence de disponibilité d’un ordinateur connecté à Internet dans le bureau de consultation médicale ;
  • de difficultés ponctuelles pour se connecter à l’application en ligne ;
  • d’une rupture de continuité de la saisie sur l’application lors de remplacements par d’autres praticiens, à l’occasion de congés ou pendant les heures de fermeture de l’unité sanitaire (absence d’information des remplaçants, absence de code d’accès pour l’application).

L’élargissement de ce comité de pilotage aux acteurs de terrain, à savoir les personnels médicaux et paramédicaux des unités de soins, a été discuté et appliqué en 2014. Notamment, les équipes soignantes en santé mentale intervenant en milieu carcéral ont intégré le groupe de travail.

Résultats

Échantillon d’étude

En 2013, dans les cinq établissements où l’application était implantée, 1 780 fiches concernant des arrivants ont été renseignées et analysées pour 3 895 entrées recensées par l’administration pénitentiaire, soit un taux de réponse moyen de 46,8%. Les taux de fiches renseignées étaient de 59,2% pour Amiens, 58,8% pour Laon, 54,1% pour Beauvais, 49,6% pour Compiègne et 12,3% pour Liancourt.

Par ailleurs, 35,5% de l’ensemble des fiches analysées concernaient des personnes détenues à Amiens, 27,9% à Laon, 16,8% à Beauvais, 12,8% à Liancourt et 7,0% à Compiègne.

Un appariement de ces données avec celles de l’administration pénitentiaire, permettant de discuter la représentativité de l’échantillon, n’a pas été organisé ni réalisé a posteriori.

Le nombre important de personnes nouvellement incarcérées (3 895 personnes en 2013 dans les établissements concernés), plus de deux fois et demi supérieur au nombre de places théoriques dans ces établissements (1 531 places), est en rapport avec le nombre de maisons d’arrêt (4), qui hébergent des personnes détenues en attente de jugement ou condamnées à une peine inférieure ou égale à deux ans.

Caractéristiques sociodémographiques

Les fiches des entrants analysées concernaient 94,6% d’hommes adultes, 5,4% de femmes adultes et 1,6% de mineurs. L’âge moyen de la population étudiée était de 31,8 ans (écart type (ET) : 11,0), sans différence significative entre hommes et femmes (p=0,52). Les deux tiers des entrants avaient moins de 35 ans. Au moment de leur incarcération, 39,3% des personnes interrogées étaient en couple et 49,6% déclaraient avoir un ou plusieurs enfant(s), à leur charge pour 65,9% d’entre eux.

La situation des personnes entrant en détention semblait précaire au regard des différents indicateurs relevés. Ainsi, 42,3% des personnes interrogées vivaient en location ou colocation, 39,9% étaient hébergées dans leur famille, 7,6% résidaient dans un logement précaire (chez des amis, en foyer d’hébergement, caravane…), 5,3% se trouvaient sans domicile fixe et seules 4,9% étaient propriétaires de leur logement.

Plus de 3 personnes détenues interrogées sur 5 étaient au chômage ou sans profession.

En termes de couverture sociale, 31,3% affirmaient avoir un remboursement de leurs frais de santé par couverture médical universelle (CMU) et 47,8% déclaraient percevoir au moins une prestation sociale (pension d’invalidité, revenu minimum d’insertion ou revenu de solidarité active, allocation personnalisée d’autonomie, prestation de compensation du handicap, allocation adulte handicapé…). Par ailleurs, 89,0% des personnes interrogées déclaraient disposer d’une couverture par un régime de l’Assurance maladie, dont 3,5% précisaient bénéficier d’une exonération du ticket modérateur au titre d’une affection de longue durée (ALD).

Conduites addictives

Lors de la visite médicale d’entrée, 85,0% des hommes déclaraient fumer du tabac, 17,5% décrivaient une consommation excessive d’alcool (plus de 3 verres par jour) (tableau) et 24,0% avaient consommé de façon régulière une drogue au cours des 12 mois précédant l’incarcération. Pour la majorité de ces derniers, il s’agissait de cannabis associé, pour près d’un quart d’entre eux, à une consommation d’héroïne. La prise d’un traitement de substitution aux opiacés a été déclarée par 16,4% des hommes interrogés (Méthadone® dans 57,8% des cas et Subutex® pour 41,7%, la part restante prenant les deux).

Tableau : Consommation de tabac et d’alcool des hommes nouvellement détenus en 2013 en Picardie (en % des fiches renseignées)
Agrandir l'image

État de santé

Un entrant sur trois (32,9%) pour lequel une fiche était renseignée déclarait avoir au moins une pathologie somatique connue.

Les pathologies broncho-pulmonaires (asthme, BPCO…) et cardiovasculaires (hypertension artérielle, arythmie…) représentaient la moitié de ces pathologies. Les premières concernaient les détenus les plus jeunes, avec un âge moyen de 34,0 ans (ET : 12,2), et les secondes les détenus plus âgés (âge moyen 48,1 ans, ET : 12,6).

Concernant les pathologies mentales, parmi les fiches renseignées, près d’un quart des hommes (23,1%) déclarait avoir eu un suivi psychiatrique antérieur et un cinquième suivait un traitement psychiatrique médicamenteux (19,8%) (figure). Une personne nouvellement incarcérée sur quinze (6,6%) avait déjà été hospitalisée en psychiatrie au cours des 12 mois précédents.

Figure : Consommation de médicaments psychotropes en cours au moment de l’incarcération en 2013 en Picardie (en % des fiches renseignées)
Agrandir l'image

Un peu moins de deux personnes détenues interrogées sur trois avaient vu un médecin en consultation au cours de l’année précédant l’incarcération.

À leur entrée en milieu carcéral, un tiers (34,5%) des personnes de sexe masculin déclarait prendre au moins un traitement et, pour un peu plus de la moitié (55,1%), des soins dentaires étaient à programmer. Malgré cela, les médecins jugeaient que 9 hommes sur 10 (89,8%) présentaient un bon état de santé général suite à leur examen clinique d’entrée.

Deux cinquièmes (43,3%) des personnes se sont vues prescrire au moins une consultation chez un spécialiste lors de leur arrivée en milieu carcéral, en psychiatrie pour un entrant sur dix.

Plus de la moitié des répondants à l’enquête indiquait avoir bénéficié d’un dépistage sérologique avant l’incarcération : hépatite C (62,9%), VIH (62,6%), hépatite B (61,8%), syphilis (59,6%).

S’agissant des vaccinations obligatoires, 57,8% des personnes détenues incluses dans l’enquête déclaraient être à jour de leur vaccination antitétanique, mais 26,7% ne connaissaient pas leur statut vaccinal à ce sujet. Elles étaient 55,0% à ne pas connaître leur statut vaccinal concernant l’hépatite B, et 36,4% à déclarer être à jour (selon des données déclaratives pouvant être confirmées par la présentation de justificatifs).

Discussion - Conclusion

Ce type de recueil, reposant sur une fiche de consultation d’entrée unique et standardisée, permet de décrire l’état de santé de la population entrant en détention, tant au niveau d’un établissement pénitentiaire que d’un territoire en rassemblant plusieurs.

Même si, en 2013, seulement un peu moins de la moitié des personnes entrant en détention en région Picardie a pu être incluse dans ce dispositif, les résultats confirment l’importance des besoins en santé des personnes détenues, tant sur le plan somatique que psychiatrique. Ils confirment également l’exposition de cette population aux risques socio-sanitaires : une large exposition tabagique avec 85,0% des hommes déclarant fumer du tabac, des conduites addictives fréquentes avec 24,0% des entrants qui avaient consommé de façon régulière une drogue au cours des 12 mois précédents, une faible couverture vaccinale, une certaine précarité sociale avec plus de trois personnes sur cinq déclarant être au chômage ou sans profession au moment de leur incarcération. Ils permettent d’enrichir les connaissances actuellement disponibles en France 3,4,5,6, d’autant plus qu’aucune donnée sur l’état santé des personnes entrant en détention en Picardie n’était jusqu’alors disponible.

Cette étude comporte plusieurs limites, tant à l’étape du recueil que de l’analyse de ces données. Certains items concernant l’état de santé mentale ou les conduites addictives sont trop imprécis et ne permettent pas de décrire de manière suffisamment rigoureuse les besoins sanitaires de cette population. La représentativité de l’échantillon sur lequel reposent les analyses doit être évaluée par un appariement avec les données démographiques collectées par l’administration pénitentiaire (au minimum la répartition par âge et genre de la population des entrants).

Le protocole ayant l’avantage d’être évolutif, la fiche sera enrichie en 2016 d’un volet abordant les addictions de façon plus détaillée, les antécédents de pathologie(s) psychiatrique(s), le suivi psychiatrique, l’histoire familiale, les comportements alimentaires, le sommeil et le mode de vie. Par ailleurs, il est envisagé que l’équipe psychiatrique participe également au renseignement de la fiche à l’occasion de l’entretien initial habituellement réalisé, celle-ci n’étant jusqu’alors renseignée que par le médecin somaticien assurant la consultation de l’arrivant.

Après plusieurs années d’utilisation, l’application continue à se développer, en liaison étroite avec les personnels des unités sanitaires. L’interface Web est facile à manipulation et ne nécessite pas ou peu de formation spécifique. En évitant toute double saisie (manuelle ou informatique), son maniement ne constitue pas un travail supplémentaire ; elle nécessite cependant la disponibilité de matériel informatique (ordinateur et imprimante). Tant l’acceptabilité de l’outil par les utilisateurs que son impact sur la surveillance et la prise en charge de la santé des personnes détenues justifieraient une étude spécifique qui n’a pu être à ce jour réalisée, faute de moyens humains et financiers appropriés.

Avec un taux de remplissage avoisinant les 50%, les obstacles à l’utilisation de l’application ne doivent pas être négligés, mais pleinement explorés afin de les limiter. Le comité de pilotage avait initialement identifié l’absence de disponibilité systématique d’un poste informatique relié à Internet dans le bureau de consultation. Dorénavant, l’intégralité des établissements pénitentiaires de Picardie et, plus largement, la quasi-totalité des unités sanitaires françaises, est équipée de matériels connectés.

La saisie des fiches des personnes entrant en détention et reçues par un médecin en dehors des horaires d’ouverture de l’unité sanitaire nécessite une procédure spécifique. De même, la mise à disposition de codes d’accès pour les personnels sanitaires intervenant en remplacement dans les unités sanitaires est nécessaire afin d’assurer une continuité dans l’utilisation de l’application. Les nouveaux personnels affectés à l’unité sanitaire doivent aussi pouvoir être formés.

Par ailleurs, à l’unité sanitaire de la maison d’arrêt d’Amiens, la fiche a été intégrée depuis 2014 à l’interface utilisée par le centre hospitalier universitaire. Elle est ainsi sauvegardée sur le dossier informatique de l’établissement hospitalier et également extraite et transmise anonymement sur le serveur sécurisé de l’OR2S. En effet, le format de l’application permet son articulation avec d’autres applications informatiques utilisées par les unités sanitaires et leur centre hospitalier de rattachement.

Bien entendu, cette utilisation dépend aussi de l’engagement des professionnels de santé à systématiquement y avoir recours. Ceci peut être encouragé en assurant aux utilisateurs la possibilité de consulter les résultats de l’étude en temps réel. Cet engagement peut aussi être valorisé en associant ces personnels à l’élaboration d’actions de promotion de santé sur la base des données recueillies. En outre, cet emploi serait facilement promu s’il servait concrètement à ajuster les moyens sanitaires déployés.

L’analyse des données est actuellement réalisée une fois par an, mais une analyse à tout moment des données ou d’une partie d’entre-elles est possible, permettant l’examen de problématiques spécifiques. Des comparaisons géographiques et l’étude d’évolutions temporelles sont également envisageables.

À l’avenir, et pour certains détenus, ces données pourront être couplées avec l’analyse de l’état de santé à la sortie de l’établissement (dont l’évaluation est prévue à l’article 53 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire), permettant une approche de l’évolution de l’état de santé au cours de l’incarcération. Une fiche sortant sera alors créée sur le même modèle.

En termes de coût, la mise en place de l’application a nécessité un investissement de 25 000 € et son fonctionnement annuel est de l’ordre de 20 000 € (financement assuré par l’ARS de Picardie). Au regard du montant alloué par la Mission d’intérêt général et à l’aide à la contractualisation (Migac) pour l’ensemble des unités sanitaires de Picardie, ce coût apparaît modéré. Le recueil de données a vocation, à terme, à être exhaustif et à concerner tous les nouveaux entrants, une fois les obstacles cités dépassés.

Pour conclure, cette application répond autant aux impératifs de l’article article R.6112-19 du code de santé publique qu’aux préconisations du rapport de l’InVS (1) de 2015. Il incite donc à réfléchir aux modalités de son extension à d’autres régions. Ainsi, des groupes de travail réunissant ORS, ARS, Direction interrégionale des services pénitentiaires (Disp) et professionnels des unités sanitaires devraient prochainement se former en Alsace-Lorraine afin d’envisager les modalités de son extension dans cette région ainsi que de l’implantation de l’application informatique auprès des établissements pénitentiaires. Cette extension régionale et les suivantes permettront d’envisager les possibilités d’un élargissement plus conséquent de ce dispositif, même si la réforme territoriale récente peut entraîner quelques réorganisations au sein de certaines ARS, voire d’ORS, et impacter le calendrier de mise en place. À terme, un dispositif national pourrait ainsi être créé.

Références

1 Develay AE, Verdot C. Dispositif de surveillance de la santé des personnes détenues. Synthèse des connaissances et recommandations. Saint-Maurice: Institut de veille sanitaire; 2015. 52 p. http://opac.invs.sante.fr/index.php?lvl=notice_display&id=12616
2 Zerkly S, Thienpont C, Fauchille É, Thomas N, Trugeon A, Faure R, et al. État de santé des personnes entrant en établissement pénitentiaire en Picardie. Caractéristiques sanitaire et sociale en 2013. Amiens: Agence régionale de santé de Picardie ; Observatoire régional de la santé et du social de Picardie; 2015. 4 p. http://www.or2s.fr/images/Prison/2015_CaracteristiquesSanitaireEtSociale_NouveauxDetenusEn2013_Picardie.pdf
3 Mouquet MC. La santé des personnes entrées en prison en 2003. Études et Résultats (Drees). 2005;386: 1-12. http://drees.social-sante.gouv.fr/etudes-et-statistiques/publications/etudes-et-resultats/article/la-sante-des-personnes-entrees-en-prison-en-2003
4 Mouquet MC, Dumont M, Bonnevie MC. La santé à l’entrée en prison : un cumul des facteurs de risque. Études et Résultats (Drees). 1999;(4):1-10. http://drees.social-sante.gouv.fr/etudes-et-statistiques/publications/etudes-et-resultats/article/la-sante-a-l-entree-en-prison-un-cumul-des-facteurs-de-risque
5 Semaille C, Le Strat Y, Chiron E, Chemlal K, Valantin MA, Serre P, et al. Prevalence of human immunodeficiency virus and hepatitis C virus among French prison inmates in 2010: a challenge for public health policy. Euro Surveill. 2013;18(28). pii:20524. http://www.eurosurveillance.org/ViewArticle.aspx?ArticleId=20524
6 Falissard B, Loze JY, Gasquet I, Duburc A, de Beaurepaire C, Fagnani F, et al. Prevalence of mental disorders in French prisons for men. BMC Psychiatry. 2006;6:33. http://bmcpsychiatry.biomedcentral.com/articles/10.1186/1471-244X-6-33

Citer cet article

Fauchille É, Thienpont C, Sannier O, Faure R, Trugeon A. Description de l’état de santé et des caractéristiques sociales des personnes entrées en détention en Picardie en 2013. Bull Epidémiol Hebd. 2016;(18-19):344-9. http://invs.santepubliquefrance.fr/beh/2016/18-19/2016_18-19_3.html

(1) InVS : Institut de veille sanitaire, devenu Santé publique France depuis le 1er mai 2016.