Épidémie de coqueluche dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, Bouches-du-Rhône, août 2013

// Pertussis outbreak in a nursing home for dependent elderly people,
Bouches-du-Rhône (France), August 2013

Tiphanie Succo1, David Braunstein2, Sophie Desmons3, Pierre Sampol4, Emmanuel Belchior5, Nicole Guiso6, Caroline Six1 (caroline.six@ars.sante.fr)
1 Cellule de l’Institut de veille sanitaire en régions Provence-Alpes-Côte d’Azur et Corse, Marseille, France
2 Agence régionale de santé, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Marseille, France
3 Antenne régionale de lutte contre les infections nosocomiales, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Marseille, France
4 Ehpad Korian les Alpilles, Vitrolles, France
5 Institut de veille sanitaire, Saint-Maurice, France
6 Institut Pasteur, Centre national de référence de la coqueluche et autres bordetelloses, Paris, France
Soumis le 29.10.2014 // Date of submission: 10.29.2014
Mots-clés : Coqueluche | Transmission | Personnes âgées | Collectivité
Keywords: Pertussis | Transmission | Elderly | Nursing home

Résumé

Le 27 août 2013, l’infirmier coordonnateur d’un Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) dans les Bouches-du-Rhône a signalé à l’Agence régionale de santé 2 cas d’infection respiratoire aiguë avec suspicion de coqueluche parmi les résidents. Une description de l’épidémie a été réalisée : définition des cas, revue des prescriptions biologiques et des mesures de contrôle mises en place et relevé du statut vaccinal du personnel.

L’investigation a permis d’identifier 26 cas de coqueluche survenus entre le 25 juillet et le 8 septembre. Parmi ces cas, 3 ont pu être confirmés biologiquement par le Centre national de référence de la coqueluche et autres bordetelloses. Le cas index était une aide-soignante de l’Ehpad, qui a contaminé les premiers résidents ainsi que sa petite-fille âgée de 3 mois, grâce à qui d’ailleurs le diagnostic de coqueluche a pu être posé. Les mesures de contrôle ont rapidement été mises en place par le personnel de l’Ehpad. La couverture vaccinale du personnel contre la coqueluche était de 18% et est remontée à 37% suite à l’organisation d’une séance de vaccination à l’Ehpad par le médecin du travail.

Cette épidémie de coqueluche dans cet établissement met en exergue la difficulté du diagnostic de cette maladie, principalement chez l’adulte, tant du point de vue clinique que biologique. À cela s’ajoutent les difficultés de mise en place des mesures de contrôle dans un établissement pour personnes âgées et la faible sensibilisation du personnel au risque de la coqueluche.

Abstract

On 27 August 2013, the nurse coordinator of a nursing home for dependent elderly people in Bouches-du-Rhône district (France), informed the Regional Health Agency of the occurrence of 2 cases of acute respiratory infections with suspected pertussis among residents. An investigation of the outbreak was launched including case definition, request for biological analyzes and implementation of control measures, and report on the vaccinal status of nursing home staff.

Twenty-six cases of pertussis were identified between the 25 July and 8 September. Among them, three cases were confirmed biologically by the National Reference Center for Pertussis and other Bordetella diseases (Institut Pasteur, Paris, France). The index case was an auxiliary nurse working in the nursing home who had contaminated one or some residents as well as her three-month old granddaughter, through whom diagnosis was established. Control measures were quickly implemented by the staff. Staff vaccination coverage against pertussis was 18%, and increased to 37% after a vaccination session organized by the occupational health care service of the nursing home.

This pertussis outbreak in a nursing home highlights the difficulty of the clinical and biological diagnosis of the disease, essentially in adults. Added to these challenges are the difficulties to implement control measures in a nursing home for elderly people, and the low staff awareness on vaccination.

Introduction

La coqueluche est une infection respiratoire bactérienne, exclusivement humaine. La transmission se fait surtout en milieu intrafamilial et en collectivités. Elle est gravissime chez les nouveau-nés et aussi quelquefois chez les femmes enceintes et les personnes âgées. L'expression clinique de la coqueluche est variable selon l’âge des sujets et le statut infectieux ou vaccinal. La vaccination a entraîné une diminution de la mortalité et de la morbidité dans nos contrées, sans toutefois stopper la circulation de la bactérie Bordetella pertussis en raison de la durée limitée de l’immunité naturelle et vaccinale 1.

En France, la surveillance de la coqueluche repose sur un réseau de services hospitaliers pédiatriques volontaires : Renacoq (Réseau hospitalier de surveillance de la coqueluche). Ce réseau fonctionne depuis 1996 dans une quarantaine d’établissements. La coqueluche n'est pas une maladie à déclaration obligatoire mais la survenue de cas groupés doit être notifiée à l’Agence régionale de santé (ARS). La situation épidémiologique récente s’est caractérisée par un cycle épidémique en 2012-2013 2. En 2014, les recommandations vaccinales ont évolué, avec une modification de schéma pour les nourrissons et les enfants, et l’introduction de rappels pour les adultes en milieu professionnel et dans le cadre du cocooning. Une amélioration de la couverture vaccinale devrait permettre un meilleur contrôle de la maladie.

Le 27 août 2013, une alerte a été donnée par l’infirmier coordonnateur d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) dans les Bouches-du-Rhône, signalant à la plateforme de veille et sécurité sanitaire (VSS) de l’ARS Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca) 2 cas d’infection respiratoire aiguë chez deux résidents, avec suspicion de coqueluche.

L’Ehpad avait lui-même été alerté le 21 août par le médecin traitant d’un membre de son personnel qui signalait, par courrier, que sa patiente avait probablement la coqueluche. Ce médecin insistait également sur la nécessité d’effectuer une surveillance clinique des employés et des résidents devant le risque de contamination.

L’ARS Paca, l’Antenne régionale de lutte contre les infections nosocomiales (Arlin) Paca et la Cellule de l’Institut de veille sanitaire en régions Paca et Corse (Cire Sud) décidaient de se rendre sur place afin de décrire l’épidémie et guider les mesures de contrôle. L’objectif de cet article est de rapporter les résultats de cette investigation.

Méthodes d’investigation

Une investigation épidémiologique à visée descriptive a été réalisée. Les définitions de cas suivantes ont été utilisées pour recenser les cas :

  1. un cas suspect de coqueluche a été défini comme une personne résidant ou travaillant dans l’établissement ou faisant partie de la famille d’un résident ou d’un membre du personnel présentant ou ayant présenté une toux coquelucheuse (recrudescence nocturne et insomniante) entre le 15 juillet et le 30 septembre 2013.
  2. un cas suspect était un cas confirmé s’il répondait à l’une des trois définitions suivantes :
    • cas de coqueluche confirmé biologiquement : cas suspect présentant une Polymerase chain reaction en temps réel (PCR-TR) positive à Bordetella pertussis et/ou une détection sérologique des anticorps anti-toxine de Bordetella pertussis positive réalisée(s) et confirmée(s) par le Centre national de référence (CNR) de la coqueluche et autres bordetelloses (Institut Pasteur, Paris) ;
    • cas de coqueluche confirmé épidémiologiquement : cas suspect ayant été en contact avec un cas confirmé biologiquement dans les 3 semaines précédant le début de sa toux ;
    • cas de coqueluche confirmé cliniquement : cas suspect présentant une toux coquelucheuse d’au moins 14 jours en l’absence d’une autre étiologie.

Des données cliniques ont été collectées sur les résidents par le personnel soignant, du 21 août au 8 septembre 2014. Une main courante était tenue à jour par le personnel de l’Ehpad et transmise aux partenaires concernés par l’investigation.

Les analyses biologiques prescrites par les médecins traitants et les mesures de contrôle mises en place par l’établissement ont été passées en revue.

Le statut vaccinal du personnel vis-à-vis de la coqueluche a été relevé par le médecin du travail de l’établissement. Pour les résidents, il n’a pas été possible de recueillir cette information devant l’absence de carnet de vaccination, leur difficulté à se souvenir s’ils avaient ou non reçu des rappels et l’absence des médecins traitants en vacances estivales.

Résultats

Description de l’épidémie

Au total, 26 cas confirmés de coqueluche ont été identifiés entre le 25 juillet et le 8 septembre 2013 : 3 cas confirmés biologiquement, 22 épidémiologiquement et 1 cliniquement (figure 1).

Chez les résidents, le taux d’attaque s’élevait à 18% (21/114). On comptait 18 femmes et 3 hommes avec une moyenne d’âge de 87 ans (étendue : 64-99 ; 3 données manquantes). Il n’y a pas eu d’hospitalisation, ni de formes graves de coqueluche. Chez les membres du personnel, le taux d’attaque était de 4% (3/67), et les 3 cas étaient des femmes âgées de 51, 54 et 57 ans.

Figure 1 : Distribution des cas de coqueluche identifiés par l’Ehpad, par date de début de toux entre le 1er août et le 8 septembre 2013, Bouches-du-Rhône, France
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Les signes cliniques ont débuté le 25 juillet chez le cas index, qui a probablement contaminé ensuite sa petite-fille et un résident de l’Ehpad. La courbe épidémique montrait un pic le 27 août suivi d’une diminution progressive du nombre de cas. L’allure de la courbe était compatible avec les caractéristiques de la maladie et une transmission interhumaine au sein de l’établissement, la période d’incubation de la coqueluche s’étendant de 10 à 20 jours et la phase de contagiosité jusqu’à 3 semaines après le début des symptômes, durée pouvant être réduite par l’utilisation de macrolides.

Les signes cliniques décrits chez tous les résidents par le personnel de l’établissement étaient l’apparition d’une toux nocturne et insomniante, avec quintes de plus en plus importantes.

Description du cas index

Le cas index était une aide-soignante, âgée de 54 ans, non vaccinée contre la coqueluche, dont les symptômes avaient débuté le 25 juillet 2013. Elle a déclaré avoir eu une toux très forte, sans expectoration, avec difficulté à la reprise inspiratoire, à prédominance nocturne et lors de situation de stress, sans fièvre ni vomissement. Début août, elle a consulté à deux reprises son médecin traitant, qui a diagnostiqué une bronchite. Le 16 août, sa petite-fille, âgée de 3 mois et qu’elle voit très régulièrement, a été hospitalisée pour toux avec quintes et accès de cyanose. La PCR-TR effectuée s’est révélée positive au genre Bordetella le 17 août. Par rapport à son âge, sa vaccination anticoquelucheuse était à jour mais restait incomplète. Le nourrisson a été traité par azithromycine. L’entourage proche a reçu une antibioprophylaxie et s’est vu recommander une vaccination. Le 19 août, l’aide-soignante a consulté à nouveau son médecin traitant qui, face à ces nouveaux éléments, a porté le diagnostic de coqueluche. Une antibiothérapie probabiliste ainsi qu’une recherche de coqueluche par PCR-TR lui ont alors été prescrites, et le médecin a alerté l’Ehpad par courrier. La PCR-TR du cas index, réalisée 25 jours après le début des signes par un laboratoire de ville, s’est révélée négative au genre Bordetella. La patiente a été mise en arrêt de travail le 21 août. Avant cette date, elle a poursuivi son activité professionnelle qui l’amenait à se déplacer tous les jours dans tous les étages du bâtiment pendant les 4 semaines séparant le début des signes et l’arrêt de travail.

Analyses biologiques

Des analyses biologiques ont été effectuées chez 10 résidents et 2 membres du personnel de l’Ehpad (dont le cas index). Au total, 6 détections sérologiques d’anticorps anti-toxine de Bordetella pertussis et 10 PCR-TR ont été demandées ; pour certains sujets, les deux analyses ont été faites. Dans un premier temps, les analyses ont été réalisées par un laboratoire de ville proche de l’Ehpad. Les prélèvements ont également été envoyés au CNR de la coqueluche et autres bordetelloses pour confirmation de l’espèce.

Concernant les sérologies, d’après les renseignements fournis par l’Ehpad, les prélèvements auraient été réalisés le jour du début des signes pour chaque cas. Pour les analyses par PCR-TR, le délai de prélèvement variait de 0 à 5 jours, avec une médiane de 2 jours pour les résidents. En revanche, pour 2 résidents (un prélevé le 23 août et un autre le 27 août), il s’avère qu’ils devaient avoir débuté leurs symptômes antérieurement car les sérologies ont été confirmées positives par le CNR.

Les résultats des analyses montrent que la moitié des prélèvements ont été envoyés au CNR (8/16) et que 3 (38%) ont été confirmés positifs par le CNR (figure 2).

Figure 2 : Nombre d’analyses réalisées par le laboratoire de l’Ehpad puis envoyées au CNR et résultats, épidémie de coqueluche, Bouches-du-Rhône, août-septembre 2013
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Mesures de contrôle et vaccination

Des mesures de contrôle ont été mises en place par l’établissement dès l’apparition des premiers cas chez les résidents.

Des réunions d’information à destination du personnel ont été organisées avec le médecin coordonnateur, le médecin du travail et le Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Le personnel extérieur intervenant dans l’établissement (kinésithérapeutes, psychologues, personnel d’hospitalisation à domicile…) a également été prévenu. Un affichage signalant l’épidémie a été placé à l’entrée de l’établissement pour informer les visiteurs, et des précisions supplémentaires ont été fournies aux familles de résidents malades.

Des précautions complémentaires de type gouttelettes ont été mises en place pour les résidents atteints :

  • mesures d’isolement dès l’apparition des 2 premiers cas : regroupement des cas au sein d’une même unité (cohorting) puis, l’unité étant trop petite, isolement en chambre avec personnel dédié. L’isolement a été maintenu pendant la phase de contagiosité ;
  • affichage à l’entrée de la chambre ;
  • mesures barrières : port du masque par l’ensemble du personnel et des familles visitant les patients atteints, utilisation de gants et de produit hydro-alcoolique pour le lavage des mains.

Une recherche active des sujets contacts, c'est-à-dire des sujets ayant été en contact avec un cas confirmé, a été organisée. Dans ce cadre, 13 résidents ont reçu une antibioprophylaxie dès le 28 août. Une antibioprophylaxie a aussi été délivrée à tout le personnel, le 27 août. Un traitement antibiotique a été administré à tous les cas confirmés. L’antibiotique utilisé aussi bien en prévention qu’en traitement était la roxithromycine (2 fois 150 mg/jour pendant 10 jours).

La médecine du travail a indiqué que 12 salariés sur 67 étaient à jour de leur vaccination anticoquelucheuse, soit une couverture vaccinale de 18%. Le médecin du travail a organisé une séance de vaccination le 3 septembre. Au total, 19 salariés sur les 55 non vaccinés ont souhaité se faire vacciner et parmi eux, 13 l’ont été, portant à 37% le taux de couverture vaccinale. Pour les 6 autres membres, le médecin du travail a estimé que des éléments médicaux manquaient dans leur dossier pour pouvoir les vacciner.

Discussion

En France, les épidémies de coqueluche en collectivités de personnes âgées sont peu décrites 3,4. Il s’agit de la première épidémie publiée pour laquelle un cas a pu être confirmé biologiquement par PCR-TR par le CNR.

Le diagnostic tardif du cas index, 25 jours après le début des signes malgré deux consultations médicales, souligne la difficulté du diagnostic clinique de coqueluche chez l’adulte. Dans cette population, les manifestations peuvent se limiter à une toux prolongée et les signes cliniques peuvent ne pas être aussi typiques que chez l’enfant 5, ce qui explique le délai de diagnostic pour le cas index. Lors de cette épidémie, le diagnostic précoce du cas index aurait permis sa prise en charge durant la phase de contagiosité et son éviction précoce, afin d’éviter une transmission à sa petite-fille et à un résident de l’établissement. Néanmoins, l’alerte donnée par le médecin traitant a sans doute permis de limiter la propagation de l’épidémie au sein de l’Ehpad. Chez les personnes âgées, les formes cliniques peuvent aussi être peu évocatrices et il est donc difficile d’identifier les cas dès les premiers signes. Les personnes âgées peuvent toutefois présenter des formes graves de coqueluche ou décompenser une pathologie sous-jacente 6. Pour certains cas, les signes ont probablement débuté avant qu’ils soient identifiés, comme en témoignent les résultats d’analyse : la présence d’anticorps anti-Bordetella pertussis dans le sérum des patients, confirmée par le CNR, indique que ces cas toussaient depuis au moins deux semaines avant la date indiquée sur la courbe épidémique (23 et 27 août). L’alerte donnée par le médecin traitant à l’Ehpad a donc permis d’identifier les résidents qui présentaient des signes cliniques, peut-être depuis plusieurs jours.

De plus, cette épidémie met en évidence les contraintes que peut rencontrer un établissement pour confirmer biologiquement un cas de coqueluche, c'est-à-dire identifier spécifiquement l’espèce Bordetella pertussis. Cette confirmation se révèle importante en situation de cas groupés en Ehpad afin d’assurer une prise en charge thérapeutique adaptée. En effet, le CNR est le seul laboratoire en France pouvant identifier spécifiquement Bordetella pertussis par PCR-TR, qui est la technique recommandée par le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) 7,8. D’autres laboratoires, essentiellement hospitaliers, effectuent régulièrement des contrôles qualité validés par le CNR, mais ces laboratoires ne peuvent détecter que le genre Bordetella, sans différenciation des espèces. Il existe également des kits commerciaux de détection par PCR-TR du genre Bordetella ; néanmoins, le CNR ne préconise l’utilisation que de certains d’entre eux, les autres n’étant pas suffisamment performants 8. Par ailleurs, la sérologie n’est pas recommandée car les résultats sont souvent ininterprétables. Cette technique n’est d’ailleurs plus remboursée par la sécurité sociale depuis le 15 mars 2011. Cependant, elle est parfois réalisée mais reste à interpréter après avis d’experts. Le test Elisa constitue la technique de référence mais, là encore, seul le CNR dispose d’une méthode fiable, les kits commerciaux n’étant pas validés 7,8.

Précisons également que la définition de cas n’a pas permis de classer la petite-fille du cas index parmi les cas confirmés biologiquement, bien que plusieurs éléments y étaient favorables. Bordetella pertussis étant la principale espèce de Bordetella qui circule chez les enfants en bas âge 9, la présence des signes cliniques évocateurs d’une coqueluche associés à une PCR-TR positive au genre Bordetella suggère qu’elle ait été infectée spécifiquement par l’espèce Bordetella pertussis. En revanche, les éléments épidémiologiques sont en faveur d’une transmission de l’infection du cas index à sa petite-fille.

Le personnel de l’Ehpad et ses responsables ont été réactifs et ont rapidement mis en place les mesures barrières et les mesures d’isolement adaptées, ce qui n’est pas chose aisée quand il s’agit de patients déambulants ou atteints de troubles mnésiques. Les autorités sanitaires ont également été tenues informées par l’établissement, qui a assuré un suivi précis de l’épidémie (main courante exhaustive).

L’antibiotique administré était la roxithromycine, molécule de la famille des macrolides. Le HCSP recommande l’utilisation de la clarithromycine ou de l’azithromycine dont les durées de traitement sont plus courtes : 7 jours pour la clarithromycine et seulement 3 jours pour l’azithromycine 1,7,10. Il a néanmoins été décidé de ne pas changer d’antibiotique afin d’éviter les intolérances et les résistances dans la mesure où, Bordetella pertussis étant sensible à tous les macrolides, le traitement était efficace. Les analyses prescrites par certains médecins traitants n’étaient ni adaptées, ni recommandées 7. En effet, des sérologies ont encore été prescrites et demandées précocement par rapport à la date de début de signes. L’investigation a alors permis de guider les analyses : des PCR-TR ont été demandées et les prélèvements envoyés au CNR. Enfin, il faut préciser qu’une PCR-TR a été demandée tardivement pour le cas index, plus de trois semaines après le début des signes, expliquant probablement son résultat négatif. Le traitement et la mise en éviction du cas n’étaient d’ailleurs plus recommandés à ce stade de l’infection.

Cette investigation témoigne d’une faible sensibilisation du personnel au risque de la coqueluche. La couverture vaccinale était faible, bien que la vaccination contre la coqueluche soit recommandée à tous les personnels de santé, y compris celui des Ehpad, depuis 2008 11. Une séance de vaccination a été organisée par la médecine du travail mais, en plus du faible nombre de volontaires, l’occasion a été manquée pour 6 personnes alors que les contre-indications sont très rares. Les médecins du travail devraient être mieux sensibilisés à cette vaccination et particulièrement aux nouvelles recommandations de 2014 qui prévoient, dorénavant, un rappel anti-coquelucheux tous les 20 ans, c'est-à-dire aux âges de 25, 45 et 65 ans pour le personnel des Ehpad 11. En outre, une partie de ce personnel, telle que le cas index, peut se trouver aussi en situation de cocooning.

L’instruction de la Direction générale de la santé du 7 novembre 2014 (http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/14_310t0.pdf), qui reprend les éléments-clés issus des recommandations du HCSP actualisées le 10 juillet 2014, insiste sur la nécessité de mettre en place une antibioprophylaxie en situation de cas groupés en Ehpad chez les résidents en contact avec un ou des cas de coqueluche et non protégés par la vaccination, afin de rompre la chaîne de transmission de la bactérie. Il n’y a pas de recommandation de vaccination contre la coqueluche des personnes âgées institutionnalisées. Il est cependant recommandé pour les personnels soignants dans leur ensemble, y compris dans les Ehpad, que les rappels administrés aux âges de 25, 45, 65 ans comportent systématiquement la valence coquelucheuse (vaccin dTcaPolio) 2.

Remerciements

Au personnel et aux résidents de l’Ehpad Korian les Alpilles et au laboratoire de biologie médicale référent de l’Ehpad.

Références

1 Guiso N. Coqueluche : physiopathologie, diagnostic et prévention. In: Encyclopédie médico-chirurgicale. Maladies infectieuses. Paris: Elsevier Masson SAS. 2013; 10 p.
2 Haut Conseil de la santé publique. Conduite à tenir devant un ou plusieurs cas de coqueluche. Paris: HCSP (coll. Avis et Rapports); 2014. 41 p. http://www.hcsp.fr/explore.cgi/avisrapportsdomaine?clefr=461
3 Flamand C, Manetti A, Filleul L. Cas groupés de coqueluche dans une maison de retraite de Gironde, juillet 2006. Saint-Maurice: Institut de veille sanitaire; 2007. 24 p. http://opac.invs.sante.fr/index.php?lvl=notice_display&id=3882
4 Berjamy F. Cas groupés de coqueluche dans un établissement de soins de longue durée du Doubs, 2010. Balise – ARS Bourgogne et ARS Franche-Comté. 2010;(6):1-2. http://www.ars.franche-comte.sante.fr/fileadmin/FRANCHE-COMTE/ARS_Internet/publications/LettreInfo/BALISE6_mai2010.pdf
5 Cherry D, Tan T, Wirsing von König CH, Forsyth KD, Thisyakorn U, Greenberg D, et al. Clinical definitions of pertussis: Summary of a Global Pertussis Initiative roundtable meeting, February 2011. Clin Infect Dis. 2012;54(12):1756-64.
6 Mertens P, Stals F, Schellekens J, Houben A, Huisman J. An epidemic of pertussis among elderly people in a religious institution in the Netherlands. Eur J Clin Microbiol Infect Dis. 1999;18(4):242-7.
7 Haut Conseil de la santé publique. Rapport relatif à la conduite à tenir devant un ou plusieurs cas de coqueluche. Paris: HCSP; 2008. 28 p. http://www.hcsp.fr/explore.cgi/avisrapportsdomaine?clefr=36
8 Institut Pasteur. Centre national de référence de la coqueluche et autres bordetelloses. Activités [Internet]. https://www.pasteur.fr/fr/sante/centres-nationaux-reference/les-cnr/coqueluche-et-autres-bordetelloses/activites
9 Njamkepo E, Bonacorsi S, Debruyne M, Gibaud SA, Guillot S, Guiso N. Significant finding of Bordetella holmesii DNA in nasopharyngeal samples from French patients with suspected pertussis. J Clin Microbiol. 2011;49(12):4347-8.
10 von König CH. Use of antibiotics in the prevention and treatment of pertussis. Pediatr Infect Dis J. 2005;24(Suppl 5):S66-8.
11 Ministère des Affaires sociales et de la Santé, Direction générale de la santé. Calendrier des vaccinations et recommandations vaccinales 2014. Paris: Direction générale de la santé; 2014. 55 p. http://www.sante.gouv.fr/calendrier-vaccinal.html

Citer cet article

Succo T, Braunstein D, Desmons S, Sampol P, Belchior E, Guiso N, et al. Épidémie de coqueluche dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, Bouches-du-Rhône, août 2013. Bull Epidémiol Hebd. 2015;(5):83-8. http://www.invs.sante.fr/beh/2015/5/2015_5_2.html