Découvertes de séropositivité VIH chez les jeunes en France, 2003-2013

// New HIV diagnoses in young people in France, 2003-2013

Florence Lot1 (f.lot@invs.sante.fr), Julie Smati1, Claire Montlahuc1, Françoise Cazein1, Francis Barin2, Yann Le Strat1, Josiane Pillonel1, Catherine Dollfus3
1 Institut de veille sanitaire, Saint-Maurice, France
2 Centre national de référence du VIH, Tours, France
3 Service d’hématologie et d’oncologie pédiatrique, Hôpital Armand-Trousseau, AP-HP, Paris, France
Soumis le 27.08.2015 // Date of submission: 08.27.2015
Mots-clés : VIH | Jeunes | Épidémiologie
Keywords: HIV diagnoses | Young people | Epidemiology

Résumé

Cet article présente les données issues de la déclaration obligatoire du VIH chez les jeunes (15-24 ans) en France : d’une part chez les jeunes adultes (18-24 ans) en 2013 et depuis 2003 et, d’autre part, chez les adolescents de 15-17 ans sur la période 2003-2013 cumulée, en raison d’effectifs restreints.

En 2013, 726 jeunes de 15 à 24 ans ont découvert leur séropositivité VIH, soit 11,7% de l’ensemble des découvertes et un taux, rapporté à la population du même âge, de 92 par million d’habitants.

Parmi les 686 jeunes adultes (18-24 ans) diagnostiqués en 2013, les deux tiers (68%) étaient des hommes, majoritairement contaminés lors de rapports sexuels entre hommes (pour 75% d’entre eux). Depuis 2003, le nombre de découvertes de séropositivité VIH dans ce groupe a fortement augmenté (+157%). La quasi-totalité (98%) des jeunes femmes ont été contaminées lors de rapports hétérosexuels ; 71% d’entre elles étaient nées à l’étranger. La proportion de jeunes adultes contaminés par usage de drogues injectables était faible (0,4%). Environ 14% des diagnostics dans cette classe d’âge étaient tardifs (<200 CD4/mm3 ou stade sida).

Parmi les 524 adolescents de 15-17 ans ayant découvert leur séropositivité VIH entre 2003 et 2013, près des deux tiers étaient des femmes (65%), essentiellement nées à l’étranger et contaminées par rapports hétérosexuels. Le mode de contamination principal chez les adolescents de sexe masculin était les rapports sexuels entre hommes (pour 49% d’entre eux). Près de 6% des découvertes chez les adolescents étaient liées à une transmission du VIH de la mère à l’enfant, diagnostiquée tardivement.

Les actions de prévention du VIH auprès des adolescents et des adultes jeunes doivent se poursuivre, notamment auprès des jeunes hommes ayant des rapports sexuels entre hommes.

Abstract

This article presents data from HIV mandatory reporting among young people aged 15-24 years in France, on one hand, in the 18-24 year-olds for 2013 and trends since 2003, and on the other hand, in 15-17 year-olds for the 2003-2013 cumulative period due to a limited number of cases.

In 2013, 726 young adults aged 15 to 24 years discovered their HIV infection, representing 11.7% of all new HIV diagnoses, and a ratio to the population of the same age of 92 by million inhabitants.

Out of the 686 young adults (18-24 years) diagnosed in 2013, two thirds (68%) were males, mainly infected through sexual intercourse with men (for 75% of them). Since 2003, the number of new HIV diagnoses in this group has risen sharply (+157%). For young women, almost all of them (98%) were infected through heterosexual intercourse; 71% of them were born abroad. The proportion of young people HIV-infected by injecting drugs was low (0.4%). About 14% of diagnoses in this age group were delayed (<200 CD4/mm3 or AIDS stage).

Out of the 524 adolescents aged 15-17 years who discovered their HIV infection between 2003 and 2013, nearly two thirds were females (65%), mainly born abroad, and infected through heterosexual intercourse. The main mode of transmission among men was the fact of having sex with men (for 49% of them). Nearly 6% of the new diagnoses in adolescents were related to HIV mother-to-child transmission, which was diagnosed late.

HIV prevention interventions among adolescents and young adults should continue, particularly among young men who have sex with men.

Introduction

Malgré diverses stratégies de prévention, l’épidémie du VIH reste toujours active en France avec près de 7 000 nouvelles contaminations par an 1. Deux populations sont particulièrement concernées : les hommes ayant des rapports sexuels avec les hommes (HSH) et les personnes originaires d’Afrique subsaharienne contaminées par rapports hétérosexuels. Mais qu’en est-il des jeunes – adolescents et jeunes adultes – sachant que cette population présente des spécificités physiologiques, sociales et comportementales faisant d’elle un sous-groupe particulièrement vulnérable au VIH et aux autres infections sexuellement transmissibles (IST) ?

Cet article présente les données issues de la déclaration obligatoire (DO) de l’infection à VIH chez les jeunes de 15 à 24 ans en France. Il décrit les caractéristiques sociodémographiques, cliniques et comportementales des jeunes adultes (18-24 ans) ayant découvert leur séropositivité en 2013 et leurs évolutions depuis 2003, ainsi que celles des adolescents (15-17 ans) sur la période 2003-2013 cumulée.

Méthodes

La DO de l’infection à VIH, mise en place en 2003, est initiée par les biologistes qui doivent déclarer, en créant un code d’anonymat unique, toute personne dont la sérologie VIH est confirmée positive pour la première fois dans leur laboratoire. Les informations cliniques et épidémiologiques sont ensuite complétées par le clinicien prescripteur du test. Les DO sont adressées aux médecins inspecteurs des Agences régionales de santé (ARS), puis à l’Institut de veille sanitaire (InVS).

À partir du nombre de cas déclarés, le nombre de découvertes de séropositivité VIH est estimé en prenant en compte les délais de déclaration, le défaut d’exhaustivité ainsi que les valeurs manquantes 2. La correction pour les délais de déclaration est réalisée à partir de la distribution des délais des années antérieures et repose sur l’hypothèse de leur stabilité dans le temps. L’exhaustivité est calculée en comparant le nombre de notifications reçues avec le nombre de sérologies positives non anonymes dans LaboVIH (système de surveillance de l’activité de dépistage du VIH dans les laboratoires). Cette exhaustivité a été estimée à 71% en 2013 (IC95%:[67,6-74,0]). Enfin, une méthode d’imputation multiple permet d’estimer les données manquantes pour les variables principales.

De façon couplée à la DO du VIH, une surveillance virologique est menée : elle consiste en la réalisation d’un test d’infection récente et d’un sérotypage par le Centre national de référence du VIH, à partir d’un échantillon de sang déposé sur buvard par le biologiste (surveillance volontaire pour le biologiste et pour le patient). Le test d’infection récente permet de déterminer si l’infection par le VIH a eu lieu en moyenne dans les 6 mois précédant la découverte de la séropositivité. Le sérotypage a pour objectif de suivre l’évolution des types de virus (VIH-1 ou VIH-2), des groupes du VIH-1 (M et O) et des sous-types du groupe M (B et non-B) qui circulent en France.

Ont été considérés comme « jeunes », les personnes ayant de 15 à 24 ans au moment de la découverte de leur séropositivité VIH, selon la définition des Nations Unies 3. Ils ont été subdivisés tout d’abord en trois classes d’âges pour notamment prendre en compte l’âge de la majorité et celui de l’entrée dans la vie active : 15-17 ans, 18-21 ans et 22-24 ans. Ces 2 derniers sous-groupes, présentant des caractéristiques similaires, ont été regroupés (jeunes adultes de 18-24 ans) et comparés aux adultes de 25 ans et plus. Les cas ont été analysés pour l’année 2013 et en tendances depuis 2003, par sexe, lieu de naissance, mode de contamination, circonstances de diagnostic, caractère précoce/tardif du diagnostic et sérotype. Concernant les 15-17 ans, du fait de leur faible nombre, ils ont été décrits à partir des effectifs cumulés sur la période 2003-2013.

Le caractère précoce ou tardif du diagnostic d’infection à VIH a été décrit grâce à trois indicateurs : le stade clinique à 4 modalités (primo-infection, asymptomatique, symptomatique non-sida et sida) ; le stade immuno-clinique construit à partir du nombre de lymphocytes CD4 (disponible depuis 2008) et du stade clinique (précoce en cas de primo-infection ou de CD4≥500/mm3 en l’absence de pathologie classante sida, intermédiaire pour des CD4 compris entre 200 et 500/mm3, et tardif en cas de diagnostic de sida ou de CD4≤200/mm3) ; le test d’infection récente.

Des taux de découvertes de séropositivité par classe d’âge ou par région ont été calculés pour l’année 2013, en utilisant les données de population de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) au 1er janvier 2014.

Résultats

Nombre de découvertes de séropositivité VIH

Le nombre de personnes ayant découvert leur séropositivité VIH en France en 2013 a été estimé à 6 220 (IC95%:[5 759-6 681]). Parmi ces découvertes, 726 (IC95%:[635-816]) concernaient des jeunes de 15 à 24 ans, soit une proportion de 11,7%. Parmi ces jeunes, 41 (IC95%:[22-59]) avaient entre 15 et 17 ans, 271 (IC95%:[221-321]) entre 18 et 21 ans et 415 (IC95%:[350-479]) entre 22 et 24 ans.

Le nombre de découvertes de séropositivité chez les jeunes a diminué entre 2003 et 2007 (-24%), puis augmenté (+24%) sur la période 2007-2013. Par comparaison, chez les adultes de 25 ans et plus, la diminution était moindre sur la période 2003-2007 (-14%), mais s’est poursuivie ensuite (-8%).

Taux de découvertes de séropositivité VIH

Le nombre total de découvertes de séropositivité VIH en 2013 chez les jeunes de 15 à 24 ans, rapporté à la population du même âge, était de 92 par million d’habitants (tableau 1). Le taux de découvertes augmentait avec l’âge jusqu’à la classe des 25-29 ans, pour diminuer à partir de la classe des 40-44 ans.

Tableau 1 : Nombre de découvertes de séropositivité VIH en 2013 en France et taux rapportés à la population générale, par sexe et classe d’âge (données corrigées pour les délais de déclaration et la sous-déclaration)
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Quelle que soit la classe d’âge, les taux de découvertes étaient toujours plus élevés chez les hommes que chez les femmes (d’un facteur compris entre 1,7 et 3,2), sauf chez les 15-17 ans où le taux était plus élevé chez les adolescentes.

Parmi les régions où le nombre de découvertes de séropositivité VIH chez les jeunes de 15-24 ans était supérieur à 20 par million d’habitants en 2013, les taux de découvertes étaient particulièrement élevés en Guyane (784 par million d’habitants) et en Martinique (599). Venaient ensuite, l’Île-de-France (157), la région Midi-Pyrénées (131) et l’Alsace (119). Chez les adultes (≥25 ans), les taux les plus élevés étaient observés en Guyane (1 537), en Guadeloupe (338), en Île-de-France (293), en Martinique (227) et en région Paca (116).

Caractéristiques des jeunes adultes (18-24 ans) (tableau 2)

Tableau 2 : Caractéristiques des découvertes de séropositivité VIH chez les adolescents de 15 à 17 ans sur la période 2003-2013, les jeunes de 18 à 24 ans et les adultes de 25 ans et plus en 2013, en France (données corrigées pour les délais de déclaration, la sous-déclaration et les valeurs manquantes)
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Sexe, lieu de naissance et mode de contamination

En 2013, parmi les 686 jeunes de 18 à 24 ans ayant découvert leur séropositivité VIH, 68% étaient des hommes ; 75% d’entre eux ont été contaminés par des rapports sexuels entre hommes. Cette proportion était supérieure à celle observée chez les adultes la même année. La majorité des jeunes adultes HSH étaient nés en France (83%).

Pour les jeunes femmes, la quasi-totalité des 18-24 ans ont été contaminées par rapports hétérosexuels ; 71% d’entre elles étaient nées à l’étranger, principalement en Afrique subsaharienne (81%).

La proportion de jeunes de 18 à 24 ans contaminés par l’usage de drogues injectables était faible (0,4%).

Les tendances chez les 18-24 ans diffèrent selon le sexe : le nombre de jeunes femmes ayant découvert leur séropositivité VIH a diminué de plus de la moitié entre 2003 et 2013 (figure 1). Cette diminution observée chez les femmes est essentiellement liée à une diminution des découvertes de séropositivité chez les femmes hétérosexuelles nées à l’étranger, alors que le nombre est stable depuis 2006 chez celles nées en France (figure 2).

Figure 1 : Évolution du nombre de découvertes de séropositivité VIH chez les jeunes de 18 à 24 ans selon le sexe, et chez les adolescents de 15 à 17 ans, en France (données au 31/12/2013 corrigées pour les délais de déclaration et la sous-déclaration)
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Figure 2 : Évolution du nombre de découvertes de séropositivité VIH chez les jeunes de 18 à 24 ans en France, selon le mode de contamination, le sexe et le lieu de naissance (données au 31/12/2013 corrigées pour les délais de déclaration, la sous-déclaration et les valeurs manquantes)
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Entre 2003 et 2013, le nombre de découvertes de séropositivité VIH chez les jeunes hommes a plus que doublé, en lien avec une augmentation chez ceux contaminés par rapports sexuels entre hommes (+157%). Cette augmentation est beaucoup plus marquée chez les hommes de 18-24 ans que chez les adultes de 25 ans et plus (+30%).

Circonstances de réalisation de la sérologie VIH

En 2013, 46% des jeunes femmes de 18 à 24 ans ont découvert leur séropositivité à l’occasion d’un bilan systématique, notamment lors d’une grossesse (49% des jeunes femmes nées à l’étranger et 38% de celles nées en France, proportions supérieures à celles des femmes adultes. A contrario, une plus grande proportion de femmes nées en France ont été diagnostiquées dans le cadre d’une démarche active à la suite d’une exposition à risque (23% vs. 10% chez celles nées à l’étranger).

Chez les jeunes hommes, le premier motif de diagnostic était celui d’une exposition à risque, pour 30% d’entre eux (35% chez les HSH).

Caractère précoce ou tardif du diagnostic

Stade clinique

Parmi les jeunes de 18 à 24 ans ayant découvert leur séropositivité VIH en 2013, près des trois quarts étaient à un stade asymptomatique (74%), proportion supérieure à celle observée chez les adultes (65%). À noter que 4% des 18-24 ans avaient déjà développé une pathologie sida.

Stade immuno-clinique

Selon l’indicateur défini dans la méthode, 49% des découvertes de séropositivité VIH en 2013 chez les 18-24 ans étaient précoces et 14% tardives, sans tendance significative depuis 2008. La proportion de diagnostics tardifs en 2013 était de 9% chez les jeunes HSH, 7% chez les jeunes femmes hétérosexuelles nées en France, 24% chez les jeunes femmes hétérosexuelles nées à l’étranger, et 19% chez les jeunes hommes hétérosexuels nés en France comme chez les jeunes hommes hétérosexuels nés à l’étranger (proportions plus élevées dans ce dernier groupe les années précédentes).

Test d’infection récente

Environ un tiers des 18-24 ans ont été contaminés en moyenne dans les 6 mois précédant la découverte de leur séropositivité (27% des jeunes femmes et 39% des jeunes hommes).

Sérotype

Parmi les infections à VIH-1 chez les jeunes de 18-24 ans nés en Afrique subsaharienne contaminés par rapports hétérosexuels, 29% étaient liées au sous-type B en 2013 (28% chez les jeunes femmes et 30% chez les jeunes hommes), proportion stable depuis 2003 et équivalente à celle observée chez les adultes.

Description des adolescents de 15 à 17 ans (2003-2013) (tableau 2)

Un total de 524 adolescents de 15 à 17 ans ont découvert leur séropositivité VIH entre 2003 et 2013, soit environ une cinquantaine de cas chaque année (figure 1).

Près des deux tiers (65%) de ces adolescents étaient des femmes, dont 69% étaient nées à l’étranger et avaient été contaminées par rapports hétérosexuels.

Le mode de contamination prépondérant chez les adolescents de sexe masculin âgés de 15 à 17 ans était les rapports sexuels entre hommes, pour près de la moitié d’entre eux.

La proportion d’hommes parmi les adolescents a tendance à augmenter au cours du temps, ainsi que celle des HSH.

Parmi les modes de contaminations « autres », qui représentent 7% des découvertes, les trois-quarts étaient liées à une transmission materno-foetale découverte tardivement chez des adolescents nés pour la plupart à l’étranger (soit près de 3 cas chaque année).

Environ 7% des 15-17 ans ont été diagnostiqués à un stade clinique de sida et 18% à un stade immuno-clinique tardif (sans tendance significative au cours du temps). Cette proportion importante de diagnostics tardifs était notamment liée aux transmissions mère-enfant.

Discussion

En France, on estime que 726 jeunes de 15 à 24 ans ont découvert leur séropositivité VIH en 2013, soit 11,7% de l’ensemble des découvertes de l’année, pourcentage comparable à celui observé en Europe de l’Ouest (10,8%) 4.

Les 15-24 ans paraissent proportionnellement moins touchés par le VIH que les adultes, ce que tend à montrer le taux de découvertes de séropositivité dans cette classe d’âge (92 cas par million d’habitants) comparativement à leurs aînés (autour de 240 par million chez les 25-39 ans). Mais ces chiffres doivent être interprétés avec prudence, dans la mesure où les diagnostics d’infection à VIH ne sont qu’un reflet indirect du nombre de nouvelles contaminations, puisqu’ils dépendent également du recours au dépistage, qui varie selon l’âge. Les données de l’enquête KABP 2010 montrent néanmoins que le recours au dépistage dans les 12 derniers mois est plus fréquent chez les jeunes de 18 à 30 ans (pour 24% d’entre eux) par rapport aux classes d’âges plus âgées : 14% chez les 31-44 ans, 10% chez les 45-54 ans et 6% chez les 55-69 ans 5.

Globalement, les tendances observées depuis 2003 chez les jeunes de 18 à 24 ans sont comparables à celles observées chez les adultes, à savoir une augmentation du nombre de découvertes de séropositivité chez les HSH, une diminution chez les femmes nées à l’étranger contaminées par rapports hétérosexuels et une relative stabilité chez les hétérosexuels nés en France.

Par contre, le fait que l’augmentation soit beaucoup plus marquée chez les jeunes HSH est un constat alarmant de cette analyse. Si le Net Gay Baromètre 2009 a mis en évidence une fréquence des dépistages VIH dans les 12 derniers mois supérieure chez les moins de 25 ans par rapport aux 25 ans et plus 6, l’étude Presse Gay et Lesbiennes 2011 a montré que les jeunes HSH (<30 ans) séronégatifs pour le VIH étaient plus enclins à ne pas avoir adopté de comportement de prévention avec les partenaires occasionnels par rapport à leurs aînés 7.

La diminution des découvertes de séropositivité jusqu’en 2012 chez les jeunes femmes hétérosexuelles nées à l’étranger peut être multifactorielle, mais sûrement liée à une diminution de l’incidence, qui a été observée en France grâce aux estimations faites pour cette population, tous âges confondus 1. Elle est sans doute aussi secondaire à une diminution de la prévalence constatée dans plusieurs pays d’Afrique subsaharienne suite aux campagnes de prévention qui y ont été mises en place, et dont les femmes sont la cible principale. Elle pourrait également être liée à une modification des flux migratoires vers la France, en nombre (politique de lutte contre l’immigration) ou en caractéristiques (diminution de la migration de personnes séropositives, par exemple en raison d’une plus grande disponibilité des antirétroviraux en Afrique subsaharienne).

Le fait que le nombre de découvertes de séropositivité chez les jeunes hommes de 18 à 24 ans hétérosexuels nés à l’étranger ne diminue pas, contrairement à ce qui est observé chez les femmes (ou chez les adultes), est difficilement explicable, alors qu’ils sont eux aussi essentiellement originaires d’Afrique subsaharienne.

L’absence de diminution des découvertes de séropositivité chez les jeunes hétérosexuels (hommes ou femmes) nés en France peut être mise en lien avec les résultats de l’enquête KABP 2010 5. En effet, si beaucoup de jeunes de 18-30 ans se protègent lors du premier rapport sexuel, le préservatif est par la suite moins utilisé, dans un contexte de moindre crainte de la maladie.

La proportion de virus du sous-type B chez les jeunes hétérosexuels nés en Afrique subsaharienne (29%) indique que ces jeunes se sont infectés sur le continent européen et probablement en France, et non dans leur pays d’origine, puisque la prévalence de ce sous-type est extrêmement faible en Afrique subsaharienne. Il s’agit là d’une proportion minimale puisqu’ils peuvent également avoir été contaminés en France par un sous-type non-B.

La grossesse reste une opportunité fréquente de diagnostic de l’infection à VIH chez les femmes de 15 à 24 ans, notamment chez celles nées à l’étranger, mais le dépistage pourrait être plus précoce grâce à une démarche active de leur part. C’est parmi les HSH et, dans une moindre mesure, chez les femmes nées en France, que le diagnostic est proportionnellement plus souvent posé lors d’un recours au dépistage après une prise de risque.

La moindre proportion de diagnostics tardifs chez les jeunes par rapport aux adultes est principalement expliquée par une entrée plus récente dans la sexualité et donc une période d’exposition au virus plus courte.

La prédominance féminine dans le sous-groupe des 15-17 ans est liée au poids des contaminations chez les adolescentes nées en Afrique subsaharienne. Ceci pourrait s’expliquer par la vulnérabilité des femmes lors des premiers rapports sexuels, et la fréquence des rapports avec des hommes plus âgés, chez lesquels la prévalence du VIH est plus élevée.

La proportion d’HSH parmi les adolescents de 15 à 17 ans découvrant leur séropositivité, bien qu’en augmentation, est inférieure à celle observée chez les hommes de 18-24 ans (49% vs. 75%). Cette différence peut s’expliquer par l’âge au premier rapport homosexuel, plus tardif que l’âge au premier rapport hétérosexuel (18,8 ans en moyenne vs. 17,1 ans) 8, mais surtout par la difficulté de déclarer des relations homosexuelles, à un âge où la pression des pairs et la crainte de la stigmatisation sont particulièrement importantes.

Les quelques infections à VIH découvertes tardivement chaque année chez des jeunes contaminés par transmission materno-fœtale dans leur pays d’origine, doivent faire évoquer l’opportunité d’un dépistage dans les suites d’une arrivée en provenance d’un pays à forte endémie, quel que soit leur âge, en l’absence d’exposition à un risque connu.

Conclusion

Face aux constats de la surveillance et dans un contexte de banalisation du VIH, il est important de poursuivre et d’encourager les actions de prévention à l’égard des adolescents et des jeunes adultes, au travers notamment de projets intégrant les enjeux de santé sexuelle (prévention du VIH, des IST, des grossesses non désirées…) et d’actions spécifiques auprès des jeunes HSH.

Les jeunes représentent une cible privilégiée pour lutter contre l’épidémie à VIH et, à ce titre, bénéficient d’un programme de promotion de la santé sexuelle développé par l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes). Ce programme repose, d’une part, sur la mise à disposition gratuite, via les relais professionnels et associatifs, de brochures d’information et de matériel de prévention (préservatifs et gels lubrifiants) et, d’autre part, sur un dispositif numérique d’information sur la sexualité destiné aux jeunes (site Internet et application mobile) et adapté à leurs pratiques (« onsexprime.fr »). L’objectif de ce site est de favoriser une entrée positive et responsable des adolescents dans la vie sexuelle, tout en prenant en compte la diversité des orientations sexuelles.

Concernant le dépistage du VIH, qui permet une prise en charge adaptée et la mise en route d’un traitement antirétroviral, avec un bénéfice individuel mais également collectif en diminuant le risque de transmission du VIH, il est essentiel que les populations les plus exposées, et notamment les jeunes HSH, aient un recours répété aux tests, comme recommandé dans le Plan 2010-2014 de lutte contre le VIH/sida et les IST.

Remerciements

Nous remercions vivement tous les biologistes, cliniciens ou techniciens d’études cliniques qui ont déclaré des diagnostics d’infection à VIH depuis 2003, ainsi que les médecins de santé publique des Agences régionales de santé et leurs collaborateurs.

Références

1 Le Vu S, Le Strat Y, Barin F, Pillonel J, Cazein F, Bousquet V, et al. Incidence de l’infection par le VIH en France, 2003-2008. Bull Epidémiol Hebd. 2010;(45-46):473-6. http://opac.invs.sante.fr/index.php?lvl=notice_display&id=486
2 Cazein F, Le Strat Y, Pillonel J, Lot F, Bousquet V, Pinget R, et al. Dépistage du VIH et découvertes de séropositivité, France, 2003-2010. Bull Epidémiol Hebd. 2011;(43-44):446-54. http://opac.invs.sante.fr/index.php?lvl=notice_display&id=10153
3 Nations Unies. Pourquoi la jeunesse ? [Internet]. http://www.un.org/fr/events/youth2010/background.shtml
4 European Centre for Disease Prevention and Control, WHO Regional Office for Europe. HIV/AIDS surveillance in Europe 2013. Stockholm: ECDC (coll. Surveillance Report); 2014. 120 p. http://ecdc.europa.eu/en/healthtopics/aids/surveillance-reports/Pages/surveillance-reports.aspx
5 Beltzer N, Saboni L, Sauvage C, Sommen C, et l’équipe KABP. Les connaissances, attitudes, croyances et comportements face au VIH/sida en Île-de-France en 2010. Paris: Observatoire régional de santé d’Île-de-France (Orsif); 2011. 156 p. http://www.ors-idf.org/dmdocuments/rapport_KABP_2011.pdf
6 Léobon A, Velter A, Drouin MC. Profil et comportements sexuels des jeunes hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes : Net Gay Baromètre 2009, France. Bull Epidémiol Hebd. 2012;(31-32):361-4. http://opac.invs.sante.fr/index.php?lvl=notice_display&id=10880
7 Velter A, Saboni L, Sommen C, Bernillon P, Bajos N, Semaille C. Sexual and prevention practices in men who have sex with men in the era of combination HIV prevention: results from the Presse Gays et Lesbiennes survey, France, 2011. Euro Surveill. 2015;20(14).
8 Bajos N, Bozon. Enquête sur la sexualité en France : pratiques, genre et santé. Paris: Éditions La Découverte (Hors collection Social); 2008. 612 p.

Citer cet article

Lot F, Smati J, Montlahuc C, Cazein F, Barin F, Le Strat Y, et al. Découvertes de séropositivité VIH chez les jeunes en France, 2003-2013. Bull Epidémiol Hebd. 2015;(40-41):744-51. http://www.invs.sante.fr/beh/2015/40-41/2015_40-41_1.html