La surveillance des épidémies de grippe à un niveau régional. Exemple de l’épidémie de l’hiver 2014-2015 dans les Pays de la Loire, France

// Surveillance of influenza outbreaks at a regional level. Example of the 2014-2015 winter outbreak in the Pays de la Loire region, France

Bruno Hubert1 (bruno.hubert@ars.sante.fr), Noémie Fortin1, Ronan Ollivier1, Delphine Barataud1 et les réseaux de surveillance de la grippe dans les Pays de la Loire*
1 Cellule de l’Institut de veille sanitaire en région Pays de la Loire, Nantes, France
* Les associations SOS Médecins de Nantes (P. Guérin) et de Saint-Nazaire (J. Cailleau) ; les services d’urgences de 6 centres hospitaliers de la région (Nantes, Saint-Nazaire, Angers, Le Mans, Centre hospitalier départemental de Vendée, Pôle Santé Sarthe et Loir) ; les correspondants des services de réanimation de la région ; les laboratoires de virologie du CHU de Nantes (A. Moreau-Klein et M. Coste-Burel) et du CHU d’Angers (A. Ducancelle, C.T. Tran et H. Le Guillou-Guillemette) ; les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) de la région des Pays de la Loire.
Soumis le 17.08.2015 // Date of submission: 08.17.2015
Mots-clés : Surveillance | Grippe | Épidémie | Pays de la Loire | Région
Keywords: Surveillance | Influenza | Outbreak | Pays de la Loire | Region

Résumé

Introduction –

À partir de l’exemple de l’épidémie de grippe de 2014-2015 dans les Pays de la Loire, cet article présente les modalités d’utilisation des outils de surveillance à un niveau régional et leur aptitude à répondre aux objectifs de cette surveillance, et souligne leur complémentarité avec le dispositif national.

Méthodes –

Dans les Pays de la Loire, la surveillance repose sur plusieurs sources d’information complémentaires : les diagnostics de syndrome grippal posés par SOS Médecins et lors de passages aux urgences des établissements de santé, les cas de grippe sévère hospitalisés en réanimation, les épidémies d’infections respiratoires aiguës en collectivité de personnes âgées, les analyses virologiques réalisées par les laboratoires des CHU et les données de mortalité.

Résultats –

La saison grippale 2014-2015 a été caractérisée par une épidémie ayant eu un retentissement important chez les personnes âgées. Tous les indicateurs de surveillance au niveau régional ont été concordants pour décrire une épidémie d’ampleur plus importante que les années précédentes. L’impact sur le système de santé a été marqué par une activation de dispositifs « hôpital en tension » dans une majorité des établissements de santé de la région et une augmentation des épidémies dans les établissements pour personnes âgées.

Conclusion –

Ce bilan souligne l’intérêt d’une analyse régionalisée des données de surveillance de la grippe, en complément de la surveillance nationale. Ce niveau d’animation et d’analyse permet d’améliorer la qualité du recueil des données, de développer une réflexion sur les indicateurs pertinents, de proposer une rétro-information directe aux acteurs de la surveillance, d’affiner l’analyse au niveau géographique et, enfin, de fournir une information adaptée au niveau local.

Abstract

Introduction –

Based on the experience from the 2014-15 influenza outbreak in the Pays de la Loire region, this article presents the conditions relating to the use of surveillance tools at a regional level, and their ability to meet the objectives of this surveillance. It also highlights their complementarity with the national surveillance system.

Methods –

In the Pays de la Loire region, surveillance is based on several complementary sources of information: influenza-like illness diagnoses made by doctors from the ‘SOS Médecins Network’ (the French general practitioner house calls network), emergency outpatient visits in health facilities, cases of severe flu hospitalized in intensive care, clusters of acute respiratory infections in nursing homes, virological analyzes conducted by university hospitals laboratories and mortality data.

Results –

The 2014-15 influenza season was marked by an epidemic with a significant impact on the elderly. All regional surveillance indicators were consistent in describing an epidemic with a larger magnitude compared to previous years. The impact on the health system was characterized by the activation of "strained hospital" plans in a majority of the region’s health facilities and increased outbreaks in institutions for the elderly.

Conclusion –

These results highlight the value of a regional-based analysis of influenza surveillance data to complement national surveillance. This level of facilitation and analysis improves the quality of data collection, develops reasoning on relevant indicators, directs feedback to the stakeholders in surveillance, refines geographical analysis and, finally, provides appropriate information at the local level.

Introduction

La surveillance des épidémies hivernales à un niveau régional a connu un développement important au cours des dernières années, en réponse à un besoin accru d’information des acteurs locaux. Les Cellules de l’Institut de veille sanitaire (InVS) en région (Cire) ont été amenées à assurer l’animation régionale de systèmes nationaux de surveillance et à développer des outils de surveillance avec un niveau géographique plus adapté et une finalité plus ciblée. L’information sur la situation épidémiologique régionale est transmise directement aux décideurs (Agences régionales de santé (ARS), directeurs d’établissements de santé et d’établissements médico-sociaux) et aux professionnels de santé impliqués dans la prise en charge des malades à travers des « Points Épidémio » diffusés chaque semaine par les Cire.

Les objectifs de la surveillance de la grippe, tant au niveau national que régional, peuvent être déclinés ainsi :

  • identifier la temporalité des épidémies (début, pic et fin) ;
  • mesurer leur ampleur (incidence, intensité du pic) ;
  • disposer d’indicateurs de sévérité ;
  • estimer l’impact sur le système de santé ;
  • et évaluer l’application des mesures de contrôle (vaccination et mesures d’hygiène).

Les trois premiers objectifs concernant la description de l’épidémie (temporalité, ampleur et sévérité) sont communs aux niveaux régionaux et nationaux. L’impact sur le système de santé concerne plus spécifiquement le niveau régional et local, tandis que le niveau national disposera des outils nécessaires pour suivre l’évolution antigénique et génétique des virus grippaux ainsi que l’évaluation de la couverture et de l’efficacité vaccinale.

À partir de l’exemple de l’épidémie de grippe de l’hiver 2014-2015 dans les Pays de la Loire, cet article présente les modalités d’utilisation, à un niveau régional, des outils de surveillance et leur aptitude à répondre aux objectifs de la surveillance. Il discute leur complémentarité avec le dispositif national et propose quelques pistes d’amélioration pour répondre aux besoins des décideurs locaux.

Matériel et méthodes

Comme dans les autres régions, la surveillance de la grippe dans les Pays de la Loire repose sur plusieurs sources d’information qui seront décrites succinctement, la plupart ayant été déjà détaillées par ailleurs 1,2,3,4,5.

SOS Médecins – L’indicateur est la proportion de visites pour syndrome grippal dans l’activité des associations SOS Médecins de Nantes et de Saint-Nazaire 1.

Résumés de passages aux urgences (RPU) – Parmi les 25 établissements de la région des Pays de la Loire disposant d’un service d’urgences, six ont transmis régulièrement des données d’activité depuis 2011. Ils totalisent 60% des RPU de la région transmis à l’InVS. Deux regroupements syndromiques ont été utilisés : « syndrome grippal » et « infection respiratoire aiguë basse » (IRA basse). Ce dernier regroupement inclut les syndromes grippaux, les bronchites aiguës et les pneumopathies infectieuses (et les bronchiolites chez les enfants) et a été analysé uniquement dans les services d’urgences adultes (passages ≥15 ans) des six établissements.

Surveillance des cas de grippe sévère – Les modalités de cette surveillance impliquant les 13 services de réanimation de la région des Pays de la Loire ont été décrites antérieurement 2. L’exhaustivité du signalement a été estimée à 75% au cours des quatre premières années de surveillance. Les laboratoires de virologie des CHU de Nantes et d’Angers contribuent également à la surveillance des grippes sévères en complétant l’indentification des cas et en sous-typant les souches isolées.

Surveillance des épidémies d’infections respiratoires aiguës (IRA) dans les collectivités de personnes âgées, et plus particulièrement dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Mise en place en décembre 2010, cette surveillance concerne les 580 Ehpad de la région des Pays de la Loire, qui hébergent près de 45 000 résidents. L’exhaustivité du signalement des foyers de cas groupés d’IRA dans la région a été estimée à 81% en 2012-2013 3 et à 87% (estimation provisoire) en 2014-2015.

Surveillance des virus respiratoires par les laboratoires de virologie des CHU de Nantes et d’Angers, qui transmettent pendant la période hivernale le nombre hebdomadaire de diagnostics de virus respiratoires. Un seuil « d’alerte » a été fixé à 5 prélèvements positifs pour les virus grippaux, selon la même démarche que dans la surveillance des bronchiolites et du virus respiratoire syncytial (VRS) au CHU de Nantes 4.

Surveillance des décès à partir des enregistrements des décès dans les registres d’état civil pour 60 communes informatisées depuis 2006 (source Insee). Sont présentées ici les estimations d’excès calculées par une méthode nationale pendant les semaines 1 à 9 de 2015 5.

Les données du réseau Sentinelles® ne sont plus utilisées dans la région des Pays de la Loire depuis 2014 en raison d’un effectif de médecins sentinelles devenu trop faible. Cette surveillance est coordonnée, au niveau national, par le réseau Sentinelles (www.sentiweb.fr) animé par l’UMR S 1136 Inserm-UPMC.

Le recensement des établissements de santé disposant d’un service d’urgence ayant activé leur dispositif « hôpital en tension » pendant l’épidémie de grippe a été réalisé par l’ARS.

Des seuils d’alerte ont été déterminés par l’intervalle de prédiction unilatéral à 95% d’un modèle de régression périodique 6. Le dépassement du seuil pendant deux semaines consécutives a été considéré comme un signal statistique. Ces seuils ont été construits pour plusieurs types d’indicateurs : la part des consultations pour syndrome grippal de SOS Médecins et les nombres de passages aux urgences pour syndrome grippal et pour IRA basses.

Les périodes épidémiques de grippe ont été déterminées au niveau régional à partir du franchissement du seuil d’alerte pour la proportion de syndromes grippaux dans les consultations de SOS Médecins. La saison hivernale est considérée comme la période allant du 1er octobre au 15 avril, comme au niveau national.

Résultats

Les résultats sont déclinés par objectifs de la surveillance et mis en perspective avec les épidémies antérieures.

Temporalité des épidémies

Dans les Pays de la Loire, l’épidémie a débuté la 1ère semaine de 2015, avec un pic en semaine 6 et une durée totale de 11 semaines (figure 1). On observe une concordance temporelle entre le franchissement du seuil épidémique (SOS Médecins) et les indicateurs qui franchissent leur seuil d’alerte (passages aux urgences, isolements viraux). Cette concordance est observée de façon régulière depuis quatre ans (figure 2). Les formes sévères de grippe connaissent une répartition temporelle plus étendue avec fréquemment un début plus précoce (figure 2).

Figure 1 : Proportion de syndromes grippaux parmi les visites hebdomadaires de SOS Médecins (A). Nombre hebdomadaire de passages aux urgences de six établissements de santé pour syndromes grippaux tous âges (B) et pour diagnostics d’infections respiratoires aiguës (IRA) basses chez les personnes âgées de 15 ans et plus (C). Nombre hebdomadaire de foyers épidémiques d’infections respiratoires aiguës dans les Ehpad de la région signalés à l’Agence régionale de santé (D). Semaines 40/2011 à 15/2015, Pays de la Loire, France
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Figure 2 : Comparaison des périodes épidémiques de grippe selon les systèmes de surveillance. Hivers 2011 à 2015, Pays de la Loire, France
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La circulation du virus grippal A a dominé pendant la période épidémique, puis a été supplantée par celle d’un virus grippal B entre les semaines 12 et 16. Une bonne concordance est observée entre l’augmentation des épidémies d’IRA en Ehpad et les périodes épidémiques définies par SOS Médecins (figure 1D).

La temporalité des passages aux urgences pour IRA basses était légèrement différente de celle des isolements de virus grippaux, avec un premier pic au début du mois de janvier alors que la circulation du virus grippal était encore faible (figure 1C).

Ampleur des épidémies

Lors des pics épidémiques, la part des visites pour syndrome grippal dans l’activité de SOS Médecins varie de 8% à 24% selon les saisons grippales (tableau 1). Cette variation se retrouve également dans le nombre de visites pour syndrome grippal, qui s’est établi entre 1 700 et 6 200 selon les saisons, et ce de façon corrélée avec l’importance du pic (R²=0,8). En 2014-2015, le pic et le nombre de visites étaient respectivement 3 et 3,6 fois plus élevés que l’année précédente.

Tableau 1 : Caractéristiques des résultats de la surveillance lors des épidémies de grippe de 2010 à 2015, Pays de la Loire, France
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Dans les six services d’urgences adultes transmettant des données depuis 2011, 2 858 passages pour IRA basses ont été enregistrés pendant les 11 semaines épidémiques. Ce nombre de passages observé correspondait à un doublement par rapport au nombre attendu (1 397 cas). Parmi ces passages, la majorité (62%) avait un diagnostic de pneumopathie, 21% une bronchite aiguë et seulement 17% un syndrome grippal. Ces passages pour IRA basses ont conduit à une hospitalisation pour 57% d’entre eux. Les personnes âgées de 65 ans ou plus représentaient 80% des cas hospitalisés. Au cours de l’année précédente, aucun dépassement de seuil d’alerte n’avait été observé pour les IRA basses.

Sévérité des épidémies

Au cours des cinq dernières saisons, 383 cas sévères de grippe ont été admis en service de réanimation dans la région, avec des taux d’admission variables selon le virus circulant prédominant. Les taux étaient les plus élevés avec le virus A(H1N1)pdm09. Au cours de l’épidémie 2015, le taux d’admission (42 cas/million d’habitants) a été très supérieur à ceux observés au cours des années antérieures (variant de 5 à 23 cas/million) (tableau 1). Parmi les cas sévères, 15% étaient infectés par un virus de type B, 35% par un virus A(H3N2), 26% par A(H1N1)pdm09 et 22% par un virus A non sous-typé. La répartition par tranche d’âge montrait un taux d’admission en réanimation croissant avec l’âge, avec une augmentation progressive de la proportion de virus A(H3N2) et B (figure 3). L’âge médian était de 56 ans pour les infections à virus A(H1N1)pdm09 et de 66 ans pour les infections à A(H3N2).

Figure 3 : Incidence et nombre de cas de grippe sévère hospitalisés en réanimation par type et sous-type viral et par tranche d’âge. Épidémie 2014-2015, Pays de la Loire, France
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La surveillance de la mortalité toutes causes a montré un excès de 618 décès (+17%) par rapport aux 3 577 décès attendus au cours des neuf premières semaines de 2015 dans les Pays de la Loire. La majorité de ces décès en excès (584/618, soit 94%) a concerné des personnes âgées de 65 ans ou plus 5.

Sévérité des épidémies

En Ehpad, l’impact de la circulation du virus grippal en 2015 a été très important, avec 196 foyers épidémiques d’IRA signalés pendant la saison hivernale. La proportion d’Ehpad ayant signalé une épidémie a été plus importante (34%) avec un taux d’attaque moyen (25%) légèrement plus élevé que les deux années précédentes (tableau 1). Sur l’ensemble des 45 000 résidents, 4 044 (9%) ont présenté une IRA au cours de l’épidémie de 2015, avec 311 hospitalisations et 120 décès. Si le nombre de cas était 4,9 fois plus élevé que l’hiver précédent, les taux moyens d’hospitalisation (7%) et de létalité (3%) ne différaient pas significativement des années précédentes.

L’impact sur le système de santé a été très marqué pour les établissements de santé de la région, avec une activation des dispositifs « hôpital en tension » dans 16 des 25 hôpitaux disposant d’un service d’urgences. Ces dispositifs ont été activés principalement au cours des semaines 6 à 9 et avec des durées variant de 2 à 10 semaines.

Mesures de prévention

Les seuls recueils d’information disponibles dans la région concernent l’application des mesures barrières lors des épidémies d’IRA en Ehpad. Un tableau de bord permet de suivre l’évolution des pratiques et a objectivé des améliorations significatives et plus précoces concernant le renforcement de l’hygiène des mains et la limitation des déplacements des malades 7. La couverture vaccinale antigrippale chez les résidents (82%) et chez les personnels (23%) est stable depuis cinq ans.

Discussion

Bilan de l’épidémie 2014-2015

Comme observé au niveau national (I. Bonmarin et coll. dans ce numéro 8), la saison 2014-2015 dans les Pays de la Loire a été marquée par une épidémie d’infections à virus A(H3N2) ayant un fort retentissement chez les personnes âgées. Tous les indicateurs de surveillance au niveau régional ont été concordants pour décrire une épidémie d’ampleur plus importante que les années précédentes (représentant 3 à 4,9 fois l’ampleur de l’épidémie précédente selon les indicateurs SOS Médecins ou dans les Ehpad). Cette épidémie a impacté fortement les établissements de santé de la région, dont les 2/3 ont activé un plan « hôpital en tension », ainsi que les collectivités de personnes âgées au sein desquelles un nombre important d’épidémies a été signalé.

Parmi les cas survenus en Ehpad, la létalité et le taux d’hospitalisation identiques aux années précédentes n’étaient pas en faveur d’une augmentation de virulence du virus A(H3N2), mais plutôt d’une susceptibilité accrue d’une tranche de population fragile ; par ailleurs, la couverture vaccinale était stable dans cette population. Ces observations sont cohérentes avec la mauvaise adéquation du vaccin à une partie des virus A(H3N2) circulants 9.

Adéquation des systèmes de surveillance aux objectifs

Dans les Pays de la Loire, l’adéquation de la réponse aux objectifs de la surveillance n’est pas homogène d’un indicateur à l’autre (tableau 2).

Tableau 2 : Adéquation des systèmes aux objectifs de la surveillance régionale de la grippe en Pays de la Loire, France
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Plusieurs indicateurs apportent des réponses satisfaisantes :

  • comme indicateur de temporalité, la surveillance basée sur les consultations SOS Médecins, confortée par l’évolution des isolements de virus, est adaptée pour identifier correctement les différentes étapes des épidémies. Elle permet notamment d’informer l’ARS, les établissements de santé et les Ehpad de l’imminence d’une épidémie. Cette source est également utilisée au niveau national pour objectiver la diffusion inter-régionale du virus grippal ;
  • parmi les indicateurs de sévérité et d’impact, la surveillance des grippes sévères en réanimation est très riche en informations. L’apport des laboratoires de virologie a été important pour compléter l’exhaustivité des signalements et le typage et sous-typage des virus isolés chez les cas sévères. La proportion de virus A non sous-typés a été 2 fois moins importante qu’au niveau national (27% vs 60%) ;
  • la surveillance des épidémies d’IRA en Ehpad fournit des informations étendues à la fois sur l’ampleur, la sévérité, l’impact et l’évolution de l’application de mesures de prévention. Elle est d’autant plus intéressante que cette surveillance est couplée à des actions de formation et de soutien auprès des Ehpad 4.

Les autres indicateurs de surveillance de la grippe nécessitent des améliorations pour devenir pleinement efficaces :

  • le nombre trop faible de médecins du réseau Sentinelles® dans la région n’a pas permis d’estimer correctement l’incidence des « grippes cliniques » en 2014-2015. La solution la plus simple passerait par une augmentation du recrutement de ces médecins par l’Inserm ;
  • la surveillance des décès enregistrés par l’état civil permet d’identifier les excès de mortalité, mais avec un retard lié au délai d’enregistrement. Elle conclut régulièrement à la difficulté d’imputer les augmentations à une cause particulière. Le développement de l’utilisation de la certification électronique des décès est en cours dans les six principaux centres hospitaliers de la région et devrait apporter des informations sur les causes médicales de décès en temps réel ;
  • l’utilisation des RPU pour la surveillance de la grippe a été jusqu’à maintenant limitée dans la région en raison du défaut d’exhaustivité et d’un historique de recueil encore faible 10. La prise en compte des passages avec un codage de syndrome grippal complète les indicateurs de temporalité, mais sous-estime considérablement l’impact des épidémies de grippe sur les établissements de santé. L’utilisation d’un regroupement syndromique plus large, comme les IRA basses, paraît plus pertinent, même s’il élargit la problématique à d’autres virus respiratoires.

Le constat fait dans les Pays de la Loire n’est pas reproductible à l’ensemble des régions. Les variations d’exhaustivité des surveillances sont importantes. À titre d’illustration, la région des Pays de la Loire représente 5% de la population française (3,6 millions d’habitants) et a enregistré pendant la dernière saison 15% des foyers d’IRA en Ehpad et 10% des cas sévères en réanimation. En revanche, d’autres régions bénéficient d’un nombre suffisant de médecins dans le réseau Sentinelles®, d’une exhaustivité des RPU depuis plusieurs années ou d’une proportion importante de certification électronique des décès.

Pistes d’amélioration

La réflexion doit porter sur l’homogénéisation de la qualité des surveillances entre les régions. Plusieurs actions récentes ou en cours méritent d’être citées : un Gepp (groupe d’échanges de pratiques professionnelles), créé en 2013, a permis de développer et d’échanger entre les Cire des outils de surveillance, d’analyse et de rétro-information sur les signalements de foyers de cas groupés d’IRA en Ehpad. Une autre étude en cours est menée par huit Cire sur l’exhaustivité de la surveillance des grippes sévères en réanimation depuis 2009, avec pour objectif de proposer un outil d’évaluation prospective de cette surveillance. En 2014, une étude réunissant plusieurs Cire a proposé des modalités de calcul des seuils d’alerte pour SOS Médecins, désormais utilisées dans une majorité des régions 1.

L’analyse correcte des données de passages aux urgences hospitalières suppose une bonne exhaustivité du recueil avec un historique suffisant, une connaissance de la qualité du codage, une réflexion sur la pertinence des indicateurs en réponse à des objectifs bien définis. Un objectif pertinent serait de disposer d’un indicateur permettant d’anticiper l’impact sur les activités hospitalières.

Enfin, les propositions d’amélioration doivent se nourrir des outils développés dans d’autres pays. Le réseau de surveillance des hospitalisations pour grippe aux États-Unis (FluSurv-NET) est un modèle particulièrement performant 11.

Pertinence d’une surveillance régionale

Ce bilan souligne la pertinence d’une surveillance régionalisée de la grippe, qui bénéficie à tous les échelons. Pour la surveillance nationale, la régionalisation permet de disposer d’une animation au plus près des réseaux de surveillance, d’améliorer la qualité du recueil des données et d’apporter une réflexion sur les analyses de données pertinentes. Pour le niveau régional, elle permet d’informer les décideurs, d’apporter des éléments de contexte lors de l’analyse des situations de tension hospitalière et d’assurer un retour d’information précoce et spécifique aux sources d’information (services de réanimation, SOS Médecins, services d’urgences, laboratoires et Ehpad).

Remerciements

À l’Agence régionale de santé des Pays de la Loire (M. Prat, A. Auger, C. Duvaux).

Références

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3 Chiron E, Barataud D, Hubert B. Surveillance des épidémies d’infections respiratoires aiguës et de gastro-entérites aiguës dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes des Pays de la Loire, 2010-2013. Saint-Maurice: Institut de veille sanitaire; 2014. 78 p. http://www.invs.sante.fr/content/download/94201/341746/version/3/file/rapport_surveillance_epidemies_ IRA_GEA_EPHAD_pays_de_la_loire_2010_2013.pdf
4 Fortin N, Gras-Le Guen C, Picherot G, Guérin P, Moreau-Klein A, Coste-Burel M, et al. Caractéristiques des épidémies de bronchiolite dans l’agglomération nantaise, 2007-2012 : apport de différentes sources de données. Bull Epidémiol Hebd. 2014:(3-4):58-64. http://opac.invs.sante.fr/index.php?lvl=notice_display&id=11918
5 Bulletin Grippe - Bilan de la saison 2014-15. Saint-Maurice: Institut de veille sanitaire; 2015. 7 p. http://www.invs.sante.fr/content/download/108367/386431/version/153/file/Bulletin_grippe_220515.pdf
6 Pelat C, Boëlle PY, Cowling BJ, Carrat F, Flahault A, Ansart S, et al. Online detection and quantification of epidemics. BMC Med Inform Decis Mak. 2007;7:29. http://www.biomedcentral.com/1472-6947/7/29
7 Chiron E, Barataud D, Hubert B. Surveillance des épidémies d’infections respiratoires aiguës et de gastro-entérites aiguës dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes des Pays de la Loire, 2010-2013. Saint-Maurice: Institut de veille sanitaire; 2014. 8 p. http://www.invs.sante.fr/content/download/94227/341778/version/1/file/plaquette_surveillance_epidemies_ IRA_GEA_EPHAD_pays_de_la_loire_2010_2013.pdf
8 Équipes de surveillance de la grippe. Surveillance de la grippe en France métropolitaine. Saison 2014-2015. Bull Epidémiol Hebd. 2015;(32-33):593-8. http://www.invs.sante.fr/beh/2015/32-33/2015_32-33_1.html
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10 Le système de Surveillance sanitaire des urgences et des décès (SurSaUD®) en Pays de la Loire. Bulletin de Veille Sanitaire Pays de la Loire. 2014;(27). 12 p. http://www.invs.sante.fr/content/download/100925/364541/version/27/file/bvs_pays_de_loire_25_2014.pdf
11 Chaves SS, Lynfield R, Lindegren ML, Bresee J, Finelli L. The US Influenza Hospitalization Surveillance Network. Emerg Infect Dis. 2015;21(9):1543-50. http://wwwnc.cdc.gov/eid/article/21/9/pdfs/14-1912.pdf

Citer cet article

Hubert B, Fortin N, Ollivier R, Barataud D, Réseaux de surveillance de la grippe dans les Pays de la Loire. La surveillance des épidémies de grippe à un niveau régional. Exemple de l’épidémie de l’hiver 2014-2015 dans les Pays de la Loire, France. Bull Epidémiol Hebd. 2015;(32-33):604-11. http://www.invs.sante.fr/beh/2015/32-33/2015_32-33_3.html