La grippe est l’infection épidémique qui tue, chaque année, le plus de personnes en France
// Influenza is the epidemic infection that causes the highest number of deaths in France
Quoi de plus banal que la grippe ! C’est une maladie virale, saisonnière, considérée comme bénigne par la plupart des Français. Sa gravité est moins connue ; c’est pourtant la raison qui amène l’Assurance maladie à proposer chaque année, avant la saison hivernale, une prise en charge financière à 100% du vaccin contre la grippe à toutes les personnes à risque : personnes âgées de 65 ans et plus, femmes enceintes, personnes souffrant d’obésité ou atteintes de maladies chroniques. Des milliers de décès sont, chaque année, attribuables à la grippe, essentiellement chez les personnes âgées. Le bilan de la mortalité de l’hiver 2014-2015 indique une surmortalité toutes causes de l’ordre de 18 000 décès au cours de l’épidémie grippale, dont une large partie est probablement attribuable à la grippe. C’est considérable ! La grippe est l’infection épidémique qui tue, chaque année, le plus de personnes en France.
Vu du côté de la santé publique c’est, tous les ans, une vraie mobilisation de l’ensemble des acteurs concernés pour faire face à la grippe saisonnière. L’Assurance maladie, avec le soutien de la Direction générale de la santé, de l’Institut de veille sanitaire (InVS) et de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes), se mobilise pour promouvoir la vaccination. Elle est utile. Même si son efficacité pour prévenir les décès chez les personnes âgées est modérée (de l’ordre de 35%), l’impact de la vaccination contre la grippe saisonnière sur la mortalité des personnes âgées en France est conséquent, avec une estimation d’environ 2 500 décès évités par an sur la période 2000-2009. Il s’agit là d’une moyenne, les chiffres dépendant bien entendu de multiples facteurs : des sous-types de virus circulants, de l’adéquation de la souche vaccinale aux virus circulants, de l’efficacité du vaccin, de l’ampleur et de l’intensité de l’épidémie. Hélas, la couverture vaccinale des personnes âgées baisse. Elle concernait, en 2014, moins de 50% des personnes de plus de 65 ans, alors qu’elle était au début des années 2000 comprise entre 60 et 65%. Sous l’hypothèse d’épidémies identiques, les épidémiologistes estiment à 500 le nombre de décès supplémentaires qui auraient pu être évités si la couverture vaccinale s’était maintenue autour des valeurs moyennes observées entre 2000 et 2009. La promotion de la vaccination chez les personnes âgées, les immunodéprimés, les femmes enceintes, les personnes souffrant d’obésité et celles atteints de maladies chroniques est donc une priorité, d’autant plus que le vaccin est très bien toléré.
Sur le plan de la surveillance, il s’agit de détecter l’apparition des premiers virus grippaux, d’identifier et suivre les caractéristiques des souches virales dominantes, de repérer le démarrage de l’épidémie et d’en apprécier la diffusion géographique, l’intensité et la gravité. Le dispositif vise à alerter les professionnels de santé et la population de l’arrivée de la grippe et de ses conséquences. Les sources d’information coordonnées par l’InVS sont multiples ; elles mobilisent les réseaux de médecins généralistes Sentinelles en lien avec les équipes de l’Inserm-UPMC, SOS Médecins, les urgentistes, les services de réanimation, le Centre national de référence de la grippe, les collectivités de personnes âgées (Ehpad…), l’Insee, etc. C’est une grande partie de leurs données qui est aujourd’hui présentée dans ce BEH consacré à la grippe. Il faut les remercier de leur contribution cruciale au système de surveillance. Il convient aussi de souligner l’intérêt d’une surveillance régionalisée de la grippe, permettant d’animer la surveillance au plus près du terrain en la complétant par des sources locales d’information, pour une aide à la décision plus efficace.
Ainsi est-il possible, grâce à ce système de surveillance, de suivre l’épidémie quasiment en temps réel et de mobiliser, si besoin, les hôpitaux et leurs services de réanimation en cas de tensions hospitalières. L’épidémie de 2014-2015, qui a duré neuf semaines, peut être qualifiée d’intensité forte et de gravité importante au regard du nombre de personnes atteintes de grippe hospitalisées après passage aux urgences, ou admises en réanimation, du nombre de décès et du nombre d’épisodes d’infections respiratoires aiguës observées en collectivité de personnes âgées. La gravité de cette dernière épidémie a été liée en partie à la baisse de la couverture vaccinale, mais surtout à la circulation importante de virus grippaux A(H3N2), dont une fraction non négligeable de variants antigéniques était partiellement couverte par le vaccin.
Ce bilan présenté par le BEH est une bonne synthèse de l’épidémie de grippe 2014-2015. Il faut en tenir compte pour la prochaine saison hivernale. En matière de prévention, il convient de promouvoir la vaccination antigrippale et la mise en place de mesures barrières afin de limiter les transmissions. En matière de surveillance, il s’agit de développer les travaux de dimension régionale, plus proches du terrain, et de promouvoir la certification électronique des décès, afin de limiter au maximum les retards à la déclaration et bénéficier plus rapidement des données sur les causes de décès, ce qui contribuera à évaluer de manière réactive la gravité de l’épidémie.
J’espère que ces données sur l’épidémie de grippe 2014-2015 et sa gravité inciteront nos concitoyens à se faire vacciner contre la grippe.