Prévalences du surpoids et de l’obésité chez l’adulte en Nouvelle-Calédonie : résultats du Baromètre santé 2010

// Prevalence of overweight and obesity in the New Caledonian adult population: Findings of the Health Barometer Survey 2010

Philippe Corsenac1 (philippe.corsenac@ass.nc), Adam Roth2, Bernard Rouchon1, Damian Hoy2
1 Agence sanitaire et sociale de la Nouvelle-Calédonie, Nouméa, Nouvelle-Calédonie
2 Research Evidence and Information Programme, Public Health Division, Secretariat of the Pacific Community, Noumea, New Caledonia
Soumis le 08.03.2014 // Date of submission: 03.08.2014
Mots-clés : Surpoids | Obésité | Prévalence | Données auto-déclarées | Population générale | Adulte | Nouvelle-Calédonie
Keywords: Overweight | Obesity | Prevalence | Self-reported data | Population-based | Adults | New Caledonia

Résumé

Objectifs –

Estimer, dans la population générale calédonienne âgée de 18 à 67 ans, les prévalences du surpoids et de l’obésité en 2010, ainsi que les facteurs de risque sociodémographiques qui leur sont associés.

Méthodes –

Le Baromètre santé de la Nouvelle-Calédonie (BSNC) est une enquête transversale, réalisée pour la première fois en 2010. Elle comprenait deux phases et deux échantillons : un entretien déclaratif en face-à-face (phase 1, n=2 513) et un examen de santé comprenant des mesures anthropométriques (phase 2, n=638). Cet examen n’a cependant été réalisé que sur un sous-échantillon de volontaires issus de la phase 1. Seules les données anthropométriques déclarées ont donc servi pour établir des prévalences 2010 du surpoids et de l’obésité. Elles ont ensuite été analysées en régression logistique polychotomique nominale univariée. Les échantillons d’étude et les résultats ont été redressés par une méthode de calage sur marges (raking ratio) selon le recensement de la population calédonienne 2009 afin d’être représentatifs de la population générale calédonienne.

Résultats –

Les prévalences sont de 27,7% (IC95%:[25,5-29,8]) pour le surpoids et 26,5% (IC95%:[24,5-28,6]) pour l’obésité. Les risques sociodémographiques sont le genre (prédominance masculine du surpoids et féminine de l’obésité), l’âge (risque accru d’obésité pour la femme ; risque égal de surpoids et d’obésité pour l’homme), la province de résidence, le niveau d’éducation et la situation professionnelle (inversement corrélés), ainsi que l’origine ethnique (Mélanésiens et Polynésiens sont plus vulnérables dans les deux sexes).

Conclusion –

Les prévalences de surpoids et d’obésité sont plus importantes en Nouvelle-Calédonie qu’en métropole ; elles sont comparables à celles observées en Australie et en Nouvelle-Zélande, mais moins importantes que dans d’autres pays insulaires de la région Pacifique.

Abstract

Objectives –

To estimate overweight and obesity prevalence and associated socio-demographic risk factors in the New Caledonian adult population aged 18 to 67 years, 2010.

Methods –

The health barometer survey in New Caledonia was conducted for the first time in 2010. The cross-sectional survey included two phases and two samples: I) a face-to-face interview including self-reported anthropometric data (phase 1, n=2,513), and a medical examination including anthropometric measures (phase 2, n=638). The examination was only conducted on a voluntary subsample from phase 1. Only reported anthropometric data were used to establish the 2010 prevalence of overweight and obesity. Data were then analyzed by univariate nominal polychotomic logistic regression. The study samples were weighted by raking ratio procedure based on the 2009 population census in New Caledonia to produce representative samples of the general adult population.

Results –

The prevalences of overweight and obesity were 27.7% (95%CI:[25.5-29.8)] and 26.5% [95%CI:[24.5-28.6)], respectively. The overweight and obesity prevalence depended on gender and predominance such as male overweight and female obesity. The associated socio-demographic risk factors were gender, age group (higher obesity risk for women; same level of overweight and obesity risk for men), province of residence, level of education and professional position (both inversely correlated) and ethnicity with a vulnerability of Melanesians and Polynesians in both genders.

Conclusion –

The overweight and obesity prevalences in New Caledonia are higher than France, similar to the one observed in the neighbouring countries such as Australia and New Zealand, but lower than in other Pacific Island Countries and Territories.

Introduction

Le surpoids et l’obésité de l’adulte sont des problèmes majeurs de santé publique dont la prévalence augmente chaque année dans tous les pays du monde 1,2. En Océanie, la pandémie prend des proportions inquiétantes, notamment dans les populations polynésienne et mélanésienne natives des pays insulaires du Pacifique 3,4,5,6,7.

Surpoids et obésité sont associés à une augmentation du risque de nombreuses maladies chroniques ; ils résultent d’une interaction complexe entre facteurs environnementaux, prédisposition génétique et comportement alimentaire 8,9,10. Comprendre les déterminants psychologiques et sociaux des populations est donc indispensable, notamment chez les Polynésiens et Mélanésiens, plus vulnérables au surpoids et à l’obésité 3.

Les seules prévalences de surpoids et d’obésité ont été établies pour la première fois en Nouvelle-Calédonie en 1997 11. En 2010, l’Agence sanitaire et sociale de la Nouvelle-Calédonie (ASS-NC) a donc entrepris une enquête multithématique sur les comportements, attitudes et croyances en santé : le Baromètre santé de la Nouvelle-Calédonie (BSNC). Cette enquête transversale, portant sur la population générale calédonienne âgée de 18 à 67 ans, comportait deux phases et deux échantillons. La phase 1 était un entretien déclaratif en face-à-face ; la phase 2 était un examen de santé comprenant des mesures biométriques et biologiques réalisées auprès des seuls individus volontaires inclus lors de la phase 1.

Cette étude mesure, en premier lieu, l’écart entre les données anthropométriques déclarées et mesurées disponibles, puis elle estime, pour la population adulte calédonienne, les prévalences 2010 du surpoids et de l’obésité et leurs risques sociodémographiques associés à partir des seules données anthropométriques déclarées issues du BSNC 2010.

Méthodes

Constitution des échantillons (figure)

La phase 1 du BSNC a été réalisée en face-à-face sur les foyers calédoniens. Un échantillonnage semi-aléatoire, associé à une méthode de Kish 12, a été réalisé selon un plan de sondage proportionnel stratifié en grappe. Le premier degré était représenté par une stratification de la Nouvelle-Calédonie en trois zones géographiques, identiques au découpage administratif provincial (Nord, Sud et Îles Loyauté). Puis les communes, unités secondaires, ont été sélectionnées aléatoirement dans les trois strates. Une route des itinéraires et un point géographique initial étaient préalablement attribués à chacune. Leur tirage au sort imposait donc un itinéraire préétabli à l’enquêteur pour choisir les foyers (unités tertiaires). Enfin, au sein de chaque foyer, la personne éligible était celle dont la date anniversaire était la plus proche de la date d’enquête. Chaque foyer sélectionné devait avoir été contacté trois fois sans succès par les enquêteurs avant d’être écarté de l’échantillon.

Figure : Algorithme d’inclusion et d’exclusion des participants dans les échantillons du Baromètre santé de Nouvelle-Calédonie (BSNC) et ceux de l’étude surpoids et obésité, 2010
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Le taux global de participation a été de 77%, soit 2 513 individus pour un effectif attendu de 3 264 personnes. Sur ces 2 513 participants, seuls 1 973 (hors femmes enceintes) ont déclaré leur poids et leur taille, permettant de calculer un indice de masse corporelle (IMC) « déclaré » utilisable dans la présente étude (n1=1 973).

La phase 2 du BSNC a été menée par des infirmières recrutées pour effectuer des mesures biométriques et biologiques. Elles réalisaient ces mesures au domicile des seuls individus volontaires identifiés lors de l’interview de la phase 1, soit initialement 736 individus (29,3% de l’inclusion phase 1). Parmi ceux-ci, seuls 659 participants pouvaient être identifiés entre les deux phases sur un jeu unique de quatre variables (numéro, jour, mois de l’interview et numéro de l’enquêteur) afin de récupérer leurs variables sociodémographiques. L’échantillon de phase 2 final, utilisable pour la présente étude, comportait 638 individus (hors femmes enceintes) ayant un poids et une taille mesurés permettant de calculer un IMC « mesuré » (n2=638).

Un troisième échantillon des personnes, dont des données anthropométriques à la fois déclarées et mesurées étaient disponibles, a été constitué afin de comparer les moyennes de poids, tailles et IMC entre les deux phases du BSNC. Cet échantillon, obtenu par fusion des échantillons des deux phases, comportait 531 individus (n3=531).

Classes de corpulence

L’IMC estime la corpulence d’un individu à partir de son poids et sa taille. Il se calcule en divisant le poids (en kg) par la taille (en m) élevée au carré.

Les classes de corpulence retenues dans la présente étude reprennent les seuils d’IMC recommandés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) 13,14,15 :

  • maigreur : IMC<18,5 kg.m-2 ;
  • corpulence normale : 18,5 kg.m-2≤IMC<25 kg.m-2 ;
  • surpoids : 25 kg.m-2≤IMC<30 kg.m-2 ;
  • obésité : IMC≥30 kg.m-2.

Analyse statistique

Les échantillons bruts (n1,n2,n3) ont été redressés par calage sur marges (raking ratio sur le genre, la province de résidence et l’âge quantitatif) 16 afin de produire des échantillons représentatifs de la population générale calédonienne âgée de 18 à 67 ans selon les estimations de recensement de 2009 (1).

Les prévalences de corpulences ont été établies sur les données anthropométriques déclarées (n1=1 973) et mesurées (n2=638) en population totale, puis respectivement chez les hommes et les femmes. Elles ont été comparées avec un test du Chi2 de Rao-Scott pour prendre en compte les pondérations de redressement. Les prévalences de corpulences « déclarées » ont été analysées en régression logistique polychotomique nominale univariée. La classe de référence de la variable à expliquer est la corpulence normale.

Les moyennes « déclarées et mesurées » des variables poids, tailles et IMC ont été croisées au genre, puis comparées deux à deux, entre les deux phases avec un test de Student pour séries appariées (n3=531).

Les analyses ont été menées sous le logiciel SAS® 9.3. Les bases de données du BSNC ont fait l’objet d’une déclaration et d’un agrément de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) sous le n°1500901.

Résultats

Distribution sociodémographique des échantillons

Après redressement, les marges des échantillons n1 et n2 respectaient l’ajustement de la population cible selon le genre et la province d’habitation (tableau 1). Les écarts observés aux marges catégorielles de l’âge s’expliquent par le choix d’un redressement quantitatif pour cette variable. Pour les autres variables sociodémographiques, les ajustements des échantillons redressés n1 et n2 étaient significativement différents (p<0,0001, Chi2 d’ajustement) de la population cible. Une surreprésentation des chômeurs et des individus vivant en couple (au détriment des actifs et des célibataires, respectivement) restait observable.

L’ajustement de l’échantillon n3 s’écartait quant à lui significativement de la population cible pour l’ensemble des variables sociodémographiques (p<0,0001, Chi2 d’ajustement).

Tableau 1 : Composition sociodémographique des échantillons du Baromètre santé de Nouvelle-Calédonie 2010, des échantillons de l’étude du surpoids et de l’obésité, et de la population calédonienne âgée de 18 à 67 ans selon le recensement 2009
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Comparaison des moyennes de poids, taille et IMC selon le genre entre les deux phases

Chez les femmes, le poids moyen déclaré était significativement inférieur au poids moyen mesuré d’environ 2 kg (p<0,0001) ; ce n’était pas le cas chez les hommes (p=0,4), qui connaissaient ou déclaraient leur poids de manière exacte (tableau 2).

La taille moyenne déclarée était significativement supérieure à la taille moyenne mesurée, chez les hommes comme chez les femmes (respectivement p=0,01 et p<0,0001). Hommes et femmes surestimaient leur taille d’environ 1 cm.

L’IMC moyen chez les hommes ne différait pas significativement entre les deux phases (p=0,07), contrairement aux femmes (p<0,0001), dont la sous-estimation de leurs poids faisait perdre 1 point à l’IMC déclaré par rapport à sa valeur mesurée.

Les écarts observés entre des données anthropométriques déclarées et mesurées disponibles (moyennes des poids, tailles et IMC) et les conditions d’interprétation de la phase 2 (cf. infra), légitimaient l’utilisation des données anthropométriques déclarées afin d’établir les prévalences 2010 du surpoids et de l’obésité et leurs facteurs de risque sociodémographiques associés.

Tableau 2 : Répartition des effectifs bruts et moyennes déclarées et mesurées des poids, tailles et IMC, selon le sexe dans l’échantillon fusionné (n3=531) de l’étude surpoids et obésité en Nouvelle-Calédonie, 2010
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Prévalences du surpoids et de l’obésité en 2010, selon les données anthropométriques déclarées

Plus de la moitié (51,4%) de la population calédonienne adulte était en surpoids (27,7% ; intervalle de confiance à 95%, IC95%:[25,5-29,8]) ou obèse (26,5% ; IC95%:[24,5-28,6]) (tableau 3). L’analyse univariée selon le genre révèle des prédominances masculine du surpoids et féminine de l’obésité (p=0,0003).

Tableau 3 : Prévalences de corpulence déclarées et mesurées (insuffisance pondérale, normal, surpoids et obésité) dans la population générale calédonienne de 18 à 67 ans, estimées par l’étude surpoids et obésité à partir des données anthropométriques déclarées du Baromètre santé de Nouvelle-Calédonie, 2010
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Risques sociodémographiques univariés associés chez les femmes, à partir des données anthropométriques déclarées (tableau 4)

Les femmes calédoniennes présentaient un risque faible d’être en insuffisance pondérale.

Chez les femmes, surpoids et obésité étaient significativement 2 fois plus importants dans les Îles Loyauté et la Province Nord que dans la Province Sud.

L’avancée en âge était significativement liée à une prise de poids, qui mène les femmes calédoniennes non pas vers le surpoids mais directement vers l’obésité.

Les femmes polynésiennes avaient le même risque d’être en surpoids que les femmes mélanésiennes. Les femmes d’origine européenne (nées ou non en Nouvelle-Calédonie) et asiatique avaient au contraire entre 2 et 3 fois moins de risque d’être en surpoids que les femmes d’ethnies océaniennes (mélanésiennes et polynésiennes). Le risque d’obésité était le plus prononcé chez les femmes polynésiennes, avec 2,7 fois plus de risque que les femmes mélanésiennes d’être obèses. Toutes les autres femmes d’origine calédonienne avaient entre 3 et 10 fois moins de risque de devenir obèses que celles d’origine mélanésienne.

Sans prendre en compte la surreprésentation des femmes mariées au détriment des célibataires, les femmes mariées, pacsées, en union libre ou veuves étaient 2 à 3 fois plus à risque que les femmes célibataires de devenir directement obèses, sans s’arrêter au stade du surpoids.

L’augmentation du niveau d’études diminuait significativement le risque de surpoids ou d’obésité de la population féminine. Sans prise en compte de la surreprésentation des chômeurs et des retraités, seules les femmes élèves ou étudiantes avaient 3 fois moins de risque d’être obèses que les femmes au chômage.

Tableau 4 : Analyse univariée en régression logistique polychotomique nominale des prévalences de corpulence chez les femmes selon les variables sociodémographiques, dans la population générale de 18 à 67 ans, données anthropométriques déclarées issues du Baromètre santé de Nouvelle-Calédonie, 2010
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Risques sociodémographiques univariés associés chez les hommes, à partir les données anthropométriques déclarées (tableau 5)

Les hommes calédoniens ne présentaient aucun risque d’être en insuffisance pondérale.

Les hommes habitant la Province Nord avaient 1,8 fois plus de risque de devenir obèses que ceux de la Province Sud.

L’avancée en âge était significativement liée à une prise de poids, qui mène les hommes calédoniens indifféremment vers le surpoids ou l’obésité. Néanmoins, le surpoids s’installait à des âges plus précoces que l’obésité.

Les hommes polynésiens étaient les plus à risque d’être en surpoids, avec 2,8 fois plus de risque que les hommes mélanésiens (référence). Tous les autres hommes d’origine calédonienne partageaient le même risque que les hommes mélanésiens. Seuls, les européens immigrés en Nouvelle-Calédonie avaient 1,7 fois moins de risque d’être en surpoids. Pour l’obésité, ce sont les hommes mélanésiens et polynésiens qui avaient le plus de risque de devenir obèses. Tous les autres hommes avaient entre 5 et 25 fois moins de risque (hormis les métis) de devenir obèses que les hommes mélanésiens. De plus, la prise de poids des hommes mélanésiens les conduisait directement à l’obésité sans risque significatif de s’arrêter au stade du surpoids (analyse avec une autre classe de référence que celle des Mélanésiens).

Sans prise en compte de la surreprésentation des hommes mariés par rapport aux célibataires, les hommes calédoniens mariés, pacsés ou en union libre semblaient 2 fois plus à risque que les hommes célibataires d’être en surpoids et de devenir obèses.

L’augmentation du niveau d’études diminuait significativement le risque du surpoids et d’obésité de la population masculine, mais à partir de niveaux d’études plus élevés que ceux des femmes.

Sans prise en compte de la surreprésentation des chômeurs et des retraités, les hommes chômeurs, actifs ou retraités partageaient les mêmes risques de surpoids et d’obésité. Les élèves ou étudiants avaient respectivement 5 et 10 fois moins de risque d’être en surpoids ou de devenir obèses que les hommes chômeurs. Un homme au foyer ou sans activité, sans être au chômage, avait 2,5 fois moins de risque d’être en surpoids par rapport aux hommes chômeurs, mais le risque de devenir obèse était le même pour ces deux classes d’individus.

Tableau 5 : Analyse univariée en régression logistique polychotomique nominale des prévalences de corpulence chez les hommes selon les variables sociodémographiques, dans la population générale de 18 à 67 ans, données anthropométriques déclarées issues du Baromètre santé de Nouvelle-Calédonie, 2010
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Discussion

Cette étude permet d’établir les prévalences de surpoids et d’obésité dans la population générale calédonienne âgée de 18 à 67 ans en 2010, et leurs risques sociodémographiques associés. Elle montre une sous-estimation des poids déclarés (donc de l’IMC) par rapport aux poids mesurés des Calédoniens, significativement différente selon le genre comme dans les autres populations océaniennes 4,17. Néanmoins, seules les prévalences de corpulences déclarées ont été extrapolées à la population générale (cf. infra) : elles sont de 27,7% (IC95%:[25,5-29,8]) de Calédoniens en surpoids et 26,5% (IC95%:[24,5-28,6]) obèses, soit 54,1% de la population. En 2010, le surpoids apparaît dans cette étude à prédominance masculine et l’obésité à prédominance féminine. Les risques sociodémographiques associés sont le genre, l’âge (risque majoré d’obésité pour les femmes, de surpoids ou obésité pour les hommes), la province de résidence, le niveau d’éducation et la situation professionnelle (tous deux inversement corrélés), ainsi que l’origine ethnique (Mélanésiens et Polynésiens sont plus vulnérables dans les deux sexes).

Les écarts observés entre des données anthropométriques déclarées et mesurées sont minimes (n3=531 ; tableau 2). En revanche, les prévalences de corpulence déclarées et mesurées (établies respectivement sur les échantillons n1=1 973 et n2=638 ; tableau 3) montrent une grande disparité.

La première limite de l’étude serait due à la taille, l’hétérogénéité et donc la représentativité de l’échantillon de comparaison (n3=531) des données anthropométriques déclarées et mesurées. Les pondérations de redressement augmentent inversement à la baisse de l’effectif et de l’hétérogénéité. Ce problème se pose pour les trois échantillons ; néanmoins, le redressement ne parvient pas à caler l’échantillon n3 à l’ajustement de population cible, car il est restreint et biaisé par des sélections successives (figure). L’échantillon de phase 2 (n2=638) présente les mêmes défauts. Il ne contient au final que des volontaires, soit 25,4% de l’inclusion de la phase 1, dont seulement 40 habitants de la Province Nord (fréquence brute). La deuxième limite est la comparabilité des échantillons n1 et n2. Leurs tailles respectives sont convenables (n1=1 973 et n2=638). Ils permettent de plus de mettre en évidence des écarts conséquents entre les prévalences de corpulences déclarées et mesurées (tableau 3). Néanmoins, leurs tailles et leurs hétérogénéités sont inégales (tableau 1). De plus, les prévalences de corpulences mesurées ne parviennent pas à mettre en évidence de différence significative selon le genre (p=0,3), ce qui est contraire aux données de la littérature. Ces résultats et limitations ont donc permis de faire le choix d’utiliser les données anthropométriques déclarées (n1=1 973) pour calculer les prévalences populationnelles, car elles étaient moins biaisées.

Ces prévalences déclarées ne sont pas non plus exemptes de bais. Le premier est un biais d’information (non-réponse des participants) : les valeurs anthropométriques déclarées manquantes ont réduit l’information disponible de la phase 1, réduisant l’effectif des participants ayant une information utilisable de 2 513 à 1 973 individus (échantillon n1). Le deuxième est inhérent à l’étude BSNC, qui a sélectionné davantage de chômeurs et d’individus vivant en couple (au détriment des actifs et des célibataires) ; cette surreprésentation demeure même après redressement. Ce biais de sélection est pourtant moins important pour l’échantillon n1 qu’il ne l’a été pour les échantillons n2 (et même n3). De plus, l’échantillon n1 a pu être calé à l’ajustement de la population cible (pour les variables de calage) avec des pondérations de redressement qui n’excédaient pas 2.

Dans la présente étude, les prévalences mesurées s’établissent chez les femmes à 25,9% (IC95%:[20,7-31,1]) pour le surpoids et 35,8% (IC95%:[30,3-41,3]) pour l’obésité. Chez les hommes, les prévalences mesurées s’établissent à 33,3% (IC95%:[25,3-41,2]) pour le surpoids et 30,8% (IC95%:[23,2-38,4]) pour l’obésité. En comparaison, l’enquête calédonienne Caldia 11 avait mesuré en 1997 des prévalences, pour les hommes et les femmes, de 43% et 52% chez les Européens, 46% et 72% chez les Mélanésiens et 72% et 83% chez les Polynésiens. Ces prévalences ajustées selon le genre et l’origine ethnique réunissaient surpoids et obésité (IMC≥27 kg.m-2 pour les hommes et IMC≥25 kg.m-2 pour les femmes). Dans l’enquête Caldia, la définition de l’IMC, les critères d’inclusion (dépistage des diabétiques dans une population âgée de 30 à 59 ans) et l’échantillonnage (méthode des quotas) différaient donc de la présente étude, ce qui les rend peu comparables. Cependant, Caldia démontrait déjà une variabilité selon le genre et l’ethnicité, où Mélanésiens et Polynésiens étaient les plus vulnérables.

En France, l’enquête déclarative Obépi montrait en 2006 que 30,6% des Français adultes étaient en surpoids et 13,1% obèses. En 2009, ils étaient 31,9% en surpoids et 14,5% obèses 18,19. En Polynésie française, des prévalences mesurées de l’obésité ont été estimées en 2010 entre 33,0% 5 et 40,4% 6 et le surpoids (obésité comprise) à 69,9% 5 chez les 18-64 ans (méthode STEPwise), avec une prédominance masculine du surpoids et féminine de l’obésité, comme dans la présente étude. 71,1% des hommes et 68,7% des femmes avaient un IMC≥25 kg.m-2, et 38,9% des hommes et 41,9% de femmes avaient un IMC≥30 kg.m-2.

Dans le reste de la région Pacifique, l’utilisation de données anthropométriques déclarées représente également la norme, malgré une sous-estimation démontrée 4,7, y compris les données 2010 du système d’information global de l’OMS 20. Ce dernier montre qu’en certains endroits, plus de 80% des Océaniens, hommes ou femmes, sont en surpoids ou obèses 20. Par exemple, la prévalence de l’obésité (selon une définition identique à la présente étude) est, chez les hommes, de 42,2% aux Samoa, 72,1% aux Îles Cook, 64% aux Tonga, 40,7% à Niue, entre 16,2 et 21,7% au Vanuatu, 28,4% en Australie et 28,9% en Nouvelle-Zélande. Chez les femmes, elle est de 60,9% aux Samoa, 73,4% aux Îles Cook, 78,1% aux Tonga, 64,7% à Niue, entre 31,4 et 73,9% au Vanuatu, 29,1% en Australie et 39,9% en Nouvelle-Zélande.

L’avancée en âge des adultes océaniens les expose, de plus, à 11 fois plus de risque d’être obèses que les Caucasiens 4.

En l’absence de standardisation (sur la population OMS) des prévalences populationnelles, il est difficile d’établir une comparaison entre pays. Si les problèmes de surpoids et surtout d’obésité semblent plus importants en Nouvelle-Calédonie qu’en France métropolitaine, ils restent comparables à ceux des voisins australiens et néo-zélandais où le brassage ethnique est plus hétérogène (Océaniens et Caucasiens). Ce sont les Calédoniens d’origine mélanésienne et polynésienne qui payent le plus lourd tribut, sans toutefois atteindre les valeurs des pics épidémiques d’autres pays insulaires du Pacifique.

Références

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Citer cet article

Corsenac P, Roth A, Rouchon B, Hoy D. Prévalences du surpoids et de l’obésité chez l’adulte en Nouvelle-Calédonie : résultats du Baromètre santé 2010. Bull Epidémiol Hebd. 2015;(11-12):190-9. http://www.invs.sante.fr/beh/2015/11-12/2015_11-12_3.html

1 Décret n°2010-1446 du 24 novembre 2010 authentifiant les résultats du recensement de la population effectué en Nouvelle-Calédonie en 2009. http://www.legifrance.gouv.fr/affich
Texte.do?cidTexte=
JORFTEXT000023137393