Découvertes de séropositivité VIH et sida – France, 2003-2012

// New HIV and AIDS diagnoses – France, 2003-2012

Françoise Cazein1 (f.cazein@invs.sante.fr), Florence Lot1, Josiane Pillonel1, Yann Le Strat1, Cécile Sommen1, Roselyne Pinget1, Stéphane Le Vu1, Sylvie Brunet2, Damien Thierry2, Denys Brand2, Marlène Leclerc1, Lotfi Benyelles1, Clara Da Costa1, Francis Barin2, Caroline Semaille1
1 Institut de veille sanitaire, Saint-Maurice, France
2 Inserm U966, Centre national de référence du VIH, Tours, France
Soumis le 19.12.2013 // Date of submission: 12.19.2013
Mots-clés : VIH | Sida | Surveillance | Déclaration obligatoire | Surveillance virologique | France
Keywords: HIV | AIDS | Epidemiological surveillance | Mandatory reporting | Virological surveillance | France

Résumé

Cet article présente les données de surveillance de l’infection à VIH et du sida en France en 2012, à partir de la notification obligatoire du VIH et du sida et de la surveillance virologique, ainsi que leur évolution depuis 2003.

Environ 6 400 personnes (IC95%:[5 974-6 770]) ont découvert leur séropositivité VIH en 2012, dont 42% d’hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH), 38% d’hétérosexuels nés à l’étranger, 18% d’hétérosexuels nés en France et 1% d’usagers de drogues injectables (UDI). Entre 2011 et 2012, le nombre de découvertes chez les HSH a augmenté (+14%) alors qu’il est resté stable chez les hétérosexuels et les UDI.

Parmi les découvertes de séropositivité VIH en 2012, 27% étaient tardives (<200 CD4/mm3 ou stade sida) et 39% précoces (≥500 CD4/mm3 ou primo-infection). Les diagnostics tardifs concernaient principalement les personnes de 50 ans et plus et les hommes hétérosexuels. Les diagnostics précoces étaient plus fréquents chez les HSH. L’augmentation du nombre de découvertes en 2012 chez les HSH ne concernait que les diagnostics précoces, en lien avec une amélioration du recours au dépistage des HSH récemment infectés.

Les disparités régionales observées depuis 2003 ont persisté en 2012 : le nombre de découvertes de séropositivité rapporté à la population était plus élevé dans les départements français d’Amérique et en Île-de-France.

En 2012, 1 500 (IC95%:[1 368-1 647]) cas de sida ont été diagnostiqués, dont 85% chez des personnes n’ayant pas bénéficié auparavant d’un traitement antirétroviral.

Abstract

This article presents surveillance data on HIV infection and AIDS diagnoses in France in 2012, based on HIV and AIDS cases mandatory reporting and virological surveillance, and their evolution since 2003.

The number of new HIV diagnoses in 2012 was estimated to be approximately 6,400 (CI95%:[5.974-6.770]), of which 42% were men who have sex with men (MSM), 38% were heterosexuals born abroad, 18% were heterosexuals born in France, and 1% were injecting drug users (IDUs). Between 2011 and 2012, the number of new HIV diagnoses increased in MSM (+14%), whereas it remained stable in heterosexuals and IDUs.

Among new HIV diagnoses in 2012, 27% were diagnosed at a late stage (<200 CD4/mm3 or AIDS) and 39% were diagnosed at an early stage (≥500 CD4/mm3 or acute infection). Older people and heterosexual men were more likely to be diagnosed at a late stage. Only early diagnoses increase in 2012 in MSM, related to a better uptake of screening among those recently infected.

The regional disparities observed since 2003 continued in 2012: the number of HIV diagnoses by million inhabitants is higher in the French departments of America and in the Paris region.

The number of AIDS diagnoses in 2012 was estimated to be approximately 1,500 (CI95%:[1.368-1.647]), 85% of them had not received any antiretroviral therapy before AIDS.

Introduction

Cet article présente les données de surveillance des diagnostics d’infection à VIH et de sida en France en 2012, et leur évolution depuis 2003, à partir de la déclaration obligatoire du VIH et du sida coordonnée par l’Institut de veille sanitaire (InVS) et de la surveillance virologique, réalisée par le Centre national de référence (CNR) du VIH.

Objectifs et méthodes

La déclaration obligatoire des diagnostics d’infection VIH (DO-VIH)

Les objectifs de la DO-VIH, mise en place en 2003, sont de connaître le nombre et les caractéristiques des personnes découvrant leur séropositivité VIH, d’en suivre l’évolution et de fournir des données permettant d’estimer le nombre de nouvelles contaminations (incidence). Les modalités de la DO-VIH ont été décrites précédemment 1,2.

À partir du nombre de cas déclarés, l’estimation du nombre de découvertes de séropositivité prend en compte les délais de déclaration et l’exhaustivité de la DO-VIH. La correction pour les délais de déclaration est basée sur la distribution des délais des années antérieures et repose sur l’hypothèse de leur stabilité au cours du temps. L’exhaustivité est calculée en comparant le nombre de notifications reçues, doublons compris, avec le nombre de sérologies positives non anonymes estimé à partir de LaboVIH 2,3, système de surveillance de l’activité de dépistage du VIH dans les laboratoires. Elle a été estimée à 72% (IC95%:[69,8-73,4]) en 2012. De plus, les données sont corrigées pour les valeurs manquantes 2.

Un indicateur de diagnostic précoce/tardif, construit à partir de la combinaison du stade clinique et du nombre de CD4, est disponible depuis 2008. Est considéré comme précoce tout diagnostic au stade de primo-infection ou avec des CD4 supérieurs ou égaux à 500/mm3 en l’absence de pathologie sida. Tout diagnostic au stade sida ou avec des CD4 inférieurs à 200/mm3 en dehors d’une primo-infection est considéré comme tardif.

Les analyses de tendances sont testées par régression linéaire en utilisant la méthode des moindres carrés pondérés par la variance.

Cinq variables, ajoutées fin 2011 au questionnaire de déclaration obligatoire du VIH, ont été analysées uniquement pour l’année 2012, sur des données brutes (non corrigées) : l’initiative de la sérologie VIH, la charge virale VIH au moment du diagnostic, les co-infections par les virus des hépatites B et C et la présence d’infections sexuellement transmissibles (IST).

La surveillance virologique du VIH

La surveillance virologique, dont le fonctionnement a été décrit précédemment 2, comprend un test d’infection récente 4 et un sérotypage 5. Elle a comme objectifs d’estimer la part des contaminations récentes parmi les découvertes de séropositivité, permettant ainsi de calculer l’incidence des contaminations par le VIH 6, et de suivre l’évolution des groupes et des sous-types du virus circulant en France. La surveillance virologique est volontaire pour le patient (2% de refus en 2012) et pour le biologiste (19% de non-participation en 2012).

La déclaration obligatoire du sida (DO-sida)

Les objectifs de la DO-sida, mise en place au début des années 1980, sont de connaître le nombre et les caractéristiques des personnes atteignant le stade le plus avancé de l’infection à VIH, en raison soit d’un échec thérapeutique, soit d’un non accès à un dépistage et/ou à un traitement antirétroviral. Ses modalités ont été décrites précédemment 1,7.

Le nombre de nouveaux diagnostics de sida est estimé en prenant en compte les délais de déclaration et l’exhaustivité de la DO-sida. Celle-ci a été estimée par comparaison avec la base de la French Hospital Database on HIV (FHDH) et celle du Groupe épidémiologique du sida en Aquitaine (GECSA) par méthode de capture-recapture 8. La dernière estimation d’exhaustivité est de 59% (IC95:[58,6-60,7]) pour la période 2007-2009.

Résultats

Découvertes de séropositivité VIH et surveillance virologique

Le nombre de personnes ayant découvert leur séropositivité VIH en 2012 est estimé à 6 372 (IC95%:[5 974-6 770]) à partir de 4 863 déclarations reçues à l’InVS du 1er janvier au 31 décembre 2012.

Le nombre de découvertes de séropositivité, après avoir diminué significativement entre 2004 et 2008 (p<10-3), s’est depuis stabilisé autour de 6 200 par an (figure 1). Les laboratoires de ville ont été à l’origine de 33% des découvertes de séropositivité en 2012.

Figure 1 : Nombre estimé de découvertes de séropositivité VIH en France, 2003-2012 (données au 31/12/2012 corrigées pour les délais de déclaration et la sous-déclaration)
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Sexe, âge et pays de naissance

La proportion d’hommes parmi les personnes découvrant leur séropositivité a continué d’augmenter en 2012, où elle a atteint 69% alors qu’elle était de 57% en 2003 (p<10-3).

Les personnes de 25 à 49 ans représentaient 70% des découvertes de séropositivité en 2012, 18% étaient âgées de 50 ans et plus et 12% avaient moins de 25 ans. Entre 2003 et 2012, la proportion de jeunes de moins de 25 ans n’a pas évolué de façon significative, alors que celle des 25-49 ans a diminué (de 77% à 70%, p<10-3) et celle de 50 ans et plus a augmenté (de 13% à 18%, p<10-3).

Plus de la moitié (54%) des personnes ayant découvert leur séropositivité en 2012 étaient nées en France (tableau 1) et 31% en Afrique subsaharienne, principalement au Cameroun, en Côte-d’Ivoire, au Congo-Brazzaville, en Guinée, en République démocratique du Congo et au Mali. La majorité des femmes (61%) étaient nées en Afrique subsaharienne.

La proportion de personnes nées en France a régulièrement augmenté entre 2003 et 2012 (de 41% à 54%, p<10-3). À l’inverse, la part des personnes nées en Afrique subsaharienne a diminué depuis 2003 (de 44% à 31%, p<10-3).

Tableau 1 : Découvertes de séropositivité VIH en France en 2012 par mode de contamination, sexe et pays de naissance (données au 31/12/2012 corrigées pour les délais de déclaration, la sous-déclaration et les valeurs manquantes)
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Mode de contamination probable

Parmi les personnes ayant découvert leur séropositivité en 2012, 56% ont été contaminées par rapports hétérosexuels (98% des femmes et 37% des hommes), 42% par rapports sexuels entre hommes et 1% par usage de drogues injectables. Au cours des 10 dernières années, la diminution du nombre de découvertes chez des hétérosexuels contraste avec l’augmentation chez les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) (figure 2). Les modes de contamination diffèrent nettement selon le pays de naissance.

En 2012, environ 3 500 (IC95%:[3 298-3 816]) personnes contaminées par rapports hétérosexuels ont découvert leur séropositivité, dont 54% de femmes. Les jeunes de moins de 25 ans représentaient 12% des femmes et 6% des hommes hétérosexuels, alors que les seniors de 50 ans ou plus représentaient 16% des femmes et 30% des hommes. La moitié des hétérosexuels (52%) étaient nés en Afrique subsaharienne (tableau 1).

En 2012, le nombre de découvertes de séropositivité chez les HSH est estimé à 2 600 (IC95%:[2 439-2 856]). Parmi eux, 15% avaient moins de 25 ans et 14% avaient 50 ans et plus. Ils étaient très majoritairement (85%) nés en France.

Environ 80 (IC95%:[48-107]) usagers de drogues injectables (UDI) ont découvert leur séropositivité en 2012, dont 8% avaient moins de 25 ans et 19% avaient 50 ans ou plus. La moitié d’entre eux (51%) étaient nés à l’étranger, surtout en Europe de l’Est et en Europe centrale.

Figure 2 : Découvertes de séropositivité VIH par mode de contamination, sexe, pays de naissance et année de diagnostic, France, 2003-2012 (données au 31/12/2012 corrigées pour les délais de déclaration, la sous-déclaration et les valeurs manquantes)
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Circonstances de réalisation de la sérologie VIH

Le motif de dépistage le plus fréquent restait, en 2012, la présence de signes cliniques liés au VIH (31%, en diminution depuis 2007, p<10-3) ; dans un quart de ces cas, il s’agissait de signes de primo-infection et, dans les autres cas, de signes d’infection plus avancée. Les autres motifs les plus courants étaient une exposition récente au VIH (22%) et un bilan systématique (21%). Les dépistages orientés (sérologies VIH proposées devant des symptômes évoquant une autre pathologie, ou en raison de prises de risque anciennes) représentaient une part croissante des diagnostics : 11% en 2012 alors qu’ils ne représentaient que 2% des diagnostics en 2007.

Les motifs de dépistage différaient selon le mode de contamination. La présence de signes cliniques était un motif de dépistage plus fréquent chez les hommes hétérosexuels (37% chez ceux nés en France et 46% chez ceux nés à l’étranger), alors que le recours au test après une exposition récente au VIH était plus fréquent chez les HSH (30%). La sérologie VIH réalisée lors d’un bilan systématique était plus fréquente chez les femmes contaminées par rapports hétérosexuels (27% de celles nées en France, 42% de celles nées à l’étranger), notamment en raison du bilan prénatal. Le dépistage orienté était plus fréquent parmi les UDI (22%).

La sérologie VIH a été réalisée plus souvent à l’initiative du médecin (76% des diagnostics en 2012) qu’à la demande du patient.

Stade clinique au moment de la découverte de la séropositivité

Parmi les personnes ayant découvert leur séropositivité en 2012, 12% étaient au stade de primo-infection symptomatique, 63% à un stade asymptomatique, 12% à un stade symptomatique non sida, et 13% au stade sida.

L’évolution récente a montré, en 2012, une augmentation du nombre de découvertes dès la primo-infection par rapport à 2011 (p=0,003), alors que le nombre de diagnostics aux stades asymptomatique, symptomatique ou sida restait stable.

Statut immunologique et charge virale

Parmi les personnes ayant découvert leur séropositivité VIH en 2012, 26% avaient moins de 200 lymphocytes CD4/mm3 au moment du diagnostic, 20% entre 200 et 349, 21% entre 350 et 499 et 33% avaient au moins 500 CD4/mm3.

Lorsque la charge virale était renseignée (46% des découvertes en 2012), elle était supérieure ou égale à 100 000 copies/ml pour 43% des découvertes de séropositivité. Cette proportion était plus élevée parmi les découvertes au stade sida (75%) ou de primo-infection (73%) que parmi les découvertes à un stade asymptomatique (28%).

Caractère précoce ou tardif du diagnostic

Selon l’indicateur défini dans la méthode, 27% des découvertes de séropositivité en 2012 étaient tardives et 39% précoces (1). Le diagnostic précoce était plus fréquent en ville, chez les moins de 25 ans et les HSH. Le diagnostic tardif concernait principalement les personnes de 50 ans et plus et les hommes hétérosexuels, qu’ils soient nés en France ou à l’étranger (figure 3).

Les diagnostics précoces ont augmenté en 2012 par rapport à 2011 uniquement chez les HSH (47% en 2011, 52% en 2012 ; p=0,02), sans augmentation significative chez les hétérosexuels (27% en 2011, 29% en 2012).

Figure 3 : Caractère précoce ou tardif * des nouveaux diagnostics d’infection à VIH en France en 2012 (données au 31/12/2012 corrigées pour les délais de déclaration, la sous-déclaration et les valeurs manquantes)
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Test d’infection récente

La part des infections récentes parmi les découvertes de séropositivité VIH-1 chez les adultes était de 30% en 2012. Elle était beaucoup plus élevée chez les HSH (47%) que chez les hétérosexuels nés en France (28%) ou chez ceux nés à l’étranger (14%). La part des infections récentes diminuait avec l’âge : elle était de 40% chez les 15-24 ans, de 30% chez les 25-49 ans et de 26% chez les 50 ans et plus.

La proportion d’infections récentes a augmenté entre 2011 et 2012 chez les HSH (de 42% à 47%, p=0,01), mais pas chez les hétérosexuels.

Évolution des virus circulant en France

Parmi les découvertes de séropositivité en 2012, 1,0% (IC95%:[0,6-1,4]) était lié à un VIH-2, principalement chez des personnes nées en Côte-d’Ivoire ou au Sénégal. Aucune n’était liée à un VIH-1 de groupe O.

Parmi les VIH-1, la proportion de sous-types non-B a atteint 43% en 2012. Cette proportion est stable par rapport à 2011, après avoir augmenté depuis 2007 (38%). La proportion de sous-types non-B était plus élevée chez les hétérosexuels nés en Afrique subsaharienne (74%) que chez ceux nés en France (38%) et que chez les HSH (25%). Les caractéristiques épidémiologiques selon le type de virus ont été décrites précédemment 9.

Le sérotype B étant quasiment inexistant en Afrique subsaharienne, la proportion de sérotypes B chez les hétérosexuels nés en Afrique subsaharienne (26%) indique qu’au moins un quart de ces personnes se sont contaminées en France, ou tout au moins en Europe.

Co-infections

Parmi les 42% de découvertes de séropositivité VIH en 2012, renseignées pour les co-infections par les virus des hépatites B (antigène HBs) et C (anticorps anti-VHC), la part des co-infections par le VHB était de 5%. La part des co-infections par le VHC était de 5% également pour l’ensemble des cas, et de 78% chez les UDI.

Parmi les 37% de découvertes pour lesquelles la présence d’IST au moment de la découverte de séropositivité VIH ou dans les 12 mois précédents était renseignée, la fréquence des IST était de 15%, plus élevée chez les HSH (24%) que chez les hétérosexuels (8%).

Répartition géographique

Rapporté à la population française, le nombre de découvertes de séropositivité en 2012 était de 97 cas par million d’habitants. Les taux de découvertes étaient supérieurs à la moyenne nationale en Guyane, Guadeloupe, Île-de-France (IdF), Martinique et Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca) (figure 4a). La région IdF regroupait 42% de l’ensemble des découvertes de séropositivité et les départements d’outre-mer (DOM), 8 % (figure 4b), alors qu’en 2003, ces proportions étaient respectivement de 47% et 10%.

Figure 4 : Découvertes de séropositivité VIH, par région, France, 2012 (données au 31/12/2012 corrigées pour les délais de déclaration, la sous-déclaration et les valeurs manquantes)
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Les caractéristiques des personnes diagnostiquées varient selon la région de domicile (tableau 2).

Le nombre de découvertes de séropositivité a augmenté significativement entre 2011 et 2012 chez les HSH (p=0,02) en métropole hors IdF, et notamment en Paca et dans le Languedoc-Roussillon, mais pas en IdF ni dans les DOM.

Tableau 2 : Découvertes de séropositivité VIH par grande région de domicile, France, 2012 (données au 31/12/2012 corrigées pour les délais de déclaration, la sous-déclaration et les valeurs manquantes)
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Déclaration obligatoire du sida

Le nombre annuel de nouveaux diagnostics de sida diminue lentement depuis le début des années 2000. En 2012, on estime à environ 1 507 (IC95%:[1 368-1 647]) le nombre de nouveaux diagnostics de sida, à partir de 536 déclarations reçues à l’InVS au 31 décembre 2012. Trois quarts (74%) des personnes diagnostiquées étaient des hommes, 28% étaient âgées de 50 ans et plus et 3% avaient moins de 25 ans. Parmi celles dont le mode de contamination était connu, 68% ont été contaminées par rapports hétérosexuels, 24% par rapports homosexuels et 6% par usage de drogues injectables.

Depuis le début de l’épidémie, le nombre total de personnes ayant développé un sida est estimé à environ 88 000 en France. Parmi celles-ci, on estime à 40 000 le nombre de personnes vivantes fin 2012.

Répartition géographique

Rapporté à la population française, le nombre de diagnostics de sida était, en 2012, de 23 cas par million d’habitants. Ce taux était nettement plus élevé en Guyane (165), en Guadeloupe (135), en Martinique (52) et en IdF (43).

Traitement antirétroviral pré-sida

Les diagnostics de sida en 2012 concernaient principalement (85%) des personnes qui n’avaient pas bénéficié d’un traitement antirétroviral pré-sida d’au moins 3 mois, le plus souvent parce que leur séropositivité n’était pas connue. Ce pourcentage était beaucoup plus élevé chez les hétérosexuels (88%) ou les HSH (87%) que chez les UDI (42%).

Le nombre de cas de sida chez des personnes ignorant leur séropositivité avant le sida ne diminue plus depuis 2006, alors que la diminution se poursuit parmi les personnes dont l’infection VIH est diagnostiquée, et qui peuvent donc bénéficier d’un suivi médical de leur infection.

Pathologies inaugurales

En 2012, l’entrée dans le sida s’est faite par une seule pathologie pour 88% des personnes, par deux pathologies associées pour 10% d’entre elles et par au moins trois pathologies associées pour 2%.

Parmi les diagnostics de sida en 2012, 27% des adultes présentaient une pneumocystose isolée comme pathologie inaugurale, 18% une tuberculose isolée, 12% une toxoplasmose cérébrale isolée, 9% une candidose œsophagienne isolée et 8% un sarcome de Kaposi.

Cette répartition est stable depuis 2009, après une augmentation de la part des pneumocystoses, qui était passée de 18% en 2007 à 26% en 2009 (figure 5).

Figure 5 : Principales pathologies isolées inaugurales de sida, France, 2003-2012 (données au 31/12/2012 corrigées pour les délais de déclaration et la sous-déclaration)
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Discussion

En 2012, environ 6 400 personnes ont découvert leur séropositivité VIH et 1 500 ont développé une pathologie indicatrice de sida.

Chez les HSH, le nombre de découvertes de séropositivité VIH a fortement augmenté entre 2011 et 2012 (+14%), alors qu’il augmentait en moyenne de +3% par an entre 2003 et 2011. L’augmentation en 2012 ne concerne que les diagnostics les plus précoces. Plusieurs données convergent dans ce sens : le stade clinique (augmentation des diagnostics aux stades de primo-infection et asymptomatique), le statut immunologique (augmentation du nombre de diagnostics à plus de 500 CD4/mm3), la surveillance virologique (augmentation du nombre de diagnostics d’infection récente). Cette tendance est liée à un recours au dépistage plus précoce des HSH en 2012. Les recommandations de proposer un dépistage répété dans cette population 10, l’utilisation des tests rapides d’orientation diagnostique (TROD) et la communication qui l’a accompagnée ont bénéficié aux HSH récemment exposés, mais n’ont pas eu le même effet incitatif sur les personnes contaminées depuis longtemps. En 2012, parmi plus de 32 000 TROD réalisés, 13 000 l’ont été chez des HSH. L’utilisation de ces TROD a permis à environ 260 personnes de découvrir leur séropositivité en 2012, dont environ deux tiers étaient des HSH 11. Néanmoins, la progression des autres IST depuis plusieurs années chez les HSH, notamment l’augmentation du nombre de syphilis récentes et d’infections à gonocoques 12, ainsi que l’augmentation des comportements sexuels à risque dans cette population, observée dans l’enquête Presse gays et lesbiennes 2011 13, indique un relâchement de la prévention chez les HSH. Une augmentation de l’incidence des contaminations dans cette population est donc probable.

Les recommandations de 2010 10, qui visaient également à élargir le dépistage dans la population générale pour réduire le nombre de personnes ignorant leur séropositivité, ne semblent pas avoir bénéficié aux hétérosexuels en 2012. Le nombre de découvertes de séropositivité en 2012 chez les hétérosexuels est stable par rapport à 2011, et ces diagnostics ne sont pas moins tardifs que les années précédentes : en effet, la répartition par stade clinique et statut immunologique est stable par rapport à 2011. Par ailleurs, l’élargissement préconisé du dépistage a été modéré, puisque l’augmentation de l’activité globale de dépistage depuis ces recommandations est restée modeste (+5% entre 2010 et 2012) 3.

Comme les années précédentes, les hommes hétérosexuels (un quart des découvertes en 2012) ont un recours plus tardif au dépistage que les femmes et que les HSH : 4 sur 10 ne recourent au dépistage qu’à l’apparition de signes cliniques, et ils sont plus souvent diagnostiqués au stade sida et à un stade d’immunodépression sévère. L’enquête ANRS-Vespa2 14, auprès des personnes vivant avec le VIH suivies à l’hôpital en France métropolitaine, retrouve les mêmes différences entre ces trois populations. Elle montre aussi que, chez les hétérosexuels nés en Afrique subsaharienne, le délai entre l’arrivée en France et le diagnostic est relativement court, mais plus long chez les hommes (médiane de 2 ans) que chez les femmes (1 an).

Les personnes âgées de 50 ans ou plus au moment du diagnostic représentent une part croissante des découvertes de séropositivité VIH (19% de l’ensemble des diagnostics en 2012, et 30% chez les hommes hétérosexuels). Elles ont été diagnostiquées plus souvent à l’occasion de signes cliniques et plus tardivement que les plus jeunes. Ce constat reflète un faible recours au dépistage dans cette population, qui peut être lié à une moindre perception du risque de contamination par le VIH, comme cela est observé en population générale 15. Ces données soulignent la nécessité d’intensifier le recours au dépistage, mais aussi la prévention chez les plus de 50 ans, puisqu’une partie des diagnostics à cet âge correspond à des infections récentes.

Le sida est désormais diagnostiqué en majorité chez des personnes qui ignoraient leur séropositivité et n’ont pas pu bénéficier d’une prise en charge adaptée. Une amélioration du dépistage permettrait d’augmenter le nombre de personnes prises en charge, et de diminuer encore le nombre de diagnostics de sida. La fréquence de la pneumocystose, qui représente depuis 2009 près d’un tiers des pathologies inaugurales de sida, en est l’illustration puisqu’elle peut être évitée par une prophylaxie adaptée.

Conclusion

Les efforts en matière de dépistage ont produit des résultats tangibles en 2012 chez les HSH, qui sont diagnostiqués plus précocement qu’en 2011. Malgré ces progrès, les diagnostics tardifs concernent encore 1 HSH sur 6 et 1 hétérosexuel sur 3, soulignant la nécessité de poursuivre les efforts et d’en faire bénéficier aussi les HSH contaminés depuis longtemps, ainsi que les populations autres que les HSH.

Remerciements

Nous remercions vivement tous les professionnels de santé qui ont déclaré leurs diagnostics d’infection VIH ou de sida soit, depuis 2003, 2 600 biologistes et plus de 18 000 médecins, ainsi que les techniciens d’étude clinique, médecins de santé publique des ARS et leurs collaborateurs.

Références

[1] Institut de veille sanitaire. Déclaration obligatoire de l’infection à VIH et du sida. [Internet]. http://www.invs.sante.fr/Dossiers-thematiques/Maladies-infectieuses/VIH-sida-IST/Infection-a-VIH-et-sida/Declaration-obligatoire-de-l-infection-a-VIH-et-du-sida
[2] Cazein F, Le Strat Y, Pillonel J, Lot F, Bousquet V, Pinget R, et al. Dépistage du VIH et découvertes de séropositivité, France, 2003-2010. Bull Epidémiol Hebd. 2011;(43-44):446-54. http://opac.invs.sante.fr/index.php?lvl=notice_display&id=10153
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Citer cet article

Cazein F, Lot F, Pillonel J, Le Strat Y, Sommen C, Pinget R, et al. Découvertes de séropositivité VIH et sida - France, 2003-2012. Bull Epidémiol Hebd. 2014;(9-10):154-62.

* Diagnostic précoce : primo-infection ou CD4 ≥500/mm3 en l’absence de pathologie sida. Diagnostic tardif : stade sida ou CD4 <200/mm3 en dehors d’une primo-infection.
(1) L’indicateur est choisi par convention. Un autre indicateur, qui classerait comme tardifs les diagnostics à moins de 350 CD4/mm3 (hors primo-infection) ou au stade sida, donnerait une proportion de diagnostics tardifs de 44% pour l’ensemble des découvertes en 2012, 31% chez les HSH et 53% chez les hétérosexuels.