Le botulisme humain en France, 2010-2012

// Human botulism in France, 2010-2012

Christelle Mazuet1, Lisa A. King2, Philippe Bouvet1, Christine Legeay1, Jean Sautereau1, Michel R. Popoff1 (mpopoff@pasteur.fr)
1 Centre national de référence des bactéries anaérobies et du botulisme, Institut Pasteur, Paris, France
2 Institut de veille sanitaire, Saint-Maurice, France
Soumis le 31.10.2013 // Date of submission: 10.31.2013
Mots-clés : Botulisme | Déclaration obligatoire | Toxine botulique | Clostridium botulinum | Surveillance épidémiologique | France
Keywords: Botulism | Mandatory notification | Botulinum neurotoxin | Clostridium botulinum | Epidemiological surveillance | France

Résumé

Le botulisme humain est une affection neurologique rare mais grave, qui fait l’objet d’une déclaration obligatoire depuis 1986. Le diagnostic biologique est réalisé par le Centre national de référence des bactéries anaérobies et du botulisme. Cette étude présente la situation du botulisme humain en France sur la période 2010-2012, à partir de ces deux sources de données.

Sur cette période, 24 foyers de botulisme confirmés, impliquant 51 personnes, ont été identifiés : 11 foyers de type A (23 cas), 10 foyers de type B (24 cas) et 1 foyer de type E (1 cas). L'origine du botulisme, quel qu’en soit le type, était alimentaire dans 21 foyers (48 cas) ; les 3 autres cas étaient dus à une colonisation intestinale par Clostridium botulinum, dont 2 cas de botulisme infantile. Tous les cas de botulisme de type A ont été des formes sévères ayant nécessité une réanimation avec ventilation assistée, avec un décès, alors que les cas de botulisme de type B et E ont évolué sur un mode plus bénin. Parmi les 51 patients observés, les symptômes les plus fréquemment rapportés étaient une diplopie (60%) et une dysphagie (59%).

L'aliment responsable a été biologiquement confirmé dans 14 des 21 foyers alimentaires. Des préparations familiales ont été mises en cause dans 10 des foyers alimentaires confirmés (jambon : 6 foyers de botulisme de type B, et conserves de légumes : épinards et asperges dans 2 foyers de botulisme de type B, haricots verts et aubergines dans 2 foyers de type A). Des produits commercialisés ont été responsables des 4 autres foyers confirmés (préparations à base d'olives et de tomates séchées, préparation de pâtes fraîches dans 3 foyers de type A et un pâté dans un foyer de type B).

Abstract

Human botulism is a rare but severe neurological disease which is subjected to mandatory declaration since 1986. The biological diagnosis is performed by the National Reference Center of Anaerobic Bacteria and Botulism. This study reports the situation of human botulism in France during the 2010-2012 period based on data from these two sources.

In France, 24 episodes of confirmed botulism involving 51 persons were identified during the 2010-2012 period: 11 type A episodes (23 cases), 10 type B episodes (24 cases) and one type E episode (1 case). The source of botulism was foodborne in 21 outbreaks (48 cases) and 3 other outbreaks were due to an intestinal colonization by Clostridium botulinum, including two infant botulism cases. All type A botulism cases were severe forms, which required hospitalization with reanimation and mechanical respiratory assistance including one death, whereas type B and E botulism cases were less severe. Among the 51 patients, the most commonly observed symptoms were diplopia (60%) and dysphagia (59%).

The incriminated food has been biologically confirmed in 14 of the 21 episodes of foodborne botulism. Home-made preparations were responsible for 10 foodborne episodes: ham (6 type B episodes), preserved vegetables (spinach and asparagus in 2 type B botulism episodes, French beans and eggplant in 2 type A episodes). Commercial products were responsible for 4 other confirmed episodes (spreadable preparations with olives and dried tomatoes, fresh pasta in 3 type A episodes and pâté in one type B episode).

Introduction

Le botulisme est une affection neurologique rare mais grave, caractérisée par des paralysies flasques descendantes et qui atteint l'homme et l’animal. Elle est due à des neurotoxines botuliques réparties en 8 types (A à H) selon leurs propriétés immunologiques, et en sous-types sur la base de leur analogie de séquences d'acides aminés. Les Clostridium producteurs de neurotoxines botuliques, C. botulinum et les souches neurotoxinogènes de C. butyricum et C. baratii, sont très hétérogènes dans leurs caractères phénotypiques, physiologiques et génétiques. Chaque souche produit généralement un seul type de neurotoxine botulique. Ces Clostridium peuvent se développer dans les aliments, notamment ceux qui sont non acides et qui n'ont pas subi de traitement thermique suffisant. Les conditions d'anaérobiose, comme dans les boîtes ou bocaux de conserves et les emballages sous vide, favorisent la croissance de ces bactéries et ainsi la production de toxines, qui intervient en fin de phase exponentielle de croissance. La consommation de ces aliments contenant de la toxine préformée est responsable d'une intoxination botulique, principale cause du botulisme humain alimentaire. Dans certaines conditions, les Clostridium neurotoxinogènes ingérés peuvent se développer dans le milieu intestinal et produire de la neurotoxine in situ. Le botulisme par colonisation intestinale est observé notamment chez les nourrissons (botulisme infantile). Le botulisme par blessure, qui résulte comme le tétanos d'une contamination de plaie, est rare 1.

Cette étude présente la situation du botulisme humain en France d'après les données du Centre national de référence (CNR) des bactéries anaérobies et du botulisme, sur la période 2010-2012. Elle est complétée par les données issues de la déclaration obligatoire à l'Institut de veille sanitaire (InVS) pour la même période.

Méthodes

En France, le botulisme est à déclaration obligatoire et, depuis 1986, sa déclaration a été individualisée des autres toxi-infections alimentaires collectives 2,3. Le diagnostic clinique d’un seul cas, même en l’absence de confirmation biologique, doit donner lieu à un signalement immédiat qui permet aux autorités sanitaires (Agences régionales de santé et Directions départementales de la protection des populations) de réaliser une enquête afin d’identifier l’origine de la contamination et mettre en œuvre les mesures de prévention adaptées (retrait d'un aliment contaminé de production familiale, artisanale ou industrielle). Depuis 1998, le CNR des bactéries anaérobies et du botulisme participe à la surveillance du botulisme humain en signalant à l’InVS les cas confirmés biologiquement.

La fiche de déclaration obligatoire du botulisme recueille des informations démographiques, cliniques et épidémiologiques sur les patients et fournit les premières informations sur une source alimentaire suspectée. Ces informations sont complétées lors d’entretiens entre les autorités sanitaires et les médecins déclarants et les patients (ou leur famille).

Le diagnostic biologique repose sur la mise en évidence de toxine botulique dans le sérum des malades. La recherche de toxine botulique ainsi que de spores et/ou formes végétatives de C. botulinum est également réalisée sur un échantillon de selles, notamment en présence d'une forme de toxi-infection botulique. La détection de C. botulinum est effectuée par culture d'enrichissement et analyse par PCR (polymerase chain reaction) ciblée sur les gènes codant les neurotoxines botuliques. La bactérie et sa toxine sont recherchées dans les aliments suspects d'être à l'origine d'intoxinations botuliques. Le sous-typage est réalisé par séquençage du gène de la neurotoxine dans les souches isolées.

Résultats

Incidence du botulisme humain en France, 2010-2012

Sur la période 2010-2012, 24 foyers de botulisme regroupant 51 cas ont été identifiés. Le nombre annuel de foyers a varié de 7 à 9 et le nombre annuel de cas de 10 à 24 (tableau 1 et figure 1). L'incidence annuelle du botulisme était de 1,5 à 4 cas pour 10 millions d'habitants 4,5.

Tableau 1 : Nombre de foyers et de cas de botulisme et diagnostics différentiels en France, 2010-2012
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Figure 1 : Nombre de cas et de foyers de botulisme en France par an, 1991-2012
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Le plus souvent, le botulisme s'est manifesté sous forme de cas isolés (14 foyers avec un seul cas) ou de foyers familiaux de taille limitée (10 foyers avec 2 à 6 cas). Les foyers observés étaient répartis dans toute la France. Le faible nombre de foyers ne permet pas de délimiter de localisations géographiques préférentielles à botulisme de façon significative. Toutefois, en considérant l’ensemble des cas survenus sur la période 1991-2012, on peut relever une incidence sensiblement plus élevée dans les départements du centre de la France (Allier, Puy-de-Dôme, Saône, Saône-et-Loire, Haute-Vienne) (figure 2) en relation avec des habitudes alimentaires locales, notamment la consommation de produits de charcuterie n'ayant pas subi de traitement thermique suffisant, tels que le jambon cru et séché et autres salaisons.

Figure 2 : Incidence annuelle moyenne du botulisme humain par département, France, 1991-2012
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Les cas de botulisme de 2010 à 2012 étaient essentiellement d'origine alimentaire (48 cas [21 foyers] parmi 51 [24 foyers]). Deux cas de botulisme infantile et 1 cas de botulisme par colonisation intestinale chez un enfant plus âgé ont également été recensés au cours de cette période.

Caractéristiques des cas de botulisme en France, 2010-2012

Âge et sexe

Sur la période 2010-2012, le botulisme a concerné majoritairement des adultes. L’âge moyen des 48 cas d'origine alimentaire était de 41 ans (extrêmes : 1- 84 ans). Le ratio homme/femme était de 1,2. Les 2 cas de botulisme infantile (3 et 5 mois) étaient de sexe féminin. Un garçon de 10 ans avec un terrain de constipation chronique a présenté un botulisme par colonisation intestinale.

Symptômes et évolution clinique

Un délai d’incubation médian de 2 jours (extrêmes : 1-17 jours) a pu être calculé pour 36 des cas d’intoxination botulique qui ont été suffisamment renseignés. Parmi les 51 patients observés dans la période 2010-2012, les symptômes les plus fréquemment rapportés étaient les suivants : diplopie (60%) et dysphagie (59%), suivis par sécheresse buccale (48%) et vomissements (47%) (tableau 2). Une paralysie des membres a été rapportée pour 28% des patients et une paralysie du diaphragme pour 37%. Par ailleurs, la survenue d'au moins un signe digestif tel que nausées, vomissements, douleurs abdominales ou diarrhée a été rapportée dans 85% des cas (tableau 2). Quarante-cinq cas (88%) ont été hospitalisés, dont 22 (44%) ont nécessité une réanimation avec ventilation assistée. Une jeune femme est décédée en 2010.

Tableau 2 : Signes cliniques des cas de botulisme déclarés en France, 2010-2012
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Types de botulisme et origine alimentaire

Le diagnostic de botulisme a été confirmé pour 22 des 24 foyers (92%). Contrairement aux années précédentes, le botulisme était majoritairement de type A (46% des foyers et 45% des cas) durant la période 2010-2012. Le botulisme de type B, jusqu'alors largement dominant, a représenté 42% des foyers et 47% des cas. Le botulisme de type E a été rarement observé en France durant cette période (un seul cas) (tableau 1).

L'origine alimentaire a été confirmée dans 14 foyers (tableau 3). Un botulisme lié à la consommation d'un produit alimentaire d'origine commerciale (production artisanale ou industrielle) a concerné 4 foyers parmi les 14 dont l'origine alimentaire a été déterminée et 11 cas parmi 48 , alors que les produits de préparation familiale ont été responsables de la majorité des foyers de botulisme (10 foyers parmi 14 et 30 cas parmi 48) (tableau 3). Cependant, les foyers de botulisme causé par un produit commercialisé étaient essentiellement de type A et regroupaient tous des cas très sévères.

Tableau 3 : Aliments identifiés à l'origine de cas de botulisme alimentaire, France 2010-2012
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Les 23 cas de botulisme de type A, incluant 21 cas de botulisme d'origine alimentaire et 2 cas de botulisme infantile, présentaient tous des formes graves ayant nécessité une hospitalisation et une réanimation avec ventilation assistée pour 77% d’entre eux.

Le foyer le plus sévère est survenu en Corse en 2010 ; il a concerné 7 personnes d'une même famille ayant pris un repas en commun, dont l'aliment contaminé était une salade composée à base de conserve de haricots verts de préparation familiale. Parmi ces personnes, 4 ont développé une forme très sévère de botulisme nécessitant une ventilation assistée de 37 à 78 jours. Une 5e personne est décédée par arrêt cardiaque environ 16 heures après le repas 6. Sur les 32 bocaux de haricots verts préparés par cette famille dans la même période, 3 contenaient de la toxine botulique, dont celui qui avait servi à confectionner la salade à l'origine de l'intoxination. La souche isolée était un C. botulinum de type A2.

Deux autres foyers importants se sont manifestés en septembre 2011, regroupant 10 patients, dont 8 ont développé une forme très sévère de botulisme de type A suite à l'ingestion d'un aliment de fabrication artisanale d'un même producteur à petite échelle (tapenade, tomate séchée de fabrication artisanale) 7. Sur les 5 patients hospitalisés en service de réanimation, 3 ont dû y séjourner plus de 5 mois. Une 6e personne a développé une forme plus modérée et plus tardive de botulisme. Les souches isolées de ces 2 foyers étaient de type A1(B), c'est-à-dire qu'elles contenaient un gène codant la neurotoxine botulique A1 et un gène silencieux de neurotoxine botulique B. Une 2e souche de C. botulinum de type Bf (sous-type Bf2) produisant de la toxine botulique B et, en plus faible proportion, de la toxine botulique F, a été également isolée à partir d'échantillons alimentaires et de malades d'un des 2 foyers. Ces résultats suggèrent une contamination commune de ces produits commerciaux par une même souche de C. botulinum A1(B), et que les aliments à l'origine du 2e foyer contenaient un autre lot de matière première que celui utilisé pour les préparations à l'origine du premier foyer ou renfermaient des ingrédients ou épices supplémentaires contaminés par une souche de C. botulinum Bf. La recherche de C. botulinum dans des lots d'olives vertes dénoyautées et de câpres ayant servi à la préparation de ces aliments a été infructueuse. Cependant, des C. sporogenes, phénotypiquement apparentés à C. botulinum mais non toxinogènes, ont été isolés dans les olives et les câpres.

Les 2 cas de botulisme infantile étaient de type A et respectivement de sous-type A1(B) et A2, et ont été également des formes sévères (tableau 4). L'analyse des aliments à risque, miel et lait en poudre, s'est révélée négative.

Tableau 4 : Botulisme infantile, France, 2010-2012
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Deux cas de botulisme de type A5 ont été identifiés à partir de la souche isolée, dans 1 cas, des selles du patient et, dans l'autre cas, de l'aliment (tableau 3 et tableau 5). Un de ces 2 patients a développé une forme sévère ayant nécessité une hospitalisation en service de réanimation avec ventilation assistée, et le second a manifesté des paralysies de la face, du cou et des épaules et une sécheresse des muqueuses oculaires et buccales, accompagnée de diplopie, dysphagie et dysarthrie, mais sans insuffisance respiratoire. De façon inhabituelle, les signes cliniques de ces deux cas de botulisme ont été très prolongés et n'ont régressé que très progressivement. Ils persistaient encore plus de 18 mois après le début de la maladie.

Tableau 5 : Autres cas de botulisme avec caractérisation de la  souche de C. botulinum isolée de selles, France, 2010-2012
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Un cas de botulisme était dû à un sous-type inhabituel de toxine botulique, désigné provisoirement A7, dont le sous-type le plus similaire est A2 avec 94% d'identité au niveau des acides aminés.

Les 24 cas de botulisme de type B correspondaient à des formes plus modérées de la maladie et étaient caractérisés essentiellement par des troubles de l'accommodation visuelle et des difficultés de déglutition. Dans 6 foyers, le botulisme était consécutif à une consommation de jambon de préparation familiale ou artisanale. La toxine botulique B et C. botulinum, le plus souvent B non protéolytique, ont été mis en évidence dans les échantillons de jambons.

Un cas atypique de botulisme de type E a été diagnostiqué au cours de la période 2010-2012. Il s'agissait d'un enfant de 10 ans avec des antécédents de constipation chronique en relation avec un diverticule de Meckel et hospitalisé pour une défaillance cardiaque accompagnée d'une asthénie prononcée, de diplopie, sécheresse de la bouche, dysphonie et insuffisance respiratoire. C. butyricum de sous-type E5 a été identifié dans ses selles par PCR et séquençage. Ces souches sont habituellement isolées en Chine 8. L'origine de la contamination n'a pas pu être déterminée.

Il faut enfin noter que les échantillons d'un foyer (2 cas) de botulisme de type E survenu fin 2009 ont été analysés en 2010 au CNR. Ce foyer est enregistré dans les statistiques 2009 de l'InVS mais n'a pas été inclus dans l’article précédent sur le botulisme en France 2007-2009 5. Il avait pour origine la consommation d'un jambon artisanal acheté à un vendeur ambulant, dans lequel ont été isolés de la toxine de type E et un nouveau variant de C. botulinum E, désigné provisoirement E9, présentant 96% d'identité en acides aminés avec les autres sous-types E1 à E8.

Explorations biologiques chez les patients atteints de botulisme et diagnostic différentiel

Le diagnostic de botulisme a été confirmé dans les 51 cas par identification de toxine botulique dans le sérum, et/ou mise en évidence de toxine botulique et de C. botulinum dans les selles et/ou l'aliment.

La détection de toxine botulique a été réalisée dans le sérum de 39 patients atteints de botulisme alimentaire par le test de létalité sur souris. La toxine a été retrouvée dans le sérum de 34 d'entre eux (87%) à un titre de <1 à 80 doses létales souris (DLS)/ml, et dans la majorité des cas (88%) à un titre de <1 à 4 DLS/ml. La toxine botulique n'a pas été détectée chez 5 patients ni chez 4 autres personnes non symptomatiques qui avaient pris un repas en commun avec des convives atteints de botulisme. Elle a été retrouvée dans le sérum d'un des deux nourrissons atteints de botulisme infantile.

C. botulinum a été identifié par PCR dans les selles de 17 patients parmi 18 atteints de botulisme alimentaire, et la toxine botulique a été retrouvée dans 6 selles sur 14 à un titre de 2 à 2 000 DLS/g. Les selles des 2 cas de botulisme infantile contenaient un titre très élevé en toxine botulique (7 000 et 100 000 DLS/g, respectivement), ainsi que C. botulinum détecté par PCR et isolé. Les explorations biologiques dans les trois plus importants foyers de botulisme sont présentées au tableau 6.

Tableau 6 : Recherche de toxine botulique et de C. botulinum chez des patients lors de trois foyers sévères de botulisme, France, 2010-2012
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L’augmentation, déjà observée entre 2007 et 2009, du nombre de patients avec une neuropathie ayant fait l’objet d’un diagnostic différentiel avec le botulisme s’est poursuivie en 2010-2012, pour atteindre 26 cas en 2010 et 24 en 2012 (tableau 1). Les premières phases cliniques du botulisme peuvent parfois prêter à confusion avec d'autres affections se traduisant par des paralysies flasques, notamment les neuropathies auto-immunes comme le syndrome de Guillain-Barré ou la myasthénie. Le botulisme est de plus en plus souvent évoqué dans le diagnostic différentiel des paralysies flasques. En conséquence, des recherches de toxine botulique dans le sérum sont régulièrement demandées, le plus souvent pour écarter un diagnostic de botulisme.

Discussion

Le botulisme demeure une maladie rare en France, avec 10 à 24 cas annuels déclarés sur la période 2010-2012. Il est à noter que son incidence reste stable depuis 1991, autour de 10 à 45 cas/an. On ne peut pas exclure que son incidence soit plus élevée car des formes frustres de botulisme, comme celles se traduisant uniquement par des troubles oculaires, peuvent ne pas être diagnostiquées. Mais cette maladie se déclare souvent sous une forme sévère nécessitant une hospitalisation en soins intensifs et, dans certains cas, pour une longue durée. Sur la période 2010-2012, plus de la moitié des personnes atteintes ont été hospitalisées et un décès est à déplorer. Il s’agit du premier décès survenu en lien avec le botulisme depuis 1999. Un décès par botulisme de type B était survenu en 1999 9 et deux autres décès (en 1999 et 1993) avaient été rapportés dans le système de la déclaration obligatoire 3.

L'identification de la toxine botulique dans le sérum reste la méthode de choix pour confirmer le diagnostic clinique de botulisme. Cette toxine a pu être mise en évidence et typée dans le sérum de 87% des patients à l'aide du test biologique sur souris. Celui-ci offre l'avantage d'être très sensible et de répondre à l'ensemble des types de toxine botulique. Des tests alternatifs à la méthode sur animaux, basés sur l'activité endoprotéasique des toxines botuliques, sont en cours de validation 10,11. Ils ont une sensibilité comparable à celle du test de létalité sur souris, mais chaque test est spécifique d'un seul type de toxine botulique.

Sur la période 2010-2012, le botulisme alimentaire était la forme la plus fréquente en France (21 foyers sur 24 et 48 cas sur 51). Il a concerné majoritairement des adultes des deux sexes. L'origine alimentaire a été confirmée dans 60% des foyers. L'absence de confirmation d’un aliment en cause pour les autres foyers d’origine alimentaire était due à l’absence de collecte ou l’indisponibilité des aliments à risque lors de l'enquête alimentaire. Les aliments en cause étaient en majorité des préparations familiales (67% des foyers dont l'origine a été identifiée). L'aliment le plus souvent en cause était un jambon de préparation familiale ou artisanale (44% des foyers dont l'origine a été identifiée). Le jambon est traditionnellement responsable de botulisme en France. Généralement, il s'agit de botulisme de type B dont l'évolution clinique est modérée 12. Dans un foyer, le jambon était contaminé par une souche atypique de C. botulinum de type E. Le porc est fréquemment porteur de C. botulinum de type B mais pas de type E 13,14. Deux foyers de botulisme de type E dus à la consommation de jambon, dont un importé du Portugal, avaient déjà été confirmés par le CNR 15. Un autre foyer de botulisme de type E en relation avec un jambon a été aussi rapporté en Argentine. Les auteurs ont suggéré que la contamination pouvait provenir du sel utilisé pour la salaison, probablement d'origine marine 16.

Trois foyers (12 cas) de botulisme provoqué par des produits commercialisés étaient de type A, et un 4e de type B était dû à la consommation d'un pâté de fabrication bulgare. Pour les deux foyers associés aux tapenades et tomates séchées de même origine commerciale, une stérilisation insuffisante a été mise en cause dans la préparation de ces produits. L'origine de la contamination n'a pas été déterminée. Les olives représentent un risque potentiel documenté. En effet, des contaminations d'olives par C. botulinum ont déjà été rapportées 17,18. De plus, des olives mûres en conserve du commerce ont causé de sévères foyers de botulisme aux États-Unis dans les années 1919-1920 19. Les tomates, comme les autres légumes, ainsi que les épices séchées peuvent véhiculer des spores de C. botulinum. Le non-respect des consignes de conservation et le dépassement de la date limite de consommation étaient des facteurs favorisants dans la survenue du cas de botulisme de type A après consommation d'une préparation commerciale à base de pâtes fraîches. Il faut noter que certains produits étaient importés (tableau 3), ce qui met en évidence le risque de botulisme par les importations.

Le botulisme infantile est très rare en France (2 cas confirmés pour la période 2010-2012) alors qu'il représente la principale forme de botulisme aux États-Unis (2 419 cas sur la période 1976-2006) 20. Le premier cas de botulisme infantile identifié en France a été confirmé en 2004. Depuis, une dizaine de cas ont été diagnostiqués à raison de 1 à 3 cas par an 21. Cette augmentation d'incidence reflète peut-être une meilleure prise en considération de cette forme de botulisme. Son origine en France reste inconnue.

Le botulisme de type B est historiquement le type de botulisme le plus fréquemment observé en France. Néanmoins, depuis 2005, les foyers de type A sont en augmentation pour représenter un peu plus de la moitié des foyers observés sur la période 2010-2012 4,5. Ce phénomène est attribuable en partie aux changements des habitudes alimentaires comme, d’une part, la diminution de la consommation des préparations familiales de salaisons, charcuteries et autres conserves et l’augmentation de la consommation de certaines denrées du commerce réfrigérées et insuffisamment traitées par la chaleur et, d’autre part, à la multiplication des circuits de préparation et de distribution des aliments. Par ailleurs, les intoxinations de type A se traduisent par des formes cliniques très sévères. Le sous-typage des souches de C. botulinum met en évidence une diversité de ces souches, qui reflète probablement l'hétérogénéité de contamination des produits alimentaires. Il est à noter que les 2 cas de botulisme de type A5 se sont manifestés par deux formes inhabituellement prolongées de paralysie. Ainsi, le typage et sous-typage des souches sont à prendre en compte dans l'évaluation de la gravité et le pronostic du botulisme.

En conclusion, le botulisme humain est une maladie rare, mais souvent très sévère, toujours présente sur notre territoire. Il s'agit, le plus souvent, de botulisme alimentaire chez des adultes, mais des cas de botulisme infantile ont également été observés ces dernières années. Sur la période 2010-2012, un nombre quasi équivalent de foyers de botulisme de type A, cliniquement le plus sévère, et de type B a été observé, contrairement à la prédominance historique des foyers de type B en France. Ces données justifient le maintien d'une surveillance attentive du botulisme, comprenant une identification rapide et détaillée des foyers et complétée par des recommandations aux particuliers et industriels sur les problèmes d'hygiène et de conservation des denrées alimentaires.

Références

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Citer cet article

Mazuet C, King LA, Bouvet P, Legeay C, Sautereau J, Popoff MR. Le botulisme humain en France, 2010-2012. Bull Epidémiol Hebd. 2014;(5):106-14.