Réadaptation cardiaque hospitalière après infarctus du myocarde en France : apports du PMSI-SSR

// Cardiac rehabilitation after acute myocardial infarction (AMI) in France according to national post-acute hospitalization database

Christine de Peretti1 (christine.deperetti@laposte.net), Javier Nicolau1, Francis Chin1, Philippe Tuppin2, Nicolas Danchin3, Sandrine Danet4, Marie-Christine Iliou5
1 Institut de veille sanitaire, Saint-Maurice, France
2 Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, Paris, France
3 Hôpital européen Georges Pompidou, AP-HP, Paris, France
4 Agence technique de l’information sur l’hospitalisation, Paris, France
5 Hôpital Corentin-Celton, AP-HP, Issy-les-Moulineaux, France
Soumis le 13.08.2013 // Date of submission: 08.13.2013
Mots-clés : Infarctus du myocarde | Réadaptation cardiaque | Bases nationales d’hospitalisation
Keywords: Acute myocardial infarction | Cardiac rehabilitation | National hospitalization databases

Résumé

Introduction –

Cette étude examine les hospitalisations pour réadaptation cardiaque (RC) après un infarctus du myocarde (IDM) hospitalisé.

Méthodes –

Les données ont été extraites des bases nationales des résumés d’hospitalisation en court séjour (PMSI-MCO) et en soins de suite et de réadaptation (PMSI-SSR). Dans un premier temps, les séjours du premier semestre 2011 avec diagnostic principal d’IDM ont été sélectionnés dans le PMSI-MCO. Seuls les premiers séjours des patients non décédés ont été conservés, puis chaînés dans le PMSI-SSR de l’année 2011. La finalité principale de prise en charge a permis de distinguer les patients en RC des patients hospitalisés en SSR pour un autre motif. Des régressions logistiques ont été réalisées pour comparer les taux régionaux de RC.

Résultats –

Dans les suites d’un IDM, un tiers des patients a été hospitalisé en SSR : 22,7% pour RC et 10,0% pour une finalité « autre ». La proportion de patients en RC diminuait avec l’âge (de 40,6% entre 18 et 45 ans à 2,3% pour les 85 ans ou plus) et était plus basse pour les femmes que pour les hommes (taux standardisés sur l’âge : 18,8% vs. 23,9%) ; les disparités régionales étaient marquées.

Discussion-conclusion –

Ces résultats concernent la RC hospitalière, qui constitue le cadre général de la RC en France. Ils la sous-estiment probablement un peu du fait, d’une part, d’une prise en charge résiduelle dans le secteur MCO et, d’autre part, de la qualité probablement non optimale du codage dans le PMSI-SSR. Ils montrent toutefois des écarts notables entre classes d’âge, sexes et régions.

Abstract

Objectives –

The objective of this study was to assess the frequency of cardiac rehabilitation (CR) after hospitalization for acute myocardial infarction (AMI).

Methods –

Data were selected from the national short stay hospitalization database. First, AMI hospitalizations with discharge occurring during the first semester of 2011 were selected. Only first stays were included and in-hospital deaths were excluded. Secondly, patients were linked in the post-acute hospitalization database (2011). Patients were grouped according to the main purpose of the post-acute stay: CR versus “other purposes”. Logistic regressions were carried out in order to compare regional CR rates.

Results –

A third of AMI patients were linked in the post-acute hospitalization database: 22.7% for CR and 10.0% for “other purposes”. The frequency of CR hospitalizations decreased with age (from 40.6% between 18 and 45 year-olds to 2.3% in 85 year-olds or over), and was lower in women than in men (age standardized rates: 18.8% versus 23.9%). Regional discrepancies were marked.

Discussion-conclusion –

These results concern hospitalized CR, according to the CR pattern in France. They probably underestimate the frequency of CR in France: first, because a small percentage of patients had CR in the acute hospitalization sector and secondly, because coding quality probably is not optimal in post-acute hospitalization databases. However, they show noteworthy differences between age groups, genders and geographical areas.

Introduction

Les infarctus du myocarde (IDM) sont des pathologies fréquentes et graves 1,2. Leur pronostic a été fortement amélioré dans les dernières décennies par les progrès thérapeutiques, mais il demeure grave du fait des risques de complications cardiaques, de récidives de syndrome coronaire aigu et d’une létalité substantielle. Si la phase aiguë d’un IDM relève d’une prise en charge en urgence dans une unité de soins intensifs cardiologiques, les traitements dits « de prévention secondaire », prescrits à la sortie du patient, sont essentiels pour améliorer le pronostic et réduire le risque de récurrence, d’aggravation ou de complication.

Après IDM, comme après tout syndrome coronaire aigu (ou revascularisation coronaire), il est en outre recommandé de compléter les traitements dispensés à la phase aiguë par une prise en charge globale des patients stabilisés ne présentant pas de contre-indication. Cette prise en charge associe la réadaptation cardiovasculaire, qui comporte un réentraînement physique (avec apprentissage des activités d’entretien physique à poursuivre à long terme), l’optimisation thérapeutique (adaptation du traitement en fonction de la tolérance clinique au repos et à l’effort), l’éducation thérapeutique et le contrôle des facteurs de risque cardiovasculaire (principalement tabac, diabète, hypercholestérolémie, hypertension artérielle, activité physique, équilibre nutritionnel) 3,4.

En France, cette prise en charge pluridisciplinaire coordonnée est réalisée dans le secteur des soins de suite et de réadaptation (SSR) spécialisés pour les affections cardiovasculaires 5. Plusieurs études ont estimé la fréquence de la prescription de réadaptation cardiaque après IDM ou de la proportion de patients effectivement hospitalisés en SSR 6,7,8, mais aucune n’a porté sur une base populationnelle nationale.

Les objectifs de la présente étude sont d’estimer, au niveau national, la proportion de patients hospitalisés en SSR dans les suites d’un IDM hospitalisé en court séjour, de décrire la finalité de ces séjours et d’étudier les disparités démographiques et géographiques, ainsi que les caractéristiques de prise en charge initiale associées à la fréquence de la réadaptation cardiaque en post-IDM.

Méthodes

L’étude concerne les IDM hospitalisés au premier semestre 2011. Deux sources de données ont été utilisées : la base des résumés de sortie anonymes (RSA) des hospitalisations en court séjour (Programme de médicalisation des systèmes d’information en médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie, dit « PMSI-MCO ») et celle des résumés d’hospitalisation en soins de suite et de réadaptation (« PMSI-SSR »).

Hospitalisations en service de court séjour

Dans un premier temps, une base de RSA avec diagnostic principal (DP) d’IDM a été constituée à partir de la base nationale 2011 du PMSI-MCO. Ont été inclus, les patients domiciliés en France métropolitaine ou dans un département d’outre-mer (DOM), à l’exception de Mayotte, et hospitalisés au premier semestre 2011 pour IDM. Les codes de la Classification internationale des maladies dixième révision (CIM-10) sélectionnés étaient les suivants :

  • I21 : infarctus aigu du myocarde ;
  • I22 : infarctus du myocarde à répétition ;
  • I23 : certaines complications récentes d’un infarctus aigu du myocarde (hémopéricarde, communication interventriculaire, rupture de la paroi cardiaque sans hémopéricarde, rupture des cordages tendineux, rupture du muscle papillaire, thrombose intracavitaire, tous ces événements survenant comme complication récente d’un infarctus du myocarde).

Le code I21 représentait la quasi-totalité des séjours (99,1%).

L’unité de compte considérée pour le court séjour était l’hospitalisation complète avec nuitée ; les séjours de moins de 2 jours avec mode de sortie par mutation ou transfert, considérés comme des facteurs de redondance, ont été exclus. Seul le premier RSA de chaque patient a été conservé pour constituer une base de patients (29 746). Les patients ayant une anomalie dans leur numéro d’anonymisation (272, soit 0,9%) et ceux décédés lors du premier séjour MCO (2 257, soit 7,6%) ont été exclus, puisque non susceptibles d’être repérés dans les bases du PMSI-SSR dans les suites de l’IDM.

La catégorie des établissements de court séjour a été recueillie dans le répertoire Finess (Fichier national des établissements sanitaires et sociaux) produit par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) du ministère chargé de la Santé. L’hospitalisation en réanimation, soins intensifs ou surveillance continue a été définie à partir des codes d’unité médicale correspondants (codes 01, 13, 02, 18, 03, 14). L'index de comorbidités de Charlson (score prédictif de pronostic défavorable) a été construit à partir des diagnostics associés, selon l'algorithme développé et validé - à partir de données hospitalières - par Quan en 2005, mais pondéré selon la révision publiée en 2011 9,10 ; l'insuffisance cardiaque congestive a été exclue de l’index et traitée comme une variable distincte.

Hospitalisations en soins de suite et de réadaptation (SSR) après infarctus du myocarde (IDM)

Les séjours SSR des patients inclus ont été recherchés dans la base nationale 2011 des synthèses par séjour du PMSI-SSR grâce à l’identifiant anonyme de chaînage ; les données décrivant ces séjours ont ensuite été récupérées dans la base des résumés hebdomadaires de séjours. Les délais entre le séjour « MCO » et le séjour « SSR » ont été calculés par différence entre les variables quantifiant anonymement les dates de début d’hospitalisation. Les séjours SSR consécutifs au MCO et débutés dans un délai maximal de 180 jours après l’hospitalisation index, ont été considérés compatibles avec le « post-IDM ».

La finalité principale de prise en charge en première semaine SSR (« en intention de traiter »), exhaustive et codée en CIM-10, a été caractérisée selon deux catégories : la « réadaptation cardiaque » (code Z50.0), qui nécessite la présence d’un cardiologue et représentait 72,2% des patients en SSR, et les autres finalités (essentiellement les codes Z50.1 « autres thérapies physiques », soit 7,0% ; Z50.8 « soins impliquant d’autres moyens de rééducation », soit 2,2% ; Z51.88 « autres formes précisées de soins médicaux non classées ailleurs », soit 9,1% ; Z54.0 « convalescence après intervention chirurgicale », soit 1,3% ; et Z54.8 « convalescence après un autre traitement », soit 3,4%). Une correction a ensuite été apportée à ce classement : la liste des établissements SSR ayant des patients avec un code de finalité Z50.0 a été comparée, d’une part, avec celle des services de réadaptation cardiaque établie par le Groupe exercice réadaptation sport (GERS) de la Société française de cardiologie et, d’autre part, avec les réponses relatives à l’autorisation de réadaptation cardiaque fournies par ces établissements dans l’enquête 2011 de la Statistique annuelle des établissements de santé (SAE) 11. Parmi les 6 411 patients ayant une finalité principale de prise en charge codée Z50.0, 3,7% (236) ont été reclassés dans le groupe « finalités autres » car l’établissement SSR n’avait ni signalé une autorisation de réadaptation cardiaque dans la SAE 2011, ni ne figurait sur la liste du GERS. Ces patients reclassés étaient plus âgés que les non-reclassés (74,6 ans vs. 58,6 ans ; p<10-3). Enfin, une variable cumulant la durée de séjours en SSR a été calculée sur l’année calendaire.

Analyses statistiques

Les tests statistiques utilisés pour les analyses bivariées étaient le Chi2 pour l’étude des associations entre variables qualitatives, et le test de Student pour les comparaisons de moyennes entre hommes et femmes. Pour l’étude des disparités régionales, c’est la région de domiciliation des patients qui a été prise en compte, après exclusion de la Guyane en raison du petit nombre de patients hospitalisés pour IDM (N=10 en MCO). Des taux régionaux standardisés sur l’âge ont été calculés par la méthode directe, en utilisant la population nationale hospitalisée pour IDM et non décédée en MCO comme population de standardisation. Les différences entre hommes et femmes ont été étudiées dans chaque région par des régressions logistiques ajustées sur l’âge et les comorbidités. Enfin, une analyse multivariée par régression logistique a été réalisée pour étudier les facteurs associés aux hospitalisations pour réadaptation cardiaque (âge, sexe, insuffisance cardiaque, index de Charlson, filière initiale de prise en charge et région de domicile) ; les patients provenant des hôpitaux interarmées (HIA) et des hôpitaux locaux (HL) ont été exclus de cette analyse multivariée en raison d’effectifs faibles (39 patients pour les HIA et 12 pour les HL). Les analyses statistiques ont été réalisées à l’aide du logiciel SAS® Enterprise guide, version 4.3.

Résultats

Niveau national

Près d’un tiers des patients hospitalisés pour IDM au premier semestre 2011 (et non décédés lors du séjour MCO) a été hospitalisé en SSR dans les six mois (tableau 1) : en première semaine, 22,7% des séjours SSR avaient pour « finalité principale de prise en charge » la réadaptation cardiaque, et 10,0% avaient une finalité « autre ».

En réadaptation cardiaque, l’âge moyen des patients était de 58,6 ans ; la proportion de patients âgés de 75 ans ou plus n’était que de 11,7%, alors qu’ils représentaient un peu plus du tiers de l’ensemble des patients hospitalisés pour IDM en court séjour (36,6%). La proportion de patients en réadaptation cardiaque diminuait avec l’âge, de 40,6% entre 18 et 45 ans à 2,3% pour les 85 ans ou plus. Globalement, cette proportion était 2 fois plus élevée pour les hommes que pour les femmes (tous âges confondus : 26,9% vs. 13,5%), la différence étant moins marquée après standardisation sur l’âge (23,9% pour les hommes, IC95%:[23,3-24,4], vs. 18,8% pour les femmes, IC95%:[17,8-19,8]). Il y avait, en outre, une association significative avec le type d’établissement et le service de prise en charge initiale, se traduisant par une plus grande fréquence de réadaptation cardiaque pour les patients provenant des centres hospitaliers universitaires/régionaux (28,3%) et pour ceux qui avaient été hospitalisés dans une unité de soins intensifs, de réanimation ou de surveillance continue (25,1%).

Les patients avec IDM hospitalisés en SSR pour une autre finalité avaient des caractéristiques inverses. Leur âge moyen s’élevait à 79,7 ans. Ces hospitalisations étaient plus fréquentes pour les femmes que pour les hommes (globalement 18,6% vs. 6,1%), pour les plus âgés (29,3% pour les 85 ans ou plus) et en cas d’index initial de comorbidités supérieur ou égal à 2.

Tableau 1 : Patients hospitalisés en soins de suite et de réadaptation (SSR) après hospitalisation pour infarctus du myocarde non létal, France, 2011
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La proximité de l’établissement SSR, le mode d’hospitalisation et sa durée variaient selon la finalité de prise en charge (tableau 2). Ainsi, l’établissement était situé dans la région de résidence pour 91,1% des patients en réadaptation cardiaque, et dans le même département pour 70,6% d’entre eux, contre respectivement 94,8% et 83,7% pour les autres finalités. Le mode d’hospitalisation était l’hospitalisation complète pour 50,4% des patients en réadaptation cardiaque, l’hospitalisation de jour pour 43,2%, et des séances pour 6,4%. Ces proportions étaient respectivement égales à 41,8%, 49,8% et 8,4% lorsque la réadaptation cardiaque était réalisée dans un établissement situé dans le département de domicile, vs. 70,9%, 27,6% et 1,4% dans le cas contraire (p<10-3 ; données non présentées). Par contre, la quasi-totalité des patients en SSR pour une autre finalité étaient en hospitalisation complète (97,5%). Enfin, la durée moyenne des séjours en SSR cumulée sur l’année calendaire était de 21,4 jours dans le premier cas et de 40,7 jours dans le second.

Tableau 2 : Caractéristiques de la prise en charge en soins de suite et de réadaptation (SSR) après hospitalisation pour infarctus du myocarde non létal, France, 2011
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Disparités régionales de la réadaptation cardiaque après IDM

Les disparités régionales étaient marquées. Les proportions régionales de patients hospitalisés en SSR pour réadaptation cardiaque variaient de 10,8% à 38,8% (figure 1a). Après standardisation sur l’âge, l’écart entre valeurs extrêmes était similaire, avec un minimum à 10,1% en Champagne-Ardenne et un maximum à 36,6% dans la région Centre (figure 1b). Les taux standardisés régionaux étaient diminués d’au moins 20% par rapport au taux national à la Réunion et dans les régions Champagne-Ardenne, Pays de la Loire, Picardie, Auvergne, Nord-Pas-de-Calais et Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca). Par ailleurs, on notait une variabilité régionale de la proportion des patients âgées de 75 ans ou plus parmi les patients en réadaptation cardiaque, avec des valeurs régionales oscillant entre 5,3% et 24,3% en métropole (et entre 2,5% et 33,3% dans les DOM ; données non présentées).

Figure 1a et 1b : Proportions de patients hospitalisés pour réadaptation cardiaque après infarctus du myocarde selon la région de domicile (pourcentages bruts et standardisés), France, 2011
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Les disparités régionales étaient importantes pour chaque sexe (figure 2). Les taux standardisés sur l’âge variaient de 10,8% à 37,4% pour les hommes et de 6,6% à 32,6% pour les femmes. Les taux standardisés féminins étaient inférieurs aux taux masculins dans toutes les régions, à l’exception de l’Auvergne et de la Martinique. Dans plus de la moitié des régions, l’odds ratio (OR) ajusté sur l’âge et les comorbidités était significativement inférieur à 1 pour les femmes.

Figure 2 : Hospitalisations pour réadaptation cardiaque post-infarctus du myocarde dans les régions (pourcentages standardisés par sexe et ratio des taux standardisés par genre), France, 2011
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L’analyse multivariée montrait un effet indépendant du sexe et de l’âge, avec une réduction de l’OR pour les femmes, ainsi que pour les patients plus âgés (tableau 3). Il y avait également un effet significatif des comorbidités, avec une augmentation de l’OR en cas d’insuffisance cardiaque congestive, mais une réduction en cas de valeur élevée de l’index de Charlson. L’effet de la filière initiale était également confirmé, avec un OR significativement diminué pour les patients qui n’avaient pas été hospitalisés dans une unité de soins intensifs, réanimation ou surveillance continue en court séjour, et pour ceux qui provenaient des centres hospitaliers généraux ou encore du secteur privé lucratif. Enfin, l’analyse multivariée confirmait les disparités régionales : comparativement aux patients de Rhône-Alpes, dont le taux approximait la moyenne nationale, l’OR était significativement inférieur à 1 dans les régions Champagne-Ardenne (0,38), la Réunion (0,40), Pays de la Loire (0,50), Picardie (0,59), Auvergne (0,64), Paca (0,73), Midi-Pyrénées (0,76), Nord-Pas-de-Calais (0,77), Île-de-France (0,77) et Languedoc-Roussillon (0,81).

Tableau 3 : Facteurs associés à la réadaptation cardiaque après infarctus du myocarde hospitalisé (analyse multivariée), France, 2011
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Discussion

Différentes études ont montré le bénéfice - et l’innocuité - de la réadaptation cardiaque après IDM sur la mortalité toutes causes, la mortalité cardiaque, ainsi que sur la qualité de vie et la reprise de l’activité professionnelle 12,13,14. Ces observations ont conduit les sociétés savantes à recommander la réadaptation cardiaque en centre spécialisé après IDM et ce, jusqu’à récemment, avec discussion de l’intérêt d’une approche en ambulatoire 3,4,15.

Un constat fréquent est celui d’un recours insuffisant à la réadaptation cardiaque 16,8. La présente étude permet d’estimer à 32,6% la proportion de patients hospitalisés en SSR dans les six mois suivant un infarctus du myocarde en 2011 en France, et à 22,7%, celle des patients effectivement hospitalisés pour réadaptation cardiaque. Cette dernière estimation est plus faible que celle de l’Enquête FAST-MI 2010 (French Registry of Acute ST elevation or non-ST-elevation Myocardial Infarction) réalisée dans 213 services de soins intensifs cardiologiques (avec toutefois une surreprésentation des centres hospitaliers régionaux ou universitaires) ; dans cette enquête, la réadaptation cardiaque était programmée à la sortie de l’hôpital pour 36% des patients (26% des patients avec IDM sans sus-décalage de ST et 44% de ceux avec sus-décalage de ST). Cette enquête montrait en outre une augmentation notable de cette prescription depuis 2005 (21,8%) 7,17.

L’étude européenne Euroaspire III a estimé l’écart entre les fréquences de prescription et de réalisation effective de la réadaptation cardiaque dans 22 pays européens en 2006-2007 8 : globalement, il y avait eu une prescription de réadaptation cardiaque pour 41,2% des patients avec IDM (d’âge inférieur ou égal à 80 ans), mais une participation effective pour 32,6% (vs. 28,8% pour la classe d’âge équivalente en France). Les auteurs avaient en outre observé une variabilité des pratiques entre pays.

Notre étude montre des disparités géographiques de la réadaptation cardiaque, avec des taux régionaux variant entre 10,1% et 36,6%. L’étude réalisée dans trois départements français en 2006 avait également observé des différences géographiques notables, avec une fréquence de prescription plus élevée dans le Bas-Rhin, comparativement à la Haute-Garonne et à Lille, et minimale à Lille 2. Cette hétérogénéité pourrait être liée à la variabilité des pratiques, ainsi que des lits ou places en SSR cardiologique dans les régions.

L’âge et le sexe sont associés à la réadaptation cardiaque, avec des taux plus faibles pour les femmes et pour les patients âgés. D’autres facteurs sont également rapportés : les procédures réalisées à phase aiguë, avec une prescription de réadaptation plus fréquente après pontage coronarien, ainsi que des facteurs économiques et sociaux (niveau de remboursement, revenus, niveau de diplôme, difficultés sociales) 8,18,19. La distance entre le domicile et le centre peut également avoir un impact défavorable, ainsi que certains obstacles cités par les patients, tels le manque de moyens de transport, le manque de temps, l’existence d’autres problèmes de santé, la confiance en ses propres ressources pour faire face à la maladie, ou encore une compréhension insuffisante de la gravité de la maladie 20,21.

Limites

Plusieurs limites doivent être soulignées. En premier lieu, l’étude ne couvre que la réadaptation cardiaque hospitalière, qui est le cadre général recommandé par les sociétés savantes, du moins jusqu’en 2012. En outre, elle ne concerne que le secteur SSR. À cet égard, la recherche de séances de réadaptation cardiaque (DP=Z500) dans le secteur court séjour (PMSI-MCO) ne modifie que très peu les valeurs nationales estimées à partir du PMSI-SSR (+0,3%), la différence étant due à quelques établissements, avec un impact sur les taux de réadaptation cardiaque des régions correspondantes prédominant dans la région Aquitaine (+3,9%) et limité dans les régions Lorraine (+1,1%), Nord-Pas-de-Calais (+0,9%) et Rhône-Alpes (+0,7%).

En second lieu, l’étude ne prend pas en compte les patients décédés au cours des six mois suivant la fin de l’hospitalisation index, dont la proportion a été estimée à 5,5% en 2006 22. Dans l’hypothèse où ce pourcentage n’affecterait que le dénominateur, l’estimation des patients en réadaptation cardiaque serait alors augmentée de +1,3%, soit 24,0%. Une autre cause de sous-estimation pourrait provenir d’un manque d’exhaustivité des données ou du chaînage. Si la qualité du codage des variables permettant le chaînage des patients est actuellement très satisfaisante en MCO et en SSR 23 et si l’exhaustivité du PMSI-MCO est quasi complète, estimée à plus de 99% par la Drees, celle du PMSI-SSR était encore insuffisante en 2011, de l’ordre de 96% selon l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (Atih).

Surtout, l’étude repose sur la qualité de codage des infarctus du myocarde en MCO. Une étude de validation avait estimé à 79% la valeur prédictive positive (VPP) du PMSI 2003 au regard des données des trois registres populationnels des cardiopathies ischémiques (registres Monica) 24. Mais il est possible que cette valeur sous-estime la valeur réelle de la VPP, compte tenu des conditions de l’enquête, sans retour systématique au dossier pour près de la moitié des cas catalogués comme des faux positifs par les registres (en particulier, pour les cas hospitalisés à distance de la zone de résidence). De plus, il est probable que la VPP se soit améliorée après 2003 du fait des contrôles du PMSI-MCO réalisés par l’assurance maladie dans le cadre de la tarification à l’activité.

Enfin, la qualité des données du PMSI-SSR n’a été que peu étudiée depuis sa mise en place en 1998. Il est de ce fait possible que la qualité du codage ne soit pas optimale. Notons toutefois que l’étude repose sur le codage de la réadaptation cardiaque comme finalité principale de prise en charge, a priori dans des centres spécialisés autorisés. De plus, les établissements ont été vérifiés sur deux listes différentes et les cas hospitalisés dans des établissements sans service de SSR cardiovasculaire autorisé ont été exclus du groupe « rééducation cardiaque » et recodés dans le groupe des « autres finalités ».

Conclusion

En France, un peu moins du quart des personnes hospitalisées pour IDM en court séjour a eu une prise en charge hospitalière pour réadaptation cardiaque au cours des six mois suivants. L’étude met en évidence des disparités régionales importantes. De plus, l’âge et le sexe féminin étaient associés à une moindre probabilité de réadaptation cardiaque. Ces résultats plaident pour une réflexion sur les moyens d’assurer une meilleure couverture de la réadaptation cardiaque dans le pays (offre de soins et/ou alternatives), ainsi qu’une plus grande équité entre régions, sexes et classes d’âge.

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Citer cet article

De Peretti C, Nicolau J, Chin F, Tuppin P, Danchin N, Danet S, et al. Réadaptation cardiaque hospitalière après infarctus du myocarde en France : apports du PMSI-SSR. Bull Epidémiol Hebd. 2014;(5):84-92.