Bilans de santé PMI 3-4 ans à l'école maternelle dans les Hauts-de-Seine, France : synthèse des études 2005 et 2010 et perspectives

// Child and maternal protection check-ups for 3-4 year old children attending nursery schools in the Hauts-de-Seine district, France: summary of the 2005 and 2010 surveys and outlook

Corinne Bois1,2 (cbois1@cg92.fr), Gérard Guillemot1
1 Service départemental de protection maternelle et infantile (PMI), Conseil général des Hauts-de-Seine, Nanterre, France
2 Unité Inserm-Ined-EFS “Elfe”, Institut national d’études démographiques (Ined), Paris, France
Soumis le 13.03.2014 // Date of submission: 03.13.2014
Mots-clés : Enfant | Santé scolaire | Inégalités sociales de santé | Dépistage
Keywords: Child | Health in schools | Social inequality in health | Screening

Résumé

Les services départementaux de Protection maternelle et infantile (PMI) ont pour mission d'organiser un bilan de santé à l'école maternelle pour les enfants de 3-4 ans. Dans ce cadre, deux enquêtes ont été menées en 2005 et 2010 dans le département des Hauts-de-Seine, portant sur respectivement 1 914 et 1 227 enfants.

Pour chacune, sont présentés les caractéristiques sociodémographiques, les antécédents, les vaccinations et les résultats de l'examen clinique (avec recherche du surpoids) et du dépistage des troubles sensoriels, du langage et du comportement. Le taux général d'orientation vers une consultation spécialisée est analysé selon trois critères de fragilité : pratique d’une langue étrangère (respectivement 29,9% et 36,6% de chaque échantillon), scolarisation en zone d’éducation prioritaire (12,1% et 13,6%), couverture sociale de santé fragile (15,5% et 13,4%) et leur cumul éventuel.

La fréquentation antérieure des consultations en centre de PMI est majorée très significativement dès qu’il existe au moins une situation de fragilité. Concernant le bilan de 3-4 ans, à l’exception des vaccinations, les résultats de santé sont stables entre les deux enquêtes, notamment le taux général d'orientation vers une consultation spécialisée (29,5% et 27,1%, différence non significative, NS). Les enfants ayant un et surtout deux facteurs de fragilité sont davantage orientés (40% et 36,5%, p<0,001) ainsi que les enfants dont le père est employé ou ouvrier (33,6%, p<0,001), mais même dans les situations les plus favorables, un enfant sur 5 au moins est orienté.

Ces résultats mettent en évidence l'existence d'inégalités sociales de santé dès l'âge de 4 ans, mais aussi l’intérêt d’un bilan de santé universel. Sous-employés actuellement, les recueils lors du bilan de 3-4 ans à l'école maternelle pourraient être utilisés régulièrement sur une échelle géographique large pour guider et évaluer les dispositifs et politiques publiques.

Abstract

The local child and maternal protection authorities (Protection maternelle et infantile – PMI) are in charge of carrying out check-ups for three to four-year-old children attending nursery schools. In this context, two representative surveys were conducted in the Hauts-de-Seine district in 2005 and 2010 including respectively 1,914 and 1,227 children.

For each of these studies, the socio-demographic characteristics, the medical and vaccination history, and the results of the clinical examination (with detection of excess weight) as well as the screening for sensorial, language and behavioral disorders are presented here. The general rate of referral to a specialist physicians analyzed according to three criteria of fragility: foreign language practice (29.9% and 36.6% of each sample), schooling in priority education zones (12.1% and 13.6%), fragile health insurance coverage (15.5% and 13.4%) and their possible combined effect.

The rate of previous visits in mother-and-child protection centres increases significantly when at least one fragility criteria is observed. Regarding the 3-4 years check-up, with the exception of vaccinations, health outcomes are stable for both studies, particularly the general rate of referral to a specialist physician (29.5% and 27.1%, non-significant difference – NS). Children with one and especially two factors of fragility are more frequently referred (40% and 36.5%, p<0.001), as well as children whose father is an employee or a factory worker (33.6%, p<0.001).

Not only these indicators reflect the existence of social health inequalities as early as the age of 4, but they also highlight the interest of a universal medical check-up. Nursery school check-up data, although they are under-utilized currently, could be used regularly on a broad geographic scale to guide and evaluate public systems and policies.

Introduction

Les services départementaux de Protection maternelle et infantile (PMI) ont pour mission d’organiser un bilan de santé en école maternelle pour les enfants de 3-4 ans. Ce bilan a « notamment pour objet d'assurer la surveillance de la croissance staturo-pondérale et du développement physique, psychomoteur et affectif de l'enfant, ainsi que le dépistage précoce des anomalies ou déficiences et la pratique des vaccinations ». Il oriente, le cas échéant, l'enfant vers les professionnels de santé et les structures spécialisées 1,2.

La population éligible pour les bilans en maternelle, évaluée par le service de PMI à partir des listes scolaires, représente chaque année environ 18 000 enfants dans le département des Hauts-de-Seine. Ce département se situe à proximité immédiate de l'Ouest parisien et jouit d’une situation socio-économique globalement favorable qui se traduit par de bons indicateurs de santé, comme une mortalité infantile égale à 3,2 décès pour 1 000 naissances vivantes en 2009 (taux national : 3,8/1 000). Il existe toutefois des disparités sociales importantes : la part des allocataires vivant sous le seuil de pauvreté varie de 2,3% à 23,3% selon les communes, pour une valeur moyenne de 10% sur le département, et quatre cantons ont de forts besoins de soins tels que définis par l’Union régionale des caisses d’assurance maladie (Urcam) d’Île-de-France 3.

Deux études transversales ont été menées en 2005-2006 puis en 2010, lors des bilans de santé effectués dans les écoles maternelles des Hauts-de-Seine. Elles ont concerné deux échantillons aléatoires de 1 914 et 1 227 enfants, respectivement. Leur objectif était de décrire les principaux résultats en matière de dépistage, ainsi que de rechercher et analyser les inégalités sociales de santé déjà observables à 4 ans 4,5. Nous en comparons ici les résultats, notamment ceux portant sur les anomalies cliniques et les prévalences d’orientation vers différentes consultations spécialisées, qui matérialisent l'impact de ce bilan de santé, et proposons des indicateurs utilisables par les praticiens et pour l'évaluation du dispositif.

Méthodes

Population enquêtée

Le bilan de santé de 3-4 ans est effectué dans le département des Hauts-de-Seine par un médecin de PMI, assisté généralement d'une auxiliaire de puériculture ou d'une infirmière scolaire pour l'interrogatoire et les dépistages sensoriels. Sa réalisation nécessite que l'école maternelle soit effectivement couverte par une telle équipe de PMI. Le bilan est alors proposé à tous les enfants de 3-4 ans scolarisés. Il se déroule sur rendez-vous, en présence d'un parent (ou d'un tiers choisi par lui) prié d'apporter le carnet de santé de l'enfant. Les échantillons des deux études ont été recrutés par tirage au sort sur l'ensemble des enfants se présentant à ce rendez-vous, sur le principe d'un enfant par demi-journée de bilan, après information et recueil de l’accord verbal des parents. Les médecins de PMI réalisant des bilans de 3-4 ans dans les écoles maternelles du département des Hauts-de-Seine ont ainsi inclus en 2004-2005 un premier échantillon d'enfants nés en 2001 (première étude) puis, en 2010, un deuxième échantillon d'enfants nés en 2006 (deuxième étude). Les enfants étaient scolarisés en petite section de maternelle lors de la première étude, et en petite ou moyenne section lors de la deuxième. La période de réalisation des bilans s'est en effet légèrement décalée fin 2009 du fait des répercussions de l'épidémie grippale A(H1N1) sur l'organisation du service.

Outils utilisés lors du bilan de santé, critères et indicateur synthétique d’orientation

  • La vision a été évaluée par le Stycar-test ou le CADET 6.
  • L’audition a été testée par la technique de la voix chuchotée ou, plus rarement, avec un audio-testeur.
  • Le langage a été évalué par le test ERTL4 pour les enfants âgés de 3 ans 9 mois à 4 ans 6 mois 7.
  • Les difficultés psychologiques ont été repérées en tenant compte à la fois de l’observation de l’enfant pendant l’examen, des éléments rapportés par les parents (comportement à la maison, alimentation, sommeil…) et de l’échange avec les enseignants en début ou en cours d’année.
  • À ces éléments s’ajoutait un examen clinique classique, avec notamment les mesures du poids et de la taille et le calcul de l’indice de masse corporelle (IMC).
  • Un indicateur synthétique d'orientation a été calculé. Ont été comptablisés comme orientés les enfants adressés vers l'une au moins des consultations suivantes : médecin traitant (anomalie à l'examen général), ophtalmologiste, ORL, dentiste, autre type de médecin spécialiste, orthophoniste, psychologue. Le questionnaire ne précisant pas si les enfants en surpoids ou obèses étaient orientés vers une consultation spécialisée, nous n'avons pas introduit cet item dans la construction de l’indicateur synthétique d’orientation.

Recueil des données

Une fiche de recueil spécifique pour les deux études 2005 et 2010 et rassemblant une soixantaine de variables, reprenait les éléments essentiels du bilan de santé : composition de la famille, mode d’accueil antérieur, temps passé à l’école, antécédents familiaux et personnels, examen clinique avec mesures anthropométriques, dépistages sensoriels et bucco-dentaires, langue(s) parlée(s) et évaluation du langage, difficultés psychologiques éventuelles, sommeil, alimentation, ainsi que le type de couverture sociale de santé de l’enfant. La fiche de recueil était remplie par le médecin de PMI.

Définition des sous-groupes de populations

Nous avons retenu comme critère de fragilité : la pratique d'une langue étrangère, la scolarisation en zone d’éducation prioritaire (ZEP) ou l'existence d'une « couverture sociale de santé fragile ». Un enfant a été défini comme pratiquant une langue étrangère lorsque celle-ci était comprise ou parlée. La liste des écoles maternelles classées en ZEP a été fournie par le ministère de l’Éducation nationale (Académie de Versailles) pour l’étude 2005, et reprise pour l’étude 2010. La « couverture sociale de santé fragile » concerne les enfants non couverts par l'association Sécurité sociale et assurance complémentaire santé, c'est-à-dire sans aucune couverture sociale, ou couverts par l'Aide médicale d’État (AME), la couverture maladie universelle (CMU) et la CMU complémentaire (CMUc). Dans la deuxième étude seulement, la catégorie socio-professionnelle (CSP) et le statut d'activité des parents ont été définis selon les modalités Insee déjà utilisées dans les certificats de santé du 9e et du 24e mois.

Analyse statistique

Les seuils utilisés pour la définition du surpoids, de l’obésité ou de la maigreur sont ceux de l’International Obesity Task Force en fonction de l’âge et du sexe 8.

Les données ont été saisies sous Epidata® et analysées sous R. Le test du Chi2 a été utilisé pour les comparaisons statistiques. Des régressions logistiques permettant de calculer des odds ratio bruts et ajustés ont été réalisées pour explorer l'association entre le fait d'être orienté à l'issue de l'examen et la pratique d'une langue étrangère, une scolarisation en ZEP, l'existence d'une couverture santé fragile, ou un père ouvrier ou employé dans un deuxième modèle pour l’étude 2010. Pour le calcul des odds ratio ajustés, les variables explicatives « sexe » et « existence d’un mode d’accueil antérieur à la scolarisation » sont également présentes.

Résultats

La population éligible pour le bilan de santé PMI en maternelle a été évaluée par le service départemental de PMI des Hauts-de-Seine à 18 365 enfants en 2004-2005 et 18 134 enfants en 2010.

En 2004-2005, 15 564 enfants scolarisés en petite section de maternelle ont bénéficié de l’examen complet par un médecin de PMI. Parmi eux, 1 914 ont été inclus dans l’étude, soit 12,1% du total des enfants examinés entre les mois de décembre 2004 et juin 2005. Un seul refus d’inclusion dans l’étude a été enregistré. Toutes les communes du département ont été représentées par des enfants inclus.

En 2010, 13 778 enfants scolarisés en petite section ou en début de moyenne section ont bénéficié de l’examen complet par un médecin de PMI et 1 227 ont été inclus dans l’étude, soit 8,9% du total des enfants examinés entre janvier et décembre 2010. Quatre refus d’inclusion dans l’étude ont été enregistrés. Sur les 36 communes du département, 25 ont été représentées par des enfants inclus, rassemblant les trois quarts des enfants âgés de 4 ans domiciliés dans le département.

Le tableau 1 présente les caractéristiques sociodémographiques des enfants inclus, avec notamment les critères de fragilité retenus. La pratique d’une langue étrangère concernait 29,5% des enfants dans la première étude et 36,6% des enfants dans la deuxième (p<10-3) ; 12,1% des enfants de la première étude et 13,6% de la deuxième (p<10-2) étaient scolarisés en ZEP. Une couverture santé fragile concernait 15,5% des enfants dans la première étude et 13,4% dans la deuxième (NS). On observe par ailleurs une augmentation significative des enfants ayant fréquenté un mode de garde plusieurs jours par semaine avant l'entrée à l'école (p<10-3) et avant l'âge d'un an (p<10-3). Le temps passé à l’école était documenté selon des modalités différentes dans les deux études.

Tableau 1 : Caractéristiques sociodémographiques des enfants inclus et facteurs de fragilité. Études 2005 et 2010 des bilans de santé PMI 3-4 ans dans les Hauts-de-Seine, France
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Dans le tableau 2 figurent les antécédents de l’enfant, les vaccinations, les autres éléments de recours aux soins et les résultats de l’examen clinique général, des dépistages des troubles sensoriels, du langage et du comportement. On observe entre les deux études une diminution significative de la vaccination antituberculeuse (p<10-3), une augmentation significative de la vaccination contre l'hépatite B complète ou débutée (p<10-3), une tendance vers une diminution du nombre de consultations en centre de PMI après l'âge de 2 ans (p=0,06) et la présence plus fréquente d’un médecin traitant habituel dans le suivi de l'enfant (p<10-3). Les anomalies de santé retrouvées sont comparables entre les deux périodes, à l'exception du langage et de l'audition (respectivement p<0,05 et p< 0,01). L'indicateur synthétique d'orientation (enfants concernés par au moins une orientation spécialisée à l'issue du bilan de santé) est également stable, respectivement à 29,4% en 2005 et 27,1% en 2010 (NS).

Tableau 2 : Antécédents, vaccinations, recours aux soins, résultats de l’examen clinique général, des dépistages des troubles sensoriels, du langage et du comportement. Études 2005 et 2010 des bilans de santé PMI 3-4 ans dans les Hauts-de-Seine, France
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Le tableau 3 présente, pour chaque étude, l’association entre une orientation à l'issue du bilan de santé et l'existence d'un critère de fragilité. En analyse univariée, l’association est constante, excepté en 2005 pour la pratique d’une langue étrangère. En analyse multivariée, l’association n’est plus significative, excepté pour la scolarisation en ZEP (étude 2005) et la CSP du père (ouvrier ou employé, étude 2010). Un mode d’accueil antérieur à la scolarisation semble protecteur.

Tableau 3 : Association entre l'orientation vers une consultation spécialisée et les facteurs de fragilité, (%), odds ratios bruts et ajustés. Études 2005 et 2010 des bilans de santé PMI 3-4 ans dans les Hauts-de-Seine, France
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Le tableau 4 montre les associations très significatives entre cumul de facteurs de fragilité et orientation vers une consultation spécialisée à l'issue du bilan d'une part, et entre cumul de facteurs de fragilité et consultation antérieure de l'enfant en PMI d'autre part. Un gradient social apparaît clairement pour ces deux associations.

Tableau 4 : Association entre cumul de facteur de fragilité et orientation vers une consultation spécialisée, et association entre cumul de facteur de fragilité et fréquentation antérieure d'une consultation PMI. Études 2005 et 2010 des bilans de santé PMI 3-4 ans dans les Hauts-de-Seine, France
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Discussion

Il existe peu de données publiées sur la santé des enfants de 4 ans à partir des bilans PMI en maternelle 9,10. Néanmoins, depuis quelques années, certains Observatoires régionaux de santé (ORS) collaborent avec des services de PMI et réalisent des études régionales consultables sur Internet 11,12. Ces études retrouvent des taux d’orientation assez voisins des nôtres : orientation sur anomalie clinique pour 4 à 10% des enfants, sur anomalies bucco-dentaires chez 5,2 à 11% et, tous types d’orientations confondus, des taux d’orientation autour de 30%. Elles s’intéressent parfois à l’un des critères de fragilité que nous avons définis, couverture santé 11 ou scolarisation en ZEP 12, et relèvent alors une majoration des anomalies de santé. Les limites méthodologiques sont communes à toutes ces études, avec en premier lieu la représentativité des enfants inclus : l’offre de bilan de santé doit être suffisante sur le département et l’enfant doit effectivement s’y présenter. Le calcul de données pondérées est exceptionnel. Par essence, toutes ces études portent sur des territoires restreints, et aucun résultat national n’est disponible. Les premiers résultats nationaux sur la santé du jeune enfant sont fournis par les études triennales de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) réalisées à l'école à l'âge de 5-6 ans 13.

Nos études comportent ces mêmes limites méthodologiques, mais si les échantillons ne peuvent être directement représentatifs de l’ensemble des enfants de 3-4 ans du département, leur objectif est bien d’être directement représentatifs des activités de dépistage et d’orientation menées par les équipes départementales de PMI. À ce titre, il fournissent un élément d’évaluation de cette action inscrite dans le Code de la santé publique. Afin de s’assurer de cette représentativité, nous avons comparé les indicateurs agrégés du service départemental de PMI aux indicateurs de nos deux études pour tous les enfants examinés en 2004-2005 puis en 2010, lorsque la définition des variables rendait la comparaison possible. Si les résultats sont superposables pour l’étude 2005, sauf pour l'orientation sur une anomalie à l'examen clinique général indépendamment des autres dépistages (p<0,02), il existe pour l’étude 2010 une majoration des modes d’accueil en crèche collective, chez une assistante maternelle agréée et en crèche familiale (p<0,001) ainsi que pour les vaccinations BCG et ROR (p<0,001). D'autres résultats ne font pas ressortir de différence significative (données agrégées et données de l'étude comparables pour les vaccinations DTCPH, hépatite B, le langage et l'orientation sur l'examen clinique général). Néanmoins, ces différences suggérent une moindre représentativité en 2010, liée aux difficultés d’inclusion.

Des différences sont constatées entre les deux périodes, concernant la couverture vaccinale notamment, mais globalement les anomalies de santé sont stables dans le temps. La comparaison des deux études montre une diminution de la vaccination BCG en relation avec la disparition, dès janvier 2006, de la vaccination par multipuncture (Monovax®) au profit du seul vaccin intradermique, puis avec les nouvelles recommandations de vaccination sélective sur les seuls groupes à risque dès juillet 2007, qui concernent pourtant tous les enfants franciliens mais sans caractère obligatoire 14. Au contraire, la vaccination contre l'hépatite B a bénéficié de la commercialisation dès 2004, puis du remboursement dès 2008 du vaccin hexavalent Infanrix Hexa®, utilisé en primovaccination et rappel contre les infections DTCPH et hépatite B (une administration séparée était auparavant incontournable). La vaccination contre le pneumocoque a suivi une même progression, avec un remboursement acquis en décembre 2002, et ces éléments sont connus 15.

Concernant les résultats cliniques, on observe une grande stabilité entre les deux études, à l'exception des anomalies du langage qui tendent à diminuer, ce qui peut être mis en relation avec l'augmentation de la fréquentation d'un mode d'accueil collectif avant l'école dans notre deuxième échantillon 16. Les orientations sur l’examen clinique général sont également moins fréquentes, à rapprocher du fait qu’un médecin traitant est davantage présent dans le parcours de soins de l’enfant. La diminution du surpoids et de l'obésité, qui a pu être observée en grande section de maternelle au niveau national entre 2000 et 2005 avec la mise en place du Programme national nutrition santé, n'est pas retrouvée ici, peut-être en raison de taux de surpoids déjà faibles 17.

Les inégalités sociales de santé sont présentes dès l'âge de 4 ans, et ce dans les deux études menées à 5 ans d’intervalle. Les facteurs de fragilité sociale, et surtout leur cumul, doivent inciter à les rechercher. L'indicateur synthétique d'orientation est le reflet de l'utilité théorique du bilan de santé. Il devrait être confirmé par d'autres études pour évaluer les prises en charge réellement entreprises à la suite de cet examen. Le critère de langue fournit une approche des populations migrantes, connues pour avoir un moins bon état de santé que la population majoritaire, qui ne s'explique que partiellement par des facteurs sociaux 18,19. Le critère de couverture santé défavorable regroupe toutes les situations pouvant gêner le recours aux soins, y compris la couverture par la CMU, dont les difficultés persistantes des bénéficiaires pour l'accès aux soins ont été montrées 20. Les ZEP définissaient jusqu'en 2006 des ensembles socio-géographiques cohérents dans lesquels les conditions sociales étaient telles qu'elles constituaient un facteur de risque, voire un obstacle pour la réussite scolaire des enfants 21. Ces zones ont ensuite évolué avec une nouvelle dénomination : les réseaux réussite scolaire (RRS). Nous avons conservé le découpage ZEP initial lors de l'étude 2010 pour assurer la comparabilité des échantillons.

Dans nos deux études, ces critères traduisent davantage une synthèse de caractéristiques sociodémographiques ou culturelles qu'un effet propre, comme le montre l'analyse multivariée centrée sur l'indicateur synthétique d'orientation. Leur intérêt réside dans le fait que, pris isolément ou cumulés, leur présence permet d'affirmer, pour un enfant donné, un risque accru d'anomalie(s) de santé retrouvée(s) non encore prise(s) en charge et nécessitant une orientation lors du bilan de 3-4 ans à l'école maternelle. Ces critères de fragilité sont de connaissance immédiate pour les acteurs de terrain. Dès lors, leur présence, surtout cumulée, doit être recherchée sur le plan individuel pour favoriser un suivi médical régulier : le médecin traitant en profite-t-il, lors d'une consultation pour un problème aigu, pour faire le point sur la croissance et le développement de l'enfant ? Et, sur un plan collectif, pour évaluer le déroulement des bilans de santé sur un territoire : les populations qui présentent ces critères se sont-elles bien présentées à l'examen de santé à l'école? Existe-t-il une évolution favorable dans le temps des anomalies de santé pour ces populations ? Ces populations ont-elles bénéficié des autres dispositifs de PMI, notamment des consultations, mais aussi les modes d'accueil, etc. ?

L’intérêt de cette reconnaissance des enfants davantage exposés à des problèmes de santé ne doit cependant pas occulter l’intérêt d’un bilan de santé universel, comme en témoigne la fréquence des orientations pour les enfants sans aucun critère de fragilité (toujours plus d’un enfant sur 5 orienté). Or, on observe une dégradation de la couverture des bilans en maternelle en contradiction avec le caractère universel des actions du service de PMI. Alors que le nombre d’élèves éligibles au bilan en maternelle est resté stable entre 2004-2005 et 2010, on assiste à un double décrochage : du nombre total de bilans complets effectués et, parmi ceux-ci, du pourcentage d'enfants inclus dans l’étude, qui s’explique par le refus exprimé par certains territoires d’inclure des enfants examinés en raison de leurs difficultés à réaliser leur mission, d'où une moindre représentativité de l'échantillon 2010. On observe aussi globalement que l’augmentation de la proportion d'enfants scolarisés dans une école située en ZEP entre les deux études est limitée, malgré sa significativité (p<0,01). Ceci indique que, malgré le rétrécissement de l'offre de bilan, il n'y a pas eu de priorité nette donnée en 2010 aux zones socialement défavorisées.

Ces études renseignent également sur les consultations médicales réalisées en PMI lors du suivi de l'enfant depuis sa naissance. La majoration très significative de la fréquentation des centres de PMI lorsqu'il existe au moins une situation de fragilité est observée dans les deux études. Elle témoigne de l'importance de ce type de recours aux soins pour ces populations. Toutefois, la proportion d'enfants ayant au moins deux facteurs de fragilité et qui n'ont jamais consulté en PMI est en légère augmentation ; il est légitime de se demander si le choix de certaines familles n'a pas été contraint par une diminution de l'offre de consultation PMI.

Au plan national, les bilans de santé en maternelle sont un outil sous-employé pour mesurer l'état de santé des enfants de 4 ans et lutter contre les inégalités sociales de santé. Déployés sur l'ensemble du territoire selon un standard matérialisé par un formulaire commun, ces bilans devraient être en mesure de fournir des indicateurs nationaux sur le mode de vie et la santé, et contribuer à la définition des politiques publiques pour les jeunes enfants. Or, du fait de l'absence de réalisation homogène des bilans sur l'ensemble du territoire français (modalités de l’examen clinique, type de dépistages…) et de l’insuffisance des recueils, analyses et publications, ces bilans de santé ne fournissent pas actuellement de données épidémiologiques au niveau national 22. Un projet impliquant 30 départements, en partenariat avec l'unité de service Inserm-Ined-EFS « Elfe » qui coordonne la cohorte Elfe (Étude longitudinale française depuis l’enfance. http://www.elfe-france.fr), offrira en 2014-2016 l'opportunité de rassembler des données brutes et pondérées comparables sur un ensemble de territoires variés pour les enfants nés en 2011 à certaines périodes 23.

Conclusion

Il est possible, au travers de recueils épidémiologiques simples s'appuyant sur le dispositif des bilans en école maternelle à 4 ans, de fournir des indicateurs de santé capables d'orienter les politiques publiques et les acteurs de terrain pour une meilleure prise en compte des inégalités sociales de santé déjà présentes à cet âge, sur le plan local et national, sans remettre en cause le caractère universel des bilans.

Aspects éthiques

Le Comité consultatif sur le traitement de l’information en matière de recherche dans le domaine de la sante (CCTIRS) a émis un avis favorable sur la méthodologie des deux études. L’informatisation anonyme des données a reçu chaque fois l’aval de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil).

Remerciements

Nous remercions très chaleureusement les parents de leur confiance, et tous les acteurs de ces bilans en maternelle, médecins, auxiliaires et infirmières qui, par leur implication exemplaire, ont rendu ces recueils possibles. Nous remercions également les reviewers pour la qualité de leurs remarques et suggestions.

Références

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14 Guthman JP, Fonteneau L, Antoine D, Cohen R, Lévy-Bruhl D, Che D. Couverture vaccinale BCG et épidémiologie de la tuberculose chez l’enfant : où en est-on un an après la levée de l’obligation vaccinale en France ? Bull Epidémiol Hebd. 2009;(12-3):113-6. http://opac.invs.sante.fr/index.php?lvl=notice_display&id=1509
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16 Marcos H, Salzar Orvig A, Bernicot J, Guidetti M, Hudelot C, Preneron C. Le développement du langage et de la communication. L'influence du mode d'accueil chez les enfants de 2 et 3 ans. Recherches et Prévisions. 2000;62:57-70. https://www.caf.fr/sites/default/files/cnaf/Documents/Dser/PSF/062/RP62-HMarcos%20et%20al.pdf
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18 Hamel C, Moisy M. Migrations, conditions de vie et santé en France à partir de l'étude Trajectoire et origines, 2008. Bull Epidémiol Hebd. 2012;(2,3,4):22-4. http://opac.invs.sante.fr/index.php?lvl=notice_display&id=10346
19 Saurel-Cubizolles MJ, Saucedo M, Dewniak N, Blondel B, Bouvier-Colle MH. Santé périnatale des femmes étrangères en France. Bull Epidémiol Hebd. 2012;(2,3,4):30-4. http://opac.invs.sante.fr/index.php?lvl=notice_display&id=10349
20 Despres C, Guillaume S, Couralet PE. Le refus de soins à l’égard des bénéficiaires de la Couverture maladie universelle complémentaire à Paris : une étude par testing auprès d'un échantillon représentatif de médecins (omnipraticiens, gynécologues, ophtalmologues, radiologues) et de dentistes parisiens. Paris: Institut de recherche et documentation en santé; 2009. 99 p. http://www.cmu.fr/fichier-utilisateur/fichiers/refus_soins_testing2009_rapport.pdf
21 Benabou R, Kramarz F, Prost C. Zones d'éducation prioritaire, quels moyens pour quels résultats ? Une évaluation sur la période 1982-1992. Economie et Statisitique (Insee). 2004;380:3-34. http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/es380a.pdf
22 Inserm. Santé de l'enfant. Propositions pour un meilleur suivi. Expertise opérationnelle. Paris: Inserm; 2009. 261 p. http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/094000396/
23 Pirus C, Bois C, Dufourg MN, Lanoë JL, Vandentorren S, Leridon H. La construction d’une cohorte : l’expérience du projet français Elfe. Population.2010;65(4):637-70.

Citer cet article

Bois C, Guillemot G. Bilans de santé PMI 3-4 ans à l'école maternelle dans les Hauts-de-Seine, France: synthèse des études 2005 et 2010 et perspectives. Bull Epidémiol Hebd. 2014;(29):482-90. http://www.invs.sante.fr/beh/2014/29/2014_29_2.html