Analyse comparative des bactériémies nosocomiales chez l’adulte en réanimation et hors réanimation :
Enquête nationale de prévalence 2012, France

// Comparative analysis of adult hospital-acquired bloodstream infections in intensive care units (ICUs) and out of ICUs: the 2012 French Prevalence Survey

Marine Giard1,2, Anaïs Machut1, Delphine Noël-Lagnado1, Louis Ayzac1, Sophie Vaux3, Bruno Coignard3, Anne Savey1,2 (anne.savey@chu-lyon.fr), pour le Groupe de travail ENP-Raisin 2012*
1 Centre de coordination de la lutte contre les infections nosocomiales (CClin) Sud-Est, Hospices civils de Lyon, France
2 Université de Lyon, France
3 Institut de veille sanitaire, Saint-Maurice, France

* Institut de veille sanitaire : B. Coignard, S. Georges, L. Léon, JM. Thiolet (Coordination France), S. Vaux ; CClin Sud-Est : C. Bernet, M. Giard, A. Machut ; CClin Sud-Ouest : C. Gautier, P. Jarno ; CClin Est : L. Simon ; CClin Paris-Nord : B. Migueres, K. Miliani, D. Verjat-Trannoy ; CH Tourcoing : S. Alfandari ; CHU Reims : O. Bajolet.
Soumis le 18.06.2014 // Date of submission: 06.18.2014
Mots-clés : Bactériémie | Infection nosocomiale | Réanimation | Court séjour | Prévalence | France
Keywords: Bloodstream infection | Hospital-acquired infection | Intensive care unit | Acute care setting | Prevalence | France

Résumé

Introduction –

La surveillance nationale des bactériémies nosocomiales (BN) a été restreinte en 2005 à la réanimation. En 2012, l’Enquête nationale de prévalence (ENP) des infections nosocomiales rapportait une prévalence des BN de 0,5%. L’objectif de cette étude était la comparaison des BN en réanimation et hors réanimation.

Méthode –

Les données proviennent de l’ENP de 2012. Les analyses ont porté sur la prévalence des BN, leur répartition selon le type de séjour et leur origine. Une analyse multivariée a étudié les facteurs associés aux BN.

Résultats –

Parmi les 216 387 patients inclus, 2,4% étaient hospitalisés en réanimation, 65,9% en court séjour et 31,7% en soins de suite et de réadaptation (SSR). La prévalence des BN y était respectivement de 3,2%, 0,6% et 0,2%. Seulement 14,9% des BN étaient recensées en réanimation contre 74,8% en court séjour. Les BN liées à un cathéter représentaient 42,0% des BN en réanimation, 44,7% en court séjour et 19,0% en SSR. Les BN non liées à un cathéter étaient plus souvent secondaires à une pneumonie en réanimation (15,3%), à une infection urinaire en court séjour (25,4%) ou en SSR (45,7%). La survenue d'une BN était associée à de nombreux facteurs liés au patient, le principal étant l'exposition à un cathéter. Après ajustement, le risque de survenue d'une BN en réanimation ne différait pas significativement de celui en court séjour.

Conclusion –

Dans l’ENP 2012, alors que la prévalence des BN était plus élevée en réanimation, les trois quarts des BN survenaient en court séjour. L'origine la plus souvent retrouvée était l'exposition à un cathéter, en court séjour comme en réanimation. Les efforts de prévention et de surveillance devraient être élargis aux patients à risque en dehors de la réanimation, notamment ceux porteurs de cathéter.

Abstract

Background –

In 2005, the national surveillance of hospital-acquired bloodstream infections (BSIs) was limited to intensive care units (ICUs). In 2012, the French National Prevalence Survey (PS) of Healthcare-associated Infections reported a BSI prevalence of 0.5%. The objective of this analysis was to compare hospital-acquired BSIs in and out of ICUs.

Method –

The data are from the 2012 PS were used. The analyses focused on the prevalence of BSIs, their distribution by type of residence and origin. A multivariate analysis examined factors associated with BSIs.

Results –

Among the 216,387 patients included in the study, 2.4% were hospitalized in ICUs, 65.9% in acute care setting (ACSs), and 31.7% in rehabilitation centers (RCs). BSI prevalence was 3.2%, 0.6% and 0.2%, respectively. However, only 14.9% of the BSIs were reported in ICUs (74.8% in ACS). Catheter-related BSIs corresponded to 42.0% of all BSIs in ICUs, 44.7% in ACSs and 19.0% in RCs. BSIs not catheter related were more often secondary to pneumonia in an ICU (15.3%), and to a urinary tract infection in ACSs (25.4%) or in RCs (45.7%). The occurrence of a BSI was associated to many individual risk factors, the main important being catheter exposure, meanwhile the type of settings (ICU versus ACS) was not significant.

Conclusion –

Even if BSI prevalence is higher in ICUs, three quarters of BSIs occurred in ACSs. A catheter is involved in more than 40% of BSI cases in ICUs as in ACSs. Surveillance and prevention actions should not be limited to ICUs, but should also focus on patients with a catheter in acute care settings.

Introduction

L’enquête nationale de prévalence (ENP) 2012 des infections nosocomiales (IN) et des traitements anti-infectieux en établissements de santé 1 a mobilisé 1 938 établissements (300 330 patients, 90,6% des lits d’hospitalisation en France). Elle rapportait une prévalence de patients présentant une bactériémie nosocomiale (BN) de 0,5% (1 620 patients) 2. Une bactériémie correspond à la présence d’une bactérie dans le sang circulant, objectivée par des hémocultures positives. Les bactériémies demeurent des infections graves, dont le taux de mortalité est élevé, variant selon la criticité des patients et les germes en cause.

La surveillance des BN dans le cadre du Réseau d’alerte, d’investigation et de surveillance des infections nosocomiales (réseau BN-Raisin) incluait initialement toutes les spécialités. À partir de 2005, seule la surveillance des BN en réanimation a perduré via le réseau REA-Raisin 3. Le poids des bactériémies acquises hors réanimation ainsi que leurs caractéristiques nécessitent aujourd’hui d’être mieux connus.

L’objectif principal de cette étude était de comparer la prévalence des bactériémies en réanimation et hors réanimation à partir des données de l’ENP 2012. Ses objectifs secondaires étaient de décrire les patients bactériémiques et les bactériémies en réanimation et hors réanimation, et d’étudier les facteurs associés aux bactériémies acquises dans les établissements de santé.

Méthodes

Population

En 2012, tous les établissements de santé publics et privés français ont été sollicités sur la base du volontariat pour inclure les patients présents le jour de l’enquête et admis avant 8 heures dans les services d’hospitalisation complète. Les méthodes de l’ENP, notamment la définition des bactériémies et leur porte d'entrée, sont disponibles en ligne 1. Pour notre étude, les services d’hospitalisation à domicile ont été exclus. Les séjours en psychiatrie ou soins de longue durée ont également été exclus car la prévalence des BN y était très faible (<0,1%, soit un total de 20 patients) 2. Enfin, les patients âgés de moins de 16 ans ont également été exclus.

L’analyse a été restreinte aux BN acquises dans les établissements de santé participants (exclusion des BN importées d’un autre établissement de santé).

Variables utilisées

Les types de séjour comparés étaient la réanimation (polyvalente, médicale, chirurgicale, spécialisée ou autre), le court séjour hors réanimation (chirurgie, gynéco-obstétrique, médecine, prise en charge spécialisée des brûlés) et les soins de suite et de réadaptation (SSR). Les autres variables utilisées étaient : les comorbidités associées (score de Mac Cabe : indice de gravité de l’état du patient, l’existence d’une immunodépression, d’un cancer évolutif, d’une intervention depuis l’admission), la durée d’hospitalisation (regroupée en 4 classes : <4 jours, 4-7 jours, 8-30 jours et >30 jours) et l’exposition à un ou plusieurs dispositifs invasifs (intubation, sonde urinaire, cathéter périphérique ou central).

Analyses statistiques

L’analyse descriptive a été menée par type de séjour, décrivant les caractéristiques des patients, l'exposition aux dispositifs invasifs, et les BN (porte d'entrée, micro-organismes isolés et leur résistance aux anti-infectieux). La prévalence des BN a été calculée par type de séjour et selon la catégorie de BN (liée ou non à un cathéter).

Une régression logistique a exploré les facteurs associés aux BN : type de séjour, facteurs de risque individuels et exposition aux dispositifs invasifs. Un modèle multivarié a été construit par la méthode pas à pas descendante de Wald, avec un seuil de sortie des variables de 0,10. Les résultats sont présentés sous forme d’odds ratio ajustés, avec leur intervalle de confiance à 95% ; le seuil de significativité retenu est de 0,05. L’ensemble des analyses a été réalisé avec le logiciel SPSS® version 19.

Résultats

Population

Parmi les 300 330 patients inclus initialement dans l’ENP 2012, 216 387 (72%) ont été inclus dans cette étude. Parmi eux, 2,4% étaient hospitalisés en réanimation, 65,9% en court séjour et 31,7% en SSR.

La classe d’âge la plus représentée était celle des 65-84 ans dans tous les types de services. En réanimation, un plus grand nombre d’hommes que de femmes étaient hospitalisés (à l'inverse des autres services), les patients avaient le score de Mac Cabe le plus élevé, étaient le plus souvent immunodéprimés et avaient le plus souvent subi une intervention chirurgicale. Comme attendu, ils étaient également plus souvent exposés à cathéter (92,4% en réanimation, 46,6% en court séjour et 8,4% SSR) (tableau 1).

Tableau 1 : Caractéristiques des patients selon le type de séjour. Enquête nationale de prévalence 2012, France
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Prévalences des infections nosocomiales et des bactériémies acquises dans l’établissement

La prévalence des IN était de 4,4%, représentant 9 454 patients. Elle était de 20,9% en réanimation, 3,9% en court séjour et 4,0% en SSR.

La prévalence des BN était de 0,5%, représentant 1 132 patients. Elle était de 3,2% en réanimation, 0,6% en court séjour et 0,2% en SSR (tableau 2).

La part relative des BN au sein des IN était de 11,4% (15,3% en réanimation, 15,2% en court séjour et 4,2% en SSR).

Tableau 2 : Prévalence des patients avec bactériémies nosocomiales acquises dans l’établissement selon le type de séjour. Enquête nationale de prévalence 2012, France
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Description des bactériémies nosocomiales acquises dans l’établissement selon le type de séjour

Parmi les 1 132 BN, 847 (74,8%) ont été acquises en court séjour, 169 (14,9%) en réanimation et 116 (10,2%) en SSR. Les patients ayant acquis une BN étaient atteints de manière plus sévère en court séjour qu’en réanimation. Ils avaient un score de Mac Cabe plus élevé, étaient plus souvent immunodéprimés et avaient plus souvent un cancer évolutif (tableau 3).

Tableau 3 : Caractéristiques des patients ayant une bactériémie acquise dans l’établissement selon le type de séjour. Enquête nationale de prévalence 2012, France
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Une part importante des BN est d'origine indéterminée (23,7% en réanimation et environ 16% en court séjour et SSR). Les BN liées à un cathéter correspondaient à 42,0% des BN en réanimation, 44,7% en court séjour et 19,0% en SSR. Les cathéters centraux étaient plus souvent en cause que les périphériques pour tous les types de séjour. Les BN non liées à un cathéter étaient majoritairement d'origine urinaire en court séjour (14,0%) et SSR (37,1%), et d'origine pulmonaire (8,9%) ou digestive (8,3%) en réanimation (figure).

Figure : Bactériémies acquises selon l'origine. Enquête nationale de prévalence 2012, France
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Le micro-organisme le plus fréquemment isolé des BN était Staphylococcus aureus (18,7%), suivi d’Escherichia coli (16,1%). Cette distribution était conservée en court séjour (19,5% et 15,9% respectivement) mais inversée en SSR (18,1% et 27,6%), où la plus grande part des BN n’était pas liée à un cathéter. En réanimation, S. aureus était le germe le plus fréquemment isolé (15,2%), suivi de Pseudomonas aeruginosa (10,6%) puis de E. coli (10,1%). Les germes isolés des BN étaient plus fréquemment résistants aux antibiotiques en réanimation : 36,7% des S. aureus étaient résistants à la méticilline, 27,8% des E. coli et six des neuf souches de Klebsiella pneumoniae étaient productrices de β-lactamase à spectre étendu.

Facteurs associés à la survenue de bactériémies acquises dans l’établissement chez les patients hospitalisés

L’analyse des facteurs associés au fait d’être porteur d’une BN a porté sur les 165 186 patients (76,3% de la population d’étude) pour lesquels aucune donnée étudiée n’était manquante.

Après ajustement sur les facteurs de risque individuels des patients et l’exposition aux dispositifs invasifs, le risque de BN était plus élevé en réanimation qu’en SSR, mais ne différait pas significativement de celui en court séjour. Les facteurs associés à l’infection avec l’odds ratio le plus important étaient la durée d’hospitalisation avant l’enquête et l’exposition aux dispositifs invasifs, notamment à un cathéter périphérique ou central (tableau 4).

Tableau 4 : Facteurs associés à la survenue de bactériémies acquises dans l’établissement chez les patients hospitalisés : analyses univariée et multivariée. Enquête nationale de prévalence 2012, France
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Discussion

La prévalence des BN est plus élevée en réanimation qu’en court séjour, ce qui est retrouvé dans d’autres pays, en Belgique (44,5 versus 8,4/10 000 journées d’hospitalisation) 4 et, dans une moindre mesure, au Canada (14,7 versus 5,3/10 000 journées d’hospitalisation) 5. Cependant, notre étude confirme que la grande majorité (85,1%) des BN survient en dehors des services de réanimation.

Les patients dans notre étude avaient des caractéristiques plus sévères en court séjour qu’en réanimation en termes de comorbidités associées (âge, score de Mac Cabe, immunodépression, affection maligne). Cela interroge sur le pronostic des patients bactériémiques hors réanimation. Des études affirment a minima que ces patients ont une durée d’hospitalisation et un taux de mortalité plus élevés que les patients sans BN 6,7. Une autre étude confirme l’hypothèse que le pronostic des patients bactériémiques hors réanimation est semblable à celui des patients en réanimation : la mortalité intra-hospitalière est liée à la survenue d’une BN liée au cathéter central, à une autre IN ou au score de gravité, mais pas à l’hospitalisation en réanimation 8.

Notre étude souligne que, malgré une exposition à un cathéter plus importante en réanimation, la part de BN d'origine « liée au cathéter » n’y était pas plus élevée. Par ailleurs, en analyse multivariée, le séjour en réanimation n’était pas associé au fait d’avoir acquis une BN comparé au court séjour, tandis que l’exposition à un cathéter périphérique ou central y était fortement associée. Une étude récente a montré que l’incidence des BN liées au cathéter central peut être plus élevée en dehors de la réanimation : 2,1 versus 1,5 pour 1 000 jours de cathéter ; p=0,02 9. Une autre étude, réalisée dans un hôpital universitaire de Genève, présente des résultats similaires : le nombre total de journées avec cathéter central ainsi que le nombre de bactériémies sur cathéter étaient plus élevés en dehors de la réanimation 10. Ceci suggère que le risque de survenue d'une BN n’est pas limité à la réanimation mais concerne aussi les patients avec cathéter hors de la réanimation.

L’incidence des BN sur cathéter veineux central en réanimation (données du réseau REA-Raisin 11) était utilisée comme indicateur national 2009-2013. La limitation de la surveillance des BN aux seuls services de réanimation permet d’identifier des patients avec BN tout en suivant un nombre limité de patients. En revanche, seule une proportion réduite des patients avec BN est incluse. L’extension de la surveillance au reste des services de court séjour permettrait de recenser la majorité des BN, mais ne se ferait pas sans difficulté : la charge de travail induite par un recueil de données individuelles pour chaque patient hospitalisé, tel que proposé actuellement par les réseaux de surveillance, rend peu faisable une telle proposition. Une surveillance restreinte aux seuls patients avec BN existait en France avant 2005 et a également été testée dans un établissement américain de 1 200 lits 9. Le recueil des données concernant les BN est en effet simple à réaliser, notamment à partir des laboratoires de bactériologie. Cependant, cette surveillance a des retombées limitées pour la pratique : en l’absence d’information sur l’ensemble des patients ayant partagé la même exposition au risque, on ne peut pas analyser les causes potentielles et donc proposer des axes d’amélioration, ni réaliser des ajustements afin d'établir des comparaisons. Une alternative serait de restreindre la surveillance à certains types d’agents pathogènes et de rattacher ces types d’agents à des procédures invasives (e.g. S. aureus pour les infections sur cathéter, E. coli pour les infections associées à la sonde urinaire) 12. Mais les informations recueillies seraient restreintes et, encore une fois, les implications pour la pratique limitées. Pour prendre en compte toutes ces remarques, il faudrait donc proposer une surveillance avec un recueil d’informations détaillées et ciblées sur des patients à risque. Mais quels patients inclure et comment obtenir l’information sur le dénominateur, notamment concernant l'exposition à cathéter ?

Pour donner quelques exemples à l’étranger, la plupart des surveillances des BN sont restreintes, selon les pays, à un secteur particulier (réanimation au Canada, hémodialyse en Suisse), à certaines pathologies (transplantation de moelle osseuse en Allemagne), aux patients exposés à un dispositif invasif (cathéter de tout type en Espagne ou cathéter central en Australie) ou à un germe particulier (S. aureus ou E. coli en Ecosse, S. aureus résistant à la méticilline aux États-Unis) 12. Seul le Canada propose une surveillance des BN « panhospitalières » 5. Le programme américain, qui cible les patients et les secteurs à risque, a permis une baisse de l’incidence des BN liées à un cathéter central en réanimation de 1,96 à 1,15 pour 1 000 jours de cathéter 13.

Au vu des résultats de notre étude, la surveillance pourrait être restreinte aux patients les plus à risque, c'est-à-dire hospitalisés depuis plus d’une semaine, voire dès quatre jours, porteurs d’un cathéter périphérique ou central, en court séjour comme en réanimation. Il pourrait également être possible de se concentrer sur les BN évitables par des actions ciblées sur les patients à risque. Ainsi, l’introduction d’une analyse systématique des causes de certaines BN pourrait être couplée à la surveillance. L'indicateur BN-SARM (bactériémies nosocomiales à Staphylococcus aureus résistant à la méticilline) est d'ailleurs en simulation en 2014 pour le tableau de bord IN des établissements de santé, tous les épisodes de BN à SARM devant faire l’objet d’une analyse des causes. De même les efforts de prévention devraient porter autant sur les services de court séjour qu'en réanimation. Ils pourraient être orientés en fonction de l’origine des BN, avec en premier lieu, la gestion du risque lié au cathéter (en cause dans plus de 40% des BN en réanimation comme en court séjour) mais aussi selon les autres portes d’entrée retrouvées : pulmonaire ou digestive en réanimation, urinaire en court séjour et SSR. En termes d’actions à mener, des travaux récents ont montré qu’une approche multimodale et multidisciplinaire était efficace pour réduire l’incidence des BN sur cathéter central en réanimation et hors réanimation 14.

Des limites de l’étude, propres aux enquêtes transversales, ont été décrites dans le rapport de l’ENP 2012 2. Des erreurs peuvent porter sur le diagnostic ou le codage de certaines variables, notamment des bactériémies (sepsis avec identification d’un micro-organisme, IN codées BN alors que l’examen microbiologique était stérile). Elles devraient être identiques dans tous les types de séjour. Elles peuvent toutefois limiter la portée de cette étude.

Par ailleurs, la chronologie des évènements demeure inconnue. L’association entre la présence d’un dispositif invasif et la survenue d’une BN a été étudiée sans qu’il puisse être confirmé que le dispositif invasif était présent avant l’infection ou, a fortiori, qu’il puisse être conclu à une causalité entre ces deux évènements. Seule une étude prospective pourrait assurer cette chronologie, ce qui est le cas des surveillances en incidence.

Enfin, une enquête de prévalence ne permet pas de connaître la gravité des bactériémies et le devenir de ces patients et donc de comparer les évolutions en fonction des types de séjour. Cela souligne de nouveau l’intérêt d’enquêtes prospectives dédiées, dont la surveillance serait prolongée au-delà de la survenue de l’infection.

Conclusion

Bien que la prévalence des BN soit plus élevée en réanimation, les trois quarts des BN surviennent en court séjour. L'origine la plus souvent trouvée reste l'exposition à un cathéter, en court séjour comme en réanimation. Après ajustement, le risque de survenue d'une BN en réanimation ne diffère pas significativement de celui en court séjour.

Les efforts de prévention et surveillance devraient être élargis aux patients à risque en dehors de la réanimation, notamment ceux porteurs d'un cathéter.

Références

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3 Réseau REA-Raisin. Surveillance des infections nosocomiales en réanimation adulte. Protocole 2014. Dossier thématique Surveillance des infections associées aux soins (IAS). Surveillance en incidence. REA. Saint-Maurice: Institut de veille sanitaire; 2014. 41 p. http://www.invs.sante.fr/Dossiers-thematiques/Maladies-infectieuses/Infections-associees-aux-soins/Surveillance-des-infections-associees-aux-soins-IAS/Surveillance-en-incidence
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14 Zingg W, Cartier V, Inan C, Touveneau S, Theriault M, Gayet-Ageron A, et al. Hospital-wide multidisciplinary, multimodal intervention programme to reduce central venous catheter-associated bloodstream infection. PLoS One. 2014;9(4):e93898.

Citer cet article

Giard M, Machut A, Noël-Lagnado D, Ayzac L, Vaux S, Coignard B, et al. Analyse comparative des bactériémies nosocomiales chez l’adulte en réanimation et hors réanimation : Enquête nationale de prévalence 2012, France. Bull Epidémiol Hebd. 2014;(29):474-81. http://www.invs.sante.fr/beh/2014/29/2014_29_1.html