La maladie veineuse thromboembolique : patients hospitalisés et mortalité en France en 2010

// Venous thromboembolism: hospitalized patients and mortality in France in 2010

Valérie Olié1 (v.olie@invs.sante.fr), Francis Chin1, Agathe Lamarche-Vadel2, Christine de Peretti1
1 Institut de veille sanitaire, Saint-Maurice, France
2 Inserm-CépiDc, Le Kremlin-Bicêtre, France
Soumis le : 15.05.2013 / Date of submission: 05.15.2013
Mots-clés : Maladie veineuse thromboembolique | Hospitalisation | Incidence annuelle | Mortalité
Keywords: Venous thromboembolism | Hospitalization | Annual incidence | Mortality

Résumé

Introduction –

Peu de données sont disponibles sur l’incidence de la maladie veineuse thromboembolique (MVTE) et sa mortalité en France.

Méthodes –

Les bases nationales du programme de médicalisation des systèmes d’information en médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie (PMSI-MCO) et des causes médicales de décès de 2010 ont été utilisées. Dans le PMSI, les événements ont été sélectionnés à partir du diagnostic principal (DP) et/ou associé (DA). Pour la mortalité, les décès par MVTE en cause initiale et en causes multiples ont été analysés. Les taux bruts par sexe et par classe d’âge ont été calculés ainsi que des taux standardisés sur l’âge.

Résultats –

En 2010, l’incidence annuelle des patients hospitalisés avec un DP de MVTE était de 85,5 cas pour 100 000 habitants et de 186,6 pour 100 000 en DP et/ou DA. L’incidence augmentait avec l’âge et, après standardisation, elle était supérieure chez les hommes par rapport aux femmes. Le taux brut de mortalité en cause initiale et en causes multiples de la MVTE était respectivement de 8,1 décès et de 22,9 pour 100 000.

Conclusion –

La MVTE reste une pathologie fréquente en France en 2010, notamment chez le sujet âgé. De plus, la MVTE est associée à une mortalité importante avec plus de 14 800 décès toutes causes en 2010.

Abstract

Introduction –

There are limited data regarding incidence and mortality of venous thromboembolism (VTE) in France.

Methods –

The 2010 National Hospital Discharge and the French National Mortality Databases were used. Principal and/or associated diagnoses were used to select events in the National Hospital Discharge Database. Patients hospitalized in 2010 with a main or associated diagnosis of VTE were selected in the national hospital discharge databases. For mortality rate, we analyzed the underlying cause of death and multiple causes of death. Rates of hospitalized patients and mortality were calculated by sex and age categories. Age-standardized rates were also calculated.

Results –

In 2010, the incidence of hospitalized patients was 85.5 cases per 100,000 inhabitants for main diagnosis of VTE, and 186.6 cases per 100,000 for all diagnoses. The incidence of VTE rose markedly with age and was higher in men than in women after age-standardization. VTE death rate was 8.1 per 100,000 for the underlying cause of death and 22.9 per 100,000 for multiple causes of death.

Conclusion –

VTE is a major health problem in France in 2010, especially among elderly with a high associated mortality. VTE was implicated in more than 14,800 deaths in 2010.

Introduction

La maladie veineuse thromboembolique (MVTE) regroupe la thrombose veineuse (TV) et sa complication immédiate, l’embolie pulmonaire (EP). Pathologie fréquente, notamment chez le sujet âgé, et récidivante, elle présente une mortalité et une morbidité importantes, constituant ainsi un enjeu majeur de santé publique 1,2. Cependant, son incidence en France a été peu évaluée. Une étude réalisée à Brest en 1998, ayant inclus les cas de TV et d’EP de manière prospective pendant un an, a donné une première estimation de l’incidence de la MVTE hospitalisée en France, estimée à partir d’une population locale 1. L’incidence annuelle de la MVTE était de 183/100 000 personnes (124/100 000 pour la TV et 60/100 000 pour l’EP). L’incidence de la MVTE augmentait avec l’âge, indépendamment du sexe, pour atteindre 1% chez les personnes âgées de plus de 75 ans. Les données de mortalité de la MVTE en France sont également peu nombreuses et parcellaires. Une étude parue en 2005 estimait le taux de mortalité attribuable à la MVTE à environ 9/100 000 personnes pour l'année 1999. Ce taux, issu des statistiques des causes médicales de décès (Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès, Inserm-CépiDc) comptabilisait uniquement les décès dont la MVTE était la cause initiale 3.

L’objectif de la présente étude était de fournir des données de cadrage sur l’incidence annuelle de la MVTE hospitalisée et la mortalité pour l’année 2010 en fonction du sexe et de l’âge.

Méthodologie

Données d’hospitalisation

Les données d’hospitalisation ont été extraites de la base nationale 2010 du programme de médicalisation des systèmes d’information en médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie (PMSI-MCO). Les patients, résidant en France, ayant été hospitalisés pour un diagnostic principal (DP) et/ou un diagnostic associé (DA) de TV ou d’EP pendant l’année 2010 ont été inclus. Les DP et DA figurant sur le résumé de sortie anonyme (RSA) sont codés avec la 10e révision de la Classification internationale des maladies (CIM-10). Le code retenu pour caractériser les EP est I26 (embolie pulmonaire) et les codes utilisés pour caractériser les TV sont I80 (phlébite et thrombophlébite) ; I81 (thrombose de la veine porte) ; I82 (autres embolies et thromboses veineuses). Seuls les premiers séjours des patients hospitalisés pour un DP ou un DA d’EP ou de TV ont été conservés. En revanche, les patients venus uniquement pour une hospitalisation de jour ou transférés dans les 48 heures sans diagnostic d’EP dans les séjours suivants n’ont pas été inclus dans l’analyse.

Létalité intra-hospitalière

La létalité intra-hospitalière a été calculée à partir des données du PMSI-MCO. Elle représente le pourcentage de décès intra-hospitaliers après une hospitalisation pour une MVTE. Les décès intra-hospitaliers ont été identifiés grâce au mode de sortie codé dans le RSA.

Données de mortalité

Les données de mortalité sont issues de la base du CépiDc (Inserm). L’EP ou la TV devaient être listées comme l’une des causes de décès sur le certificat. Dans cette étude, nous avons analysé séparément les décès où la MVTE était la cause initiale et les décès en causes multiples (la MVTE est déclarée sur le certificat de décès quelle que soit sa position : cause initiale ou cause associée). Les décès par MVTE en causes multiples regroupent donc les décès dont la cause initiale était la MVTE avec ceux dont la MVTE était une cause associée.

Afin de mettre en évidence les pathologies les plus fréquemment associées à la MVTE, nous avons également détaillé les causes initiales de décès chez les patients dont la MVTE était codée en causes multiples.

Analyses statistiques

Les résultats descriptifs ont été présentés sous forme de moyenne et écart-type pour les variables quantitatives, et sous forme de pourcentage pour les variables qualitatives. Pour les variables quantitatives, les comparaisons de moyennes entre les groupes ont été réalisées par un test t de Student.

Les taux bruts de patients hospitalisés et de mortalité ont été calculés à partir des nombres de patients hospitalisés ou de décès pour MVTE survenus au cours de l’année 2010 rapportés à la population française moyenne de 2010 publiée par l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques) 4. Les taux sont exprimés pour 100 000 habitants et ont été calculés par sexe et par classe d’âge. Des taux standardisés ont été calculés par la méthode directe, en utilisant comme populations de référence la population française de 1999 d’une part, et la population européenne de 1976 d’autre part.

Les analyses ont été réalisées à l’aide du logiciel SAS Entreprise guide®, version 4.3.

Résultats

Patients hospitalisés en 2010

En France, 55 419 patients ont été hospitalisés en 2010 avec un DP de MVTE, dont 34 179 pour une EP (61,7%) et 21 240 pour une TV (38,2%) (tableau 1). Tous diagnostics confondus, cette pathologie a concerné plus de 120 000 patients en 2010. Les phlébites et thrombophlébites (I80) constituaient plus de 85% des thromboses hospitalisées en DP+DA. Dans ce groupe I80, seulement 7,1% des thromboses étaient codées comme thromboses superficielles.

Le taux brut de patients hospitalisés pour MVTE était de 85,5 pour 100 000 en ne considérant que les DP de MVTE, et de 186,6 pour 100 000 en ajoutant les DA de MVTE. L’EP seule avait un taux brut de patients hospitalisés de 52,7 pour 100 000 en DP et 85,8 pour 100 000 tous diagnostics confondus.

L’âge moyen des patients hospitalisés pour un DP de MVTE était de 67,6 ans. Il était significativement plus élevé chez les femmes que chez les hommes (69,5 vs. 65,3 ; p<0,0001) (tableau 1).

L’incidence annuelle de la MVTE hospitalisée était fortement liée à l’âge des patients. La figure 1 présente les taux de patients hospitalisés en fonction du sexe et de l’âge. Considérant les DP et les DA, le taux brut était de 15/100 000 chez les 15-19 ans, de 110/100 000 chez les 45-49 ans et de 1 200/100 000 chez les plus de 85 ans. Que l’on s’intéresse au DP seul ou aux DP et DA, les évolutions en fonction du sexe et de l’âge étaient similaires.

En période de vie reproductive, dans la tranche d’âge des 15-45 ans, le taux brut de femmes hospitalisées pour un DP et/ou un DA de MVTE était supérieur à celui des hommes. Chez les 20-24 ans, le taux des femmes était presque 2 fois plus important que celui des hommes (41,4 vs. 21,1 pour 100 000). De la même façon, après 80 ans, le taux brut de patients hospitalisés était légèrement supérieur chez les femmes par rapport aux hommes. En revanche, entre 45 et 80 ans, les hommes avaient un taux plus élevé que celui des femmes.

Après standardisation sur l’âge, le taux d’hospitalisation pour MVTE des hommes était supérieur à celui des femmes, que l’on s’intéresse uniquement au DP (78,6 vs. 73,5 pour 100 000 respectivement) ou à tous les diagnostics (173,4 vs. 157,1) (tableau 1). L’incidence plus élevée chez les hommes s’observait pour l’EP et pour la TV.

La durée moyenne de séjour est présentée dans le tableau 1. Elle était de 7,7 jours pour les patients hospitalisés pour un DP de TV et de 10,1 jours pour les patients hospitalisés avec un DP d’EP. La durée moyenne de séjour était plus élevée chez les femmes que chez les hommes (9,6 vs. 8,7 jours ; p<0,0001). En considérant l’ensemble des patients hospitalisés avec un DP ou un DA de MVTE (tous diagnostics confondus), la durée de séjour augmentait aussi bien chez les hommes que chez les femmes, la différence restant significative (13,0 vs. 12,8 jours ; p=0,01).

Les résultats concernant la létalité hospitalière de l’EP sont également présentés dans le tableau 1. La létalité atteignait globalement 3,8% pour les patients hospitalisés avec un DP de MVTE et 7,5% pour les patients avec un DP et/ou un DA de MVTE. De plus, ce taux était significativement plus élevé pour les patients hospitalisés avec un diagnostic d’EP par rapport à ceux hospitalisés avec un diagnostic de TV (5,4 vs. 1,3% en DP et 9,6 vs. 5,5% en DP et/ou DA).

Tableau 1 : Patients hospitalisés pour maladie veineuse thromboembolique (MVTE) en France en 2010 : effectifs, taux bruts et standardisés, létalité hospitalière en fonction du diagnostic
Agrandir l'image
Figure 1 : Taux d’hospitalisation avec une maladie veineuse thromboembolique (MVTE) en fonction de l’âge et du sexe, France, 2010
Agrandir l'image

Mortalité par MVTE

Le tableau 2 présente les effectifs et taux de mortalité par sexe. Plus de 5 200 décès en cause initiale par MVTE ont été répertoriés sur le territoire français en 2010. Parmi ceux-ci, 2 074 concernaient des hommes (39,6%) et 3 168 des femmes (60,4%). On comptabilisait 14 843 décès avec une MVTE en cause multiple en 2010 (6 450 chez les hommes et 8 393 chez les femmes).

Le taux brut de décès en cause initiale par MVTE en France en 2010 était de 8,1 pour 100 000 habitants (tableau 2). Ce taux s’élevait à 22,9 pour 100 000 en causes multiples. Ce taux était supérieur chez les femmes, que l’on s’intéresse à la cause initiale (9,5 vs. 6,6) ou aux causes multiples (25,1 vs. 20,6). Néanmoins, après standardisation sur l’âge, on observait une surmortalité chez les hommes en cause initiale et en cause multiple.

Tableau 2 : Effectifs, taux bruts et standardisés de mortalité par maladie veineuse thromboembolique (MVTE) en fonction du sexe, France, 2010
Agrandir l'image

La figure 2 présente les taux bruts de mortalité en cause initiale et en causes multiples en fonction de l’âge et du sexe. La mortalité par MVTE observée avant 50 ans était faible (environ 6 décès toutes causes pour 100 000 personnes). Cependant, elle augmentait de manière exponentielle avec l’âge pour atteindre près de 150 décès pour 100 000 chez les plus de 80 ans. Les taux bruts de mortalité par MVTE (cause initiale et multiple) chez les hommes étaient supérieurs dans toutes les tranches d’âge, excepté pour les plus de 85 ans.

Figure 2 : Taux de mortalité par maladie veineuse thromboembolique (MVTE) en fonction de l’âge et du sexe, France, 2010
Agrandir l'image

La figure 3 décrit les causes initiales de mortalité associées à l’ensemble des décès pour lesquels la MVTE figurait en causes multiples. On observe que la MVTE représentait la cause initiale la plus fréquente de décès avant 45 ans et à partir de 70 ans. En revanche, chez les 45-70 ans, le cancer était la cause initiale la plus fréquemment associée à la MVTE. Tous âges confondus, les cancers les plus fréquents en France « tumeurs malignes des organes digestifs » (codes CIM-10 : C15-C26) et « tumeurs malignes des organes respiratoires et intrathoraciques » (codes CIM-10 : C30-C39) étaient les cancers les plus fréquemment retrouvés associés à la MVTE. Les pathologies cardiovasculaires autres que la MVTE représentaient également une cause initiale de décès fréquemment associée à la MVTE, notamment chez les personnes les plus âgées. Chez les plus de 45 ans, les cardiopathies ischémiques, les maladies cérébrovasculaires ainsi que l’insuffisance cardiaque représentaient plus de 50% du groupe des pathologies cardiovasculaires associées à la MVTE. Les causes externes de morbidité et de mortalité étaient responsables de 6,8% décès associés à la MVTE chez les hommes jeunes et de 5,8% chez les femmes âgées. Enfin, l’obésité, les maladies du système nerveux (Alzheimer et Parkinson principalement) et les maladies de l’appareil respiratoire étaient également des causes initiales de mortalité fréquemment associées à la MVTE.

Figure 3 : Distribution des causes initiales de décès pour lesquels la maladie veineuse thromboembolique (MVTE) est déclarée en causes multiples, France, 2010
Agrandir l'image

Discussion

En 2010, l’incidence annuelle des patients hospitalisés pour un DP de MVTE était de 85,5 cas pour 100 000. Cependant, cette incidence était plus que doublée lorsque l’on s’intéressait à tous les diagnostics (DP et DA), atteignant 186,6 pour 100 000. L’incidence de la MVTE était très liée à l’âge, atteignant plus de 1% chez les plus âgés. La létalité hospitalière était élevée, notamment pour l’EP tous diagnostics confondus. Le taux de mortalité toutes causes de la MVTE, en France en 2010, s’élevait à 22,9 décès pour 100 000 personnes, essentiellement provoqués par l’EP. Les principales pathologies associées aux décès avec MVTE étaient les cancers et les autres pathologies cardiovasculaires. Également très liés à l’âge, les taux de mortalité dépassaient 150 pour 100 000 chez les plus de 80 ans. Après standardisation sur l’âge, les hommes avaient des taux de MVTE hospitalisées et de mortalité supérieurs à celui des femmes.

Hospitalisation

Le taux brut de MVTE hospitalisée en France en 2010 estimé dans notre étude était équivalent à celui observé dans l’étude française publiée en 2000 (1,83 pour 1 000 par an) 1. Dans deux études internationales 5,6, les taux bruts estimés de MVTE étaient inférieurs à ceux retrouvés dans notre étude. Cependant, seuls les primo événements de MVTE étaient pris en compte dans ces études, contrairement à la nôtre.

L’incidence annuelle de la MVTE hospitalisée en DP+DA était plus de 2 fois supérieure à celle calculée à partir des DP uniquement. L’hospitalisation engendrant souvent un alitement, une immobilisation, une chirurgie ou d’autres pathologies, représente en elle-même un facteur de risque important de MVTE 7. Ces cas de MVTE « hospitaliers » sont potentiellement évitables par une prévention adaptée 8. L’augmentation du taux d’hospitalisation avec l’âge est très cohérente avec les résultats publiés dans la littérature 9. En revanche, les résultats concernant le sexe ratio sont plus controversés. Une étude américaine a montré un taux standardisé sur l’âge plus élevé chez les hommes que chez les femmes, comme observé dans notre étude, alors que dans une étude norvégienne, la standardisation sur l’âge faisait disparaître la différence d’incidence entre les deux sexes 5,6. Concernant les taux bruts d’hospitalisation, notre étude a montré un taux d’hospitalisation avec une MVTE plus élevé chez les femmes que chez les hommes dans la tranche d’âge des 15-45 ans. Ce résultat est cohérent avec les résultats d’une précédente étude 5. Néanmoins, d’autres résultats ont mis en évidence une absence de différence d’incidence entre les hommes et les femmes dans cette tranche d’âge 10. L’hypothèse hormonale pourrait expliquer notre résultat. En effet, la prise d’une contraception oestroprogestative, les grossesses et le post-partum sont des facteurs de risque importants de MVTE et concernent tout particulièrement les femmes de la tranche d’âge 15-45 ans 11.

Létalité hospitalière

Le taux de létalité de l’EP hospitalisée observé en France était proche du taux retrouvé dans deux études internationales 12,13. Dans l’étude de Tsai et coll., la létalité était de 2,4% pour les patients hospitalisés pour un DP d’EP et de 7,1% pour les patients hospitalisés pour un DP et/ou DA d’EP. La létalité était plus élevée chez les patients hospitalisés pour un DP et/ou DA de MVTE que chez les patients hospitalisés pour un DP de MVTE. Ceci s’explique par les pathologies lourdes comme les cancers ou les hospitalisations longues, auxquelles sont souvent associées les MVTE. Des études complémentaires sont nécessaires pour accéder à la létalité à 30 jours et seraient réalisables par chaînage des données du PMSI et des données du Système national d'informations inter-régimes de l'Assurance maladie (Sniiram).

Mortalité

Peu de données récentes concernant le taux de mortalité de la MVTE en France ou dans d’autres pays sont disponibles. Une étude a comparé, en 2010, les évolutions des taux de mortalité entre 1979 et 2004 pour différents pays en utilisant les données disponibles sur le site de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) 14. En 2002, le taux de mortalité standardisé estimé, en cause initiale, était de 2,9 pour 100 000 aux États-Unis, de 5,9 pour 100 000 en Allemagne et de 4,9 pour 100 000 en Suède. Dans notre étude, le taux de mortalité en cause initiale standardisé sur la population européenne (4,5 pour 100 000) et celui standardisé sur la population française (6,7 pour 100 000) étaient du même ordre que celui des deux autres pays européens, mais restait plus élevé que le taux estimé aux États-Unis. Le taux standardisé de mortalité en causes multiples aux États-Unis, estimé en 1998, était de 9,4 décès pour 100 000. Les populations de référence utilisées pour la standardisation étant différentes ainsi que les années, il est délicat de comparer ces taux à ceux obtenus dans notre étude. De plus, nous avons utilisé la CIM-10 alors que dans l’étude américaine, il s’agissait de la CIM-9.

L’analyse des causes initiales de mortalité les plus fréquemment associées à la MVTE dans cette étude, nous a permis de mettre en évidence la morbi-mortalité associée à la MVTE. Certains types de cancers, les cardiopathies ischémiques et les maladies cérébrovasculaires sont parmi les causes les plus fréquemment associées à la MVTE. L’identification de ces pathologies pourrait participer à la poursuite de l’amélioration de la prévention de la MVTE chez les patients hospitalisés.

Limites

L’étude présente certaines limites. En effet, la qualité des estimations relatives à la MVTE repose sur la qualité du codage de cette pathologie. Concernant le PMSI-MCO, les résultats d’une étude française récente ont montré une sensibilité des codes diagnostiques de la CIM-10, utilisés dans le PMSI, élevée pour l’EP (supérieure à 88%) mais très moyenne pour la TV (environ 58%) 15. Ces défauts dans le codage de la TV ont pour conséquence une sous-estimation importante de son incidence. De plus, la CIM-10 ne permettait pas une classification optimale des TV, puisque presque 30% de celles-ci étaient codées sans précision du type ou de la localisation. De ce fait, nous n’avons pas fait de distinction entre thrombose superficielle et profonde et entre les différentes localisations de thromboses.

Outre les biais inhérents au codage de la pathologie, la qualité du diagnostic peut également entraîner certains défauts dans l’estimation de l’incidence de la MVTE hospitalisée et de la mortalité. En effet, la MVTE se manifeste souvent par une symptomatologie assez peu spécifique, si bien qu’elle est encore insuffisamment diagnostiquée. Dans une étude autopsique publiée en 2008 sur des patients décédés en cours d’hospitalisation et sur lesquels une autopsie a été réalisée, 15,9% des causes de décès étaient une EP 16. Moins de la moitié des cas d’EP retrouvés à l’autopsie avaient été diagnostiqués avant le décès 17. Ainsi, on ne peut exclure une sous-estimation importante des taux de mortalité par EP dans les données issues des certificats de décès. En contrepartie, la généralisation de l’utilisation de nouveaux moyens diagnostiques depuis le début des années 2000, avec l’angioscanner thoracique hélicoïdal, fait l’objet de controverses puisque ce dernier augmenterait la proportion de diagnostics d’EP par rapport aux stratégies utilisant la scintigraphie pulmonaire ou le scanner monobarrette, et pourrait être responsable d’un éventuel surdiagnostic 18. En effet, certains emboles sous-segmentaires détectés par cette technique n’auraient pas de pertinence clinique démontrée dans la mesure où ils n’entraînent pas d’augmentation du nombre de complications. En conséquence, nous ne pouvons exclure une surestimation de l’incidence et de la mortalité de la MVTE causée par un surdiagnostic des EP.

Enfin, dans notre étude, il n’était pas possible de faire une distinction entre le premier évènement et les récidives de MVTE, en raison d’un recul trop récent du chaînage. Une étude européenne a estimé le nombre de récidives à environ 20% du nombre total d’événements 19.

Conclusion

Cette étude fournit une première estimation de la mortalité et de l’incidence annuelle de la MVTE hospitalisée en France en 2010. La MVTE reste une pathologie fréquente, surtout chez le sujet âgé, et grave, avec une mortalité associée importante. Enfin, cette étude confirme que les cancers et les pathologies cardiovasculaires sont deux comorbidités importantes de l’EP et que des efforts spécifiques de prévention doivent être portés sur ces patients.

L’amélioration des moyens diagnostiques et thérapeutiques, l’augmentation de la prévalence de certains facteurs de risque de MVTE au sein de la population, mais également l’amélioration de la prévention de la MVTE sont susceptibles de modifier les taux d’incidence et de mortalité de la MVTE en France. Une étude des tendances récentes semble aujourd’hui indispensable pour prendre la mesure des enjeux en termes de santé publique.

Références

[1] Oger E. Incidence of venous thromboembolism: a community-based study in Western France. EPI-GETBP Study Group. Groupe d'Étude de la Thrombose de Bretagne Occidentale. Thromb Haemost. 2000;83(5):657-60.
[2] Goldhaber SZ, Bounameaux H. Pulmonary embolism and deep vein thrombosis. Lancet. 2012;379(9828):1835-46.
[3] Bénard E, Lafuma A, Ravaud P. Epidemiology of venous thromboembolic disease. Presse Med. 2005;34(6):415-9.
[4] Beaumel C, Pla A. La situation démographique en 2010. Insee Résultats (coll. Société). 2012;(131):1-304. http://www.insee.fr/fr/publications-et-services/irweb.asp?id=sd2010
[5] Silverstein MD, Heit JA, Mohr DN, Petterson TM, O'Fallon WM, Melton LJ 3rd. Trends in the incidence of deep vein thrombosis and pulmonary embolism: a 25-year population-based study. Arch Intern Med. 1998;158(6):585-93.
[6] Naess IA, Christiansen SC, Romundstad P, Cannegieter SC, Rosendaal FR, Hammerstrøm J. Incidence and mortality of venous thrombosis: a population-based study. J Thromb Haemost. 2007;5(4):692-9.
[7] Baglin T. Venous thromboembolism in hospitalised patients: a public health crisis? Br J Haematol. 2008;141(6):764-70.
[8] Piazza G, Goldhaber SZ. Physician alerts to prevent venous thromboembolism. J Thromb Thrombolysis. 2010;30(1):1-6.
[9] White RH. The epidemiology of venous thromboembolism. Circulation. 2003;107(23 Suppl 1):I4-I8.
[10] Anderson FA Jr, Wheeler HB, Goldberg RJ, Hosmer DW, Patwardhan NA, Jovanovic B, et al. A population-based perspective of the hospital incidence and case-fatality rates of deep vein thrombosis and pulmonary embolism. The Worcester DVT Study. Arch Intern Med. 1991;151(5):933-8.
[11] Middeldorp S. Thrombosis in women: what are the knowledge gaps in 2013? J Thromb Haemost. 2013;11(Suppl 1):180-91.
[12] Tsai J, Grosse SD, Grant AM, Hooper WC, Atrash HK. Trends in in-hospital deaths among hospitalizations with pulmonary embolism. Arch Intern Med. 2012;172(12):960-1.
[13] Stein PD, Kayali F, Olson RE. Estimated case fatality rate of pulmonary embolism, 1979 to 1998. Am J Cardiol. 2004;93(9):1197-9.
[14] Hoffmann B, Gross CR, Jöckel KH, Kröger K. Trends in mortality of pulmonary embolism-an international comparison. Thromb Res. 2010;125(4):303-8.
[15] Casez P, Labarère J, Sevestre MA, Haddouche M, Courtois X, Mercier S, et al. ICD-10 hospital discharge diagnosis codes were sensitive for identifying pulmonary embolism but not deep vein thrombosis. J Clin Epidemiol. 2010;63(7):790-7.
[16] Kakkar N, Vasishta RK. Pulmonary embolism in medical patients: an autopsy-based study. Clin Appl Thromb Hemost. 2008;14(2):159-67.
[17] Pineda LA, Hathwar VS, Grant BJ. Clinical suspicion of fatal pulmonary embolism. Chest. 2001;120(3):791-5.
[18] Penaloza A, Le Gal G, Roy PM. Stratégie diagnostique aux urgences lors d'une suspicion d'embolie pulmonaire. In: Les incontournables de la maladie thromboembolique. Chapitre 35. Paris: SFMU, Samu ; 2012. 20 p.
[19] Cohen AT, Agnelli G, Anderson FA, Arcelus JI, Bergqvist D, Brecht JG, et al. VTE Impact Assessment Group in Europe (VITAE). Venous thromboembolism (VTE) in Europe. The number of VTE events and associated morbidity and mortality. Thromb Haemost. 2007;98(4):756-64.

Citer cet article

Olié V, Chin F, Lamarche-Vadel A, De Peretti C. La maladie veineuse thromboembolique : patients hospitalisés et mortalité en France en 2010. Bull Epidémiol Hebd. 2013;(33-34):417-24.