Cas groupés de Salmonella Typhimurium au sein de trois écoles élémentaires et maternelles en région Pays de la Loire, France, mars-avril 2024

// Outbreak of Salmonella Typhimurium in three nursery and primary schools in the Pays de la Loire region, France, March–April 2024

Gwénola Picard1 (gwenola.gourvellec@wanadoo.fr), Agathe Mas2, Maria Pardos de la Gandara3, Marie Mesgouez4, Laetitia Bonifait5, Cathy Dauphin6, Evelyne Brizais6, Alexandra Chedmail6, Violette Chevillot6, Carolina Silva Nodari3, Anne-Hélène Liébert1, Nathalie Jourdan Da Silva7, Lisa A. King1
1 Santé publique France – Pays de la Loire, Nantes
2 Agence régionale de santé Pays de la Loire, Nantes
3 Centre national de référence
Escherichia coli, Shigella et Salmonella, Institut Pasteur, Paris
4 Médecine scolaire, Académie de Nantes
5 Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), laboratoire national de référence pour
Salmonella, Ploufragan
6 Direction départementale de la protection des populations Loire-Atlantique, Nantes
7 Santé publique France, Saint-Maurice
Soumis le : 23.10.2024 // Date of submission: 10.23.2024
Mots-clés : Salmonella | Enfant | Restauration collective | Fromage au lait cru
Keywords: Salmonella | Children | Mass catering | Raw milk cheeses

Résumé

Introduction –

Fin mars 2024, trois cas de salmonellose ont été signalés dans une école maternelle d’une commune des Pays de la Loire. Les semaines suivantes, d’autres cas étaient signalés, touchant alors trois écoles (maternelles et primaires).

Méthodes –

Une investigation multipartenaire a été menée avec des volets épidémiologique, vétérinaire et microbiologique, afin d’identifier la source des contaminations.

Résultats –

Les investigations menées ont retrouvé 41 cas symptomatiques de salmonellose chez les élèves, dont 19 cas avec confirmation microbiologique et génomique, 15 cas probables (confirmation microbiologique) et 7 cas possibles (sans confirmation microbiologique). Au total, 49% des cas avaient moins de 5 ans. Le taux d’attaque parmi les 803 élèves était de 5,1% alors qu’il était de 19,1% chez les enfants de petite section de maternelle. La souche épidémique est un variant monophasique de Salmonella enterica sérotype Typhimurium ST34 ; HC5_111251 ; HC2_122719. Un seul lieu commun de fréquentation a été identifié entre ces trois écoles : la restauration scolaire. L’enquête vétérinaire a permis de suspecter des fromages au lait cru de vache présents à la cantine scolaire et chez le producteur de ces fromages. La souche épidémique a été isolée dans des fromages de type « tomme au lait cru », prélevés à la cantine et à la ferme de production. Aucune source de contamination n’a été identifiée au niveau de la ferme. Les restes des lots de fromage concernés ont été retirés de la vente et détruits.

Conclusion –

Cette investigation souligne l’importance du respect de la recommandation de ne pas servir en restauration collective des fromages au lait cru aux jeunes enfants, et particulièrement à ceux de moins de cinq ans. L’absence de traitement thermique du lait ne permet pas de maîtriser les éventuelles contaminations par des bactéries pathogènes.

Abstract

Introduction –

In late March 2024, three cases of salmonellosis were reported within a nursery school (children aged 3–5 years) in the Pays de la Loire region of western France. Over the following weeks, additional cases were reported from the same town, concerning a total of three schools (nursery and primary).

Methods –

An investigation conducted by multiple partners, with epidemiological, veterinary and microbiological components, was carried out to identify the source of the contamination.

Results –

The investigation identified 41 cases of symptomatic salmonellosis among the pupils, including 19 microbiologically and genomically confirmed cases, 15 probable cases (microbiologically confirmed without genomic typing) and 7 possible cases (without microbiological confirmation). Among all cases, 49% occurred in children under the age of 5 years. The overall attack rate among the 803 pupils attending the three schools was 5.3%, as opposed to 19.1% among those in their first year of nursery school (aged 3–4 years). The outbreak strain was a monophasic variant of Salmonella enterica serotype Typhimurium ST34; HC5_111251; HC2_122719.

Between the three schools, only one common place of attendance was identified: the school restaurant. The veterinary investigation raised suspicions about raw cow’s-milk cheese in the restaurant fridge, which was traced back to the producer’s farm. The outbreak strain was isolated in cheese samples from the school restaurant and the farm. No contamination source at the farm was identified. The remaining cheese from incriminated batches was withdrawn from sale and destroyed.

Conclusion –

This investigation highlights the importance of respecting the recommendation not to serve raw milk cheeses to young children and especially those under 5 years of age in school restaurants. The absence of heat treatment makes it impossible to control the risk of contamination by pathogenic bacteria.

Introduction

Entre le 25 et le 28 mars 2024, la médecine scolaire a signalé à l’Agence régionale de santé (ARS) des Pays de la Loire la survenue courant mars de trois cas de salmonellose dans une école maternelle d’une commune de Loire-Atlantique. Les éléments initialement disponibles ont orienté l’enquête en priorité vers une transmission interhumaine entre des élèves âgés de quatre à cinq ans.

La survenue de nouveaux cas a ensuite été signalée par la médecine scolaire le 4 avril 2024. Trois écoles (maternelles et élémentaire) sur cette même commune ont été touchées. Un lieu de restauration scolaire commun a été rapidement identifié et une toxi-infection alimentaire collective (Tiac) a été suspectée. Une investigation a été initiée afin d’identifier la source de la contamination et proposer des mesures de maîtrise et de prévention.

Méthodes

Investigation épidémiologique

Définition de cas

Un cas confirmé a été défini comme une personne présentant des symptômes de gastro-entérite (diarrhée ou vomissements, fébrile ou non) survenus entre le 1er février et le 30 avril 2024, qui a fréquenté un des trois établissements scolaires de la commune pour laquelle une souche du variant monophasique de Salmonella enterica sérotype Typhimurium (4,5,12:i:-) ST34 HC5_111251 et HC2_122719 a été isolée.

Un cas probable a été défini comme une personne présentant des symptômes de gastro-entérite (diarrhée ou vomissements, fébrile ou non) survenus entre le 1er février et le 30 avril 2024, qui a fréquenté un des trois établissements scolaires de la commune, ayant réalisé une coproculture avec un résultat positif à Salmonella mais sans transmission de la souche au Centre national de référence des Escherichia coli, Shigella et Salmonella (CNR-ESS) pour typage complet.

Un cas possible a été défini comme une personne présentant des symptômes de gastro-entérite (diarrhée ou vomissements, fébrile ou non) survenus entre le 1er février et le 30 avril 2024, qui a fréquenté un des trois établissements scolaires de la commune et qui n’a pas réalisé de coproculture.

Recherche des cas

Les cas ont été recherchés rétrospectivement et prospectivement auprès de la médecine scolaire, des directions des écoles, des laboratoires de biologie médicale (LBM) et des médecins traitants couvrant la commune de résidence des cas.

Afin de déterminer le périmètre géographique de l’épisode, trois collèges de proximité, l’Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et deux crèches se trouvant sur la commune ont été contactés pour connaître tout signal inhabituel de survenue de gastro-entérite au cours des jours précédents.

Dans un second temps, lors de l’identification des produits incriminés et du producteur concerné, une recherche de cas plus large a été effectuée dans des lieux de restauration collective ayant reçu ces produits (établissements scolaires de communes proches du département).

Recueil de données

Les parents de chaque cas ont été contactés par téléphone par l’ARS et Santé publique France pour une collecte d’informations (données sociodémographiques, antécédents médicaux, informations sur la maladie, informations sur la scolarité, fréquentation de la cantine et activités périscolaires ou sociales, voyages récents, contact avec des animaux). À toutes les étapes de l’investigation, les consignes de l’autorisation n°341 194 v 42 de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), relatives à l’informatisation des données épidémiologiques recueillies par Santé publique France, ont été suivies.

Investigations vétérinaires, de traçabilité et environnementales

La liste des menus de la cantine du 5 février au 26 avril 2024 a été analysée pour identifier des aliments servis potentiellement à risque pour Salmonella spp., ceci en lien avec la courbe épidémique. Une inspection du restaurant scolaire a été réalisée par la Direction départementale de la protection des populations de Loire-Atlantique (DDPP44) le jeudi 11 avril 2024. Des fromages au lait cru ayant été identifiés dans la chambre froide de la cuisine, dont un fromage au lait cru d’un plateau témoin (repas du 4 avril 2024), une enquête de traçabilité a été initiée sur ces produits. Des prélèvements pour recherche de Salmonella spp. ont été effectués sur ces mêmes fromages. Aucun autre produit à risque de salmonelles n’a été identifié dans la chambre froide.

Dans un deuxième temps, une enquête a été réalisée le 15 avril 2024 dans l’établissement de production et d’affinage des fromages. Des prélèvements ont été réalisés sur des fromages stockés chez le producteur, d’après un plan d’échantillonnage établi par la DDPP44 et la Direction générale de l’alimentation.

Investigations microbiologiques

Les LBM du secteur ont été sollicités pour le transfert de toute souche de Salmonella spp. au CNR-ESS pour sérotypage classique, puis génotypage moléculaire.

Les deux souches d’origine alimentaire isolées des fromages de type « tomme V » prélevés à la cantine et des fromages de type « tomme G » prélevés chez le producteur ont été transmises pour génotypage moléculaire au Laboratoire national de référence pour Salmonella (LNR).

Les souches bactériennes (humaines adressées au CNR et alimentaires au LNR) ont tout d’abord été analysées par agglutination classique, puis par génotypage moléculaire à partir des séquences des génomes entiers obtenus par la technologie Illumina®. Les séquences ont été déposées sur la plateforme en ligne EnteroBase (1), pour leur caractérisation génomique par les schémas MLST (ST, sur 7 gènes), cgMLST V2 et HierCC V1 (HC2 et HC5, sur 3 002 gènes) du core génome.

Cette identité et l’exclusion d’autres isolats dans le groupement génomique ont été corroborées par le CNR-ESS grâce à la réalisation d’analyses génomiques sur EnteroBase par deux approches : l’une basée sur les distances alléliques dans le schéma cgMLST V2 + HierCC V1 (avec l’algorithme MSTree V2) et l’autre en regardant les différences nucléotidiques par une analyse du type SNP tree. La comparaison incluait tous les génomes correspondant aux isolats de Salmonella spp. HC5_111251 analysées par le CNR-ESS et par le LNR en 2024 au moment de l’analyse (n=117).

Résultats

Caractéristiques des cas

Au total, 41 cas ont été recensés : 19 cas confirmés, 15 cas probables et 7 cas possibles. L’épidémie s’est déroulée en deux temps avec un premier épisode survenu du 15 au 19 mars 2024 avec 5 élèves de maternelle. Le deuxième épisode a débuté le 30 mars 2024 avec 36 élèves de maternelle et élémentaire. Un cas index a été identifié avec une date de début de signes le 24 février 2024 chez un enfant avec antécédent médical. Cet enfant a présenté deux autres épisodes symptomatiques de gastro-entérite les 21 et 31 mars 2024 (figure 1).

Le sex-ratio garçon/fille était de 1,6 (25/16). L’âge médian des cas était de 5,4 ans (min-max : [3,3-10,6]). Parmi les cas identifiés, 49% (n=20) avaient moins de 5 ans. Les symptômes cliniques décrits sont ceux classiquement associés à une gastro-entérite à Salmonella spp. : diarrhée (91%), douleurs abdominales (81%) et/ou fièvre (50%). Parmi les 41 cas, 93% (n=37) ont consulté un médecin, un enfant est passé aux urgences d’un centre hospitalier. Deux enfants ont été hospitalisés brièvement notamment pour déshydratation. Tous les cas habitaient la même commune.

Figure 1 : Distribution des cas de variant monophasique de Salmonella Typhimurium selon la date de survenue des symptômes, dans trois écoles maternelles et élémentaires, Loire-Atlantique, mars-avril 2024 (n=40)
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L’effectif total des trois écoles était de 803 enfants. Le taux d’attaque global était de 5,1%. Les classes de maternelle étaient, avec 27 cas, les plus touchées par l’épisode, indifféremment de l’école fréquentée, représentant 66% des malades soit un taux d’attaque de 9,3% (tableau 1). Parmi les niveaux de maternelle, le taux d’attaque était le plus élevé chez les petites sections avec 19,1%.

Un seul facteur de risque exploré a été retrouvé commun à tous les cas : la fréquentation de la cantine scolaire. Les collèges, la crèche et l’Ehpad de la commune n’ont pas noté d’épisode inhabituel de gastro-entérite aiguë pour la période. À l’issue des résultats positifs sur les fromages, la ferme laitière a indiqué fournir trois autres écoles. Aucun épisode inhabituel de gastro-entérite n’y a été identifié.

Tableau 1 : Répartition des taux d’attaque du variant monophasique de Salmonella Typhimurium par classe dans trois écoles maternelles et élémentaires, Loire-Atlantique, mars-avril 2024
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Données vétérinaires et environnementales

Le restaurant scolaire communal servait environ 700 repas par jour. Lors de l’inspection réalisée, certaines non-conformités ont été identifiées.

La tomme V s’est révélée positive à la souche épidémique. Ce fromage (lot fabriqué le 18 janvier 2024 et livré à la cantine le 2 avril 2024) a été servi le 4 avril 2024 dans la cantine scolaire. Sur les 27 kg de ce lot, 10 kg ont été livrés à la cantine, 2 kg à un magasin de détail et 15 kg ont été vendus directement aux consommateurs par le producteur. Des fromages du même type, mais de lots antérieurs, ont été servis à la cantine le 21 février et le 18 mars 2024.

Les deux prélèvements de tomme L (produite le 18 décembre 2023) effectués dans la chambre froide de la cantine ont été négatifs pour la recherche de Salmonella spp. Ce fromage a été servi aux enfants le 29 mars.

La ferme produisait et commercialisait du lait cru et des fromages au lait cru de vache. Les autocontrôles bactériologiques de routine réalisés par le producteur le 15 décembre 2023 (fromage P), le 19 décembre (lait cru) et le 20 février 2024 (tomme V) sur ses produits ont été conformes.

L’inspection de la ferme n’a pas mis en évidence de non-conformités dans le processus de fabrication. Aucun épisode de diarrhées ni d’avortement chez les vaches n’a été rapporté par les exploitants et leur vétérinaire.

Un deuxième fromage en cours d’affinage de type tomme G produit le 16 janvier 2024 s’est également révélé positif à la souche épidémique. Ce fromage n’a pas été commercialisé et a été détruit en totalité.

Les deux fromages testés positifs (tomme G et V) ont été fabriqués respectivement les 16 et 18 janvier 2024. Ils ont été stockés dans le même lieu à la ferme. Dix analyses réalisées sur les lots de fromages produits en février, mars et avril 2024, ainsi que les analyses de lait, filtre à lait et six prélèvements de surface réalisés en avril se sont révélés négatifs, ainsi que six analyses réalisées sur des fromages produits entre octobre et décembre 2023.

Données microbiologiques

Dans le cadre de cette investigation, 34 coprocultures ont été réalisées chez les enfants malades fréquentant la restauration collective incriminée, et toutes ont mis en évidence la présence de Salmonella spp. Dix-neuf souches de Salmonella spp. isolées de selles ont été envoyées au CNR-ESS, qui a identifié la souche du variant monophasique de Salmonella enterica sérotype Typhimurium (4,5,12:i:-) ST34 HC5_111251 et HC2_122719.

Les résultats de l’analyse des souches du variant monophasique de S. Typhimurium isolées des deux fromages au lait cru sont présentés dans le tableau 2.

Le regroupement des souches au sein du même HC2_cluster signifie que les souches d’origine humaine et alimentaire présentent au maximum deux variations alléliques parmi les 3 002 gènes comparés dans le schéma de cgMLST-HierCC d’EnteroBase et indique un potentiel lien épidémiologique entre elles.

L’analyse par l’algorithme MSTree V2 sur le schéma cgMLST V2 + HierCC V1 et l’analyse SNP du core génome des isolats bactériens a permis de confirmer un groupement génomique à ≤1 AD (distance allélique) de 21 génomes (les 19 souches d’origine humaine et les deux souches d’origine alimentaire), à ≥4 AD d’autres génomes du même profil HC5_111251 et HC2_122719 (figure 2).

Tableau 2 : Résultats de l’analyse génomique des souches reçues au LNR Salmonella spp. et résultats cgMLST du variant monophasique de Salmonella Typhimurium dans trois écoles maternelles et élémentaires, Loire-Atlantique, mars-avril 2024
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Figure 2 : Analyses génomiques sur tous les génomes du profil HC5_111251 issues de la surveillance microbiologique du CNR-ESS en 2024 (n=119) et du dépôt des génomes de souches incriminées dans la Tiac par le LNR (n=2) dans EnteroBase
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Mesures de gestion

Initialement, des recommandations de renforcement des mesures d’hygiène à l’école ont été données à partir du 26 mars 2024 par la santé scolaire et l’ARS. Trois lettres d’information ont été adressées aux parents en mars et avril 2024.

La DDPP44 a demandé au maire de la commune de procéder à un nettoyage et une désinfection approfondie de l’ensemble des locaux de restauration (désinfectant actif contre les salmonelles) et de faire procéder à un contrôle de l’efficacité de cette désinfection.

Après confirmation de leur contamination par un variant monophasique de S. Typhimurium, les restes des lots incriminés ont été retirés de la vente et détruits.

À la suite d’une réunion d’échanges, le 12 avril 2024, avec l’ensemble des partenaires de l’investigation, il a été demandé expressément de ne plus servir aucun fromage au lait cru dans le restaurant scolaire aux jeunes enfants et particulièrement ceux de moins de 5 ans (recommandations du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire 1).

Discussion-conclusion

Les investigations épidémiologiques, vétérinaires et microbiologiques ont confirmé la survenue d’une épidémie de variant monophasique de S. Typhimurium dans trois écoles élémentaire et maternelles du département de la Loire-Atlantique en mars 2024 et ont permis de trouver la source de cette épidémie : la consommation de fromages de vache au lait cru servis en restauration collective.

L’analyse descriptive des cas, croisée avec la courbe épidémique et les menus proposés, a ciblé la restauration collective comme lieu commun. L’inspection du restaurant scolaire a permis d’identifier la présence de fromages au lait cru dans les menus servis aux cas. Aucun cas n’a été recensé ultérieurement à l’interdiction de servir du fromage au lait cru dans ce lieu.

L’hypothèse d’une Tiac a été privilégiée à la suite des travaux menés. Il reste possible qu’une transmission interhumaine ait pu jouer un rôle dans la survenue de certains cas, vu l’âge des enfants. Néanmoins, la concomitance dans la courbe épidémique entre les dates de repas avec fromage au lait cru en provenance du producteur incriminé et les vagues épidémiques ont orienté vers ces fromages comme la source principale de l’épisode. Cette hypothèse est soutenue par les analyses génomiques des isolats du variant monophasique de S. Typhimurium issus des selles des patients et des fromages échantillonnés dans la cantine scolaire et dans la ferme.

Le nombre de 41 cas ici recensés est probablement sous-estimé car il est possible que certains parents n’aient pas rapporté à la médecine scolaire ou aux directeurs d’établissements d’autres frères ou sœurs malades, notamment les plus grands (manifestations cliniques moins fortes que celles des plus jeunes enfants).

En France, selon l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), au cours de la dernière décennie, 34%, 37% et 60% des épidémies, respectivement de salmonellose, de listériose et d’infections à E. coli entérohémorragiques (EHEC), sont liés à la consommation de fromages au lait cru 2. En novembre 2023, une épidémie d’EHEC O26 a eu lieu dans une crèche de Toulouse après la consommation de fromage au lait cru (Morbier) servi en restauration collective. Six enfants ont développé un syndrome hémolytique et urémique, conséquence clinique sévère nécessitant une prise en charge clinique lourde 3.

En 2020, les autorités sanitaires avaient déjà alerté sur le risque pour les jeunes enfants, et particulièrement ceux de moins de cinq ans, à consommer du lait cru et des fromages au lait cru 1. Elles avaient rappelé que ces produits sont fabriqués à partir de lait ne subissant pas de traitement thermique pouvant éliminer une contamination éventuelle par des bactéries pathogènes.

En conclusion, cette épidémie de plus de 40 cas survenus en lien avec du fromage au lait cru servi en restauration collective rappelle l’enjeu sanitaire associé à la bonne connaissance par les restaurateurs collectifs des recommandations de consommation sur les fromages au lait cru et les populations vulnérables.

Remerciements

Les auteurs remercient l’ensemble des parents interrogés ayant pris le temps de répondre au questionnaire, les directrices d’écoles, les biologistes des laboratoires de biologie médicale ayant participé à cette investigation.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.

Références

1 Ministère de l’Agriculture et de la Souverainté alimentaire. Consommation de fromages à base de lait cru : rappel des précautions à prendre. 2020. https://agriculture.gouv.fr/consommation-de-fromages-base-de-lait-cru-rappel-des-precautions-prendre
2 Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail. Avis de l’Anses relatif aux modalités de maîtrise du risque lié à la présence de dangers microbiologiques dans les fromages et autres produits laitiers fabriqués à partir de lait cru. Maisons-Alfort: Anses; 2022. 126 p. https://www.anses.fr/fr/system/files/BIORISK2019SA0033.pdf
3 Ministère du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles. Les autorités rappellent les recommandations sanitaires dans le cadre du retrait – rappel de fromages à pâte pressée non cuites à base de lait cru. 2023. https://sante.gouv.fr/actualites/presse/communiques-de-presse/article/les-autorites-rappellent-les-recommandations-sanitaires-dans-le-cadre-du

Citer cet article

Picard G, Mas A, Pardos de la Gandara M, Mesgouez M, Bonifait L, Dauphin C, et al. Cas groupés de Salmonella Typhimurium au sein de trois écoles élémentaires et maternelles en région Pays de la Loire, France, mars-avril 2024. Bull Epidemiol Hebd. 2025;(5):64-70. https://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2025/5/2025_5_1.html