Consommation et approvisionnement en alcool à 17 ans en France : résultats de l’enquête ESCAPAD 2017

// Alcohol use and purchasing of alcoholic beverages among adolescents aged 17 in France: Results from the 2017 ESCAPAD Survey

Antoine Philippon1, Olivier Le Nézet1, Eric Janssen1, Chloé Cogordan2, Raphaël Andler2, Jean-Baptiste Richard2, Stanislas Spilka1,3 (stanislas.spilka@ofdt.fr)
1 Observatoire français des drogues et toxicomanies (OFDT), Paris, France
2 Santé publique France, Saint-Maurice, France
3 CESP, Faculté de médecine, Université Paris Sud ; Faculté de médecine UVSQ ; Inserm ; Université Paris-Saclay, Villejuif, France
Soumis le 28.09.2018 // Date of submission: 09.28.2018
Mots-clés : Adolescents | Alcool | Consommation | Approvisionnement | Enquête ESCAPAD
Keywords: Adolescents | Alcohol use | Purchasing alcoholic beverages | ESCAPAD survey

Résumé

Introduction –

Pour pallier l’absence de données épidémiologiques sur les niveaux d’usage de substances psychoactives en population adolescente, l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) a initié en 2000 une enquête sur les modes de vie, la santé et les consommations de tabac, d’alcool et de produits stupéfiants auprès des adolescents français convoqués à la Journée Défense et citoyenneté (JDC). Le neuvième exercice de l’enquête nationale ESCAPAD (Enquête sur la santé et les comportements lors de l’appel de préparation à la défense) s’est déroulé en 2017. Ce dernier exercice est l’occasion de faire un état des lieux des consommations d’alcool et des modes d’approvisionnement à la fin de l’adolescence en 2017.

Méthodes –

L’enquête a été réalisée auprès de 39 115 adolescents âgés de 17 ans, interrogés à l’aide d’un questionnaire papier auto-administré et anonyme en mars 2017. Une analyse transversale décrit l’usage de boissons alcoolisées et l’approvisionnement selon le sexe, et les différents niveaux de fréquences de consommation.

Résultats –

En 2017, 85,7% des adolescents de 17 ans ont déclaré avoir déjà bu de l’alcool au cours de leur vie. L’usage régulier d’alcool (au moins dix fois dans le mois) concernait 1 jeune sur 10 (8,4%) et 44,0% des jeunes de 17 ans ont déclaré une alcoolisation ponctuelle importante (API) au cours du mois. Par ailleurs, malgré l’interdiction de vente aux mineurs, les adolescents qui ont déclaré avoir bu des boissons alcoolisées dans le mois étaient 91,0% à en avoir acheté en magasin et 77,5% à en avoir consommé dans un débit de boissons. La majorité d’entre eux (52,7%) a déclaré en outre n’avoir jamais eu à présenter de carte d’identité pour justifier de son âge lors d’un achat en bar ou en restaurant.

Conclusion –

Les résultats d’ESCAPAD 2017 confirment la très grande diffusion de l’alcool à l’adolescence et la persistance des comportements d’alcoolisations ponctuelles importantes (API). En outre, l’interdiction de vente de boissons alcoolisées aux mineurs s’avère peu efficace au regard de la facilité avec laquelle les adolescents semblent s’en procurer. Si ces analyses liminaires font apparaitre un léger recul significatif de l’expérimentation et des usages réguliers d’alcool entre 2014 et 2017, elles révèlent aussi la nécessité de renforcer les actions pour mieux garantir le respect de législation de la vente d’alcool.

Abstract

Introduction –

To make up for the lack of epidemiological data on the levels of use of psychoactive substances in the adolescent population, the French Monitoring Center of Drugs and Drug Addiction (OFDT) initiated in 2000 a survey on lifestyles, health and consumption of tobacco, alcohol and narcotics to French teenagers summoned to Defense and Citizenship Day (JDC). The ninth exercise of the ESCAPAD national survey (Health and Behavior Survey during the defense preparation call) took place in 2017. This last exercise is an opportunity to make an inventory of alcohol consumption and modes of supply at the end of adolescence in 2017.

Methodology –

A self-administered anonymous questionnaire was completed by 39,115 adolescents aged 17 on National Defense and Citizenship Day (JDC) in France. A cross-sectional analysis describes the use and purchase of alcoholic beverages by sex and different levels of consumption frequencies.

Results –

In 2017, 85.7% of 17-year-olds reported drinking alcohol in their lifetime. The regular use of alcohol (at least 10 times in the month) concerned 1 out of 10 youths (8.4%), and 44.0% of 17 years old reported significant occasional drinking during the month. In addition, despite the prohibition of sales to minors, 91% of the teenagers who reported use at least once in the 30 days prior to the survey bought alcoholic beverage in stores, and 77.5% had consumed them in a bar. The majority of them (52.7%) reported that they had never had to present an identity card to justify their age when buying in a bar or restaurant.

Conclusion –

The results of the 2017 French ESCAPAD survey confirm the widespread use of alcohol and the persistence of heavy episodic drinking at the end of adolescence. Furthermore, the ban on the sale of alcohol to minors appears to be ineffective, given the ease with which adolescents continue to make purchases. While our analyses do reveal a slight decrease in experimentation with alcohol and the regular use of alcohol from 2014 to 2017, they simultaneously reveal the need to reinforce existing legislation to impede the sale of alcohol to minors.

Introduction

Mise en place à partir de l’année 2000 par l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) en partenariat avec la Direction du Service national et de la jeunesse (DSNJ), l’enquête ESCAPAD (Enquête sur la santé et les comportements lors de l’appel de préparation à la défense), a complété le dispositif d’enquêtes en population générale en matière de consommation de substances psychoactives. En se centrant sur la fin de l’adolescence, elle permet d’éclairer une période cruciale pour ces comportements, tandis que sa répétition selon une même méthodologie offre la possibilité de comparaisons spatio-temporelles. Les premiers résultats de l’édition 2017 de l’enquête ESCAPAD montraient un recul significatif de l’expérimentation et des usages réguliers d’alcool entre 2014 et 2017, tant chez les garçons que les filles, bien que l’alcool reste la substance psychoactive la plus communément expérimentée par les adolescents français (85,7%) 1.

Les analyses descriptives qui suivent complètent ces premiers résultats, en faisant un état des lieux des consommations d’alcool et des modes d’approvisionnement à la fin de l’adolescence. Ces données pourront être utiles aux décideurs politiques pour adapter et mener des actions de prévention et d’information au plus près des comportements des populations visées.

Matériel et méthode

Le neuvième exercice de l’enquête ESCAPAD s’est déroulé du 13 au 25 mars 2017 dans tous les centres JDC de France (y compris ceux des DOM). Réalisée selon une méthodologie inchangée depuis l’origine, l’enquête repose sur un sondage exhaustif : tous les centres du service national et tous les appelés convoqués durant la période d’enquête sont inclus dans l’enquête. Lors de cet exercice 2017, 43 892 jeunes Français présents ont répondu à un questionnaire auto-administré anonyme d’une durée d’environ 25 minutes. Les questions portaient sur leur santé et leurs consommations de substances psychoactives, dont le tabac, l’alcool et le cannabis. Par ailleurs, le questionnaire abordait différentes questions sociodémographiques comme la situation scolaire, la situation familiale et professionnelle des parents et le lieu de résidence, ou de contexte, par exemple, la consommation d’alcool des parents.

L’enquête n’ayant pas de caractère obligatoire, les appelés peuvent ne pas répondre. Cependant, tous ceux présents durant la période d’enquête reçoivent un questionnaire. Ainsi, les refus de participer à l’enquête correspondent à un questionnaire rendu vierge (soit 2,6% des questionnaires). En outre, les questionnaires non renseignés sur le sexe ou le département et ceux dont le taux de réponse est inférieur à 50% sont éliminés (soit 2,0% des questionnaires non-vides). Enfin, les individus âgés de plus de 18,5 ans ont été considérés comme hors-cible, ce qui a conduit à écarter 7,3% des questionnaires valides. Au final, l’analyse a porté sur 39 115 adolescents métropolitains (49,9% de filles et 50,1% de garçons) âgés de 17,4 ans en moyenne (écart-type de 0,3), soit 88,5% des répondants. Sachant que la JDC est obligatoire pour tous les jeunes Français atteignant leurs 17 ans, l’échantillon est représentatif de la génération née en 2000. Pour pallier la nonréponse et assurer la représentativité de l’échantillon à l’échelle régionale, les données ont été redressées sur le sex-ratio et le poids de la population de 17 ans à l’échelle départementale, à partir des données actualisées du recensement.

En 2017, il y avait trois questionnaires distincts comprenant un socle de questions communes incluant notamment toutes les questions d’usage. Ce socle était ensuite complété avec un des trois modules de questions thématiques (passage aux urgences, consommation des parents, approvisionnement, marketing alcool…), les questionnaires étant répartis aléatoirement entre les répondants. Ainsi, si les résultats concernant les niveaux de consommation d’alcool portent sur l’ensemble des 39 115 répondants, l’analyse des facteurs associés à l’usage d’alcool, d’une part, et l’étude des modes d’approvisionnement en boissons alcoolisées d’autre part – qui mobilisent des questions liées à l’un des modules spécifiques – concernent respectivement 13 314 répondants (49,4% de filles, 50,6% de garçons, âge moyen de 17,4 ans) et 12 471 répondants (49,7% de filles, 50,3% de garçons, âge moyen de 17,4 ans).

L’enquête ESCAPAD a reçu l’avis d’opportunité du Conseil national de l’information statistique (Cnis).

Pour décrire les consommations à l’adolescence (cfencadré ci-après pour l’énoncé des questions) plusieurs indicateurs ont été définis :

expérimentation : avoir déjà consommé au moins une fois de l’alcool au cours de sa vie ;

usage dans l’année ou actuel : consommation d’alcool au cours des 12 derniers mois ;

usage dans le mois ou récent : consommation d’alcool au cours des 30 derniers jours ;

usage régulier : au moins 10 usages au cours des 30 derniers jours.

Pour les alcoolisations ponctuelles importantes (API), correspondant au fait de déclarer avoir bu au moins 5 verres en une seule occasion :

API répétée : au moins 3 API au cours des 30 derniers jours ;

API régulière : au moins 10 API au cours des 30 derniers jours.

Les analyses descriptives de comparaison de pourcentages selon le sexe ont été menées avec des tests du Chi2 de Pearson. Pour l’étude des principaux facteurs associés aux usages d’alcool, une régression logistique multivariée a été conduite dans l’objectif de contrôler conjointement les effets de toutes les caractéristiques individuelles. Toutes les analyses ont été conduites avec le logiciel SAS®v9.

Encadré :
Les questions de l’enquête ESCAPAD 2017 sur les usages d’alcool

Au cours de votre vie, avez-vous déjà bu une boisson alcoolisée (bière, cidre, vin, apéritif, alcool fort (type whisky, gin, vodka…) ? Non / Oui

Au cours des douze derniers mois, avez-vous bu une boisson alcoolisée (exemples) ? 0 fois / Une fois par mois ou moins / 2-3 fois par mois / Une fois par semaine / 2-3 fois par semaine / 4 fois par semaine ou plus / Tous les jours ou presque

Au cours des 30 derniers jours, combien de fois avez-vous bu une boisson alcoolisée (bière, cidre, vin, apéritif, alcool fort (type whisky, gin, vodka…) …) ? 0 fois à 30 fois ou plus

Au cours des 30 derniers jours, combien de fois avez-vous bu 5 verres ou plus de boissons alcoolisées (bière, cidre, vin, apéritif, alcool fort (type whisky, gin, vodka…) …) ? 0 fois à 30 fois ou plus

Au cours des 12 derniers mois, vous avez acheté pour votre consommation des boissons alcoolisées dans un supermarché/une supérette, dans une épicerie ou petit magasin d’alimentation, dans une station-service, dans un pays frontalier de la France, dans un autre pays étranger ou en duty-free ? 0 fois à 20 fois ou plus

Au cours des 12 derniers mois, combien de fois avez-vous bu des boissons alcoolisées dans un bar, un restaurant ou une discothèque ? 0 fois à 20 fois ou plus

Au cours des 12 derniers mois, vous a-t-on demandé votre carte d’identité alors que vous vouliez acheter une boisson alcoolisée dans un magasin ? Je n’ai pas acheté de boisson alcoolisée dans un magasin / Jamais / Rarement / Parfois / Souvent / Toujours

Au cours des 12 derniers mois, vous a-t-on demandé votre carte d’identité alors que vous vouliez acheter une boisson alcoolisée dans un bar ou un restaurant ? Je n’ai pas acheté de boisson alcoolisée dans un bar ou un restaurant / Jamais / Rarement / Parfois / Souvent / Toujours

Selon vous, à partir de quel âge a-t-on le droit d’acheter de l’alcool dans un magasin ?

Au cours de votre vie, avez-vous déjà été à l’hôpital (aux urgences) parce que vous aviez trop bu d’alcool (par exemple, vous vous sentiez très mal ou vous étiez dans le coma) ? Non / Oui, une fois / Oui, plusieurs fois

À la maison, votre père / votre mère boivent-ils des boissons alcoolisées pour l’apéritif ou le repas ? Non, jamais / Peu de fois dans l’année / 1 ou 2 fois par mois / Au moins 1 fois par semaine / Presque chaque jour

Résultats

Consommation d’alcool

En 2017, 85,7% des jeunes de 17 ans déclaraient avoir déjà consommé une boisson alcoolisée au cours de leur vie (tableau 1). Cela concernait davantage les garçons que les filles (86,6% vs 84,6% ; p<0,001). Ils étaient 77,7% à en avoir consommé durant l’année précédant l’enquête (80,1% parmi les garçons vs 75,2% parmi les filles ; p<0,001). Deux tiers des adolescents déclaraient avoir eu un usage d’alcool dans le mois précédant l’enquête (66,5%, soit 69,9% des garçons vs 62,9% des filles, p<0,001) et 8,4% un usage régulier.

Tableau 1 : Niveaux d’usage d’alcool (en %) par sexe à 17 ans en 2017
Agrandir l'image

Les usages restaient marqués par des alcoolisations ponctuelles importantes (API). Si moins d’un jeune de 17 ans sur 10 déclarait un usage régulier d’alcool (12,0% des garçons vs 4,6% des filles, p<0,001), près d’un sur 2 déclarait au moins une API au cours du dernier mois (49,6% des garçons vs 38,1% des filles, p<0,001). Les API répétées (au moins trois épisodes au cours du mois) concernaient 21,7% des garçons et 10,9% des filles (p<0,001), tandis que les API régulières (au moins dix épisodes au cours du mois) touchaient une petite portion d’adolescents (2,7%, soit 4,3% des garçons vs 1,0% des filles ; p<0,001).

Que ce soit en termes d’API ou de simples usages, le différentiel entre sexes s’accentuait avec la fréquence de consommation. Ainsi, si les filles étaient presque aussi souvent expérimentatrices de l’alcool que les garçons (ratio de prévalence garçons/filles de 1,02), les garçons étaient 2,62 fois plus souvent usagers réguliers que les filles. Les API étaient 2 fois plus souvent pratiquées de manière répétée par les garçons que par les filles (ratio de 1,99) et 4 fois plus souvent de manière régulière (ratio de 4,28).

L’approvisionnement en alcool des jeunes de 17 ans

Connaissance de l’âge légal d’achat

En 2017, 10,2% des jeunes de 17 ans continuaient de penser qu’il peut être légal d’acheter des boissons alcoolisées avant 18 ans, alors que 2,4% déclaraient un âge supérieur à 18 ans et 5,7% admettaient ne pas savoir. Au final, la très grande majorité (81,7%) savait que l’achat d’alcool dans un magasin n’est autorisé qu’à partir de 18 ans.

Dépenses en boissons alcoolisées

Près de la moitié des buveurs dans le mois ont déclaré avoir dépensé de l’argent pour acheter des boissons alcoolisées au cours des 30 derniers jours (45,0%, soit 31,8% de l’ensemble des jeunes de 17 ans), les garçons plus fréquemment que les filles (49,6% vs 40,0%, p<0,001). Les dépenses dans le mois étaient inférieures ou égales à 25 € pour la moitié des acheteurs, tandis qu’un quart d’entre eux déclaraient avoir dépensé 50 € ou plus. Les 10% les plus dépensiers avaient acheté pour au moins 100 € de boissons alcoolisées.

Lieux d’approvisionnement

La plupart des jeunes achetant de l’alcool le faisaient dans les magasins d’alimentation ou les supermarchés : 91,0% des acheteurs dans le mois avaient acheté au moins une fois de l’alcool dans un magasin au cours de l’année, les filles autant que les garçons (figure 1). Pour la plupart des jeunes, ces achats sont restés exceptionnels, même si 23,6% des acheteurs se sont procuré de l’alcool en magasin au moins dix fois au cours de l’année passée, soit 7,5% de l’ensemble des jeunes de 17 ans. Ces achats « réguliers » étaient davantage pratiqués par les garçons que par les filles (28,9% vs 16,4%, p<0,001).

Figure 1 : Fréquences d’achat d’alcool (en %) par lieu d’approvisionnement au cours des 12 derniers mois parmi les jeunes de 17 ans ayant acheté de l’alcool durant le mois précédant l’enquête
Agrandir l'image

Les autres lieux d’approvisionnement s’avèrent bien moins fréquemment utilisés : seuls 6,6% des acheteurs dans le mois se sont procuré au moins une fois au cours de l’année de l’alcool dans une station-service. En revanche, 22,1% avaient eu l’occasion d’en acheter dans un pays frontalier et 7,3% dans un autre pays ou en duty-free.

Par ailleurs, sans que l’on sache s’ils ont payé eux-mêmes ou non leur consommation, 77,5% des jeunes buveurs dans le mois disaient en avoir consommé au moins une fois dans un bar, un restaurant ou une discothèque au cours de cette période, les filles autant que les garçons. Cette pratique a été régulière (au moins dix fois dans l’année) pour près d’un jeune buveur dans l’année sur cinq (18,1%), soit 21,2% des garçons et 14,8% des filles (p<0,001).

Demande de la carte d’identité

Les jeunes ayant bu de l’alcool dans le mois ont été interrogés sur la fréquence à laquelle, au cours de l’année passée, leur carte d’identité leur avait été demandée alors qu’ils cherchaient à se procurer de l’alcool en magasin ou dans un débit de boisson. Trois jeunes buveurs sur 10 ont affirmé n’avoir jamais eu à présenter de carte d’identité pour justifier de leur âge lors d’un achat en magasin (30,0%, soit 20,0% de l’ensemble des jeunes de 17 ans) (figure 2). Globalement, les contrôles se révélaient sporadiques : 20,4% déclaraient avoir subi ces contrôles « rarement » ou « parfois ». Moins d’un jeune buveur sur 20 déclarait des contrôles systématiques (4,7%).

Figure 2 : Fréquence des contrôles d’identité (en %) lors de l’achat de boissons alcoolisées en magasin ou en bar/restaurant au cours des 12 derniers mois déclarés par les jeunes de 17 ans ayant acheté de l’alcool au cours du mois précédant l’enquête
Agrandir l'image

Les contrôles étaient encore plus rares dans les débits de boisson : 52,7% des jeunes ayant bu de l’alcool au cours des 30 derniers jours ont affirmé n’avoir jamais eu à présenter leur carte d’identité pour justifier de leur âge lors d’un achat en bar ou en restaurant (soit 35% de l’ensemble des jeunes de 17 ans). Ils étaient par ailleurs 16,3% à déclarer avoir subi un contrôle « rarement » ou « parfois », si bien que le contrôle n’apparaît avoir été systématique que pour 1,7% d’entre eux.

Facteurs associés à la consommation régulière d’alcool

Les prévalences d’usages réguliers d’alcool en fonction de certains facteurs d’influence sont présentées dans le tableau 2. Au vu des différences très nettes constatées entre filles et garçons, ces prévalences sont ventilées selon le sexe et complétées par une analyse multivariée conduite afin de contrôler les principaux facteurs (variables sociodémographiques) de confusion.

Tableau 2 : Facteurs associés à l’usage régulier d’alcool chez les adolescents de 17 ans
Agrandir l'image

Chez les garçons, la consommation régulière d’alcool à 17 ans se différenciait selon le statut scolaire au moment de l’enquête : comparés aux élèves de l’enseignement secondaire (dont 10,7% buvaient régulièrement), les apprentis (22,0%, odds ratio, OR=1,9, p<0,001) et les adolescents sortis du système scolaire (15,1%, OR=2,0, p<0,001) étaient, toutes choses égales par ailleurs, plus enclins à boire régulièrement. Cette association est moins marquée chez les filles : celles en apprentissage se déclaraient plus nombreuses à boire régulièrement (8,6%) mais, une fois les différents facteurs contrôlés, la différence n’est pas significative (OR=1,2, p>0,05), contrairement aux adolescentes sorties du système scolaire (8,1%, OR=2,7, p<0,01).

Un constat similaire s’applique aux usages selon la structure familiale, les garçons provenant de familles nucléaires (11,2%) se déclarant moins souvent buveurs réguliers que ceux issus de familles recomposées (13,2%, OR=1,5, p<0,01) ou monoparentales (13,4%, OR=1,3, p<0,01). Chez les filles, la tendance en termes de prévalence était là aussi à la hausse (4,1% vs 5,0 et 5,7% respectivement), la différence ne demeurant significative que chez celles vivant avec un seul de leurs parents (OR=1,7, p<0,001).

Le lien entre usage régulier d’alcool et origine socioéconomique diffère là encore selon le sexe. Chez les garçons, il prend la forme d’une opposition entre les adolescents issus de milieux les plus favorisés (11,8%) et ceux des milieux les plus défavorisés, moins enclins à l’usage régulier (8,5%, OR=0,5, p<0,05). L’association est plus linéaire chez les filles, celles des milieux les plus aisées déclarant boire plus régulièrement (6,5%) que celles provenant de milieux intermédiaire (4,4%, OR=0,6, p<0,05), modeste (4,0%, OR=0,3, p<0,001) ou défavorisé (3,7%, OR=0,4, p<0,05).

Chez les garçons, l’association entre l’usage régulier et la zone d’habitation forme un gradient inversement proportionnel à la taille de l’agglomération. Ainsi, comparés aux adolescents résidant dans des villes de 200 000 habitants ou plus, les usages réguliers étaient significativement plus élevés chez ceux des agglomérations moyennes (11,5%, OR=1,5, p<0,01) et de petites tailles (14,3%, OR=1,8, p<0,001), et plus encore parmi les ruraux (15,6%, OR=1,8, p<0,001). Chez les filles, en revanche, seules celles habitant en zone rurale avaient plus tendance à déclarer un usage régulier significativement supérieur (4,7%, OR=1,6, p<0,05) à celui de leurs homologues vivant dans des métropoles (4,4%).

Enfin, l’usage régulier des adolescents, quel que soit le sexe, apparaît conditionné par l’usage des parents chez les filles (7,3%, OR=2,0, p<0,001) et plus encore chez les garçons (19,4%, OR=2,1, p<0,001). Il était aussi fortement associé à un passage aux urgences pour éthylisme chez les garçons comme chez les filles (respectivement 16,6%, OR=1,4, p<0,01 et 10,4%, OR=2,5, p<0,05).

Discussion

Ces résultats montrent qu’au-delà de l’expérimentation, on observe à 17 ans déjà des consommations régulières et des API qui s’avèrent être un mode privilégié de consommation à l’adolescence. De surcroît, les adolescents ne rencontrent pas de difficulté pour s’approvisionner, et ce malgré l’interdiction de vendre des boissons alcoolisées aux mineurs.

Une attention particulière a été portée aux usages réguliers (10 fois ou plus au cours du mois), qui concernent près d’un jeune de 17 ans sur dix. La caractérisation des profils les plus à risque est importante pour l’élaboration des actions de prévention. Les usages réguliers concernent davantage les adolescents et adolescentes sortis du système scolaire général, dont au moins un des deux parents consomme quotidiennement de l’alcool, vivant dans des petites agglomérations, et dans une moindre mesure ceux vivant dans des familles plutôt favorisées, non nucléaires. Ces données sont cohérentes avec celles de la littérature, qui montre en particulier que les consommations des parents ont un lien avec l’initiation et la consommation ultérieure des adolescents 2. L’enquête montre par ailleurs que les baisses de consommation s’inscrivent dans un contexte où l’accessibilité de l’alcool, sept ans après la loi HPST 3, reste cependant relativement aisée : malgré une bonne connaissance de l’âge légal d’achat des boissons alcoolisées, les adolescents semblent s’affranchir encore facilement du cadre législatif et ne pas rencontrer de difficulté particulière pour s’en procurer dans les magasins ou dans les bars, les commerçants ayant rarement tendance à contrôler systématiquement l’âge des acheteurs. En effet, un adolescent de 17 ans sur cinq a pu acheter de l’alcool en magasin au cours des 12 derniers mois sans qu’une pièce d’identité lui soit jamais demandée. Cette proportion atteint même un adolescent sur trois dans les débits de boisson.

La principale limite de l’étude porte sur le délai d’observation et la définition des indicateurs. Ces derniers, partagés par la plupart des études internationales, résultent d’un choix raisonné et comportent une part d’arbitraire : ils ne rendent pas compte de la totale diversité des rythmes de consommations et distinguent mal des réalités parfois très contrastées. Ils permettent cependant une description simple des pratiques à l’adolescence. La consommation au cours du dernier mois et l’usage régulier sont, à l’adolescence, des pratiques nouvelles ; il peut même s’agir des toutes premières occurrences et rien n’implique que la consommation perdurera. De plus, l’ivresse n’a pas ici été abordée. Toutefois, à l’adolescence, la sensation d’ivresse est d’autant plus subjective qu’elle peut évoluer rapidement selon les expériences d’alcoolisation.

Par ailleurs, il convient de signaler que d’autres facteurs, non mobilisables à travers l’enquête ESCAPAD, sont susceptibles d’être liés aux consommations d’alcool, comme les troubles psychiques, en premier lieu l’anxiété 4 et la dépression 5. Si l’influence de la consommation des parents a bien été considérée, l’enquête n’a pas permis d’aborder la question des usages des pairs, dont l’influence demeure importante à l’adolescence 6. Enfin, la nature transversale des données exploitées ne permet pas d’induire une causalité sur le sens des associations observées.

Conclusion

Bien que le recul des usages d’alcool chez les adolescents observé entre 2014 et 2017 soit encourageant 1, la persistance de fortes disparités d’usages, en particulier selon le statut scolaire et l’environnement familial, réclame que les actions de prévention s’approprient davantage encore ces résultats d’enquête pour adapter et mieux cibler les interventions et actions de prévention. Enfin, la relative facilité d’achat de boissons alcoolisées à l’adolescence nécessite là aussi un renforcement des actions d’information, tant du côté des débitants de boissons et de responsables de magasins d’alimentation que de celui des adolescents, qui n’hésitent pas à transgresser une loi qu’ils connaissent pourtant.

Références

1 Spilka S, Le Nézet O, Janssen E, Brissot A, Philippon A, Shah J, et al. Les drogues à 17 ans : analyses de l’enquête ESCAPAD 2017. Tendances (OFDT). 2018;(123):1-8. https://www.ofdt.fr/publications/collections/
periodiques/lettre-tendances/les-drogues-17-ans-analyse-de-lenquete-escapad-2017-tendances-123-fevrier-2018/
2 Yap MBH, Cheong TWK, Zaravinos-Tsakos F, Lubman DI, Jorm AF. Modifiable parenting factors associated with adolescent alcohol misuse: A systematic review and meta-analysis of longitudinal studies. Addiction. 2017;112(7):1142-62.
3 Loi n° 2009-879 [dite HPST] du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires. JO n° 167 du 22/07/2009, p. 12184. https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT
000020879475&categorieLien=id
4 Blumenthal H, Leen-Feldner EW, Badour CL, Babson KA. Anxiety psychopathology and alcohol use among adolescents: A critical review of the empirical literature and recommendations for future research. J Exp Psychopathol. 2011;2(3):318-53.
5 Johannessen EL, Andersson HW, Bjørngaard JH, Pape K. Anxiety and depression symptoms and alcohol use among adolescents – A cross sectional study of Norwegian secondary school students. BMC Public Health. 2017;17(1):494.
6 Mundt MP, Mercken L, Zakletskaia L. Peer selection and influence effects on adolescent alcohol use: A stochastic actor-based model. BMC Pediatr. 2012;12:115.

Citer cet article

Philippon A, Le Nézet O, Janssen E, Cogordan C, Andler R, Richard JB, et al. Consommation et approvisionnement en alcool à 17 ans en France : résultats de l’enquête ESCAPAD 2017. Bull Epidémiol Hebd. 2019;(5-6):109-15. http://invs.santepubliquefrance.fr/beh/2019/5-6/2019_5-6_3.html