Diabète : est-il possible de faire mieux sans dépenser plus ?
// Diabetes: Can we be more efficient without spending more?
À la lecture de ce BEH consacré au diabète, on pourrait être tenté de ne retenir que deux idées forces :
- malgré une prise en charge dite à 100% au titre des affections de longue durée (ALD), 20% des patients diabétiques déclarent renoncer à des soins pour des raisons financières. Et cette inégalité d’accès aux soins est corrélée à l’inégalité face aux risques des complications du diabète :
- malgré des sommes croissantes consacrées par l’Assurance maladie aux patients diabétiques (12,5 milliards d’euros en 2007 et plus de 15 en 2013), les résultats sont décevants. L’équilibre glycémique reste insuffisant chez les diabétiques de type 1 comme chez les type 2, avec seulement 50% des diabétiques type 2 ayant une HBA1c inférieure à 7% et 37% des diabétiques de type 1 ayant une HBA1c inférieure à 7,5% 1. Les complications sont toujours aussi fréquentes. Et en conséquence, les hospitalisations restent toujours aussi nombreuses : environ un tiers des patients diabétiques sont hospitalisés chaque année. Seules les prescriptions de médicaments antihypertenseurs et de statines progressent notablement chez les diabétiques de type 2.
Le risque existe, compte tenu de la volonté de diminuer les dépenses de l’Assurance maladie, que les décideurs soient tentés de réviser l’allocation des moyens en remettant en cause l’accès à l’ALD pour tous les patients diabétiques 2. La suppression de l’ALD pour les hypertendus sévères servirait, à l’occasion, d’argument. Le droit à l’ALD pourrait à l’avenir être réservé aux patients les plus pauvres et aux patients ayant un diabète qualifié de grave en raison d’un traitement par l’insuline et/ou en raison de l’existence de complications justifiant un traitement spécifique. Ces patients ont aujourd’hui un reste à charge souvent important malgré l’ALD.
Ce serait oublier :
- que l’essentiel du traitement du diabète repose sur la prévention et que la prise en charge en ALD est significativement corrélée à un meilleur suivi et à de meilleurs résultats même si, comme chacun sait, corrélation ne vaut pas causalité 3. Cependant, plusieurs études ont montré qu’en matière de maladies chroniques, la gratuité des soins améliore l’observance 4,5,6 ;
- que l’amélioration de la prise en charge des patients diabétiques (le pourcentage de patients ayant une HBA1c supérieure à 8% a significativement diminué) 1 a entraîné de remarquables progrès. On a enregistré une diminution spectaculaire de l’incidence de l’insuffisance rénale des diabétiques de type 1 7 (dont sont encore victimes ces jeunes femmes qui se sous-insulinisent délibérément pour rester minces, parfois au prix d’acidocétoses fréquentes) et on enregistre enfin une baisse de l’incidence de l’infarctus du myocarde des patients diabétiques de type 2 malgré l’augmentation de l’obésité et le taux encore élevé de tabagisme 8,9,10.
La question posée aux professionnels comme aux patients et à leurs associations ainsi qu’aux gestionnaires devient : est-il possible de faire mieux sans dépenser plus ? La réponse est oui. Oui, si les acteurs sont prêts à réviser le contenu du « panier de soins » pris en charge à 100%, si les prescripteurs respectent la règle « du juste soin au juste coût » alors que les Français arrivent en tête des médecins européens pour la prescription des nouvelles molécules comme le montre une étude récente de l’Irdes 11, si on reconsidère le paiement à l’acte et la T2A mal adaptés à la prise en charge des maladies chroniques, si on évite les hospitalisations inutiles pour « bilan » et qu’on met en place une éducation thérapeutique ambulatoire, en ville et à l’hôpital, adaptée aux besoins réels des patients.