Actualités sur la tuberculose à bacilles multirésistants aux antibiotiques et ses nouveaux traitements

// Update on multidrug-resistant tuberculosis and new treatments

Nicolas Veziris1,2, Alexandra Aubry1,2, Isabelle Bonnet1,2, Tania Petersen1, Corentin Poignon1, Esther Gyde1, Lorenzo Guglielmetti1,2, Jérôme Robert1,2 (jerome.robert@aphp.fr)
1 Centre national de référence des mycobactéries et de la résistance des mycobactéries aux antituberculeux, Bactériologie-Hygiène, DMU BioGemH, AP-HP.Sorbonne Université, Paris
2 Sorbonne Université, Inserm U1135, Centre d’immunologie et des maladies infectieuses (Cimi), Paris
Soumis le 24.11.2023 // Date of submission: 11.24.2023
Mots-clés : Tuberculose à bacilles multirésistants | Traitement | Bédaquiline | Linézolide | Épidémiologie
Keywords: MDR tuberculosis | Treatment | Bedaquiline | Linezolid | Epidemiology

Résumé

La tuberculose à bacilles multirésistants (MDR – MultiDrug Resistant) touche chaque année près d’un demi-million de personnes dans le monde. En Europe de l’Ouest, le nombre de cas est faible et ceux-ci proviennent en grande partie des pays d’Europe de l’Est. En France, la surveillance effectuée par le Centre national de référence des mycobactéries et de la résistance des mycobactéries aux antituberculeux (CNR-MyRMA) montre qu’après un pic à plus de 100 cas en 2014, le nombre de cas a diminué jusqu’en 2021, à moins de 50. Cette diminution est due principalement à une baisse des cas provenant de Géorgie. Toutefois, en 2022, le nombre de cas a augmenté à nouveau, secondairement à l’arrivée de cas en provenance d’Ukraine et de Géorgie. Au cours de ces 10 dernières années, le traitement des tuberculoses MDR a connu plusieurs révolutions avec la découverte de nouveaux antituberculeux, le repositionnement d’antibiotiques connus et les résultats de plusieurs essais thérapeutiques combinant ces molécules. Des options thérapeutiques très efficaces existent maintenant pour les cas autrefois considérés comme très complexes à traiter. Ces nouveaux régimes ne comportent plus d’antibiotiques injectables, sont moins toxiques et sont désormais aussi courts que le régime standard de la tuberculose à bacilles sensibles.

Abstract

Each year, around half a million people worldwide are affected by multidrug-resistant (MDR) tuberculosis. In Western Europe, the number of MDR tuberculosis cases is relatively low compared to other parts of the world, with a large share of cases originating from Eastern Europe. In France, the results of MDR tuberculosis surveillance carried out by the National Reference Centre (CNR) for mycobacteria show that, after peaking at over 100 cases in 2014, the number of cases decreased to less than 50 in 2021. This decrease was mainly due to a decline in cases originating from Georgia. However, in 2022, the number of cases increased again following the arrival of persons from Ukraine and Georgia. In the last 10 years, treatment for MDR tuberculosis has made great advances. Several known drugs were re-purposed for tuberculosis treatment, new drugs were discovered, and new treatment regimens combining these drugs were demonstrated to be efficient in clinical trials. Various therapeutic options now exist that are very efficient in treating cases previously considered highly complex to manage. These new regimens no longer use injectable drugs, are less toxic, and treatment duration is now equivalent to that of standard drug-susceptible tuberculosis.

Introduction

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que la tuberculose a touché près de 10,6 millions de personnes en 2022 (taux d’incidence de 133 pour 100 000 habitants), c’est-à-dire plus qu’en 2020 et 2021 1. Ce rebond est probablement la conséquence de la pandémie de Covid-19. Les deux tiers des cas sont concentrés dans 8 pays (Inde, Indonésie, Chine, Philippines, Pakistan, Nigéria, Bangladesh, et République Démocratique du Congo). En Europe de l’Ouest, le European Centre for Disease Prevention and Control (ECDC) rapporte 33 527 cas de tuberculose en 2021, soit un taux d’incidence de 7,4/100 000 habitants 2. Parmi ces cas, un tiers est d’origine étrangère au pays déclarant. Les pays européens qui déclarent le plus de cas sont la Roumanie, la France et l’Allemagne et les taux d’incidence sont les plus élevés en Roumanie (40,5/100 000), en Lithuanie (23,1/100 000) et au Portugal (14,6/100 000).

Parmi l’ensemble des cas mondiaux de 2022, il est estimé qu’environ 410 000 sont atteints de tuberculose à bacilles résistants à la rifampicine (RR) ou multirésistants aux antibiotiques (MDR), c’est-à-dire résistants à la fois à l’isoniazide et à la rifampicine. En 2022, ces cas résistants représentaient 3,3% des cas jamais traités et 17,0% des cas déjà traités par antituberculeux. Trois pays totalisaient 42% des cas résistants à au moins la rifampicine : l’Inde (27%), les Philippines (7,5%) et la Russie (7,5%). Seulement 2 malades sur 5 atteints de tuberculose MDR dans le monde ont eu accès à un traitement adapté et leur succès thérapeutique était de 63%. En Europe de l’Ouest, parmi les cas enregistrés en 2021, seuls 64% ont été confirmés bactériologiquement et parmi ces derniers, seuls 77% ont eu au moins un test de sensibilité à la rifampicine (73% à l’échelle mondiale), soit un peu moins de la moitié des cas enregistrés en Europe. Au total, 695 cas (4,2% des cas testés) ont été atteints de tuberculose MDR. Parmi les 781 cas de tuberculose MDR enregistrés en 2019, seuls 52% ont eu une issue favorable à leur traitement.

Les antibiotiques antituberculeux indiqués pour traiter une tuberculose RR ou MDR sont classés en trois groupes selon leur importance dans le traitement d’après la nouvelle classification de l’OMS. Le groupe A des antibiotiques très efficaces et fortement recommandés comprend la bédaquiline, les fluoroquinolones et le linézolide. Le groupe B comprend les antibiotiques de second choix (clofazimine, cyclosérine, térizidone). Le groupe C comprend les antibiotiques qui peuvent être utilisés quand ceux des groupes A et B ne peuvent l’être (par exemple, éthambutol, pyrazinamide, aminosides, délamanide…). En raison du faible accès à des laboratoires compétents pour réaliser les tests de sensibilité aux antituberculeux à la majorité de ces antituberculeux, il est difficile de connaître la fréquence mondiale de la tuberculose MDR à bacilles résistants également à une fluoroquinolone (tuberculose pré-XDR), et celle de la tuberculose à bacilles ayant une résistance étendue (XDR), c’est-à-dire une tuberculose pré-XDR avec des bacilles ayant une résistance supplémentaire au linézolide et/ou à la bédaquiline, deux des trois antituberculeux du groupe A (en plus des fluoroquinolones). Dans le monde, un peu plus de 2,9 millions de personnes tuberculeuses ont bénéficié de tests de sensibilité pour leur prise en charge et parmi celles-ci, 0,9% avaient une tuberculose pré-XDR ou XDR, soit 15% des tuberculoses MDR. En Europe, seuls 54% des cas de tuberculose MDR avaient bénéficié de tests de sensibilité complémentaires. Parmi ceux-ci, 28,5% avaient une tuberculose pré-XDR ou XDR. Parmi les 159 cas pré-XDR, seulement 17% sont considérés guéris et 36,5% encore en cours de traitement plus de deux ans après le diagnostic, alors qu’un tiers sont en échec ou décédés et 8,8% perdus de vue. Ces résultats attestent de la difficulté de traiter et suivre ces malades atteints de tuberculose complexe, y compris en Europe.

Il faut noter que la définition de la tuberculose XDR a été modifiée en 2021 pour tenir compte de l’avènement de nouveaux antibiotiques ou schémas thérapeutiques plus actifs sur les tuberculoses à bacilles RR ou MDR 3. Avant cette date, la tuberculose XDR était définie par une tuberculose à bacilles MDR avec une résistance supplémentaire à une fluoroquinolone et à un des antibiotiques injectables, dont les aminosides. Les nouveaux traitements ont permis de se passer dans la majorité des cas de ces antibiotiques injectables, très toxiques, et complexes à manier. La résistance au linézolide ou à la bédaquiline étant encore peu fréquente, ce changement de définition, très opérationnel puisque basé sur l’efficacité des nouvelles thérapeutiques, a donc entraîné des modifications majeures de l’épidémiologie de la tuberculose à bacilles XDR, faisant diminuer de manière drastique ces cas dans la majorité des pays qui ont la capacité de tester la sensibilité aux nouveaux antituberculeux de seconde ligne 4.

Épidémiologie de la tuberculose à bacilles multirésistants en France

En France, la surveillance de la tuberculose est réalisée par Santé publique France dans le cadre de la déclaration obligatoire (DO) de la tuberculose. Jusqu’en 2005, cette surveillance n’incluait pas la surveillance de la résistance aux antituberculeux. À partir de cette date, les données de résistance à l’isoniazide et la rifampicine ont été incluses dans le recueil de la DO. L’autre source de données sur la fréquence de la résistance aux antituberculeux en France provient, depuis 1992, du réseau de laboratoires de biologie, coordonné par le Centre national de référence des mycobactéries et de la résistance des mycobactéries aux antibiotiques (CNR-MyRMA) 5. Ce réseau a pour objectif principal de recueillir des données épidémiologiques sur la tuberculose MDR. En recueillant également le nombre total de cas de tuberculose à culture positive diagnostiqués dans les laboratoires participant au réseau, le CNR-MyRMA est capable de produire des informations sur la prévalence et l’incidence des cas de tuberculose MDR. Les données du réseau sont confrontées aux données du CNR-MyRMA qui reçoit les souches de bacilles tuberculeux RR ou MDR pour tester la sensibilité à tous les antibiotiques disponibles par des méthodes moléculaires et phénotypiques. Ces données, complétées par celles recueillies dans le cadre de la réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) du CNR-MyRMA pour les cas de tuberculose complexes 6 et intégrées dans le registre des cas de tuberculose MDR, permettent d’avoir une vision quasi-exhaustive des caractéristiques de la tuberculose à bacilles MDR en France. Les données présentées sur les cas MDR peuvent légèrement différer de celles produites par le système de la DO en raison de la variabilité des dates d’enregistrement et de signalement des cas.

Au cours des 10 dernières années, la tuberculose MDR a représenté en France de 44 à 110 cas par an, soit une proportion de 1,4% à 2,6% du total des cas de tuberculose à culture positive signalés par le réseau du CNR-MyRMA (tableau 1). Ces proportions sont légèrement inférieures si on utilise comme dénominateur l’ensemble des cas de tuberculose enregistrés dans le cadre de la DO (tableau 1) pour deux raisons : la sous déclaration des cas à culture positive dans le réseau du CNR-MyRMA pour les dernières années de la surveillance, et l’inclusion dans la DO de tuberculose à culture négative pour lesquelles dans la majorité des cas, il n’y a pas de donnée de sensibilité aux antibiotiques.

Tableau 1 : Nombre prévalent de cas de tuberculose à bacilles multirésistants et proportion parmi le nombre total de cas de tuberculose à culture positive (réseau CNR-MyRMA) ou parmi le nombre total de cas enregistrés par la déclaration obligatoire, France, 2013-2022
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La distribution régionale du nombre de cas de tuberculose MDR au cours des 10 dernières années (tableau 2) montre que la région Île-de-France représente près de 46% des cas, suivie de la région Auvergne-Rhône-Alpes (10,2%) et de la région Nouvelle-Aquitaine (6,9%). Pendant cette période, toutes les régions françaises ont rapporté des cas. Il faut noter que la présence d’un gros laboratoire privé dans la région Auvergne-Rhône-Alpes et prenant en charge des échantillons de tout le territoire français peut augmenter de manière significative le nombre de cas enregistrés dans cette région.

Tableau 2 : Distribution régionale des cas prévalents de tuberculose à bacilles multirésistants diagnostiqués par les laboratoires du réseau du CNR-MyRMA, France, 2013-2022
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Les caractéristiques des malades atteints de tuberculose MDR sont données dans le tableau 3 en les comparant sur deux périodes : les 5 dernières années vs les 5 années précédentes. Une majorité des malades était de sexe masculin, l’âge médian était d’approximativement 35 ans, et 85% étaient nés hors de France. Environ 10% étaient co-infectés par le VIH, et plus de 80% avaient une atteinte pulmonaire de leur tuberculose. Comparativement à la période la plus ancienne, les malades des 5 dernières années avaient significativement moins souvent d’antécédent de traitement antituberculeux (34,4% vs 44,4%, p<0,01), provenaient moins souvent d’Europe (34,6% vs 45,6%, p<0,01), et avaient des souches moins souvent résistantes à l’ofloxacine (19,4% vs 27,0%, p=0,02) et à l’amikacine (5,6% vs 12,0%, p<0,01). L’absence d’antécédent de traitement chez près des deux tiers des malades conforte la recommandation de réaliser un test de diagnostic rapide (biologie moléculaire) à la recherche de la résistance à la rifampicine, et si possible à l’isoniazide, au minimum chez les malades avec un examen microscopique des crachats positif. Le conflit en Ukraine a eu comme conséquence une légère augmentation de cas en provenance d’Ukraine lors des dernières années 7. Par ailleurs, il y a eu une baisse notable du nombre de malades en provenance de Géorgie (17,0% vs 25,4%, p<0,01). Ceci explique la forte diminution de la résistance à l’ofloxacine dans la période la plus récente, les malades originaires de Géorgie hébergeant plus fréquemment des souches résistantes à cet antibiotique (61,9% vs 14,3%, p<0,01). Par ailleurs, la résistance à la bédaquiline est très rare, mais des cas de résistance chez des malades non traités ont été rapportés 8. Finalement, 29 des 47 malades (61,7%) atteints de tuberculose pré-XDR provenaient d’Europe, dont 16 de Géorgie, et 5 d’Ukraine, illustrant la complexité de traitement des malades originaires de ces pays, en particulier si les traitements sont très prolongés.

Tableau 3 : Caractéristiques des cas incidents de tuberculose à bacilles multirésistants
au cours des 10 dernières années, France, 2013-2023
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La révolution du traitement des tuberculoses à bacilles multirésistants

Le traitement des tuberculoses MDR a longtemps été synonyme de durée prolongée, faible efficacité et toxicité médicamenteuse. Les recommandations de traitement étaient basées sur des études rétrospectives de cohorte avec les biais inhérents à ce type d’analyses 9. La découverte de nouveaux antituberculeux et la conduite de nombreuses études évaluant l’activité de nouvelles combinaisons de ces antibiotiques sont en train de révolutionner le traitement des tuberculoses MDR. Ce dernier est désormais aussi court et efficace que celui des tuberculoses à bacilles sensibles et repose sur des essais prospectifs randomisés.

Les fluoroquinolones ont longtemps été le seul pilier du traitement des tuberculoses MDR. La résistance à ces molécules était le principal déterminant du très mauvais pronostic des tuberculoses XDR.

Le linézolide est une molécule inhibant la synthèse protéique qui a été initialement développée pour traiter les infections à bactéries à Gram positif. Son repositionnement comme molécule antituberculeuse a permis d’améliorer le pronostic des tuberculoses XDR. Cette efficacité se fait toutefois au prix d’une toxicité importante, en particulier la survenue de neuropathies périphériques ou optiques 10.

La bédaquiline, dont le mécanisme d’action est original (inhibition de la synthèse de l’ATP), a été le premier vrai nouvel antituberculeux de ces dernières années. Elle a montré dans un essai contre placebo, qu’ajoutée à un traitement « classique » de tuberculose MDR, elle augmentait la proportion de malades avec issue de traitement favorable 11. Cet apport significatif a permis de se débarrasser des antibiotiques injectables pour passer à un traitement entièrement oral 12.

Enfin, deux molécules de la famille des nitro-imidazolés ont été développées en parallèle : le prétomanide par la Global Alliance for TB Drug Development, et le délamanide par le laboratoire Otsuka. Leur mécanisme d’action est double, et consiste en une inhibition de la synthèse de la paroi bactérienne et un empoisonnement de la bactérie par le monoxyde d’azote (NO). Ces deux molécules ont montré qu’elles avaient une activité bactéricide précoce, c’est-à-dire qu’administrées seules, elles permettent une décroissance significative de la charge bacillaire dans les expectorations durant les premiers jours du traitement 13,14. Le délamanide a été évalué contre placebo avec des résultats contradictoires. Une première étude a montré qu’ajouté à un traitement de fond de tuberculose MDR, il augmentait la proportion de malades avec des expectorations négatives en culture après deux mois de traitement 15. Une seconde étude de même design, mais évaluant les issues de traitement, n’a pas montré de différence avec le placebo 16. Ce dernier résultat négatif doit toutefois être considéré avec prudence car le calcul d’effectif n’était probablement pas suffisant pour montrer une différence significative entre les deux groupes. En effet, l’effectif théorique a été établi sur la base de données anciennes avec des taux de succès trop faibles dans le bras contrôle. L’intérêt du délamanide a par la suite été montré dans une étude de cohorte qui a comparé les régimes à base de bédaquiline à ceux à base de délamanide et n’a pas montré de différence 17.

L’essai Nix-TB a permis de franchir un grand pas dans l’évaluation des nouveaux traitements. En effet, il a été le premier à aller au-delà de l’évaluation d’une molécule isolée en évaluant une nouvelle association d’antibiotiques à savoir bédaquiline, prétomanide et linézolide (BPaL) 18. Ce régime a été évalué dans une étude prospective non comparative pour le traitement des tuberculoses XDR et a permis d’obtenir 90% de succès avec une durée de traitement de 6 à 9 mois contre 18 à 24 pour le traitement standard de l’époque.

Dans les suites de cette étude, l’essai Practecal-TB a comparé dans un design prospectif randomisé trois régimes expérimentaux de 6 mois, BPaL, BPaL + clofazimine (BPaLC) et BPaL + moxifloxacine (BPaLM) au traitement standard de 9 à 20 mois 19. Une première analyse d’efficacité à 8 semaines a montré la supériorité du régime BPaLM qui a donc été poursuivi et comparé au traitement standard. Dans l’analyse en intention de traiter modifiée, 11% des malades du bras BPaLM avaient une évolution défavorable contre 48% dans le bras contrôle. L’OMS a inclus ce régime de 6 mois dans ses nouvelles recommandations 20.

Cette durée de traitement de 6 mois est donc la même que celle du traitement des tuberculoses à bacilles sensibles avec le traitement standard tel que pratiqué en France (isoniazide + rifampicine pendant 6 mois supplémenté pendant les deux premiers mois par éthambutol et pyrazinamide). Sur le plan scientifique, c’est un résultat majeur et surprenant du fait de cette durée courte obtenue sans rifampicine, jusqu’à présent considérée comme la molécule permettant de réduire le plus la durée du traitement. Peut-être est-ce dû à la plus grande variété des mécanismes d’action du régime BPaLM par rapport au traitement standard. En effet, le traitement standard combine trois inhibiteurs de la synthèse de la paroi et un inhibiteur de l’ARN polymérase tandis que BPaLM combine un inhibiteur de l’ATP synthase, un inhibiteur de la synthèse de la paroi, un inhibiteur de la synthèse protéique et un inhibiteur de l’ADN gyrase.

Ces nouveaux régimes sont très prometteurs et permettent d’envisager une grande simplification du traitement des tuberculoses MDR. Toutefois, des progrès sont encore espérés en raison des problèmes persistants de tolérance dus en particulier au linézolide, qui est à l’origine de neuropathies périphériques encore rapportées chez 9% des patients traités par l’association BPaLM 19. Des validations dans des études de cohorte sont attendues pour évaluer la performance de ces régimes dans une situation « de vie réelle » et dans des indications extra-pulmonaires.

Enfin, des progrès sont encore attendus que ce soit pour améliorer la tolérance ou pour réduire davantage la durée du traitement. Les résultats de l’essai « endTB » récemment présentés en congrès concourent à consolider les bases scientifiques des traitements innovants pour les tuberculoses MDR. D’autres essais en cours sont attendus, avec de nouvelles molécules ayant de nouveaux mécanismes d’action ou des dérivés de molécules connues ayant un profil plus intéressant du point de vue de l’efficacité ou de la tolérance.

Remerciements

Nous remercions l’ensemble des collègues cliniciens et biologistes qui permettent de réaliser la surveillance de la résistance aux antituberculeux dans le cadre des activités du CNR-MyRMA et du réseau des laboratoires de biologie.

Liens d’intérêt

Jérôme Robert, Alexandra Aubry et Nicolas Veziris travaillent dans un laboratoire de recherche qui reçoit des subventions de recherche des laboratoires Janssen.

Références

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2 European Centre for Disease Prevention and Control, WHO Regional Office for Europe. Tuberculosis surveillance and monitoring in Europe 2023 – 2021 data. Stockholm: ECDC; 2023. 40 p. https://www.ecdc.europa.eu/en/publications-data/tuberculosis-surveillance-and-monitoring-europe-2023-2021-data
3 World Health Organization. Meeting report of the WHO expert consultation on the definition of extensively drug-resistant tuberculosis, 27-29 October 2020. Geneva: WHO; 2021. 40 p. https://www.who.int/publications/i/item/9789240018662
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20 Organisation mondiale de la santé. Lignes directrices unifiées de l’OMS sur la tuberculose. Module 4. Traitement : traitement de la tuberculose pharmacorésistante, mise à jour 2022. Geneve: OMS; 2022. 133 p. https://www.who.int/fr/publications/i/item/9789240063129

Citer cet article

Veziris N, Aubry A, Bonnet I, Petersen T, Poignon C, Gyde E, et al. Actualités sur la tuberculose à bacilles multirésistants aux antibiotiques et ses nouveaux traitements. Bull Épidémiol Hebd. 2024;(6-7):126-31. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2024/6-7/2024_6-7_4.html