Attitudes et intentions à l’égard du vaccin Covid-19 chez les professionnels de santé de Guyane
// Attitudes towards the COVID-19 vaccine and vaccination willingness among healthcare workers in French Guiana
Résumé
Introduction –
Dans le contexte de la pandémie mondiale de Covid-19 et de l’expansion préoccupante du variant 20J/501Y.V3 (P1), plus transmissible, un vaccin à ARNm a été mis à disposition en Guyane à partir de mi-janvier 2021. Cette étude visait à estimer l’intention vaccinale des professionnels de santé en Guyane.
Méthodes –
Une enquête transversale a été réalisée du 22 janvier au 26 mars 2021 auprès d’un échantillon de soignants en Guyane sur la base d’un questionnaire en ligne anonyme diffusé largement.
Résultats –
Au total, 579 professionnels de santé ont accepté de participer à cette étude, dont 220 médecins et 200 infirmiers travaillant le plus souvent en milieu hospitalier (54%) ou dans le secteur libéral (22%). Dans l’ensemble, 65,6% des personnes interrogées ont déclaré vouloir se faire vacciner ou avoir déjà été vaccinées contre la Covid-19, tandis que 24,3% des personnes interrogées ont déclaré ne pas vouloir se faire vacciner contre la Covid-19 et 11,2% étaient incertaines. En analyse multivariée, les facteurs associés à une meilleure intention vaccinale étaient l’âge avancé, le niveau d’inquiétude par rapport au Covid-19, la confiance dans les informations délivrées sur les vaccins et le fait d’avoir été vacciné contre la grippe l’année précédente. À l’inverse, la réticence à certaines vaccinations en général (ORa=0,23, IC95%: [0,13-0,41]) et le fait d’être originaire des Antilles ou de la Guyane (0,39 [0,21-0,73]) étaient associés à une plus grande défiance vis-à-vis de la vaccination.
Conclusion –
Les avis et attitudes négatifs envers les vaccins sont une préoccupation majeure de santé publique parmi les professionnels de santé de Guyane. Les spécificités territoriales, l’hésitation générale à l’égard des vaccins et les préoccupations concernant les effets secondaires futurs en particulier, représentent des obstacles et/ou éléments importants. La faible confiance dans le gouvernement et la science est un facteur non négligeable dans le refus du vaccin Covid-19 parmi le personnel non médical. Les messages de santé publique contenant des informations sur la sécurité des vaccins devraient être adaptés pour répondre à ces préoccupations.
Abstract
Background –
In the context of the global COVID-19 pandemic and the expansion of the more transmissible 20J/501Y.V3 (P1) variant of concern (VOC), mRNA vaccines were made available in French Guiana, an overseas French territory in South America, from mid-January 2021. This study aimes to estimate the willingness to be vaccinated and the socio-demographic and motivational correlates among Health Care Workers (HCWs) in French Guiana.
Methods –
A cross-sectional survey was conducted from January 22 to March 26, 2021, among a sample of HCWs in French Guiana based on an anonymous online questionnaire.
Results –
A total of 579 HCWs were interviewed, including 220 physicians and 200 nurses most often working in hospital (54%) or in the liberal sector (22%). Overall, 65.6% of respondents reported that they were willing to be or had already been vaccinated against COVID-19, while 24.3% of respondents reported that they did not want to get vaccinated against COVID-19 and 11.2% were unsure. In multivariate analysis, factors associated with vaccination willingness were older age, level of concern about COVID-19, confidence in vaccine information, and having been vaccinated against influenza in the previous year. Conversely, reluctance to certain vaccinations in general (adjusted OR=0.23, CI95%: [0.13-0.41]) and being from the West Indies or French Guiana (aOR=0.39 [0.21-0.73]) were associated with greater vaccine distrust.
Conclusion –
Negative opinions and attitudes toward vaccines are a major public health concern among HCWs in French Guiana when considering the current active epidemic with P1 VOC. Territorial specificities, general vaccine hesitancy and concerns about future side effects in particular represent important barriers and/or issues. Low confidence in government and science are important for COVID-19 vaccine refusal among non-medical staff. Public health messages with information on vaccine safety should be tailored to address these concerns.
Introduction
Depuis fin 2019, le SARS-CoV-2 s’est propagé dans le monde entier avec d’énormes conséquences sanitaires et socioéconomiques. Les vaccins contre la Covid-19 représentent une des réponses les plus attendues face à la pandémie, afin d’assurer un niveau de protection optimal de la population contre les formes graves de la maladie.
Cependant, la question de l’hésitation vaccinale est présente dans la population et chez les professionnels de santé 1. L’hésitation vaccinale désigne le retard ou le refus de la vaccination malgré la disponibilité des vaccins. D’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS), elle est l’une des dix principales menaces pour la santé mondiale en 2019. La France s’est distinguée avant la période du Covid-19 comme un des pays où la suspicion à l’égard des vaccins était la plus forte 2,3.
Les attitudes négatives à l’égard des vaccins constituent un des obstacles majeurs dans la lutte contre la pandémie de Covid-19. Ceci est particulièrement préoccupant chez les professionnels de santé, en raison de leur protection personnelle contre les formes graves de la maladie du fait de leur exposition professionnelle, du risque de contamination potentielle des patients, du poids de leur absentéisme sur la stabilité du système de santé, et de leur mission de santé publique à promouvoir la vaccination 4.
La Guyane est un département français situé dans la région amazonienne ; sa population est multiculturelle et composée de Créoles guyanais et antillais, de métropolitains, de Noirs-marrons, d’Amérindiens, de Hmong, et de migrants venus du Brésil, du Suriname, d’Haïti, du Guyana, de République dominicaine et de Chine. La répartition de la population est très inégale sur le territoire, ce qui complique l’organisation de soins en Guyane. Il existe trois centres hospitaliers : à Cayenne, Kourou et Saint-Laurent du Maroni, et 19 centres délocalisés de prévention et de santé (CDPS).
La proximité avec le Brésil, où la pandémie a été très active, a entraîné une troisième vague intense en Guyane due au variant Gamma, préoccupant notamment vis-à-vis de la réponse immunitaire (accumulation de mutations avec risque d’inefficacité de certains vaccins, en particulier ceux à vecteur viral). Les vagues de Covid-19 mettent en péril le système de santé dans ce territoire isolé et qui souffre d’une pénurie chronique de professionnels de santé.
Dès mi-février 2021, en Guyane, les indications du vaccin BNT162b2 Comirnaty® du laboratoire Pfizer, choisi en raison de son efficacité supposée meilleure sur le variant préoccupant (en anglais : variant of concern ou VOC) Gamma que celle du vaccin ChAdOx1 du laboratoire Astra Zeneca, ont été étendues à l’ensemble du personnel soignant.
Très rapidement, des attitudes négatives ont été observées. Fin février 2021, seuls 679 des 4 151 agents de santé (16,4%) et 3 800 des 294 071 habitants (1,3%) étaient vaccinés contre le virus Covid-19.
La présente étude visait à évaluer les attitudes à l’égard du vaccin Covid-19 chez les professionnels de santé en Guyane afin d’ajuster la campagne pour augmenter l’adhésion au vaccin 5.
Méthode
Plan de l’étude
Nous avons mené une enquête transversale descriptive du 22 janvier au 26 mars 2021 auprès des professionnels de santé en Guyane.
Population étudiée
Tous les professionnels de santé (libéraux, hospitaliers) exerçant sur le territoire au moment de l’enquête étaient éligibles.
Recueil d’information et procédure
L’étude a été réalisée à l’aide d’un questionnaire auto-administré accessible sur une plateforme en ligne accréditée pour héberger des données de santé (Epiconcept® : https://www.wepi.org/).
Il a été diffusé par des mailing listes obtenues par l’Union régionale des professionnels de santé (URPS), l’Agence régionale de santé (ARS) et autres listes de diffusion professionnelles pour les professionnels libéraux, il a également été diffusé au sein des hôpitaux et CDPS. Une version papier du questionnaire, anonyme, a été mise à disposition dans les CDPS ayant des difficultés d’accès à Internet. Les professionnels de santé ont ensuite été relancés par deux internes en médecine, physiquement, en se rendant dans divers services hospitaliers chaque semaine, ou par téléphone et par mail pour les professionnels de santé exerçant en libéral.
Données collectées
Le questionnaire contenait des données sociodémographiques, des données sur la représentation des vaccins en général et du vaccin Covid-19 en particulier, ainsi que sur la volonté de se faire vacciner et les facteurs déterminants associés. Des précisions qualitatives ont été ajoutées sur les obstacles et les leviers à la vaccination au regard des spécificités guyanaises.
Analyse statistique
Le critère d’évaluation principal était l’intention vaccinale, qui a été structuré de la manière suivante :
–déjà vacciné ou souhaitant se faire vacciner ;
–incertain ;
–sûr ou à peu près sûr de ne pas se faire vacciner.
Les analyses bivariées ont été réalisées à l’aide d’un test du Chi2 ou de Fisher pour les variables qualitatives. Elles ont examiné l’impact des données sociodémographiques et professionnelles, des connaissances, des attitudes et des représentations des vaccins en général, sur la volonté de se faire vacciner contre le virus Covid-19. Une analyse multivariée par régression logistique ordinale (intention vaccinale codée 0 pour opposition, 1 pour indécision et 2 pour intention vaccinale) et sélection descendante des variables a été réalisée. Les associations ont été exprimées à l’aide d’odds ratio ajustés et de leurs intervalles de confiance à 95%.
Éthique et réglementation
Les données ont été collectées de manière strictement anonyme avec la non opposition des participants à la participation de l’étude recueilli en ligne sur le site accrédité wepi.org. La collecte des données a fait l’objet d’une information individuelle des participants, d’une analyse d’impact sur la vie privée conformément aux règlements généraux sur la protection des données français et européen.
Résultats
Au total, 579 sur 4 151 (13,9%) professionnels de santé de Guyane ont répondu au questionnaire 6. Ce sont 40,4% et 10,8% des 544 médecins et 1 853 infirmiers en Guyane qui ont répondu à l’enquête respectivement.
Caractéristiques des participants et expérience du Covid-19
Parmi les professionnels de santé ayant accepté de participer à cette étude, 220 étaient médecins et 200 infirmiers. Ils travaillaient le plus souvent en milieu hospitalier (54%) ou dans le secteur libéral (22%) (tableau 1). La majorité était de sexe féminin (67,9%), nés en France métropolitaine (59,9%) ou en Guyane (19,9%) ; 14,3% des participants ont déclaré des conditions de santé à risque de Covid-19 sévère et 19,0% ont déclaré des antécédents personnels de Covid-19. Parmi les répondants, 17% se sont déclarés insuffisamment informés sur la vaccination en général, et 35,4% sur la vaccination contre la Covid-19. Plus de la moitié des agents de santé n’avaient pas ou peu confiance en la gestion de la crise et étaient inquiets de l’épidémie. La plupart d’entre eux avaient été confrontés à des cas graves de Covid-19 dans leur pratique.
Attitude envers la vaccination en général (tableau 2)
Au total, 90,9% des répondants étaient favorables à la vaccination en général. Certains (30,1%) étaient défavorables à certaines vaccinations en particulier, notamment contre la grippe, le papillomavirus et l’hépatite B.
Les attitudes méfiantes envers la vaccination étaient plus fréquentes chez les infirmières et les autres travailleurs non médicaux, ainsi que chez les travailleurs les plus jeunes (11,9% avant 50 ans contre 3,8% des plus de 50 ans défavorables p=0,002) et chez les travailleurs originaires de Guyane ou des Antilles (28. 8% vs 3,7%, p<0,001).
La majorité des participants a déclaré être à jour de ses vaccins, mais moins d’un tiers avaient été vaccinés contre la grippe au cours des deux dernières années, en lien avec un manque de confiance dans son efficacité et sa tolérance.
Un tiers du personnel non médical a déclaré manquer d’informations sur les vaccinations.
Attitude envers le vaccin Covid-19 (tableau 2)
Dans l’ensemble, 64,4% des répondants étaient prêts à se faire vacciner contre le virus Covid-19 ou l’avaient déjà été, tandis que 24,4% étaient contre et 11,2% restaient incertains. Les attitudes envers ce vaccin sont donc plus défavorables que par rapport à la vaccination en général.
Les facteurs associés à une attitude défavorable vis-à-vis du vaccin Covid-19 étaient : d’être nés en Guyane ou aux Antilles (48,9% d’opinions défavorables, p<0,001), d’être infirmier (35,5%, p<0,001) ou une autre profession non médicale (35,6%, p<0,001), d’être de sexe féminin (30,3%, p<0,001), et de ne pas avoir confiance dans les laboratoires pharmaceutiques (74,5%, p<0,001) ou dans la gestion de l’épidémie par les autorités (76,9%, p<0,001). À l’inverse, les professionnels de santé étaient plus disposés à se faire vacciner s’ils étaient plus âgés (75,7% d’opinion favorable si âgé de 50-64 ans, p<0,001), s’ils étaient très inquiets au sujet du Covid-19 (75,0%, p<0,001) et s’ils avaient confiance dans la gestion de l’épidémie (84,7%, p<0,001).
Parmi les personnes favorables à la vaccination Covid, les deux principales motivations étaient l’efficacité du vaccin pour prévenir une forme sévère (60,6%) et la limitation de la transmission du virus (59,0%). Ceux qui étaient hésitants attendaient, quant à eux, une meilleure garantie d’efficacité et d’absence d’effet indésirables du vaccin (42,7%).
Il existe une corrélation avec l’attitude vis-à-vis de la vaccination contre la grippe, puisque 90,7% des personnes vaccinées contre la grippe en 2019-2020 prévoyaient de se faire vacciner contre le virus Covid-19.
De plus, plus les soignants se déclaraient informés sur les vaccins, plus ils étaient disposés à se faire vacciner contre le virus Covid-19 (p<0,001). Cette observation diffère selon les sources d’information : ceux utilisant les réseaux sociaux étaient moins disposés à se faire vacciner (40,3% vs 67,9%, p<0,001).
Dans une question ouverte aux soignants sur les défis de la vaccination compte tenu des spécificités de la Guyane, les principaux obstacles mis en avant étaient l’apparition trop rapide des vaccins (15,9%), les enjeux frontaliers et communautaires (14,0%), les problèmes logistiques (12,6%), l’efficacité mal connue (10,7%), les effets indésirables (6,9%), l’efficacité inconnue sur le VOC Gamma (8,1%), la précarité (7,4%) et l’insuffisance du système de santé (2,9%).
En analyse multivariée (tableau 2), les facteurs associés à une meilleure intention vaccinale étaient l’âge avancé, le niveau d’inquiétude par rapport au Covid-19, la confiance dans les informations délivrées sur les vaccins et le fait d’avoir été vacciné contre la grippe l’année précédente. À l’inverse, la réticence à certaines vaccinations en général (ORa=0,23 [0,13-0,41]) et le fait d’être originaire des Antilles ou de la Guyane (0,39 [0,21-0,73]) étaient associés à une plus grande défiance vis-à-vis de la vaccination.
Discussion
Cette première étude sur l’hésitation vaccinale contre la Covid-19 chez les professionnels de santé au début de la campagne de vaccination en Guyane a montré que 64% étaient prêts à se faire vacciner avec un gradient selon la profession, l’âge, le sexe, l’origine et les attitudes envers la vaccination générale.
Une intention vaccinale contre la Covid-19 des professionnels de santé similaire à celle de la France métropolitaine mais toujours inférieure à celle du reste de l’Europe
Le taux d’intention vaccinale des professionnels de santé en Guyane début 2021 était similaire à celui observé en France métropolitaine en octobre 2020 (68%) et octobre-novembre 2020 (75%) 7,8. Elle est également proche des résultats observés en population générale (66%), les facteurs qui y étaient le plus souvent associés étaient l’âge, le sexe, le niveau d’éducation et les attitudes antérieures vis-à-vis des vaccins 9. Dans une revue récente de l’intention vaccinale parmi plus de 25 000 professionnels de santé, elle était de 51% et était associée au sexe masculin, à un âge supérieur à 30 ans, et à un antécédent de vaccination contre la grippe 10.
Une plus grande hésitation à se faire vacciner chez les femmes et les infirmiers et autres professions non médicales
Dans notre étude, comme dans celles menées en France métropolitaine ou dans d’autres pays comme Israël, les femmes et les infirmiers et autres professions non médicales étaient plus réticentes à se faire vacciner contre la Covid-19 que les hommes et les médecins 1,7. Dans la littérature, il existe un lien entre une mauvaise perception de la gestion ou de la souffrance au travail et le refus du vaccin contre la grippe, le vaccin étant un prétexte (plutôt qu’une raison) pour exprimer une dissonance avec des conditions de travail jugées inadéquates 11, constat qui pourrait expliquer une partie des attitudes vis-à-vis du vaccin contre la Covid-19.
Spécificités en Guyane
Les soignants nés en Guyane et aux Antilles sont moins favorables à la vaccination en général et contre la Covid-19 qu’en France métropolitaine 12. Des résultats similaires sont retrouvés en population générale guyanaise selon l’étude CAP Covid de l’Institut Pasteur de Guyane. Cela pourrait s’inscrire dans une ambivalence générale envers des vaccins développés aux États-Unis et choisis pour la Guyane par la France, avec des attitudes négatives ancrées dans l’histoire des siècles passés. Dans une grande enquête internationale récente dans les Caraïbes, l’hésitation vaccinale était particulièrement importante chez les infirmiers et autres professionnels paramédicaux et chez les jeunes 13.
Leviers pour améliorer la couverture vaccinale en Guyane française
D’après nos résultats, l’amélioration de l’information sur les vaccins est nécessaire, avec des informations actualisées, claires et indépendantes adressées à tous les professionnels de santé en Guyane, pas uniquement aux médecins. Il est également crucial de les communiquer dans différentes langues avec des outils adaptés aux différentes communautés.
Cependant, étant donné l’abondance d’informations officielles et de publications disponibles, le manque d’information rapporté par les professionnels de santé en Guyane reflète probablement une méfiance à l’égard des autorités et de la science. Cette attitude est aussi à rapprocher avec les théories du complot qui circulent sur de nombreux réseaux sociaux 14. Le contexte post-colonial, encore très présent dans les territoires français d’outre-mer est une dimension qui y contribue par ailleurs 15. Par conséquent, la façon dont la vaccination est proposée et promue aux populations des départements et régions d’outre-mer doit prendre en compte activement ces éléments de contexte et impliquer la population pour qu’elle ne soit pas perçue comme une application passive de décisions décidées en métropole.
Points forts et limites
La représentativité des médecins semble bonne, là où celle des paramédicaux est insuffisante. Le ratio médecins/infirmiers était de 45% dans l’enquête alors qu’il est de 77% en Guyane 6. Les infirmiers, et les autres personnels paramédicaux, sont ainsi sous-représentés. Le risque de biais de sélection lié à la méthodologie de recrutement sur la base du volontariat et de l’éloignement de certains professionnels de certains canaux de diffusion doit être souligné. Une surreprésentation des personnels soignants disposés à se faire vacciner est possible, compte tenu de la méthode d’échantillonnage. Lors des rappels physiques et téléphoniques, certaines personnes ont déclaré ne pas vouloir y participer, possiblement car elles étaient défavorables à la vaccination.
Conclusion
Un nombre important de professionnels de santé en Guyane était encore hésitant à l’égard du vaccin Covid-19 alors que l’épidémie s’intensifiait, plus souvent parmi les professionnels paramédicaux et les autres professionnels de santé nés en Guyane. La sécurité, l’efficacité et la vitesse de développement du vaccin Covid-19 ont été notées comme les préoccupations les plus courantes. La faible confiance dans le gouvernement et la science apparaît associée au refus du vaccin Covid-19 chez le personnel non médical. Atteindre un haut niveau de protection par la vaccination est un défi dans la réponse contre cette épidémie, et les professionnels de santé ont un rôle prépondérant à jouer dans cet effort, étant en première ligne pour discuter du vaccin avec les patients. Prendre en compte les obstacles et proposer des réponses adaptées prend du temps et n’est pas toujours faisable dans un contexte où les professionnels sont débordés, travaillent dans des conditions non optimales, fatigués après 24 mois d’évolution intense de l’épidémie, et assaillis de fausses informations dans les médias et sur les réseaux sociaux.
Au moment de la publication de ses résultats, l’obligation vaccinale des soignants a été instaurée et la couverture vaccinale a progressé chez les soignants, avec cependant encore une proportion importante du personnel hospitalier non vacciné et plusieurs interdictions d’exercice de professionnels libéraux. Bien que cette obligation ait contribué à accroître la couverture vaccinale des soignants qui était très basse avant l’été 2021, elle a aussi accru les tensions entre une partie des professionnels, les syndicats et des associations guyanaises, avec les autorités de santé et préfectorales, à l’origine de manifestations régulières. L’obligation vaccinale est dorénavant au cœur de la contestation qui concerne également les mesures de restrictions de la circulation et le manque de moyens pour le système de santé. Les modifications répétées des recommandations sur les rappels vaccinaux et la validité du “Pass vaccinal” semblent aussi contribuer à une perte de confiance des soignants qui mériterait d’être investiguée. Ainsi, les professionnels de santé exerçant en Guyane sont, à l’image de la société, secoués par des courants contradictoires et des fractures sociales.
Liens d’intérêt
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.
Références
Cov_2_1.html
Citer cet article
publiquefrance.fr/beh/2022/Cov_14/2022_Cov_14_1.html