Surveillance des cas groupés de Covid-19 en Occitanie : complétude, bilan de la surveillance sur 6 mois et perspectives

// Surveillance of clustered cases of COVID-19 in Occitania: completeness, results of the surveillance over 6 months and perspectives

Lorène Belkadi1 (lorene.belkadi@santepubliquefrance.fr), Stéphanie Rivière1, Adeline Riondel2, Amandine Cochet2 Anne Guinard1, Olivier Catelinois2, Cécile Durand1, Jean-Loup Chappert2, Jérôme Pouey1, Leslie Simac2, Franck Golliot3, Damien Mouly1
1 Santé publique France – Occitanie, Toulouse
2 Santé publique France – Occitanie, Montpellier
3 Santé publique France, Saint-Maurice
Soumis le 12.03.2021 // Date of submission: 03.12.2021
Mots-clés : Covid-19 | Surveillance | Cluster | Complétude des données
Keywords: COVID-19 | Surveillance | Cluster | Data completeness

Résumé

Introduction –

L’objectif de cet article est d’évaluer la complétude des données dans le cadre de la surveillance des cas groupés de Covid-19 mise en place en mai 2020 par Santé publique France, et de faire un bilan des données de surveillance afin de l’améliorer.

Méthodes –

L’étude porte sur les clusters enregistrés entre le 11 mai et le 28 octobre 2020 dans l’application Monic, en Occitanie (5,6 millions d’habitants). Le taux de complétude des variables a été étudié par mois d’enregistrement des clusters, par type de collectivité et par niveau de criticité. Les caractéristiques des clusters ont été décrites lorsque la complétude était suffisante.

Résultats –

Le nombre total de clusters était de 701, avec un pic de 363 en octobre. La complétude des données diminuait à partir du mois d’août, notamment pour les variables « taille de la population exposée », « décès » et « hospitalisation » et pour les variables permettant d’évaluer la criticité et à partir de septembre pour celles permettant d’évaluer le statut. Les clusters en établissements et services médico-sociaux (ESMS) étaient les plus fréquents, suivis par les clusters en milieux scolaire, universitaire et professionnel.

Conclusion –

Le système de surveillance a permis de caractériser les clusters avec certaines limites liées à la qualité du recueil. À l’avenir, il serait intéressant de sécuriser le recueil sur les variables indispensables à l’évaluation de la criticité, d’alléger le système en période de circulation virale élevée et de caractériser les circonstances de contamination.

Abstract

Introduction –

The objective of this article is to evaluate the completeness of data collection of the surveillance system of COVID-19 clusters set up in May 2020 by Santé publique France, and to describe surveillance data.

Methods –

The study focuses on clusters recorded between May 11 and October 28, 2020 in the MONIC application in Occitania (France). The completion rate of the data collection was studied by month of registration of the clusters, by type of community and by level of criticality. Cluster characteristics were described when completeness was sufficient.

Results –

The total number of clusters was 701, with a peak of 363 in October. The completeness of the data decreased from the month of August, in particular for the variables “size of the exposed population”, “death” and “hospitalization”, and for the variables used for the evaluation of the criticality and from September for those allowing evaluate the status. The clusters in medical-social establishments and services were the most common, followed by clusters in school, university and professional settings.

Conclusion –

The surveillance system made it possible to characterize the COVID-19 clusters with certain limitations due to the quality of the data collection. In the future, it would be interesting to secure the collection of the variables essential for the evaluation of criticality, to lighten the system in times of high viral circulation and to characterize the circumstances of contamination.

Introduction

Lors de la sortie du premier confinement, en mai 2020, la part de la population française semblant immunisée contre la Covid-19 était de 5,7% [3,5%-10,3%], avec de grandes disparités régionales 1 et une circulation virale faible (<10 cas/100 000 habitants dans l’ensemble des régions).

La levée du confinement a été accompagnée de la mise en place d’un dispositif de contact-tracing (CT) dans l’ensemble des régions 2, avec pour objectifs de limiter la diffusion du virus à partir de tout nouveau cas, de détecter et d’investiguer les chaînes de transmission et les épisodes de cas groupés en vue de leur contrôle. Concernant les cas groupés (clusters) de Covid-19, le but de la stratégie était d’identifier et de briser le plus tôt possible les chaînes de transmission, afin d’éviter une diffusion du virus plus large, ou « essaimage », dans la communauté. Les investigations permettaient également de décrire les lieux dans lesquels étaient identifiés les clusters 3.

Une fois identifiés, les clusters étaient décrits et priorisés selon leur « criticité », classement qui correspondait au niveau de gravité et de risque de diffusion du virus dans la population générale. Un « statut » leur était affecté selon le niveau de maîtrise des chaînes de transmission, qui était défini de « en cours » à « clôturé ».

L’objectif de cet article est (i) de décrire la complétude des données dans le cadre de la surveillance des clusters de Covid-19 en Occitanie de mai à octobre 2020, et d’en discuter les effets sur la finalité du dispositif ; (ii) de faire un bilan des données de surveillance.

Des pistes d’amélioration du dispositif de surveillance sont proposées sur cette base.

Matériels et méthodes

Recueil de données et indicateurs

Les clusters en Occitanie ont été étudiés sur l’ensemble de la période du 11 mai au 28 octobre 2020 et par pas de temps (de 1 mois, ou de 2 mois si les effectifs étaient trop faibles pour la variable). La date de création, générée automatiquement lors de la première saisie, a été utilisée pour classer les clusters par mois de survenue.

Un cluster était défini comme « La survenue d’au moins 3 cas confirmés (personne, symptomatique ou non, pour laquelle a été obtenu un résultat positif par RT-PCR pour la recherche de SARS-CoV-2) ou probables (personne présentant des signes cliniques et des signes visibles en tomodensitométrie thoracique évocateurs de Covid-19), au cours d’une période de 7 jours, et appartenant à une même communauté/collectivité ou ayant participé à un même rassemblement de personnes, se connaissant ou non » 3.

Les clusters ont été identifiés à partir des signalements remontés à l’Agence régionale de santé (ARS) via le CT et le signalement spontané des professionnels de santé ou des responsables de collectivités. En Occitanie, ces signalements ont été complétés par les clusters identifiés à partir du système de surveillance dédié aux cas survenant dans les établissements sanitaires et médico-sociaux (ESMS) 4 et non signalés directement à l’ARS. Tous les clusters répondant à la définition ci-dessus ont été enregistrés par Santé publique France, dans une base de données nommée « SI-Monic » (Système d’information – Monitorage des clusters), à l’exception des clusters familiaux pour lesquels seuls ceux survenant en milieu familial élargi (cluster dépassant le cadre d’un foyer familial unique 3) étaient signalés et saisis.

Les investigations des clusters étaient menées par l’ARS soutenue par la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) et pour les établissements de santé, avec les ressources internes et l’appui du Centre de prévention des infections associées aux soins (CPIAS). À partir du mois d’octobre, les investigations ont également été menées avec divers organismes, notamment l’Éducation nationale à travers un protocole ARS – rectorat pour les clusters en milieu scolaire.

Les données recueillies pour chaque cluster incluaient :

des variables d’identification : région, commune, département, code postal, type de collectivité, date de signalement, date validation par Santé publique France ;

des variables épidémiologiques : taille de la collectivité touchée, nombre de cas, nombre d’hospitalisations, nombre de décès, date de début des signes (DDS) du 1er cas et du dernier cas ; cluster en lien avec un retour de l’étranger ou des départements d’Outre-mer et territoires d’Outre-mer (DOM/COM) dans les 14 jours précédents, le niveau de criticité évalué et le statut du cluster ;

des variables de suivi de gestion : fermeture de la collectivité, mise en place d’un dépistage élargi, confinement localisé, cluster identifié à la suite d’un dépistage massif.

Lors du recueil des données, la criticité était évaluée par l’épidémiologiste comme faible, modérée ou élevée à partir d’un algorithme basé sur 6 critères (correspondant à 7 variables recueillies) : le nombre de cas confirmés, le ratio nombre de cas confirmés/taille de la collectivité, la présence de facteurs de vulnérabilité médicale ou sociale dans la collectivité (apprécié par la variable type de collectivité), la présence de critères de sévérité (variables nombre de cas hospitalisés ou décédés), le nombre de générations de cas au moment du signalement (délai entre la date de signalement et la date de début des signes – ou du prélèvement à défaut – du 1er cas), et le risque d’essaimage à distance (faible, modéré, élevé) appréciée de façon qualitative 3. Ces informations étant actualisables au cours du temps, la criticité pouvait être réévaluée.

De la même manière, le statut d’un cluster était classé selon 4 niveaux au moment de la saisie ou de la mise à jour : en cours d’investigation, maîtrisé, diffusion communautaire, clôturé. Ce classement permettait d’identifier les clusters pour lesquels des investigations ou mesures de gestion étaient encore nécessaires. La variable nécessaire à son évaluation était la DDS du dernier cas.

Certaines variables étaient obligatoires dans l’enregistrement du cluster : le type de collectivité, le nombre de cas, le département, la criticité évaluée et le statut.

Critères d’analyse

Pour répondre aux objectifs de l’étude, plusieurs critères ont été définis :

la complétude des données a été évaluée en calculant le taux de remplissage des données pour chaque groupe de variables selon la période et le type de collectivité. Pour la criticité, son évaluation découlant de 7 variables épidémiologiques (cf. ci-dessus), la complétude a été calculée en faisant le pourcentage moyen de la complétude pour chacune des 7 variables. Pour le statut, son évaluation dépendant de la variable « DDS du dernier cas », c’est le taux de remplissage de cette variable qui a été utilisé ;

le bilan des données de surveillance à partir des données dont la complétude était totale : description des clusters en termes de temps, lieux, personnes, identification précoce d’une diffusion communautaire (variable statut du cluster).

Résultats

Sur la période du 11 mai au 28 octobre 2020, un total de 701 clusters a été enregistré. Au fil des mois, il y avait une augmentation progressive du nombre de clusters atteignant un pic de 363 clusters signalés en octobre.

Variables d’identification

Parmi les variables d’identification des clusters, les informations étaient systématiquement renseignées. Les clusters en ESMS ont été les plus fréquemment signalés, suivis par les clusters en milieux scolaires/universitaires et professionnels. Toutefois, cette répartition a évolué au cours du temps. Entre mai et juin, les clusters en ESMS et en milieu professionnel étaient majoritaires, mais en juillet-août, il s’agissait des clusters survenus en milieu professionnel ou lors d’évènements privés ou publics. Enfin, en septembre-octobre, les clusters en ESMS étaient à nouveau les plus fréquemment signalés, suivis par les clusters en milieux scolaires/universitaires et professionnels (tableau 1).

Tableau 1 : Répartition des clusters selon le type de collectivité et le mois d’enregistrement du cluster dans la base de données, Occitanie. Source : Extraction SI-Monic (Santé publique France) du 20 novembre 2020
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Sur l’ensemble de la période, la Haute-Garonne et l’Hérault concentraient presque la moitié des clusters de la région. La répartition géographique des clusters en fonction de la période (tableau 2), montre que les clusters étaient majoritairement en Haute-Garonne, quel que soit le mois considéré. Rapporté au nombre d’habitants, le classement était différent : la Lozère était le département le plus impacté et l’Aude le moins impacté. Le taux moyen de clusters par habitant pour la région était de 12 pour 100 000 habitants entre le 11 mai et le 28 octobre.

Tableau 2 : Répartition géographique des clusters selon la période d’enregistrement, Occitanie.
Source : Extraction SI-Monic (Santé publique France) du 20 novembre 2020
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Variables épidémiologiques

Concernant les variables épidémiologiques des clusters, le nombre de cas confirmés était systématiquement renseigné. La variable « cluster en lien avec un séjour à l’étranger » avait une complétude variant de 80% à 100% entre les mois de mai et de juillet puis de 45% à 55% d’août à octobre). Pour les autres variables, on observait une diminution nette dans la complétude des données à partir du mois d’août, plus marquée pour la variable « taille de la population exposée » (44% en août vs 94% en juillet) et pour les variables de sévérité (décès, hospitalisation), variables permettant notamment d’évaluer la criticité. Ainsi, la complétude des variables permettant d’évaluer la criticité diminuait de manière importante dès le mois d’août, et celle des variables permettant d’évaluer le statut, en septembre, même si le statut et la criticité étaient des variables systématiquement renseignées sur la base des informations disponibles (figure 1).

Figure 1 : Pourcentage de complétude pour chaque variable épidémiologique* et pourcentage de complétude global des indicateurs criticité et statut du cluster, selon le mois d’enregistrement, Occitanie. Source : Extraction SI-Monic (Santé publique France) du 20 novembre 2020
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La complétude des variables épidémiologiques variait selon le type de collectivité. Les clusters en Ehpad/ESMS et en milieu familial élargi ressortaient avec respectivement 6 et 7 variables remplies à plus de 50% sur la période. De façon générale, les informations sur les clusters survenus en établissements pour mineur, établissements de santé et en milieux scolaire, universitaire et professionnel étaient moins bien renseignés (figure 2).

Figure 2 : Pourcentage de complétude pour chaque variable épidémiologique selon le type de collectivité, Occitanie. Source : Extraction SI-Monic (Santé publique France)
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La complétude des variables épidémiologiques des clusters ne variait pas selon le niveau de criticité recueilli, à l’exception du nombre de cas hospitalisés et du nombre de cas décédés qui étaient mieux renseignés pour les clusters à criticité élevée : 55% de complétude pour chacune des deux variables lorsque la criticité était élevée contre environ 30% pour la criticité modérée et environ 20% pour la criticité limitée.

Sur l’ensemble de la période, les collectivités les plus concernées par un niveau de criticité élevé étaient : les Ehpad (90%) ; les communautés vulnérables (75%) ; les EMS de personnes handicapées (58%), les établissements de santé (57%) et les établissements pénitentiaires (67%). Les clusters survenant en milieu familial élargi et en crèches étaient le moins souvent à criticité élevée (17%, et 18% respectivement).

Le nombre moyen de cas par cluster sur l’ensemble de la période était de 16,4 (tableau 3). Il était plus élevé au cours des mois de mai et juin. A contrario, le nombre maximum de cas par cluster et le nombre total de clusters étaient plus élevés pour les mois d’août à octobre.

Tableau 3 : Nombre de cas par cluster selon leur période d’enregistrement.
Source : SI-Monic (Santé publique France) au 20 novembre 2020
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S’agissant de la variable statut, au 20 novembre 2020, date d’extraction des données dans la base SI-Monic, l’ensemble des clusters créés entre mai et août étaient clôturés. En revanche, il restait des clusters en cours d’investigation pour les mois de septembre et surtout d’octobre (respectivement 9 et 52%) et des clusters de statut maîtrisé en octobre (0,6%). Sur l’ensemble de la période, un seul cluster était statué comme étant en diffusion communautaire (en septembre).

Variables de gestion

Pour l’ensemble des variables de gestion, la complétude diminue à partir du mois d’août pour atteindre des taux très faible en septembre et octobre (figure 3). La complétude de la variable « confinement localisé » montre une évolution particulière avec un pic durant les mois d’été, tout comme la variable « cluster identifié à la suite d’un dépistage massif » pour laquelle un pic en juin-juillet est observé. Ces variables ne sont pas décrites plus en détail en raison de la faible complétude.

Figure 3 : Part d’information renseignée pour les variables de gestion selon la période d’enregistrement du cluster, Occitanie. Source : Extraction SI-Monic (Santé publique France) du 20 novembre 2020
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Discussion

La surveillance des cas groupés de Covid-19 avait pour objectif de décrire et de prioriser les clusters, en identifiant ceux pour lesquels des mesures d’investigation ou de gestion complémentaires étaient nécessaires, et caractériser précocement une diffusion communautaire. Ces objectifs de surveillance descriptive ont pu être atteints avec néanmoins certaines limites liées à la complétude des informations recueillies.

La complétude sur les variables d’identification est très bonne et permet de bien décrire les clusters en termes de répartition géographique et de collectivité. Globalement, les clusters ont été identifiés plus fréquemment dans les ESMS, les milieux professionnels, scolaire et universitaire (1). L’évolution temporelle du type de collectivité peut traduire en grande partie les évènements liés au rythme de l’année (cluster en milieu scolaire/universitaire en septembre/octobre, rassemblements de personnes pendant l’été…). Quelle que soit la période, les clusters en ESMS dominent. Ces établissements bénéficient d’une attention particulière de l’ARS et d’un système de surveillance dédié pour tous les cas de Covid-19, ce qui a pu contribuer à une meilleure sensibilité de détection des clusters. Les résultats sur les lieux d’identification ne préjugent cependant pas des circonstances de contamination qui ont pu avoir lieu en marge de ces lieux, notamment pour les milieux professionnel et universitaire (repas partagés entre les personnes sur le temps professionnel/scolaire ou en dehors de ces lieux 5). Pour l’avenir, il serait intéressant de rajouter une variable sur les circonstances de contamination pour bien distinguer le lieu dans lequel est identifié le cluster et la circonstance de la contamination dans ce lieu ou autour de celui-ci.

Les clusters étaient plus nombreux en Haute-Garonne et dans l’Hérault, en lien avec la taille de la population de ces départements. Cependant, lorsque l’on rapportait le nombre de clusters au nombre d’habitants par département, les départements les plus impactés (Lozère, Haute-Garonne, Ariège, Tarn) n’étaient pas forcément les mêmes. Il serait intéressant de mettre en perspective ces résultats avec le taux d’incidence par département, ou de créer un indicateur qui permettrait d’apprécier la contribution des cas impliqués dans les clusters sur l’ensemble des cas d’un département (par exemple le nombre total de cas impliqués dans des clusters rapporté au nombre total de cas confirmés par département). Ces indicateurs pourraient être ajoutés à la surveillance en routine afin d’identifier les départements dans lesquels l’impact des clusters est le plus important.

La complétude des variables épidémiologiques est très bonne pour le nombre de cas, la criticité et le statut. Le nombre de cas par cluster a ainsi pu être suivi sur l’ensemble de la période avec des maxima atteints en août, septembre et octobre. Si cette variable était remplie systématiquement à la création du cluster servant de base pour évaluer sa criticité, elle était peu actualisée, notamment lorsque la circulation virale était plus importante et où le suivi était plus difficile. En conséquence, la taille des clusters était probablement sous-estimée.

Le niveau de criticité recueilli est cohérent avec le type de structures concernées, mais cette variable a été renseignée avec seulement une partie des informations nécessaires. Face à l’augmentation du nombre de clusters et à la limitation des investigations menées, la criticité a été évaluée principalement à partir du type de collectivité (vulnérabilité des cas) et du nombre de cas. Ainsi, la complétude de la variable « taille de la population exposée » a été une des premières à diminuer nettement dès le mois d’août, alors qu’elle est indispensable pour évaluer l’ampleur des clusters, le taux d’attaque et le risque de dissémination. Les variables de sévérité (nombre d’hospitalisés et de décès) ont été également peu renseignées en août, septembre et octobre, malgré le fait que, pour une partie, le nombre d’hospitalisations a pu être actualisé pour les ESMS via le système de surveillance dédié à ces structures.

Au total, la baisse de la complétude des variables renseignant sur le potentiel de diffusion (taille de la population exposée) et de sévérité (hospitalisés et/ou décédés), interroge l’efficacité du système de surveillance des clusters lorsque la circulation virale en population augmente. D’après ces premières analyses, la qualité des informations collectées est fortement diminuée à partir du mois d’août où le taux d’incidence régional variait entre 15 et 45 pour 100 000 habitants 6,7,8,9. L’analyse de la complétude des variables par lieu de survenue des clusters met également en évidence des différences, notamment lorsque l’investigation est réalisée en lien avec des institutions extérieures à l’ARS. Ceci est particulièrement visible pour les clusters en milieux scolaire et professionnel qui représentent une part importante des clusters signalés (figure 2).

Un des objectifs de cette surveillance était d’identifier précocement une diffusion communautaire. À partir de la variable « statut du cluster », un seul cluster était concerné par une diffusion communautaire. Ce résultat semble sous-estimé lorsque l’on sait que la circulation virale s’est accentuée dans le pays à partir du mois d’août avec une reprise épidémique à l’automne. En pratique, cette modalité de réponse a peu été utilisée en raison d’un manque de précision sur sa définition et par manque de données sur le devenir des personnes contacts à l’extérieur de la collectivité. Sur le dernier mois d’analyse, plus de la moitié des clusters avait un statut côté « en cours d’investigation », ce qui laisse penser que le suivi ne pouvait plus être assuré.

Enfin, la surveillance des clusters devait permettre de suivre les mesures de gestion mises en place. Cependant, les variables concernées (« fermeture de la collectivité », « dépistage élargi », « confinement localisé », « identification suite à un dépistage massif »), non obligatoires à la saisie, se caractérisent par une part élevée de données manquantes et de ce fait ne permettent pas l’objectif de suivi de gestion des épisodes. L’absence de monitoring sur ces variables n’a cependant pas limité la surveillance épidémiologique des clusters en termes de temps, lieu, personne, et laisse penser que ces variables de gestion ne seraient peut-être pas indispensables lors d’un prochain recueil.

Conclusion et perspectives

Ce bilan montre que le dispositif peine à atteindre ses objectifs en période de circulation virale élevée. Si les variables d’identification sont peu impactées lorsque le nombre de clusters augmente, la perte d’information se voit rapidement sur les variables de gestion et les variables épidémiologiques. Une alternative serait de limiter la surveillance des clusters aux périodes pendant lesquelles la circulation du virus est assez limitée pour que celle-ci conserve sa pleine utilité en tant que dispositif de surveillance épidémiologique. Une surveillance ciblée sur certains types de collectivité (collectivités de personnes fragiles, populations à risque de diffusion) pourrait également être envisagée lorsque les indicateurs de l’intensité de la circulation virale seraient élevés. Enfin, la surveillance des clusters peut donner des pistes pour guider la stratégie vaccinale en priorisant sur les groupes/collectivités à risque de plus forte transmission. À l’avenir, il pourrait être judicieux de prioriser les investigations des clusters lors de la suspicion de phénomènes d’échappement vaccinal ou de circulation de variant émergent.

Remerciements

Les auteurs remercient l’ARS Occitanie en particulier toute l’équipe de la Cellule de veille, d’alerte et de gestion sanitaire (CVAGS), et le CPIAS pour leur disponibilité et leur investissement dans la transmission des données.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.

Références

1 Salje H, Tran Kiem C, Lefrancq N, Courtejoie N, Bosetti P, Paireau J, et al. Estimating the burden of SARS-CoV-2 in France. Science. 2020;369(6500):208-11.
2 Ministère des solidarités et de la santé. Direction générale de la santé. Centre de crise sanitaire. Minsante n° 99. Stratégie de contact-tracing post-confinement et aux modalités de sa mise en œuvre. 9 mai 2020.
4 Ministère des solidarités et de la santé. Direction générale de la santé. Centre de crise sanitaire. MINSANTE/CORRUSS n° 2020_46 : Signalement des cas COVID-19 dans les établissements sociaux et médico-sociaux (EMS).
5 Galmiche S, Charmet T, Schaeffer L, Grant R, Fontanet A, et al. Étude des facteurs sociodémographiques, comportements et pratiques associés à l’infection par le SARS-CoV-2 (ComCor). Institut Pasteur; Caisse Nationale d’Assurance Maladie; IPSOS; Institut Pierre Louis d’Epidémiologie et de Santé Publique (IPLESP); Santé Publique France. 2021. https://hal-pasteur.archives-ouvertes.fr/pasteur-03155847/document
6 Santé publique France. Point épidémiologique régional spécial Covid-19. Occitanie, 3 septembre 2020. https://
www.santepubliquefrance.fr/regions/occitanie/documents/bulletin-regional/2020/covid-19-point-epidemiologique-en-occitanie-du-3-septembre-2020
7 Santé publique France. Point épidémiologique régional spécial Covid-19. Occitanie, 13 août 2020. https://www.
santepubliquefrance.fr/regions/occitanie/documents/bulletin-regional/2020/covid-19-point-epidemiologique-en-occitanie-du-13-aout-2020
8 Santé publique France. Point épidémiologique régional spécial Covid-19. Occitanie, 20 août 2020. https://www.
santepubliquefrance.fr/regions/occitanie/documents/bulletin-regional/2020/covid-19-point-epidemiologique-en-occitanie-du-20-aout-2020
9 Santé publique France. Point épidémiologique régional spécial Covid-19. Occitanie, 27 août 2020. https://www.
santepubliquefrance.fr/regions/occitanie/documents/bulletin-regional/2020/covid-19-point-epidemiologique-en-occitanie-du-27-aout-2020

Citer cet article

Belkadi L, Rivière S, Riondel A, Cochet A, Guinard A, Catelinois O, et al. Surveillance des cas groupés de covid-19 en Occitanie : complétude, bilan de la surveillance sur 6 mois et perspectives. Bull Epidémiol Hebd. 2021;(Cov_5):
2-8. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2021/Cov_5/2021_Cov_5_1.html

(1) Guillaume Spaccaferri, Clémentine Calba, Pascal Vilain, et al. COVID-19 Hotspots through clusters analysis in France (May-October 2020): Where should we track the virus to mitigate the spread? European Journal of Epidemiology (en cours de soumission).