Bilan 2001-2017 des signalements externes d’infections nosocomiales. Part des signalements impliquant une bactérie multirésistante, hautement résistante-émergente ou un Clostridium difficile
// 2001-2017 results of external notifications of nosocomial infections in France. Share of notifications involving a highly resistant, multi-resistant emergent bacterium or Clostridium difficileSignalement-sante.gouv.fr
Résumé
Le signalement des infections nosocomiales (SIN) est un système d’alerte et de réponse précoce, qui s’impose à tous les établissements de santé (ES) depuis 2001. Il a contribué à la détection et au suivi de plusieurs émergences.
Sont décrits dans cet article les SIN reçus de 2001 à 2017 : nombre, évolution, type d’ES, caractéristiques épidémiologiques, micro-organismes et sites infectieux en cause. Un focus a été fait sur les SIN impliquant i/ une bactérie multirésistante (BMR) : Staphylococcus aureus résistant à la méticilline (SARM), entérobactéries résistantes aux céphalosporines de 3e génération (EC3gR), majoritairement par production de bêtalactamase à spectre étendu (EBLSE), Acinetobacter baumannii résistant aux carbapénèmes (ABRI) et Pseudomonas aeruginosa résistant aux carbapénèmes ou multirésistant (PARI), ii/ une bactérie hautement résistante (BHRe) : entérobactéries productrices de carbapénémases (EPC) et Enterococcus faecium résistant aux glycopeptides (ERG) ou iii/ un Clostridium difficile (CD).
Sur la période d’étude, 23 012 SIN (100 658 patients) ont été reçus. Les micro-organismes les plus fréquemment retrouvés étaient : entérobactéries (31%, dont 8% EC3GR et 81% EPC), Enterococcus spp. (9%), Acinetobacter baumannii (6%) et Staphylococcus aureus (8%). Au total, 46,1% des SIN concernaient une BMR (13,3%), BHRe (25,0%), BMR et BHRe (0,7%) ou CD (7,1%). Leur part expliquait l’essentiel de l’augmentation du nombre de SIN, cette part passant de 2,5% en 2001 à 66% en 2016 et de 0% à 54,3% pour les SIN concernant une BHRe.
La forte augmentation des SIN BMR, BHRe ou C. difficile témoigne de la sensibilisation des équipes d’hygiène hospitalière pour leur contrôle. Ces efforts doivent être poursuivis. Afin de distinguer les SIN liés à l’antibiorésistance et proposer une description plus adaptée de ces événements, un outil dédié BHRe est disponible depuis septembre 2017 au sein de l’application e-SIN.
Abstract
In France, the notification of rare or severe nosocomial infections (NI) has been mandatory for all health care facilities (HCF) for 15 years, as an early warning and response system for their prompt investigation and control; this system particularly contributed to the detection and follow-up of several emerging pathogens.
We described NI notifications received from 2001 to 2017: number, trends, HCF type, epidemiological characteristics, pathogens and infectious site involved. A focus was done on those involving i/ a multidrug-resistant (MDR) – methicillin-resistant Staphylococcus aureus (MRSA), third-generation cephalosporin-resistant Enterobacteriaceae (3RCRE), carbapenem-resistant Acinetobacter baumannii (CRAB) and carbapenem – or multi-drug-resistant – Pseudomonas aeruginosa (CRPA) –, ii/ an emerging bacteria – glycopeptides-resistant Enterococcus faecium (GRE) ou carbapenem-resistant Enterobacteriaceae (CPE) –, or iii/ a Clostridium difficile (CD).
Over the study period, 23,012 notifications (for 100,658 infected or colonised patients) were reported. The most frequently reported microorganisms were: Enterobacteriaceae (31%; 8% were 3GCRE and 81% were CPE), Enteroccocus spp. (9%), A. baumannii (6%) or Staphylococcus aureus (8%). In all, 46.1% involved a MDR (13.3%) or an emerging bacterium (25.0% CPE/GRE) or a MDR and an emerging bacterium (0.7%) or CD (7.1%). These bacteria explained most of increase of SIN numbers. They were from 2.5% in 2001 to 66% in 2016 and from 0% to 54.3% for SIN involving CPE/GRE.
The strong increase of notifications of NIs due to MDR, GRE or C. difficile testifies to the awareness of the hospital hygiene teams for their control. Such efforts should be maintained. A specific tool for CPE and GRE has been implemented since September 2017 in order to keep this early warning and response system generic and ensure its ability to detect other threats.
Introduction
Le signalement externe des infections nosocomiales (SIN) est un dispositif réglementaire d’alerte, mis en place en France en 2001 1. Orienté vers l’action, il a pour objectif de détecter les épisodes d’infections nosocomiales (IN) rares et/ou graves justifiant des mesures pour leur contrôle à l’échelon local, régional ou national. Il n’existe pas de liste limitative d’infections devant motiver un SIN. La nécessité de signaler est laissée à l’appréciation de l’équipe opérationnelle d’hygiène et du responsable SIN de l’établissement de santé (ES), mais orientée selon certains critères de rareté ou de gravité définis réglementairement.
Complémentaire des systèmes de surveillance et de vigilance, le SIN repose sur l’ensemble des professionnels de santé. Le SIN, validé par le responsable dédié dans l’établissement, est transmis pour évaluation et, le cas échéant, pour action, au moyen d’une fiche standardisée adressée à l’Agence régionale de santé (ARS) et aux Centres d’appui et de prévention des infections associées aux soins (CPias) (anciennement Centres de coordination de la lutte contre les IN (CClin) et antennes régionales (ARlin)). Il est ensuite transmis par l’ARS à Santé publique France. Depuis 2012, ce circuit est dématérialisé via l’application web e-SIN (http://www.e-sin.fr/) dont l’accès est réservé aux acteurs du dispositif.
Plusieurs bilans ont déjà été publiés, décrivant la nature de l’ensemble des SIN reçus 2,3,4 ou ciblant un type d’infection 5,6,7. Le bilan présenté dans cet article décrit les SIN reçus par Santé publique France depuis la mise en place du dispositif en 2001 et analyse l’évolution de la part des SIN impliquant une bactérie multirésistante (BMR), une bactérie hautement résistante (BHRe) ou C. difficile (CD), afin d’apprécier l’impact des règlementations et recommandations de prise en charge (surveillance, détection, signalement et prévention) des cas de colonisation ou d’infection à l’une de ces bactéries, qui intègrent le SIN des cas 8,9,10,11,12,13.
Méthodes
Tous les SIN reçus par Santé publique France de 2001 jusqu’au 12 septembre 2017, date de la bascule de l’application e-SIN vers une nouvelle version proposant une fiche spécifique pour la saisie des SIN impliquant une BHRe, ont été analysés. Sur cette période, la saisie des SIN était effectuée selon les critères définis par la Circulaire DHOS/E2/DGS/SD5C n° 2004-21 du 22 janvier 2004 14. Un SIN peut concerner un ou plusieurs cas d’infection et/ou colonisation.
Les analyses ont porté sur le nombre de patients concernés à la date du SIN, l’année du SIN, le type d’ES ayant signalé, les sites anatomiques, services et micro-organismes concernés. Les SIN de cas groupés étaient définis par le SIN d’au moins 2 cas à la date du SIN. Les SIN impliquant une bactérie multirésistante (BMR) étaient ceux impliquant Staphylococcus aureus résistant à la méticilline (SARM), des entérobactéries résistantes aux céphalosporines de 3e génération (EC3gR) qui sont en majorité des entérobactéries productrices de bêtalactamase à spectre étendu (EBLSE), Acinetobacter baumannii résistant aux carbapénèmes (ABRI) ou Pseudomonas aeruginosa résistant aux carbapénèmes ou multirésistant (PARI). Les SIN impliquant une bactérie hautement résistante émergente (BHRe) étaient ceux concernant Enterococcus faecium résistant aux glycopeptides (ERG) ou une entérobactérie productrice de carbapénémase (EPC). L’évolution de la part des SIN impliquant une BMR, une BHRe ou un CD a été testée par régression de Poisson ajustée sur le type d’établissement et la région. Les analyses statistiques étaient effectuées sous Stata 12®.
Résultats
Entre le 26 juillet 2001 et le 12 septembre 2017, 23 012 SIN ont été reçus, dont 11 732 depuis 2012 via l’application e-SIN (51%). Le nombre de SIN a augmenté régulièrement depuis 2001 (figure 1). L’ensemble des SIN concernaient 100 658 patients infectés ou colonisés à la date du SIN. Le nombre d’ES ayant signalé a régulièrement augmenté, passant de 73 en 2001 (246 en 2002, première année complète) à 743 en 2011. Il a chuté à 554 en 2012 à la mise en place de la télédéclaration via e-SIN. Après simplification des procédures de connexion à l’outil web, le nombre d’ES signalant a de nouveau augmenté (619 ES en 2013, 666 en 2016 et 620 au 12 septembre 2017). Au 31 décembre 2017, 91% des ES français étaient en capacité de signaler, l’objectif du Programme national d’actions de prévention des infections associées aux soins (Propias) 15 paru en juin 2015 étant d’atteindre 100%. Depuis 2012, 1 462 ES (41% de l’ensemble des ES français) ont fait au moins un SIN via e-SIN : 456 ES (13%) ont fait un seul SIN et 80 ES (2%) au moins un SIN chaque année.
Le premier site anatomique rapporté était le tractus digestif (impliqué dans 39% des SIN : infections digestives 22% et colonisations 17%), ce en raison de la fréquence des colonisations et infections digestives à BHRe et infections à CD signalées. Venaient ensuite les infections et colonisations pulmonaires (20%) et les infections urinaires (12%). Les bactériémies représentaient 12% (2 603 SIN) des sites ; les bactériémies sur cathéter concernaient 0,8% (183 SIN) des sites.
Les principaux micro-organismes rapportés étaient des bacilles à Gram négatif (figure 2) – entérobactéries dans 30,9% des SIN (dont 8% EC3GR et 81% EPC) et bacilles Gram non entérobactérie dans 17,3% – et des cocci Gram positif dans 24,7% des SIN, avec en tête les staphylocoques (8,3%) et entérocoques (9,4%). Les virus étaient impliqués dans 9,5% des SIN, avec en tête la grippe (3,1%). Au total, 10 605 (46,1%) SIN impliquaient une BMR, BHRe ou CD, concernant 20 910 patients : 3 065 SIN (13,3% ; 7 759 patients) avec une BMR, 5 764 SIN (25,0% ; 8 996 patients) avec une BHRe, 156 SIN (0,7% ; 181 patients) avec à la fois une BMR et une BHRe, et 1 625 SIN (7,1% ; 3 974 patients) impliquant un CD, dont 2 impliquaient également une BMR et 6 une BHRe. Ces SIN, en constante augmentation, représentaient 2,5% des SIN en 2001 et 5,5% en 2002, environ 20% de 2003 à 2005 et entre 34% et 47% de 2006 à 2012 ; ils dépassaient les 50% après 2012 (figure 1). Ajustée sur le type d’établissement et la région, la part des SIN n’impliquant pas une BMR, BHRe ou CD diminuait de façon significative mais modeste : -5,7% par an sur l’ensemble de la période d’étude et légèrement plus marquée depuis 2012 (-6,7% par an).
Les SIN impliquant une BHRe ont fortement augmenté depuis 2012 (figure 1) et sont responsables de la majorité de l’augmentation des SIN impliquant une BMR, BHRe ou CD : correspondant à moins de 5% des SIN jusqu’en 2006, ils représentaient environ 10% des SIN de 2007 à 2011, avec un pic à 17,9% en 2008 en lien avec les épidémies d’ERG 16,17. À noter, le maintien autour de 8% des SIN impliquant un ERG depuis le pic épidémique de 2008. En constante augmentation après 2011, les SIN avec BHRe correspondaient à 23,2% des SIN en 2012 et à 50,1% des SIN effectués sur les 9 premiers mois de 2017, en lien avec les épidémies d’EPC 18,19, avec un pic à 64,7% en 2016. Les différents types d’EPC sont décrits dans les bilans produits par Santé publique France 18,20.
Les 3 223 SIN impliquant une BMR représentaient 14,0% de l’ensemble des SIN sur la période d’étude, dont 0,7% impliquait une BMR et une BHRe. Ils étaient présents tout au long de la période d’étude avec un pic en 2011. La répartition des bactéries impliquées dans ces SIN est détaillée dans la figure 3. Les EC3gR étaient les plus nombreuses et représentaient 31,7% de ces 3 223 SIN, avec 9% pour E. coli, 12% pour K. pneumoniae, 8% pour Enterobacter spp. et 3% pour les autres espèces d’entérobactéries.
Le nombre de SIN, de patients concernés, la part de SIN de cas groupés et le nombre de cas médian de ces SIN sont détaillés dans le tableau pour les SIN impliquant une BMR ou un CD. Concernant leur évolution, les SIN impliquant un ABRI étaient en augmentation progressive depuis 2009 7. Ils représentaient 11% des SIN au pic de l’épidémie en 2011. En augmentation progressive de 2001 à 2009, les SIN impliquant une EC3gR ont connu un pic à 10,5% en 2010 et 13,5% en 2011. Depuis 2012, ils étaient en forte diminution, notamment par rapport aux bilans des SIN 2001-2005 2 et 2007-2009 4. Les SIN impliquant un SARM représentaient 10,1% des SIN en 2003 puis ont progressivement diminué. Depuis 2012, ils représentaient 1 à 2% des SIN. Les SIN impliquant un PARI étaient peu nombreux et plutôt stables. Responsables d’une épidémie débutée en 2005-2006, les SIN impliquant un CD représentaient 18,8% des SIN en 2006 et 20,9% en 2007 puis ont progressivement diminué ; restant autour de 7% de 2010 à 2014, ils représentent entre 4 et 2% des SIN depuis.
Discussion
Ce bilan des SIN reçus à Santé publique France depuis juillet 2001 montre qu’ils sont en augmentation régulière, exception faite d’un décrochage en 2012 qu’on peut attribuer au déploiement de l’outil web e-SIN en lieu et place de l’outil « papier ». Cette augmentation est en lien avec la diffusion de bactéries émergentes qui a entrainé la production de nombreuses recommandations et textes réglementaires les concernant : dès 2005 pour les ERG 8, en 2006 pour les CD 9, en 2010 pour les EPC 11 et en 2011 pour les patients rapatriés porteurs de BMR importées 13.
Parmi les émergences bactériennes ayant conduit à cette augmentation des SIN, la plus récente est celle des EPC, apparues en France en 2004 et qui ont diffusé à partir de 2010-2011 19. Cette émergence a été mondiale 21 et a conduit le Haut Conseil de la santé publique à diffuser en 2013 des recommandations pour la prévention de la transmission croisée des BHRe 12. Ces recommandations synthétisent les précédentes, préconisant de mettre en place : une triple sectorisation autour des cas, un personnel dédié et un dépistage des patients contacts. Les actions menées dans ce cadre ont eu un impact positif : malgré l’augmentation manifeste du nombre de SIN à EPC, la proportion de souches de K. pneumoniae issues d’infections invasives, résistantes aux carbapénèmes, rapportées par la France dans le réseau EARS-Net reste limitée (<1% en 2016) quand dans d’autres pays elle est bien plus élevée (Grèce 66,9% ou Italie 33,9%) 22. Ceci satisfait au premier objectif BHRe du Propias (taux EPC parmi les bactériémies à K. pneumoniae <1%). Néanmoins, l’augmentation constante des SIN et épisodes impliquant une EPC reflète la circulation dans les ES français de ces souches, en lien direct avec l’étranger ou bien autochtones 18,20. Les deux objectif BHRe du Propias concernant les cas secondaires sont globalement satisfaits en 2015 et en 2016 pour les EPC : la part d’épisodes à EPC (ensemble de cas issus d’un ou plusieurs SIN EPC présentant un lien épidémiologique entre eux) rapportant des cas secondaires était égale ou inférieure à 10% (10% en 2015 et 9% en 2016) ; la proportion de cas secondaires parmi l’ensemble des cas d’EPC recensés était autour de 20% (21% en 2015 et 19% en 2016). Il est à noter que ces indicateurs Propias sont calculés grâce à une surveillance spécifique des EPC, qui inclut notamment les données du CNR résistance aux antibiotiques, en complément des données recueillies via e-SIN.
De manière simultanée, les SIN impliquant une EC3gR ont brusquement diminué à partir de 2012, alors que les données de surveillance rapportent une augmentation de l’incidence des infections à EC3G 23. Cette baisse des SIN pourrait s’expliquer par une priorisation des efforts vers le contrôle des BHRe. Mais dans un contexte aujourd’hui endémique, avec une incidence de 0,67 infections à EBLSE pour 1 000 journées d’hospitalisation en 2015 23, supérieure à celle des infections à SARM depuis 2010, et une proportion élevée de K. pneumoniae résistantes aux C3G (29% en 2016) 22 peu d’infections à EC3gR répondent encore aux critères de gravité ou de rareté justifiant un SIN, ce qui peut aussi expliquer la diminution des signalements impliquant une EC3gR.
Trois autres émergences ont aussi conduit aux augmentations de SIN observées avant celle des EPC.
Les E. faecium résistant aux glycopeptides, ont été responsables d’épidémies dans les ES français depuis 2004 16. Ces épidémies ont fait l’objet dès 2005 de mesures strictes de contrôle 8,12. La France a ainsi maintenu une proportion de souches résistantes à la vancomycine chez E. faecium à un faible niveau (<1% en 2016) contrairement à d’autres pays d’Europe (>40% à Chypre et en Irlande) 22. Ceci satisfait le second objectif BHRe du Popias 15. Néanmoins, il convient que les équipes opérationnelles d’hygiène restent vigilantes car le nombre de SIN à ERG a été plus élevé début 2015 par rapport à 2014 17 bien que stable depuis. En outre, la part d’épisodes avec des cas secondaires (15% en 2015 et 21% en 2016) et la proportion de cas secondaires parmi le nombre total de cas d’ERG signalés (44% ces deux années) sont élevées 24. À noter ici que seules les données disponibles via e-SIN au moment du SIN sont ici prises en compte, pouvant sous-estimer ces indicateurs.
En mars 2006, une souche particulière de C. difficile 027 a été responsable de plusieurs cas groupés dans des ES français, notamment dans le Nord-Pas-de-Calais. Par la suite, les travaux du CNR Bactéries anaérobies et botulisme ont montré l’implication d’autres clones dans l’épidémie d’infection à CD en France, en particulier le clone épidémique de toxinotype V, PCR-ribotype 078/126 25. Pour contrôler cette émergence, les ES ont été sensibilisés au diagnostic, à l’investigation et à la prévention des infections à CD au travers des recommandations préconisant des précautions contact complémentaires (avec gants et protection de la tenue systématique), une hygiène des mains adaptée (avec lavage puis friction hydro-alcoolique après chaque soin) et une maitrise de l’environnement adaptée (avec une stratégie sporicide) 9,10.
Les ABRI ont été responsables d’épidémies dans les ES français, principalement dans des services de réanimation, dès 2003 mais plus particulièrement sur la période 2010-2013. Un bilan réalisé en mai 2011 rapportait 3,3% de SIN reçus à Santé publique France depuis 2001 impliquant un ABRI 7. Là encore, le contrôle de cette émergence a nécessité des efforts importants : respect des précautions complémentaires contact, mise en place de protocoles de dépistage systématique des patients porteurs et de signalisation de ces patients lorsqu’ils sont transférés. Quelques rares épisodes ont conduit à la fermeture du service concerné, avec un impact important sur l’offre de soins, notamment un épisode dans un service pour brûlés. Bien que les ABRI n’aient pas été considérés comme des BHRe, certaines épidémies non maitrisées ont nécessité la mise en place des mesures recommandées pour la prévention des BHRe 12 comme le prévoit ce document, précisant que la stratégie de contrôle des BHRe pouvait s’appliquer à des épidémies non maîtrisées de BMR.
Les PARI ont été peu responsables d’épidémies dans les ES français. Ils étaient impliqués au total dans 2,2% des SIN sur la période d’étude. Leur prise en charge dépend essentiellement de l’épidémiologie locale ou régionale.
Tous les ES français ne sont probablement pas encore au même niveau en termes de contrôle des épidémies à BMR ou bactéries émergentes 26. Les retours d’expérience tels que mis en œuvre par le réseau CClin-Arlin (aujourd’hui CPias) (1) et par Santé publique France à travers la lettre du signalement (2) puis, depuis janvier 2016, dans la rubrique dédiée du bulletin des CPias (3) paraissent particulièrement utiles pour accroître encore la sensibilisation des ES.
L’évolution de la part des SIN à BMR, BHRe ou C. difficile est une estimation indirecte de l’impact des différentes règlementations et recommandations pour le signalement et le contrôle de ces bactéries au cours de la période d’étude. La publication de ces recommandations ciblées pourrait être à l’origine d’une sous-déclaration des autres infections nosocomiales justifiant également d’un SIN. Cependant, la diminution de ces autres SIN reste modérée (-5,7% par an), suggérant le maintien de la vigilance des équipes opérationnelles d’hygiène sur l’ensemble des critères pouvant motiver un SIN. Une partie de cette diminution pourrait, en outre, être attribuable à une meilleure connaissance et prise en compte de certains risques identifiés depuis 2001 et pour lesquels une information a été diffusée via les retours d’expérience au fil des années, tels que le risque aspergillaire, le risque lié au partage de flacons multidoses en anesthésie… soulignant l’importance de l’accompagnement effectué par les acteurs du réseau CPias. Des études spécifiques restent nécessaires pour le confirmer.
Conclusion
Ce bilan 2001-2017 permet d’abord de souligner l’adhésion au SIN acquise au fil des années par les professionnels des ES. Des actions de formation et d’information sur les modalités de SIN ou les SIN, qui favorisent un partage d’expérience et la culture de gestion des risques, sont à poursuivre pour ancrer cette adhésion dans la durée. Ce bilan montre aussi la flexibilité et l’utilité d’un tel dispositif, qui a su s’adapter à l’actualité des risques infectieux dans les ES, a permis d’identifier précocement des émergences et a contribué à leur maîtrise en France. L’outil d’alerte précoce qu’est le signalement des infections associées aux soins a démontré la plus-value des structures d’appui régionales (CPias) ainsi que des acteurs nationaux (CNR et Santé publique France) pour orienter ou compléter les investigations et les mesures de gestion mises en œuvre par les ES face aux évènements signalés. Enfin, le signalement des IAS en ES a contribué, comme les réseaux de surveillance Raisin, à orienter les politiques de prévention.
Face au nombre croissant de SIN impliquant une BHRe, qui place la France en situation pré-épidémique avec une diffusion régionale 27, un outil spécifique pour le signalement de ces épisodes est disponible depuis septembre 2017 (évolutions de l’application e-SIN). Cet outil dédié simplifie la saisie des informations sur ces épisodes et sensibilise les ES aux mesures de gestion des patients porteurs de BHRe et à la prévention de la transmission croisée à travers des questions spécifiques à ce type de micro-organismes. Cette modalité de signalement permet de répondre aux objectifs BHRe du Propias pour les EPC et les ERG. Il préserve la fonction d’alerte du signalement face à des épisodes émergents ou épidémiques nouveau.
L’élargissement du signalement des infections associées aux soins aux établissements médico-sociaux et de la ville, tel qu’acté dans le décret n°2017-129 du 3 février 2017 28 relatif à la prévention des infections associées aux soins, permettra dans les prochaines années d’avoir une vision plus globale des infections associées aux soins et de la résistance aux antibiotiques, afin d’orienter les politiques de prévention à mettre en place dans ces secteurs de soins.
Remerciements
À l’ensemble des professionnels des établissements de santé qui contribuent au signalement externe des infections nosocomiales, aux professionnels du réseau CClin-Arlin (aujourd’hui CPias) et des Agences régionales de santé intervenant en réponse à ces signalements, et aux anciens membres de l’unité « Infections associées aux soins et résistance aux antibiotiques » en charge du signalement (Sophie Alleaume, Sandrine Barquins-Guichard, Kathleen Chami, Agnès Lepoutre, Isabelle Poujol, Jean-Michel Thiolet) ayant contribué à l’animation nationale et au développement de ce dispositif depuis 2001.