Surveillance du chikungunya et de la dengue en France métropolitaine, 2015

// Chikungunya and dengue surveillance in mainland France, 2015

Anita Balestier1, Alexandra Septfons1 (alexandra.septfons@santepubliquefrance.fr), Isabelle Leparc-Goffart2, Sandra Giron3, Tiphanie Succo4, Sarah Burdet5, Florian Franke3, Amandine Cochet4, Joël Deniau3, Véronique Servas6, Anne Guinard4, Anne-Hélène Liebert7, Elodie Terrien8, Monique Debruyne9, Oriane Schaal10, Georges Chyderiotis10, Ségolène Brichler11, Laetitia Ninove12, Marianne Macquart2, Marie-José Letort1, Isabelle Poujol5, Caroline Six3, Cyril Rousseau4, Julien Durand1, Harold Noël1, Henriette De Valk1, Marie-Claire Paty1
1 Santé publique France, Saint-Maurice, France
2 Centre national de référence des arbovirus, Institut de recherche biomédicale des Armées, Marseille, France
3 Santé publique France, Cellule d’intervention en région (Cire) Paca-Corse, Saint-Maurice, France
4 Santé publique France, Cellule d’intervention en région (Cire) Languedoc Roussillon Midi-Pyrénées, Saint-Maurice, France
5 Santé publique France, Cellule d’intervention en région (Cire) Auvergne Rhône Alpes, Saint-Maurice, France
6 Santé publique France, Cellule d’intervention en région (Cire) Aquitaine Limousin Poitou-Charentes, Saint-Maurice, France
7 Santé publique France, Cellule d’intervention en région (Cire) Pays de la Loire, Saint-Maurice, France
8 Santé publique France, Cellule d’intervention en région (Cire) Bourgogne Franche Comté, Saint-Maurice, France
9 Laboratoire Cerba, Saint-Ouen l’Aumône, France
10 Laboratoire Biomnis, Lyon, France
11 Laboratoire de bactériologie-virologie, hygiène, Centre hospitalier universitaire Avicenne, Bobigny, France
12 Laboratoire de virologie – IHU Méditerranée Infection, Marseille, France
Soumis le 11.07.2016 // Date of submission: 07.11.2016
Mots-clés : Surveillance | Aedes albopictus | Chikungunya | Dengue | France métropolitaine
Keywords: Surveillance | Aedes albopictus | Chikungunya | Dengue | Mainland France

Résumé

Le moustique Aedes albopictus, ou moustique tigre, vecteur de la dengue et du chikungunya, est présent en France métropolitaine depuis 2004. Il expose au risque de transmission autochtone de ces arboviroses du fait de l’introduction régulière des virus par des sujets infectés lors de séjours en zones de circulation de ces virus.

En métropole, une surveillance épidémiologique est mise en place depuis 2006. Elle comprend deux dispositifs nationaux pérennes basés sur la déclaration obligatoire (DO) et sur un réseau de laboratoires, et un dispositif local et saisonnier de surveillance renforcée dans les départements où Ae. albopictus est implanté, pendant sa période d’activité, du 1er mai au 30 novembre.

En 2015, en France métropolitaine, 52 cas de chikungunya et 167 cas de dengue ont fait l’objet d’une DO ; 425 cas de chikungunya et 538 cas de dengue ont été identifiés par le réseau de laboratoires. Du 1er mai au 30 novembre, 30 cas de chikungunya et 131 cas de dengue ont été confirmés dans les 22 départements où Ae. albopictus était implanté. À l’exception des 6 cas autochtones de dengue en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, tous les cas étaient importés.

Les cas importés de chikungunya ou de dengue en métropole reflètent en partie la situation épidémiologique dans les zones de provenance des voyageurs. Malgré l’absence d’épidémie dans les territoires français d’Amérique (TFA) en 2015, le nombre de cas importés reste important. Avec l’extension d’Ae. albopictus en métropole et l’émergence du virus Zika, le risque de transmission autochtone est croissant. Il est nécessaire d’en informer régulièrement les voyageurs se rendant ou revenant des zones de circulation de ces virus ainsi que les professionnels de santé pour qu’ils relaient les consignes de prévention et participent à la surveillance.

Abstract

Aedes albopictus, or Asian tiger mosquito, the vector of dengue and chikungunya, has been established in mainland France since 2004, introducing the risk of autochthonous transmission of these vector-borne infections due to the repeated introduction of the viruses by infected travelers returning from endemic regions.

In mainland France, epidemiologic surveillance has been implemented since 2006. At the national level, it is based on mandatory notification (MN) and a network of laboratories. At the regional level, enhanced surveillance is implemented in the districts where the mosquito is established, during its period of activity from 1 May to 30 November.

In 2015, in mainland France, 52 chikungunya cases and 167 dengue cases were notified, and 425 chikungunya cases and 538 dengue cases were identified by the laboratory network. From 1 May to 30 November, 30 chikungunya cases and 131 dengue cases were confirmed in the 22 districts where the vector was established. With the exception of 6 autochthonous dengue cases identified in Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, all cases were imported.

Imported chikungunya and dengue cases in mainland France partly reflect the epidemiology of the diseases in the areas where travelers come from. Despite the lack of epidemic in the French territories of America in 2015, the number of imported cases is still important. With the geographical expansion of Ae. albopictus in mainland France and the emergence of the Zika virus, the risk of autochthonous transmission is increasing. It is therefore necessary to regularly inform travelers and healthcare professionals, in order to disseminate prevention messages and to participate in the surveillance system.

Introduction

Le moustique Aedes albopictus, ou moustique tigre, vecteur de la dengue et du chikungunya, se dissémine progressivement en France métropolitaine. Détecté en 2004 dans le département des Alpes-Maritimes, il était présent en 2015 dans 22 départements (1) (figure 1). Sa présence expose au risque de transmission autochtone de ces arboviroses à la faveur de l’introduction des virus par des sujets infectés dans les zones de circulation de ces virus. Des épisodes de transmission autochtone se sont déjà produits en Europe (épidémie de chikungunya en 2007 en Italie 1, foyer de dengue en 2010 en Croatie 2, en France, avec des foyers de dengue en 2010, 2013, 2014 et 2015 et de chikungunya en 2010 et 2014 3,4,5,6,7,8). Depuis 2006, un plan national « anti-dissémination du chikungunya et de la dengue en métropole 9 » est mis en œuvre chaque année. Il associe un système de surveillance humaine et entomologique à des mesures de prévention et de contrôle. Cet article présente les résultats de la surveillance de ces deux infections en France métropolitaine en 2015.

Figure 1 : Départements et années d’implantation du moustique vecteur Aedes albopictus en France métropolitaine, 2015
Agrandir l'image

Surveillance épidémiologique humaine

La surveillance épidémiologique a pour objectifs de détecter précocement les cas importés et autochtones de dengue et de chikungunyaafin de déclencher les mesures de lutte anti-vectorielle (LAV) appropriées autour de ces cas, et de décrire et caractériser des tendances nationales et régionales de ces infections. Ces données permettent d’évaluer le risque de transmission autochtone et d’orienter les politiques de prévention et de lutte. Les modalités de la surveillance sont adaptées aux cinq niveaux de risque décrits dans le plan national (tableau 1) et basées sur une définition de cas suspects, confirmés, importés et autochtones (tableau 2).

Tableau 1 : Définition des niveaux de risque du plan anti-dissémination du chikungunya et de la dengue en France métropolitaine, 2015
Agrandir l'image
Tableau 2 : Définition de cas pour la déclaration obligatoire et la surveillance renforcée, 2015
Agrandir l'image

Le système de surveillance comprend :

  • deux dispositifs nationaux pérennes :
    • la déclaration obligatoire (DO) des cas confirmés : depuis juillet 2006, elle concerne la France métropolitaine et s’applique tout au long de l’année. Des données sociodémographiques (date de naissance, sexe, département de résidence), cliniques (signes cliniques, date de début des signes), biologiques et épidémiologiques (voyage hors métropole, date de retour en métropole) permettent de décrire les cas, leur période d’exposition (période de séjour en zone endémique), leur période de virémie (comprise entre la veille du début des signes cliniques et jusqu’à 7 jours après) et leur délai de signalement (période entre la date du début des signes et la date de signalement) ;
    • un réseau national de laboratoires volontaires : mis en place depuis 2006, il transmet à Santé publique France, en temps réel, les résultats de sérologie et de détection du génome viral par RT-PCR du chikungunya et de la dengue. Cinq laboratoires fournissent ces données tout au long de l’année : le Centre national de référence (CNR) des arbovirus, le laboratoire de bactériologie-virologie du Centre hospitalier universitaire (CHU) Avicenne (Bobigny), le laboratoire de virologie du CHU de la Timone (Marseille) et les laboratoires privés Biomnis et Cerba. Les prélèvements de patients ambulatoires sont majoritairement traités par les laboratoires Biomnis et Cerba, qui couvrent tout le territoire métropolitain. En complément, les laboratoires des CHU de Bordeaux, Lyon, Montpellier, Nîmes, Nice, Dijon, Grenoble et Toulouse participent à ce réseau en communiquant leurs résultats positifs pendant la période d’activité d’Ae. albopictus (surveillance renforcée, cf. infra) ;
  • un dispositif local et saisonnier de surveillance renforcée, appliqué dans les départements où Ae. albopictus est implanté, pendant sa période d’activité, du 1er mai au 30 novembre. Ce dispositif est basé sur le signalement accéléré des cas aux Agences régionales de santé (ARS).

En l’absence de transmission autochtone (niveau 1 du plan), le signalement concerne les cas importés dès la suspicion, et les cas autochtones confirmés de chikungunya et de dengue (tableau 2).

En présence d’une transmission autochtone (niveau 2 et plus), le signalement s’applique aussi aux cas suspects autochtones.

En complément du signalement, l’analyse quotidienne des données des deux laboratoires privés dans ces départements permet une identification et un « rattrapage » des cas qui n’auraient pas été déclarés par le dispositif de signalement accéléré.

Le signalement d’un cas entraîne des investigations épidémiologiques pour déterminer la période d’exposition et de virémie ainsi que les lieux de séjour et déplacements pendant cette période. Des investigations entomologiques et des actions de LAV appropriées sont menées, avec destruction des gîtes larvaires et, si nécessaire, traitements adulticides ou larvicides ciblés dans un périmètre de 150 à 200 mètres autour des lieux fréquentés par les cas pendant la période de virémie. En présence d’un cas autochtone confirmé, ces actions sont couplées à une recherche active du cas primaire et des cas dans l’entourage du patient, notamment par une enquête en porte-à-porte autour du lieu de résidence et des lieux visités pendant la période de virémie, ainsi qu’à une information et une sensibilisation des professionnels de santé. Des actions de LAV autour des lieux fréquentés par le cas durant la période d’exposition y sont associées.

Il est à noter qu’un cas peut être identifié par trois dispositifs : le dispositif accéléré, le réseau de laboratoire et la DO. Le plus souvent, les cas ayant fait l’objet d’un signalement dans le cadre du dispositif accéléré ne font pas en plus l’objet d’une DO.

Résultats

France métropolitaine : dispositifs nationaux pérennes

Surveillance par la déclaration obligatoire

En 2015, 52 cas de chikungunya, tous importés, et 167 cas de dengue, dont 6 cas autochtones, ont été déclarés par le dispositif de la DO en métropole 10.

Pour les 52 cas confirmés de chikungunya, l’âge médian était de 41 ans (extrêmes: 20-82), le sexe-ratio H/F était de 0,9. Parmi ces cas, 8 ont été hospitalisés (soit 15%) et aucun décès n’a été signalé. Les cas résidaient principalement en Île-de-France (29%), en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées (21%), en Provence-Alpes-Côte d’Azur (15%) et en Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes (12%). Vingt-huit (54%) cas étaient présents en métropole pendant la période de virémie. Leur durée moyenne de virémie sur le territoire était de 6,5 jours. Parmi les 52 cas importés, 21 (40%) cas avaient voyagé en Amérique latine ou dans les Caraïbes, 14 (27 %) cas en Polynésie française et 8 (15%) cas dans les territoires français d’Amérique (TFA) (4 cas en Martinique, 3 cas en Guadeloupe et 1 cas en Guyane) 10. Les DO ont été réalisées pour la moitié des cas (53%) entre janvier et avril, suivies par un pic de déclarations en juillet (17%).

Pour les 167 cas confirmés de dengue, l’âge médian était de 39 ans (extrêmes : 2-92), le sexe-ratio H/F était de 1,31. Parmi ces cas, 67 (40%) ont été hospitalisés et 2 sont décédés (3%). Les cas résidaient principalement en Île-de-France (36%), en Provence-Alpes-Côte d’Azur (18%), en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées (14%) et en Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes (14%). La majorité des cas, soit 134 (80%), étaient présents en métropole pendant la période de virémie. La durée moyenne de virémie sur le territoire était de 6,5 jours. Parmi les 161 cas importés, 85 (53%) avaient voyagé en Asie du Sud-Est, 33 (20%) en Amérique latine ou dans les Caraïbes et 20 (12%) dans l’Océan Indien 10. Près de la moitié (45%) des DO ont été réalisées entre juillet et septembre.

Surveillance par le réseau national de laboratoires

En 2015, 425 cas de chikungunya et 538 cas de dengue ont été identifiés par le réseau de laboratoires en métropole.

Pour les 425 cas de chikungunya, l’âge médian était de 47 ans (extrêmes : 0-87) et le sexe-ratio H/F de 0,85. Ils résidaient principalement en Île-de-France (25%), en Provence-Alpes-Côte d’Azur (17%) et en Languedoc Roussillon-Midi-Pyrénées (15%) (figure 2). Des cas de chikungunya ont été diagnostiqués toute l’année, majoritairement au cours des mois de janvier (84/425, 20%) et février (53/425, 13%) 2015.

Pour les 538 cas de dengue, l’âge médian était de 40 ans (extrêmes : 0-91) et le sexe-ratio H/F de 1,1. Ils résidaient principalement en Île-de-France (28%), en Provence-Alpes-Côte d’Azur (19%) et en Auvergne Rhône-Alpes (13%) (figure 2). Des cas de dengue ont été diagnostiqués toute l’année, avec un pic (14%) au mois de septembre 2015.

Figure 2 : Répartition des cas de chikungunya et de dengue rapportés par le réseau national de laboratoires par département de résidence, France métropolitaine, 2015
Agrandir l'image

Surveillance renforcée dans les départements d’implantation du moustique

Du 1er mai au 30 novembre 2015, 992 signalements (82% par le dispositif accéléré, 16% par le réseau de laboratoires et 2% par la DO) ont été investigués. Parmi ces 992 signalements, 167 cas (17%) ont été confirmés dans les 22 départements métropolitains où Ae. albopictus était implanté (figure 311 :

  • 131 cas importés de dengue ;
  • 30 cas importés de chikungunya ;
  • un foyer de 6 cas autochtones de dengue dans le Gard.

Ces 167 cas provenaient pour 57% de la surveillance renforcée, 35% du « rattrapage » par les deux laboratoires privés et 6% de la DO. Au total, 36% (161/440) des signalements de cas importés et 1% (6/545) des signalements de cas autochtones ont été confirmés. Pour 7 signalements non confirmés, le caractère importé ou autochtone n’était pas documenté.

Le délai médian entre la date de début des signes et le signalement à l’ARS (dispositif accéléré) était de six jours, le délai entre le signalement à l’ARS et la confirmation du diagnostic était de quatre jours.

L’investigation du foyer autochtone de dengue a conduit à 68 signalements de cas suspects autochtones dans le Gard (12% des 545 signalements de cas suspects autochtones).

Figure 3 : Nombre de signalements et de cas importés confirmés de chikungunya ou de dengue dans les 22 départements colonisés par Aedes albopictus et ayant participé à la surveillance renforcée, France métropolitaine, 2015
Agrandir l'image

Le nombre de cas confirmés était plus important au cours des mois d’août (26%) et de septembre (17%) pour la dengue. Pour le chikungunya, le nombre de cas confirmés était constant tout au long de l’année (figure 4).

Figure 4 : Répartition du nombre de cas confirmés de chikungunya et de dengue par mois de signalement dans le cadre de la surveillance renforcée, France métropolitaine, 2015
Agrandir l'image

Cent trente-deux cas (80%) importés confirmés de chikungunya ou de dengue étaient présents pendant la période de virémie dans un département colonisé par Ae. albopictus. La majorité des cas importés confirmés de chikungunya provenaient des pays d’Amérique du Sud et Centrale. Les cas importés confirmés de dengue revenaient majoritairement d’Asie du Sud-Est (56%) [principalement de Thaïlande (16%)], d’Amérique latine et des Caraïbes (21%), et de Polynésie française (16%).

Discussion

Les arboviroses, en expansion dans le monde, sont responsables d’une part importante des infections émergentes. Les cas importés de chikungunya ou de dengue en métropole reflètent en partie la situation épidémiologique dans les zones de provenance des voyageurs.

En 2015, on a observé une diminution importante (90%) du nombre de cas de chikungunya déclarés par la DO par rapport à l’année précédente (489 cas en 2014). Les cas importés de chikungunya de janvier à avril 2015 étaient liés à l’épidémie de chikungunya en Polynésie française qui a sévi entre octobre 2014 et mars 2015. Au cours de l’été 2015, l’absence de cas importés des territoires français d’Amérique déclarés par la DO, s’explique par la fin de l’épidémie de chikungunya dans ces territoires 12,13. Le pic observé en juillet 2015 représente des cas importés d’Amérique latine.

En revanche, en 2015 comme en 2014, aucune épidémie de dengue n’a été signalée dans les TFA, d’où une légère modification (moins 17%) du nombre de cas signalés par la DO entre ces deux années (201 vs 167 cas).

Ces résultats ont aussi été observés dans le cadre de la surveillance renforcée, avec une nette diminution (93%) des cas importés de chikungunya et une légère modification (moins 20%) des cas importés de dengue entre 2014 et 2015.

Le nombre de cas de chikungunya identifiés par le réseau des cinq laboratoires fournissant des données toute l’année, était près de 9 fois plus important par rapport aux données de la DO en 2015 (425 vs 52 cas). La faible déclaration des cas par la DO avait aussi été constatée les années précédentes (4,8 fois plus de cas recensés dans le réseau de laboratoires en 2014) 14. De même, le nombre de déclarations de dengue par la DO (163 cas) était 3,3 fois moins important que celui obtenu par le réseau de laboratoires (538 cas) en 2015. Cette différence de déclaration était aussi retrouvée les années précédentes.

La faible déclaration par la DO des cas de chikungunya et de dengue par rapport au nombre de cas recensés par le réseau de laboratoires indique une faible exhaustivité de la DO. Une étude est actuellement en cours pour quantifier l’exhaustivité de la DO par rapport aux données du réseau de laboratoires et décrire les caractéristiques pouvant influencer cette exhaustivité. Malgré ces limites, la DO fournit des informations cliniques, biologiques et épidémiologiques non disponibles dans les données du réseau de laboratoires et permet une meilleure analyse du risque de transmission autochtone en métropole. C’est à ce titre un outil de surveillance important pour le contrôle des arboviroses, dont la place pourrait être développée, notamment dans la perspective de l’extension de l’implantation du vecteur Ae. albopictus en métropole.

Au cours de la surveillance renforcée (période d’activité du moustique Ae. albopictus dans les départements où il est implanté), une faible proportion des cas signalés a été confirmée (17%). Ces cas confirmés concernent principalement des cas importés. En effet, seuls 1% des signalements de cas autochtones a été confirmé. La définition de cas a une valeur prédictive positive supérieure dans la population des cas suspects importés, comparée à la population des cas suspects autochtones. Cependant, le taux de confirmation chez les cas suspects importés reste relativement faible (36%), du fait d’une définition de cas suspect peu spécifique.

Par ailleurs, parmi les cas confirmés, 35% sont « rattrapés » grâce à l’analyse des données reçues des deux laboratoires privés et des CHU des départements de niveau 1, qui sont les seuls effectuant des PCR et des sérologies pour le chikungunya et la dengue. Ce réseau de laboratoires permet d’avoir une couverture quasi optimale pour les départements concernés.

Afin de réduire la part de ces rattrapages par les laboratoires, la sensibilisation des professionnels de santé au dispositif de surveillance, est indispensable, notamment dans les nouveaux départements colonisés par le moustique Ae. albopictus.

Le nombre de départements où le vecteur Ae. albopictus est implanté en métropole augmente chaque année. En début de saison de surveillance renforcée, Ae. albopictus était implanté dans 20 départements. Au cours de l’été 2015, il s’est implanté dans deux nouveaux départements, la Vendée et le Tarn et, à la fin de l’année 2015, il était présent dans huit départements supplémentaires, le Lot, le Tarn-et-Garonne, les Pyrénées-Atlantiques, la Dordogne, les Landes, l’Ain, le Bas-Rhin et le Val-de-Marne. En 12 ans, Ae. albopictus n’a cessé de se propager avec, en 2015, une implantation dans 30 départements ne se limitant plus aux départements du sud de la France, augmentant ainsi le risque de transmission autochtone. Au cours de l’été 2015, un épisode de transmission locale est survenu avec un foyer de dengue à Nîmes. Avec six cas autochtones confirmés, cet épisode constitue le plus important foyer de dengue identifié en métropole depuis le début de la surveillance et le 6e épisode de transmission autochtone d’arboviroses depuis 2006, témoignant du risque de transmission locale sur le territoire métropolitain.

Néanmoins, malgré (i) une extension rapide du vecteur, (ii) des épidémies importantes d’arboviroses dans les TFA et (iii) des flux de voyageurs importants vers les zones de circulation de ces arbovirus 15, le nombre d’épisodes de transmission autochtone reste limité avec des foyers contrôlés.

La surveillance de ces arboviroses permet la mise en place rapide d’actions de LAV autour des cas virémiques dans les départements de niveau 1, limitant ainsi l’instauration d’une chaine de transmission autochtone. La grande majorité des cas signalés étant en période de virémie en métropole, la rapidité de la prise en charge et la mise en œuvre des actions de démoustication sont essentielles.

En 2016, l’émergence et la diffusion du virus Zika dans le monde, et en particulier dans les TFA, ont conduit à inclure cette arbovirose transmise par Ae. albopictus dans le plan de lutte antidissémination des arboviroses en métropole 9 et à l’ajouter à la liste des maladies à déclaration obligatoire au même titre que le chikungunya et la dengue 16,17.

Conclusion

Le risque de transmission en métropole des arboviroses transmises par Ae. albopictus ne cesse de croître avec la diffusion de ces maladies dans le monde, l’émergence de nouveaux virus (chikungunya, Zika), l’importance des flux de voyageurs et l’extension inexorable d’Ae. albopictus sur le territoire.

Malgré l’absence d’épidémie dans les TFA, le nombre de cas importés de ces arboviroses est resté important en 2015. On a de plus observé en 2015, comme chaque année depuis 2012, un foyer de transmission autochtone. Le plan antidissémination du chikungunya et de la dengue en métropole, existant depuis 2006, a certainement contribué à l’identification et au contrôle de ces foyers, restés limités à ce jour. Ce plan, qui fait l’objet de révisions annuelles, devra faire face à l’extension d’Ae. albopictus sur une grande partie du territoire métropolitain dans les années à venir. En 2016, l’infection par le virus Zika a pu y être incluse.

Dans ce contexte, l’information du public et des voyageurs se rendant ou revenant de zones de circulation de ces virus, sur les maladies transmises par les moustiques, la lutte contre les moustiques vecteurs et les mesures de protection individuelles et collectives, est fondamentale. Les professionnels de santé jouent un rôle essentiel dans cette information du public et en participant à la surveillance épidémiologique.

Références

1 Rezza G, Nicoletti L, Angelini R, Romi R, Finarelli AC, Panning M, et al. Infection with chikungunya virus in Italy: an outbreak in a temperate region. Lancet. 2007;370:1840-6.
2 Gjenero-Margan I, Aleraj B, Krajcar D, Lesnikar V, Klobučar A, Pem-Novosel I, et al. Autochthonous dengue fever in Croatia, August-September 2010. Euro Surveill. 2011;16(9):pii=19805. http://www.eurosurveillance.org/ViewArticle.aspx?ArticleId=19805
3 Grandadam M, Caro V, Plumet S, Thiberge JM, Souarès Y, Failloux AB, et al. Chikungunya virus, Southeastern France. Emerg Infect Dis. 2011;17(5):9103. http://dx.doi.org/10.3201/eid1705.101873
4 La Ruche G, Souarès Y, Armengaud A, Peloux-Petiot F, Delaunay P, Desprès P, et al. First two autochthonous dengue virus infections in metropolitan France, September 2010. Euro Surveill. 2010;15(39):pii=19676. http://www.eurosurveillance.org/ViewArticle.aspx?ArticleId=19676
5 Marchand E, Prat C, Jeannin C, Lafont E, Bergmann T, Flusin O, et al. Autochthonous case of dengue in France, October 2013. Euro Surveill. 2013;18(50):pii=20661. http://www.eurosurveillance.org/ViewArticle.aspx?ArticleId=20661
6 Delisle E, Rousseau C, Broche B, Leparc-Goffart I, L’Ambert G, Cochet A, et al. Chikungunya outbreak in Montpellier, France, September to October 2014. Euro Surveill. 2015;20(17):pii=21108. http://www.eurosurveillance.org/ViewArticle.aspx?ArticleId=21108
7 Giron S, Rizzi J, Leparc-Goffart I, Septfons A, Tine R, Cadiou B, et al. Nouvelles apparitions de cas autochtones de dengue en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, France, août-septembre 2014. Bull Epidémiol Hebd. 2015;(13-14):217-23. http://opac.invs.sante.fr/index.php?lvl=notice_display&id=12527
8 Succo T, Leparc-Goffart I, Ferré J, Roiz D, Broche B, Maquart M, et al. Autochthonous dengue outbreak in Nîmes, South of France, July to September 2015. Euro Surveill. 2016;21(21):pii=30240. http://www.eurosurveillance.org/ViewArticle.aspx?ArticleId=22485
9 Instruction N°DGS/RI1/2016/103 du 1er avril 2016 relative à la prévention et à la préparation de la réponse au risque de dissémination d’arboviroses pendant la période d’activité du moustique vecteur Aedes albopictus du 1er mai au 30 novembre 2016 dans les départements classés au niveau albopictus 1 du plan anti-dissémination du chikungunya et de la dengue en métropole. http://social-sante.gouv.fr/fichiers/bo/2016/16-04/ste_20160004_0000_0118.pdf
10 Santé publique France. Dossier thématique Maladies infectieuse. Maladies à transmission vectorielle [Internet]. Saint-Maurice: Santé publique France. http://invs.santepubliquefrance.fr/Dossiers-thematiques/Maladies-infectieuses/Maladies-a-transmission-vectorielle
11 Santé publique France. Dossier thématique Maladies infectieuses. Maladies à transmission vectorielle. Données de la surveillance renforcée en 2015. [Internet]. Saint-Maurice: Santé publique France. http://invs.santepubliquefrance.fr/Dossiers-thematiques/Maladies-infectieuses/Maladies-a-transmission-vectorielle/Chikungunya/Donnees-epidemiologiques
12 Paty MC, Six C, Charlet F, Heuzé G, Cochet A, Wiegandt A, et al. Large number of imported chikungunya cases in mainland France, 2014: a challenge for surveillance and response. Euro Surveill. 2014;19(28):pii=20856. http://www.eurosurveillance.org/ViewArticle.aspx?ArticleId=20856
13 Ledrans M, Cassadou S, Boucau S, Huc-Anaïs P, Leparc-Goffart I, Prat C, et al. Émergence du chikungunya dans les départements français d’Amérique : organisation et résultats de la surveillance épidémiologique, avril 2014. Bull Epidémiol Hebd. 2014;(21-22):368-79. http://opac.invs.sante.fr/index.php?lvl=notice_display&id=12117
14 Septfons A, Noël H, Leparc-Goffart I, Giron S, Delisle E, Chappert JL, et al. Surveillance du chikungunya et de la dengue en France métropolitaine, 2014. Bull Epidémiol Hebd. 2015;(13-14):204-11. http://opac.invs.sante.fr/index.php?lvl=notice_display&id=12525
15 Bulletin statistique trafic aérien commercial – année 2013. http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Bulletin_Stat_2013_20140527.pdf
16 Ministère des Affaires sociales et de la Santé. Arrêté du 2 juin 2016 relatif au retrait de maladies de la liste de l’article D.3113-6 du code de la santé publique. JO du 05/06/2016. https://www.legifrance.gouv.fr/eli/arrete/2016/6/2/AFSP1612354A/jo
17 Ministère des Affaires sociales et de la Santé. Décret n° 2016-745 du 2 juin 2016 complétant la liste des maladies faisant l’objet d’une transmission obligatoire de données individuelles à l’autorité sanitaire. JO du 05/06/2016. https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000032630670&categorieLien=id

Citer cet article

Balestier A, Septfons A, Leparc-Goffart I, Giron S, Succo T, Burdet S, et al. Surveillance du chikungunya et de la dengue en France métropolitaine, 2015. Bull Epidémiol Hebd. 2016(32-33):564-71. http://invs.santepubliquefrance.fr/beh/2016/32-33/2016_32-33_2.html

(1) Alpes-de-Haute-Provence, Alpes-Maritimes, Ardèche, Aude, Bouches-du-Rhône, Corse-du-Sud, Haute-Corse, Drôme, Gard, Haute-Garonne, Gironde, Hérault, Isère, Lot-et-Garonne, Pyrénées-Orientales, Rhône, Saône-et-Loire, Savoie, Tarn, Var, Vaucluse, Vendée.