Dépistage de la cardiopathie rhumatismale chronique infra-clinique en Nouvelle-Calédonie en 2012 : facteurs de risque sociodémographiques de sa séquelle, avérée et limite, et prévalence du rhumatisme articulaire aigu chez l’enfant de 6 à 12,5 ans

// Screening for asymptomatic rheumatic heart disease in New Caledonia in 2012: socio-demographic risk factors for its valvular sequelae, and acute rheumatic fever prevalence

Philippe Corsenac1 (philippe.corsenac@ass.nc), Thomas Fauchier2, Bernard Rouchon1
1 Agence sanitaire et sociale de la Nouvelle-Calédonie, Nouméa, Nouvelle-Calédonie
2 CHU, Nice, France
Soumis le 26.09.2013 // Date of submission: 09.26.2013
Mots-clés : Rhumatisme articulaire aigu | Cardiopathie rhumatismale chronique infra-clinique | Prévalence | Enfant | Dépistage scolaire | Risque sociodémographique
Keywords: Acute rheumatic fever | Asymptomatic rheumatic heart disease | Prevalence | Children | Schoolchildren screening | Socio-demographic risk factors

Résumé

Objectifs –

Estimer les prévalences de la cardiopathie rhumatismale chronique (CRC) infra-clinique avérée et limite par le dépistage en milieu scolaire en Nouvelle-Calédonie ; réévaluer les prévalences du rhumatisme articulaire aigu (RAA) et de la CRC et identifier les facteurs de risque sociodémographiques associés aux CRC avérées et limites dans cette population.

Méthodes –

Un dépistage échographique en deux temps, à l’école puis chez un cardiologue, a été proposé à tous les enfants de CM1 (n=4 156). L’échantillon a été redressé pour tenir compte des non-dépistés en première exploration. Les prévalences sont ajustées à l’âge de la population, de 6 à 12,5 ans, et les facteurs de risque ont été identifiés par analyse logistique multivariée.

Résultats –

Ce dépistage établit des prévalences de CRC infra-clinique avérée et limite de, respectivement, 0,4% (IC 95%: 0,2-0,6) et 0,7% (0,4-0,9), soit une prévalence totale de CRC infra-cliniques dépistées de 1,1% (0,8-1,4). Le registre calédonien du RAA et de la CRC n’avait détecté en amont, dans cette population, que 0,3% (0,2-0,5) de CRC sur l’expression clinique d’un RAA. Ce résultat permet d’ajuster à la hausse de 2/3 les prévalences de CRC (1,1% et 0,3%) et de RAA (1,6%, IC 95%: 1,2-2,0) dans cette population. Le risque de contracter une CRC avérée ou limite augmente significativement avec l’âge. Les enfants d’ethnie mélanésienne semblent présenter un sur-risque de contracter une CRC avérée par rapport aux enfants d’autres origines ethniques.

Conclusion –

La Nouvelle-Calédonie reste un territoire endémique de RAA et de CRC. Cette étude n’identifie aucune autre variable, hormis l’âge, pour expliquer la survenue d’une CRC avérée ou limite. Néanmoins, elle soulève la question de l’appartenance ethnique, notamment mélanésienne, dans l’établissement d’un profil sociodémographique à risque de survenue de CRC avérées.

Abstract

Objectives –

To estimate the prevalence of definite and borderline asymptomatic rheumatic heart disease in New Caledonian schoolchildren; to re-evaluate the prevalence of acute rheumatic fever (ARF) and rheumatic heart disease (RHD), and to identify the socio-demographic risk factors associated with definite and borderline RHD in the same population.

Methods –

Echocardiographic screening at school was performed for all 4th grade schoolchildren (cours moyen 1) (n=4,156). The sample was weighted to take into account non-screened children during the initial investigation. If an anomaly was detected in the screening echocardiogram (n=177), a repeat echocardiogram confirmation was conducted at a cardiology clinic. All prevalence results were calculated in the population aged 6 to 12.5 years, and risk factors were identified by multivariate logistic regression analysis.

Results –

The screening demonstrates a prevalence of definite and borderline asymptomatic RHD of 0.4% (95% CI: 0.2-0.6) and 0.7% (0.4 -0.9)) respectively, with a total prevalence of asymptomatic RHD of 1.1% (0.8-1.4). In contrast, the ARF and RHD registry of New Caledonia detected a prevalence of only 0.3% (0.2-0.5) of RHD with clinical ARF. This allows us to re-evaluate a two-thirds increase of Caledonian prevalence of RHD (1.1% and 0.3%) and ARF in this population, which was found to be 1.6% (95% CI: 1.2-2.0). The risk of contracting definite or borderline RHD increased significantly with age. Melanesian children seem to have a higher risk for definite RHD than other ethnic groups.

Conclusion –

ARF and RHD remain endemic in New Caledonia. Age was the only variable identified in the study explaining the onsets of definite or borderline rheumatic heart disease. However it raises the question of ethnicity, notably Melanesian, when drawing up a socio-demographic profile of children at risk of definite RHD.

Introduction

Le rhumatisme articulaire aigu (RAA) et sa séquelle valvulaire, la cardiopathie rhumatismale chronique (CRC), touchent principalement les enfants, adolescents et jeunes adultes. Dans le monde, leur prévalence est estimée entre 15,6 et 78 millions de cas, avec 282 000 cas incidents et 250 000 morts par an 1,2. Rares dans les pays développés, ces maladies persistent dans des pays en développement, notamment en Afrique subsaharienne et en Asie 3,4. Elles persistent également dans la région Pacifique 5,6,7,8,9, et dans les populations autochtones d’Australie 10,11 et de Nouvelle-Zélande 12,13,14,15. RAA et CRC sont la conséquence d’une réaction auto-immune à certaines souches de streptocoques du groupe A 16,17. Elles ont une pénétrance variable, et le surpeuplement des foyers 9,18, la pauvreté, de mauvaises conditions d’hygiène et de vie 3,13,14,15,19 et l’âge 8,20 semblent être des facteurs de risque de les développer. Les éléments en faveur de l’implication de facteurs héréditaires sont insuffisants, mais ce sujet motive actuellement des recherches 21. Le dépistage des CRC infra-cliniques par échographie cardiaque est plus sensible et plus spécifique que par auscultation. L’échographie détecte 10 fois plus de cas prévalents 4 et permet de les classer en CRC avérées ou limites, en appliquant des critères combinés, morphologiques et Doppler 22. L’unique traitement de la CRC est une injection prophylactique de pénicilline G toutes les 4 semaines pendant au moins 10 ans.

L’Agence sanitaire et sociale de la Nouvelle-Calédonie (ASS-NC) organise chaque année, depuis 2008, un dépistage échographique en deux temps de tous les enfants d’un niveau scolaire déterminé à la recherche de CRC infra-cliniques. Jusqu’en 2010, ce dépistage utilisait des critères échographiques combinés, qui se sont affinés avec le temps. 12 803 enfants ont pu en bénéficier, parmi lesquels 144 cas de CRC ont été confirmés 9. En 2011, le dépistage par échographie cardiaque a pris un essor important dans les zones d’endémie 4,5,6,8,23. La Fédération mondiale du cœur (WHF) décidait alors d’en standardiser les critères 24afin de diminuer les diagnostics de CRC dites limites, pour lesquelles il est difficile de décider si les lésions échographiques sont dues ou non au RAA.

Cet article présente les taux de détection et de confirmation, selon ces nouveaux critères échographiques, de toutes les anomalies cardiaques : physiologiques, non-rhumatogènes et CRC infra-cliniques avérées ou limites dans la population scolaire dépistée en Nouvelle-Calédonie. Puis il expose les prévalences de CRC infra-cliniques avérées, limites et totales, permettant une réévaluation des prévalences de RAA (dit clinique et infra-clinique, c’est-à-dire de diagnostic non posé) et de CRC. Enfin, il tente de mettre en évidence des profils sociodémographiques à risque de CRC avérées et limites dans cette même population.

Méthode

Diagnostic du RAA et de la CRC

RAA et CRC sont la conséquence d’une réponse inflammatoire inadaptée lors d’une primo-infection (angine ou pharyngite) ou d’une réinfection (rechute) par le streptocoque bêta-hémolytique du groupe A (SBHA). Le RAA s’exprime à distance de cette primo-infection ou réinfection. Son diagnostic s’établit selon les critères de Jones, soit sur deux critères majeurs, soit sur un critère majeur et deux critères mineurs, associés à une preuve d'infection streptococcique récente (tableau 1). La combinaison des signes cliniques et biologiques peut cependant ne pas être repérée par les cliniciens ou ne pas alarmer le patient ou sa famille. Le diagnostic de RAA ne sera alors pas posé, il sera dit RAA infra-clinique. Le diagnostic a posteriori de la maladie pourra survenir de façon fortuite au décours de l’auscultation d’un souffle (CRC clinique), d’une échocardiographie de routine, d’une décompensation d’une CRC infra-clinique ou par un dépistage échographique systématique comme celui organisé par l’ASS-NC. En outre, un RAA (clinique ou infra-clinique) ne provoque une CRC que dans 30 à 80% des cas 2. Le diagnostic d’un RAA découvert sur l’expression clinique des critères de Jones s’accompagnera donc toujours d’une échographie cardiaque appelée « investigation diagnostique » pour vérifier l’existence d’une CRC.

Tableau 1 : Critères de Jones pour le diagnostic du rhumatisme articulaire aigu (RAA)
Agrandir l'image

Organisation du dépistage

Le dépistage est organisé sur l’ensemble des classes de CM1 (générales et CLIS (1)), avec un rattrapage en CM2 afin de récupérer les enfants absents l’année précédente. Des médecins échographistes réalisent une première exploration en milieu scolaire à la recherche de toute atteinte cardiaque selon des critères échographiques simplifiés sensibles 24. Les enfants doivent être consentants et munis d’un accord parental écrit. Il est ensuite demandé aux parents d’accompagner en cabinet de cardiologie les enfants chez lesquels sont suspectées des atteintes cardiaques pour y subir une échographie de confirmation. Seule cette deuxième exploration, réalisée strictement selon les critères échographiques standardisés 24, dénombre les cas de CRC infra-cliniques avérées et limites, cardiopathies non-rhumatogènes et autres anomalies cardiaques.

Échantillons d’étude

Deux échantillons, basés sur la population d’enfants inscrits en 2012 dans le niveau scolaire cible (n=4 534), ont été utilisés. Le premier est la population dépistée (n=4 156) pour établir le nombre de cas suspects en première exploration scolaire. Le second (n=4 176) se compose de la population dépistée, à laquelle ont été ajoutés 20 élèves ayant eu un RAA clinique répertoriés par le nouveau registre calédonien du RAA et de la CRC (observance antibioprophylactique depuis 2012), pour calculer les prévalences de l’année dans cette population scolaire. Malgré leur incertitude diagnostique, les CRC limites entrent dans le décompte total des cas de CRC et de RAA calédoniens.

Analyse statistique

Les variables sociodémographiques des élèves éligibles au dépistage de l’année ont été recueillies par les services de l’éducation de la Nouvelle-Calédonie. L’ethnie est déterminée à partir de la question : « À quelle communauté vous sentez-vous appartenir ? », sans prendre en compte le métissage (qui a été ajouté en 2013). Ces données ont été complétées et vérifiées auprès des parents, du carnet de santé de l’enfant ou auprès de son professeur au cours de la soirée d’information des parents d’élèves et lors de l'échocardiographie initiale. La connaissance exhaustive de ces variables pour tous les élèves du niveau scolaire choisi a permis de procéder à un redressement par la méthode de calage sur marges (variables : province, ethnie et âge) pour prendre en compte l’absentéisme scolaire. Les prévalences de CRC avérées et limites ont été étudiées en régressions logistiques redressées avec les variables sociodémographiques. Deux procédures manuelles descendantes ont été opérées avec tests des interactions (entre chacune des variables sociodémographiques) et de la confusion (pour les sorties de variables). Les analyses ont été menées avec le logiciel SAS 9.3®.

Résultats

Description sociodémographique et décompte des cas de CRC

Parmi les 4 534 élèves inscrits en 2012, 4 156 ont été dépistés (91,7%). La première exploration a dénombré 177 cas suspects, soit un taux de détection de 4,3% (IC95%: 3,7-4,9) (tableau 2, figure 1).

Les enfants dépistés avaient des âges compris entre 6 et 12,5 ans, étendue qui s’explique par l’intégration des CLIS, avec un sex-ratio H/F de 1,08. Ils étaient majoritairement résidents de la province Sud (71%), d’origine mélanésienne (59,4%) et âgés de 9 et 10 ans (respectivement 65,8% et 21,8%, âge théorique du niveau CM1 (tableau 3).

Tableau 2 : Distributions des populations d'enfants inscrits (n=4 534), dépistés (n=4 156), de cas suspects (n=177) et de cas confirmés de CRC infra-cliniques (n=45) dans le dépistage scolaire, Nouvelle-Calédonie, 2012
Agrandir l'image
Figure 1 : Distribution des cas suspects et confirmés dans la population scolaire âgée 6 à 12,5 ans lors des deux investigations du dépistage scolaire, Nouvelle-Calédonie, 2012
Agrandir l'image
Tableau 3 : Répartition sociodémographique des enfants dépistés (n=4 156) et des cas suspects en 1ère exploration (n=177)-ajustement univarié des cas suspects selon les variables sociodémographiques dans le dépistage scolaire, Nouvelle-Calédonie, 2012
Agrandir l'image

Les cas confirmés : parmi les nouveaux cas suspectés (n=177, tableau 2, figure 1), 27 (15,1%) ne se sont pas présentés pour confirmation chez un cardiologue, 62 (35,2%) ont été confirmés normaux, 43 (24,1%) avaient une cardiopathie non-rhumatismale (“mineure sans suivi ou nécessitant un suivi”), 28 (16%) une CRC limite et 17 (9,7%) une CRC avérée. Être absent à la confirmation était significativement plus important dans les îles et le Nord (respectivement : 39,4% (IC 95%: 22,6-56,3) et 15,8% (5,0-26,7) contre 7,0% (2,0-12,1) dans le Sud ; p<0,0001).

Prévalences de CRC et de RAA

Ajusté sur la tranche d’âge de la population étudiée, le dépistage permet d’établir des prévalences de CRC infra-cliniques avérées et limites de respectivement 0,4% (IC 95%: 0,2-0,6) et 0,7% (0,4-0,9), soit une prévalence totale de CRC infra-cliniques dépistées de 1,1% (0,8-1,4) (tableau 4). Le nouveau registre calédonien du RAA et de la CRC ne répertoriait dans cette population scolaire que 0,5% de RAA (clinique), dont 0,3% (0,2-0,5) de CRC avérées, révélés par l’expression clinique du RAA.

La prévalence totale de CRC infra-cliniques dépistées représente également la prévalence minimale de RAA infra-cliniques (minimale car un RAA infra-clinique peut ne pas entraîner de CRC, figure 2), puisque ces cas n’ont pas été identifiés en amont par le registre. Les prévalences de CRC et de RAA dans cette population peuvent ainsi être réévaluées à la hausse (tableau 4).

Tableau 4 : Prévalences de CRC et RAA dans la population scolaire du niveau CM1, âgée de 6 à 12,5 ans (n=4 176), Nouvelle-Calédonie, 2012
Agrandir l'image
Figure 2 : Répartition, selon l’algorithme diagnostique de la maladie, du nombre de rhumatismes articulaires aigus (RAA cliniques) déjà diagnostiqués (n=20) et du nombre de cardiopathies rhumatismales chroniques (CRC) qui en résultent (n=14) ainsi que des CRC infra-cliniques (n=45) dans le dépistage scolaire, Nouvelle-Calédonie, 2012
Agrandir l'image

Étude en régression logistique des prévalences de CRC avérées et limites (tableau 5)

Dans les deux modèles, aucune interaction significative n’a été conservée. Seule l’ethnie est un facteur de confusion dans le modèle CRC avérée et non dans le modèle CRC limite. Malgré la p-valeur non significative de la variable ethnie (p=0,06), elle n’a pas été retirée du modèle CRC avérée puisque la variation relative du paramètre de l’âge était supérieure à 12%. L’ethnie a été considérée comme un facteur de confusion de l’effet de l’âge sur la survenue de CRC avérée. Le modèle CRC avérée final est donc composé de l’âge et de l’ethnie (p<0,001).

Ajusté sur l’ethnie, le risque de contracter une CRC avérée augmente significativement avec l’âge (p<0,02). Néanmoins, avant 11 ans les enfants partagent tous le même niveau de risque (p=0,3 et p=0,2). Les enfants de 11 à 12,5 ans ont ainsi significativement 13,4 fois (IC 95%: 1,6-113,0) plus de risque de contracter une CRC avérée que les enfants de 6 à 10 ans inclus.

Le risque de contracter une CRC limite augmente significativement avec l’âge, de façon comparable au modèle précédent. Les enfants de 11 à 12,5 ans ont ainsi 16,6 fois (IC 95%: 1,9-141,8) plus de risque que les enfants de 6 à 10 ans inclus. Les autres variables sociodémographiques n’étaient significativement pas liées à la survenue d’une CRC limite.

Tableau 5 : Relation entre la survenue des cas de CRC avérées ou limites et les caractéristiques sociodémographiques de la population scolaire âgée de 6 à 12,5 ans, Nouvelle-Calédonie, 2012
Agrandir l'image

Discussion

La juxtaposition des données du programme de dépistage des CRC infra-cliniques et du registre calédonien permet une réévaluation de la prévalence du RAA (et de la CRC) dans la population scolaire âgée de 6 à 12,5 ans.

En première exploration, 7,9% des enfants inscrits ont un statut inconnu vis-à-vis de la CRC infra-clinique, dont 4,7% d’absents à l’école, 2,7% non munis de l’autorisation parentale et seulement 0,5% de refus.

En seconde exploration, 15,1% des cas suspects ne se présentent pas à la confirmation, avec un taux significativement plus élevé dans les régions les plus distantes et les moins urbanisées (Îles Loyautés et Nord).

Notre dépistage est basé, pour la première fois, sur les derniers critères échographiques standardisés 24. Il permet d’ajuster à la hausse de 2/3 les prévalences minimales totales de RAA (1,6%, soit 15,8 cas/1 000 habitants) et de CRC (1,1% de CRC infra-cliniques détectées par le dépistage + 0,3% de CRC (toutes avérées sur l’année 2012) détectées sur un RAA clinique (registre)) dans cette population scolaire. Le redressement réduit l’incertitude liée aux données manquantes des élèves absents et permet d’envisager une sous-estimation des prévalences calédoniennes. La Nouvelle-Calédonie est donc un territoire à forte endémicité, puisque la tranche d'âge de notre population était plus étroite que dans les études antérieures d'autres régions. Or, la survenue d’une CRC augmente avec l'âge 8,20 chez l’enfant et l’adolescent. Au Cambodge et au Mozambique, les prévalences étaient respectivement de 21,5 cas (IC 95%: 16,8-26,2) et 30,4 cas pour 1 000 habitants (23,2-37,6), dans des populations scolaires âgées de 6 à 17 ans 4.

Les critères échographiques utilisés sont standardisés 24 lors des deux explorations. Lors de l’exploration scolaire, ils sont simplifiés pour élargir la détection, ce qui permet de suspecter 4,3% des dépistés parmi lesquels 24,1% révèleront (après confirmation) une cardiopathie non-rhumatogène. La sensibilité et la spécificité de cette première exploration n’ont pas été déterminées en raison des coûts engendrés par l’allocation de plusieurs médecins échographistes dans une même école. Une technique de dépistage simplifiée, en cours d’évaluation, fait néanmoins l’objet d’une recherche (partenariat ASS-NC, Inserm). Elle repose sur des infirmiers formés (durant une courte période) au repérage de critères simples mais standardisés avec l’utilisation d’un matériel portatif (Vscan®25 moins compliqué que les échographes portables actuellement utilisés (Vivid I®).

La confirmation menée strictement, selon les nouveaux critères échographiques 24, permet de distinguer des anomalies cardiaques physiologiques et pathologiques, rhumatismales ou non. L’étude qualifie en outre, en plus grand nombre, des CRC infra-cliniques avérées et les distingue des CRC avérées consécutives à des RAA d’expression clinique détectés par le registre, soit respectivement 0,4% contre 0,3%.

Conformément à la littérature, le risque de contracter une CRC augmente avec le surpeuplement des foyers 9,18, la pauvreté, les mauvaises conditions d’hygiène et de vie 3,13,14,15,19, l’âge 8,20, le sexe (sur-risque féminin) 3,10 et l’appartenance ethnique selon les dernières études australienne et néo-zélandaise. Ces dernières témoignent, en effet, d’un plus haut risque de contracter une CRC avérée dans la population autochtone par rapport aux populations d’origine caucasienne 10,11,12,13,14,15. Nos résultats n’établissent pas clairement l’existence d’un sur-risque pour les filles et dans les populations natives océaniennes (notamment mélanésienne) par rapport aux populations d’origine caucasienne, probablement par faiblesse de puissance statistique, et ne peuvent faire la part entre les conditions de vie ou la vulnérabilité ethnique de ces populations.

En amont de ce dépistage, l’information réalisée auprès des élèves, des parents et des enseignants semble insuffisante et pourrait être améliorée afin d’accroître leur compréhension, adhésion et participation. Il faudrait également insister sur les deux étapes gratuites du dépistage et la nécessité de se présenter à la confirmation chez les cardiologues. Il semblerait de plus raisonnable d’amplifier la fréquence de ces consultations mobiles et d'enquêter sur les raisons de la non-présence à ce rendez-vous, alors que les cardiologues se déplacent au plus près des habitants des îles et du Nord.

Les études antérieures 18,20 et la nôtre suggèrent que le risque de contracter une CRC avérée ou limite augmente avec l'âge. Nous devrions envisager de dépister à un âge plus avancé. Cependant, le présent dépistage a démontré sa faisabilité et conduit à l'identification et aux soins précoces de CRC infra-cliniques et de cardiopathies non-rhumatogènes. Un suivi des enfants atteints de CRC limites, avec contrôle à un an (par le système de rattrapage en CM2), sera dorénavant institué. Un nouveau dépistage chez l’adolescent (au collège) est également à envisager en raison des nombreux cas de CRC limites.

Enfin, l’agrégation prospective des données du dépistage sur plusieurs années gagnera en puissance statistique. Elle permettra d'approfondir les tendances 2012, en particulier le risque éventuel lié à l'ethnie mélanésienne. Une potentielle susceptibilité génétique des populations du Pacifique et l’existence d’une circulation de souches streptococciques spécifiques dans cette zone sont actuellement à l’étude.

Remerciements

À Agnès Germain, Corinne Robillard, Nina Faure et Heimoana Toto pour leur travail au sein de la cellule RAA de l’ASS-NC, ainsi qu’aux différents médecins échographistes et cardiologues ayant participé à ce dépistage.

Références

[1] Marijon E, Mirabel M, Celermajer DS, Jouven X. Rheumatic heart disease. Lancet. 2012;379(9819):953-64.
[2] Seckeler MD, Hoke TR. The worldwide epidemiology of acute rheumatic fever and rheumatic heart disease. Clin Epidemiol. 2011;3:67-84.
[3] Riaz BK, Selim S, Karim MN, Chowdhury KN, Chowdhury SH, Rahman MR. Risk factors of rheumatic heart disease in Bangladesh: a case-control study. J Health Popul Nutr. 2013;31(1):70-7.
[4] Marijon E, Ou P, Celermajer DS, Ferreira B, Mocumbi AO, Jani D, et al. Prevalence of rheumatic heart disease detected by echocardiographic screening. N Engl J Med. 2007;357(5):470-6.
[5] Colquhoun SM, Carapetis JR, Kado JH, Steer AC. Rheumatic heart disease and its control in the Pacific. Expert Rev Cardiovasc Ther. 2009;7(12):1517-24.
[6] Reeves BM, Kado J, Brook M. High prevalence of rheumatic heart disease in Fiji detected by echocardiography screening. J Paediatr Child Health. 2011;47(7):473-8.
[7] Steer AC, Kado J, Wilson N, Tuiketei T, Batzloff M, Waqatakirewa L, et al. High prevalence of rheumatic heart disease by clinical and echocardiographic screening among children in Fiji. The J Heart Valve Dis. 2009;18(3):327-35; discussion 36.
[8] Carapetis JR, Hardy M, Fakakovikaetau T, Taib R, Wilkinson L, Penny DJ, et al. Evaluation of a screening protocol using auscultation and portable echocardiography to detect asymptomatic rheumatic heart disease in Tongan schoolchildren. Nat Clin Pract Cardiovasc Med. 2008;5(7):411-7.
[9] Baroux N, Rouchon B, Huon B, Germain A, Meunier JM, D'Ortenzio E. High prevalence of rheumatic heart disease in schoolchildren detected by echocardiography screening in New Caledonia. J Paediatr Child Health. 2013;49(2):109-14.
[10] Lawrence JG, Carapetis JR, Griffiths K, Edwards K, Condon JR. Acute rheumatic fever and rheumatic heart disease: incidence and progression in the Northern Territory of Australia, 1997 to 2010. Circulation. 2013;128(5):492-501.
[11] Parnaby MG, Carapetis JR. Rheumatic fever in indigenous Australian children. J Paediatr Child Health. 2010;46(9):527-33.
[12] Jaine R, Baker M, Venugopal K. Epidemiology of acute rheumatic fever in New Zealand 1996-2005. J Paediatr Child Health. 2008;44(10):564-71.
[13] Webb R, Wilson N. Rheumatic fever in New Zealand. J Paediatr Child Health. 2013;49(3):179-84.
[14] Casey G. Acute rheumatic fever: the danger for our children. Nursing New Zealand. 2013;19(5):20-4.
[15] Milne RJ, Lennon DR, Stewart JM, Vander Hoorn S, Scuffham PA. Incidence of acute rheumatic fever in New Zealand children and youth. Journal of paediatrics and child health. 2012;48(8):685-91.
[16] Ralph AP, Carapetis JR. Group a streptococcal diseases and their global burden. Curr Top Microbiol Immunol. 2013;368:1-27.
[17] Cunningham MW. Streptococcus and rheumatic fever. Curr Opin Rheumatol.2012;24(4):408-16.
[18] Jaine R, Baker M, Venugopal K. Acute rheumatic fever associated with household crowding in a developed country. Pediatr Infect Dis J.2011;30(4):315-9.
[19] Dobson J, Steer AC, Colquhoun S, Kado J. Environmental factors and rheumatic heart disease in Fiji. Pediatr Cardiol. 2012;33(2):332-6.
[20] Kane A, Mirabel M, Toure K, Perier MC, Fazaa S, Tafflet M, et al. Echocardiographic screening for rheumatic heart disease: Age matters. Int J Cardiol. 2013;168(2):888-91.
[21] Engel ME, Stander R, Vogel J, Adeyemo AA, Mayosi BM. Genetic susceptibility to acute rheumatic fever: a systematic review and meta-analysis of twin studies. PloS One. 2011;6(9):e25326.
[22] Marijon E, Celermajer DS, Tafflet M, El-Haou S, Jani DN, Ferreira B, et al. Rheumatic heart disease screening by echocardiography: the inadequacy of World Health Organization criteria for optimizing the diagnosis of subclinical disease. Circulation. 2009;120(8):663-8.
[23] Paar JA, Berrios NM, Rose JD, Caceres M, Pena R, Perez W, et al. Prevalence of rheumatic heart disease in children and young adults in Nicaragua. Am J Cardiol.2010;105(12):1809-14.
[24] Remenyi B, Wilson N, Steer A, Ferreira B, Kado J, Kumar K, et al. World Heart Federation criteria for echocardiographic diagnosis of rheumatic heart disease - an evidence-based guideline. Nat Rev Cardiol. 2012;9(5):297-309.
[25] Beaton A, Aliku T, Okello E, Lubega S, McCarter R, Lwabi P, et al. The utility of handheld echocardiography for early diagnosis of rheumatic heart disease. J Am Soc Echocardiogr. 2014;27(1):42-9.

Citer cet article

Corsenac P, Fauchier T, Rouchon B. Dépistage de la cardiopathie rhumatismale chronique infra-clinique en Nouvelle-Calédonie en 2012 : facteurs de risque sociodémographique de sa séquelle, avérée et limite, et prévalence du rhumatisme articulaire aigu chez l’enfant de 6 à 12,5 ans. Bull Epidémiol Hebd. 2014;(7):121-30.

(1) La classe pour l'inclusion scolaire (CLIS) est un parcours scolaire qui oriente, à partir de la fin du cycle 1 et parfois même à l'âge pré-élémentaire (de 3 à 5 ans), les enfants en difficulté ou en situation de handicap vers des classes comprenant 12 élèves au maximum. L'objectif est de scolariser tous les élèves et de permettre aux élèves en situation de handicap de suivre totalement ou partiellement un cursus scolaire en milieu ordinaire. Les CLIS font partie intégrante de l'ensemble des dispositifs de l'enseignement spécialisé.