Existe-t-il en France des inégalités sociales d’accès des enfants à la vaccination ? Exemples de la vaccination contre les infections à pneumocoque et par le BCG

// Is access to child immunization in France subject to social inequalities? Exemples of antipneumococcal vaccination and BCG

Jean-Paul Guthmann1 (jpguthmann@invs.sante.fr), Pierre Chauvin2, Yann Le Strat1, Marion Soler2, Laure Fonteneau1, Daniel Lévy-Bruhl1
1 Institut de veille sanitaire, Saint-Maurice, France
2 Inserm, Sorbonne Universités UPMC, UMRS_1136, Équipe de recherche en épidémiologie sociale (Eres), Paris, France
Soumis le 18.02.2014 // Date of submission: 02.18.2014
Mots-clés : Couverture vaccinale | BCG | Vaccin pneumococcique conjugué | Déterminants socioéconomiques | France
Keywords: Vaccination coverage | BCG | Pneumococcal conjugate vaccine | Socioeconomic determinants | France

Résumé

Introduction-objectifs –

En France, les inégalités sociales en matière de vaccination de l’enfant n’ont été que rarement étudiées. Nous avons mené une enquête ayant pour objectifs de rechercher s’il existait certains déterminants socioéconomiques de la vaccination infantile par les vaccins BCG et pneumococciques conjugués.

Méthode –

Il s’agit d’une enquête transversale chez les enfants âgés de 0 à 5 ans demeurant à Paris et dans l’agglomération parisienne, sélectionnés par sondage aléatoire à trois degrés stratifié. Les informations ont été recueillies par questionnaire en face-à-face. Les couvertures vaccinales (CV) pour le BCG et le pneumocoque conjugué heptavalent (PCV7) confirmées par un document ont été estimées. Des régressions de Poisson ont permis d’analyser l’association entre couvertures vaccinales et certains facteurs socioéconomiques et démographiques.

Résultats –

La CV pour le BCG était de 82,7%. Les CV pour le PCV7 étaient de 93,7% (n=203) pour une dose, et de 76,7% pour la primovaccination complète (n=179). Chez les enfants des familles aux revenus les plus faibles, les CV pour le BCG étaient élevées et proches de 100%, quelle que soit l’origine des parents. Chez les enfants de familles aux revenus plus élevés, la CV pour le BCG était supérieure, chez les enfants nés de familles originaires d’un pays de forte endémie tuberculeuse (98,2%), à celle des autres enfants (76,2%) (p=0,004). La CV pour le PCV7 « une dose » des enfants des familles ayant les revenus les plus faibles était inférieure à celle des familles aux revenus plus élevés (83,2% vs. 97,3%, p=0,033). Un résultat similaire (bien que non significatif) était observé pour la primovaccination complète (65,5% vs. 87,6%, p=0,09). La CV complète était moins élevée chez les enfants ayant une couverture maladie de base (70,2%) que chez les enfants ayant une assurance complémentaire par la CMUc/l’AME (81,4%) ou privée/mutualiste (76,1%), mais ces différences n’étaient pas significatives.

Conclusions –

Les enfants de niveau socioéconomique faible ainsi que ceux originaires d’un pays de forte endémie tuberculeuse, quel que soit le niveau socioéconomique de la famille, sont correctement vaccinés par le BCG. L’association d’une CV basse pour le PCV7 avec un faible niveau de revenus suggère l’existence d’obstacles financiers dans les familles les plus modestes, mais l’absence d’association significative avec le type de couverture maladie pourrait aussi indiquer l’existence de freins autres que purement financiers, davantage liés à l’adhésion ou à l’accès à la vaccination des populations défavorisées.

Abstract

Introduction –

Social inequalities regarding child vaccinations are poorly documented in France. We conducted a survey aiming at investigating possible socioeconomic determinants of BCG and antipneumococcal vaccinations.

Methods –

We conducted a cross-sectional survey including children aged 0-5 years living in Paris and its immediate suburbs, selected by a stratified three stages random sampling design. Information was collected by a face-to-face interview. BCG and pneumococcal vaccination coverage, confirmed by a document, were measured. Poisson regression was used to analyse the association between vaccination coverage and several socioeconomic and demographic factors.

Results –

BCG vaccination coverage was 82.7%. PCV7 vaccination coverage was 93.7% for one dose and 76.7% for the full primary vaccination series. BCG vaccination coverage of children from families with the lowest incomes was close to 100% regardless of family origin. In families with higher incomes, BCG vaccination coverage was significantly higher among children born in families from a tuberculosis highly endemic country (98.2%) compared with other children (76.2%) (p=0.004). The first dose PCV7 vaccination coverage in children from families with lower incomes was lower than that of children from families of higher incomes (83.2% vs. 97.3%, p=0.033). A similar result was also observed for the full PCV7 primary vaccination series, although this result was not statistically significant (65.5% vs. 87.6%, p=0.09). Full PCV7 coverage was lower in children with basic health insurance (70.2%) than in children with additional health insurance either through social assistance (81.4%) or through a private insurance (76.1%), but these differences were not significant.

Conclusion –

Children of low socioeconomic background as well as those with a family history of immigration, regardless of family socioeconomic level, are properly vaccinated with BCG. The association of a low PCV7 vaccination coverage with low family income suggests the existence of financial barriers to pneumococcal vaccination in the poorest families. However, the lack of statistical association with the type of health insurance could also indicate the existence of obstacles to vaccination other than purely financial issues, and more related to adherence or access to vaccination of low-income families.

Introduction

En France, les inégalités sociales en matière de vaccination de l’enfant n’ont été que rarement étudiées 1,2,3, et il n’existe que peu de données disponibles permettant de les explorer. Cette question a son intérêt car, bien que les couvertures vaccinales (CV) du jeune enfant soient généralement élevées 4, des facteurs individuels liés au mode de vie, à l’accès ou à l’offre de soins ou encore au niveau économique de la famille pourraient expliquer des variations de CV dans différents sous-groupes de la population, dans un contexte d’accroissement des inégalités sociales d’accès aux soins de santé en France 5,6. L’évaluation de la CV, son suivi au cours du temps et l’identification de groupes moins bien vaccinés font partie des missions de l’Institut de veille sanitaire (InVS). Les données ainsi produites sont transmises au ministère chargé de la Santé et servent à adapter la politique vaccinale en ciblant éventuellement certains groupes et/ou en donnant la priorité à une vaccination donnée. C’est pour ces raisons que l’InVS s’est associé à l’Inserm pour mener une enquête en Île-de-France (enquête VACSIRS), avec pour objectifs de rechercher s’il existait certains déterminants socioéconomiques de la vaccination infantile par les vaccins BCG et pneumococciques conjugués, chacune de ces deux vaccinations s’inscrivant dans des contextes et des problématiques différents et spécifiques.

Depuis la suspension de l’obligation vaccinale pour le BCG en juillet 2007 7, l’Île-de-France est la seule région de France métropolitaine où elle reste recommandée chez tous les enfants. Les estimations effectuées à partir des certificats de santé y montrent des CV départementales d’environ 70-80% à l’âge de 9 mois 8, mais il n’existe pas d’estimations à une échelle géographique plus fine et encore moins dans des groupes spécifiques où le risque de tuberculose est plus important. Il s’agit en particulier des enfants qui, au-delà de leur résidence en Île-de-France, présentent également d’autres facteurs de risque, tels que d’être originaires – ou d’avoir des parents originaires – d’un pays à forte endémie tuberculeuse ou de vivre dans des conditions socioéconomiques défavorisées. Notre premier objectif était de rechercher une éventuelle hétérogénéité de CV par le vaccin BCG en Île-de-France qui serait liée à l’origine géographique de l’enfant ou de ses parents, ou au niveau économique de sa famille.

Le vaccin pneumococcique conjugué heptavalent (Prevenar® ou PCV7) est, quant à lui, recommandé depuis mai 2006 chez tous les enfants âgés de moins de 2 ans. Les CV insuffisantes (81% pour la primovaccination à l’âge de 1 an chez les enfants nés en 2007 4) pour cette vaccination au coût élevé (environ 180 € pour trois doses) pouvaient faire craindre une moins bonne vaccination dans des catégories socioéconomiquement défavorisées et une moindre accessibilité des familles les plus pauvres. Ainsi, le deuxième objectif de notre enquête était de savoir si le coût du vaccin PCV7 constituait un possible frein à cette vaccination et s’il existait un lien éventuel entre le statut vaccinal des enfants et la situation socioéconomique de leur famille.

Les résultats détaillés de cette enquête, menée au cours de l’hiver 2009-2010 dans le cadre de la cohorte SIRS (Santé, inégalités et ruptures sociales) de l’Inserm, ont déjà fait l’objet de publications 9,10,11.

Matériel et méthodes

La méthodologie d’enquête de la cohorte SIRS a déjà été décrite plus en détail 9,10,11,12. Rappelons ici que cette cohorte a été constituée par l’Inserm pour l’étude des inégalités sociales et territoriales de santé. Elle repose sur un échantillon aléatoire de la population majeure et francophone vivant à Paris et dans la première couronne de départements (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne). À l’inclusion en 2005, 3 000 adultes ont été sélectionnés par un sondage aléatoire à trois degrés stratifié, selon une méthodologie déjà publiée 3. Lors de l’enquête en 2009-2010, 47% des ménages sélectionnés et interrogés en 2005 ont pu être réinterrogés et les autres ont été remplacés en utilisant la même procédure aléatoire qu’en 2005.

Au sein de chaque ménage, tous les enfants âgés au maximum de 5 ans ont été inclus et les données démographiques et socioéconomiques concernant l’adulte interrogé, le ménage et le ou les enfant(s) inclus ont été recueillies par l’administration d’un questionnaire en face-à-face (tableau 1). Le revenu mensuel net du ménage (avant impôts), qui constituait l’une des variables explicatives recueillies, était déterminé en proposant, pour chaque membre du ménage, 17 sources de revenus possibles une à une (revenu du travail, allocations, pensions, aides financières, placements, etc.) et en faisant confirmer le total obtenu (82% des répondants). À défaut, si les personnes interrogées ne souhaitaient pas donner le détail exact, elles pouvaient indiquer l’une des 13 tranches de revenus totaux proposées dans un second temps (c'est le cas de 9% des répondants). Les revenus des non-répondants (9%) ont été imputés par un modèle prenant en compte leur âge, leur PCS (profession et catégorie socioprofessionnelle), leur origine, leur niveau d'études et le fait de bénéficier, ou non, de minima sociaux. Les bornes des quartiles de revenus sont différentes pour le BCG et le pneumocoque car les analyses pour chacun de ces deux vaccins concernent deux sous-populations différentes. Les effectifs variant dans chaque analyse, les quartiles changent sensiblement dans chaque sous-population.

Tableau 1 : Variables explicatives utilisées dans l’étude des déterminants des couvertures vaccinales BCG et PCV7. Enquête VACSIRS, 2009-2010, France
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La CV confirmée a été définie comme le nombre d’enfants ayant une vaccination notée sur le carnet de santé rapportée au nombre d’enfants qui présentaient un carnet de santé. La CV pour le BCG a été mesurée chez les 425 enfants nés après le retrait du marché de la forme multipuncture du vaccin (Monovax®) en janvier 2006, car c’est à partir de cette date qu’est observée une baisse de la CV en Île-de-France pour ce vaccin 13. La CV pour le PCV7 a été mesurée chez les 391 enfants qui avaient pu bénéficier de cette vaccination après sa recommandation à tous les enfants âgés de moins de 2 ans en mai 2006. Pour ce vaccin, nous avons mesuré la CV pour une dose et pour la primovaccination complète, cette dernière étant de deux ou trois doses selon la date de naissance de l’enfant en raison du changement de calendrier vaccinal en octobre 2008. Un poids de sondage redressé par post-stratification sur l’âge, le sexe et le département a été attribué à chaque enfant et intégré dans l’analyse avec la variable de stratification.

Dans la recherche des déterminants de vaccination, qui a utilisé le logiciel Stata 11® (Statacorp, College Station, Texas, États-Unis), les variables à expliquer étaient les CV confirmées pour le BCG, le PCV7 « une dose » et le PCV7 «primovaccination complète ». Des régressions de Poisson avec variance robuste ont été utilisées pour comparer la CV confirmée chez les exposés et les non-exposés à un facteur donné 14. Les résultats ont été exprimés sous forme de ratios de couvertures vaccinales (RCV) avec leur intervalle de confiance à 95% (IC95%). Les variables explicatives associées au seuil de p=0,20 en analyse univariée ont été introduites dans un modèle multivarié et sélectionnées de façon pas-à-pas descendante (au seuil p<0,05). La variable « couverture maladie », considérée comme particulièrement importante dans l’analyse, a été forcée dans le modèle final.

Résultats

Vaccination par le BCG

La CV pour le BCG était de 82,7% (IC95%:[70,9-90,4]). L’analyse univariée a montré que 10 variables étaient associées à cette couverture au seuil de p=0,20. Dans le modèle multivarié final, 3 variables restaient associées significativement à la CV pour le BCG (tableau 2). Elle était plus élevée chez les enfants de parents originaires d’un pays de forte endémie tuberculeuse, de familles monoparentales et de ménages aux revenus les plus faibles (1er quartile de revenus mensuels, <883 €/unité de consommation (UC)). Cependant, en raison d’une interaction significative (p=0,007) entre le revenu du ménage et l’origine du parent, deux modèles sont présentés dans le tableau 2. Dans les ménages ayant un revenu mensuel supérieur ou égal à 883 €/UC, la CV pour le BCG était significativement plus élevée chez les enfants dont les parents étaient originaires d’un pays de forte endémie tuberculeuse ou appartenant à une famille monoparentale. Dans les ménages ayant un revenu mensuel inférieur à 883 €/UC, la CV était élevée et ne différait pas en fonction des autres caractéristiques des ménages.

Tableau 2 : Modèles de régression de Poisson montrant les facteurs associés à la couverture vaccinale BCG, Île-de-France, 2010
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Vaccination contre le pneumocoque PCV7

Les CV pour le PCV7 étaient de 93,7% (IC95%:[88,2-96,7]) pour une dose et de 76,7% (IC95%:[65,0-85,4]) pour la primovaccination complète. L’analyse univariée a montré que 6 variables étaient associées (p=0,20) à la CV « une dose » et 5 variables à la primovaccination complète. Dans le modèle final, la CV« une dose » des enfants appartenant à des familles aux revenus les plus faibles (1er quartile de revenus, <847 €/UC) était inférieure à celle des familles aux revenus plus élevés (83,2% vs. 97,3% pour la comparaison avec les 2e-3e quartiles de revenus (847-1 928 €/UC), p=0,033) (tableau 3). Un résultat similaire, bien que non significatif, était observé pour la primovaccination complète (65,5% vs. 87,6% pour les mêmes comparaisons, p=0,09). On notait également que l’estimation ponctuelle de la CV était plus basse dans la catégorie la plus élevée de revenus (69,1% pour la primovaccination complète) que dans les catégories moyennes, même si les différences n’étaient pas significatives. La CV complète était moins élevée chez les enfants ayant une couverture maladie de base (70,2%) que chez les enfants bénéficiant de la Couverture maladie universelle complémentaire (CMUc) ou de l’Aide médicale d’État (AME) (81,4%) ou ayant une assurance complémentaire privée ou mutualiste (76,1%), mais ces différences n’étaient pas statistiquement significatives.

Tableau 3 : Modèles de régression de Poisson montrant les facteurs associés à la couverture vaccinale PCV7 une dose et primovaccination complète, Île-de-France, 2010
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Discussion

Concernant le BCG, notre étude a montré que les enfants d’Île-de-France nés de parents originaires d’un pays de forte endémie tuberculeuse étaient correctement identifiés par les médecins comme étant à risque élevé de tuberculose, et qu’ils étaient mieux vaccinés que les autres enfants. Cependant, l’appartenance à ce groupe social ne semblait pas jouer un rôle chez les enfants des familles aux plus faibles revenus dont les CV étaient proches de 100% quelle que soit leur origine. Ces données sont cohérentes avec les résultats des enquêtes précédentes 9,10,11 dans lesquelles les enfants suivis dans les centres de protection maternelle et infantile (PMI) (où les populations issues de l’immigration sont particulièrement représentées) sont mieux vaccinés que ceux qui sont suivis en milieu libéral. Une explication plausible serait que les professionnels de PMI sont plus à l’aise dans l’utilisation de la technique intradermique que les praticiens du secteur libéral, en raison d’un nombre plus élevé d’enfants à vacciner dans ce secteur public.

Notre enquête a montré que le revenu du ménage était un déterminant indépendant de la CV pour le BCG et que, globalement, les enfants de ménages aux revenus les plus modestes étaient mieux vaccinés que les enfants des familles aux revenus plus élevés. Ceci pourrait refléter la perception, par les familles les plus aisées, d’un faible risque de tuberculose ne justifiant pas la réalisation du BCG, une opinion peut-être partagée par le médecin traitant. Cette situation témoigne de la difficulté de la mise en œuvre de la politique vaccinale de manière uniforme en Île-de-France, en particulier dans les milieux économiquement plus favorisés, et souligne la nécessité de renforcer la politique vaccinale à leur égard.

Nous n’avons pas trouvé d’explication claire au fait que la CV pour le BCG était plus élevée chez les enfants de familles monoparentales, qui représentaient 7% de la population d’étude. Une raison pourrait être que ces familles (dans lesquelles le chef de famille est une femme dans 85% des cas) sont surreprésentées dans les quartiers les plus défavorisés de Paris et de sa banlieue 3. Ces enfants sont peut-être davantage suivis dans les PMI, très présentes dans ces quartiers et où les enfants sont mieux vaccinés par le BCG comparativement au secteur privé. Nous ne pouvons pas confirmer cette hypothèse puisque notre enquête ne contenait pas d’information sur le lieu de suivi ou de vaccination des enfants.

Concernant le vaccin pneumococcique, notre enquête a montré que, parmi tous les facteurs socioéconomiques investigués, seul le revenu du ménage était associé à la CV, ceci pouvant suggérer que les ménages les plus pauvres n’accèdent pas à cette vaccination précisément par manque de moyens. En effet, alors que les vaccinations les plus anciennes ont un coût relativement faible (le prix du BCG est d’environ 10 €), celui de certains vaccins introduits ces dernières années dans le calendrier vaccinal est plus élevé. C’est le cas du PCV7 (aujourd’hui remplacé par le PCV13), vendu environ 60 €/dose. Comme toutes les vaccinations recommandées inscrites dans le calendrier vaccinal de l’enfant, cette vaccination est prise en charge à 65% par l’Assurance maladie, le reste à charge étant éventuellement couvert par une assurance complémentaire santé qui, en dehors de la CMUc, relève de financements privés. Une première explication pourrait être que ces ménages ne disposent pas d’une complémentaire santé, mais notre enquête n’a pas montré d’association significative entre la CV et le type d’assurance maladie. Une autre explication pourrait être l’impossibilité, pour les familles aux revenus les plus modestes, d’avancer le prix du vaccin (sa totalité ou le reste à charge, selon le niveau de couverture maladie) au moment de son achat en pharmacie, mais cette explication semble peu plausible dans la mesure où pratiquement la totalité des pharmacies d’officine d’Île-de-France pratiquent le tiers-payant, y compris pour la part complémentaire. Notre enquête, n’ayant pas recueilli d’informations sur le lieu de délivrance du vaccin, ne permettait pas d’identifier les enfants qui auraient pu recevoir le vaccin PCV7 en PMI, peut-être gratuitement. Cependant, ce vaccin n’est pas toujours fourni gratuitement en PMI, celui-ci faisant parfois l’objet d’une prescription pour un achat en officine.

Ainsi, l’association entre faible CV pour le PCV7 et bas niveau de revenus suggère l’existence d’obstacles financiers dans les familles les plus modestes mais aussi, possiblement, en raison de l’absence d’association significative avec le type de couverture maladie, l’existence de freins autres que purement financiers. Des recherches de type qualitatif pourraient permettre d’identifier ces autres freins, en matière d’information, d’adhésion et/ou d’accès à la vaccination, eux-mêmes en lien avec certains facteurs socio-culturels de ces familles ou certaines attitudes particulières des professionnels de santé qu’elles consultent.

Conclusion

Notre enquête a identifié pour la première fois en France des déterminants socioéconomiques de CV chez l’enfant. Les enfants appartenant à des familles de niveau socioéconomique faible ainsi que ceux originaires d’un pays de forte endémie tuberculeuse, quel que soit le niveau socioéconomique de la famille, sont correctement vaccinés par le BCG. À notre connaissance, cette association n’a jamais été décrite en Europe. L’association d’une CV peu élevée pour le PCV7 avec un faible niveau de revenus suggère l’existence d’obstacles financiers dans les familles les plus modestes, mais sans doute également des freins autres que purement financiers et davantage liés à l’adhésion ou à l’accès à la vaccination des populations défavorisées, qui devraient aussi être recherchés.

Références

1 Avis du Conseil supérieur d'hygiène publique de France – Section maladies transmissibles – relatif à la vaccination par le vaccin anti-pneumococcique conjugué chez les enfants de moins de deux ans et les enfants de deux à cinq ans (séance du 19 mai 2006). http://www.hcsp.fr/Explore.cgi/avisrapports3?clef=33
2 Préteceille E. La division sociale de l'espace francilien. Typologie socioprofessionnelle 1999 et transformations de l'espace résidentiel 1990-99. Paris: Observatoire sociologique du changement; 2003. 150 p.
3 Chauvin P, Parizot I (dir). Les inégalités sociales et territoriales de santé dans l'agglomération parisienne : une analyse de la cohorte Sirs (2005). Paris: Éditions de la DIV, Les Documents de l’Onzus (coll.); 2009. 105 p.
4 Guthmann JP, Fonteneau L, Lévy-Bruhl D. Mesure de la couverture vaccinale en France. Sources de données et données actuelles. Saint-Maurice: Institut de veille sanitaire; 2012. 98 p. http://opac.invs.sante.fr/index.php?lvl=notice_display&id=11117
5 Renahy E, Vallée J, Parizot I, Chauvin P. Le renoncement aux soins pour raisons financières dans l'agglomération parisienne : déterminants sociaux et évolution entre 2005 et 2010 dans la cohorte SIRS. In: Boisguérin B Ed. Le renoncement aux soins. Actes du colloque du 22 novembre 2011. Paris: Drees (Coll. Études et Statistiques); 2012. pp. 41-66.
6 Dourgnon P, Or Z, Sorasith C. Les inégalités de recours aux soins en France, retour sur une décennie de réformes. Actualité et Dossier en Santé Publique. 2012;(80):33-5.
7 Ministère chargé de la Santé. Circulaire DGS/RI1 n° 2007/318 du 14 août 2007 relative à la suspension de l'obligation de vaccination par le BCG des enfants et adolescents. https://www.mesvaccins.net/textes/BCGcircul14082007.pdf
8 Guthmann JP, Antoine D, Fonteneau L, Lévy-Bruhl D, Che D. Impact épidémiologique de la suspension de l’obligation vaccinale par le BCG et mesure de la couverture vaccinale. Bull Epidémiol Hebd. 2012;(24-25):288-91. http://opac.invs.sante.fr/index.php?lvl=notice_display&id=10759
9 Guthmann JP, Chauvin P, Le Strat Y, Soler M, Fonteneau L, Lévy-Bruhl D. Déterminants socio-économiques des vaccinations BCG et pneumocoque chez les enfants de la région parisienne. Résultats de l’enquête VACSIRS, 2010. Saint-Maurice: Institut de veille sanitaire; 2013. 44 p. http://opac.invs.sante.fr/index.php?lvl=notice_display&id=11442
10 Guthmann JP, Chauvin P, Le Strat Y, Soler M, Fonteneau L, Lévy-Bruhl D. Moindre couverture vaccinale par le vaccin anti-pneumococcique conjugué dans les ménages aux revenus faibles : une étude en d’Île-de-France. Arch Pediatr. 2014:21:584-92.
11 Guthmann JP, Chauvin P, Le Strat Y, Soler M, Fonteneau L, Lévy-Bruhl D. Family history of immigration from a tuberculosis endemic country and low family income are associated with a higher BCG vaccination coverage in Ile-de-France region, France. Vaccine. 2013;31(48):5666-71.
12 Grillo F, Soler M, Chauvin P. L’absence de dépistage du cancer du col de l’utérus en fonction des caractéristiques migratoires chez les femmes de l’agglomération parisienne en 2010. Bull Epidémiol Hebd. 2012;(2-4):45-7. http://opac.invs.sante.fr/index.php?lvl=notice_display&id=10353
13 Lévy-Bruhl D, Paty MC, Antoine D, Bessette D. Recent changes in tuberculosis control and BCG vaccination policy in France. Euro Surveill. 2007;12(37):pii=3268. http://www.eurosurveillance.org/ew/2007/070913.asp#3
14 Barros AJ, Hirakata VN. Alternatives for logistic regression in cross-sectional studies: an empirical comparison of models that directly estimate the prevalence ratio. BMC Med Res Methodol. 2003;(3):21.

Citer cet article

Guthmann JP, Chauvin P, Le Strat Y, Soler M, Fonteneau L, Lévy-Bruhl D. Existe-t-il en France des inégalités sociales d’accès des enfants à la vaccination ? Exemples de la vaccination contre les infections à pneumocoque et par le BCG. Bull Epidémiol Hebd. 2014;(20):346-51. http://www.invs.sante.fr/beh/2014/20/2014_20_1.html