Hépatite B chronique : prise en charge en  France entre 2008 et 2011

// Chronic hepatitis B: healthcare provision in  France between  2008 and 2011

Corinne Pioche1 (c.pioche@invs.sante.fr), Cécile Brouard1, Stéphane Chevaliez2, Laurent Alric3, Patrice Couzigou4, Elisabeth Delarocque-Astagneau5, François Denis6, Odile Goria7, Dominique Guyader8, Patrick Marcellin9, Françoise Roudot-Thoraval10, Dominique Roulot11, Christine Silvain12, Jean-Pierre Zarski13, Caroline Semaille1, Christine Larsen1
1 Institut de veille sanitaire, Saint-Maurice, France
2 Centre national de référence des virus des hépatites B, C et Delta, CHU Henri Mondor, Créteil, France
3 Centre hospitalier universitaire (CHU), Toulouse, France
4 CHU, Bordeaux, France
5 Institut Pasteur, Paris, France
6 CHU, Limoges, France
7 CHU, Rouen, France
8 Hôpital Pontchaillou, CHU, Rennes, France
9 CHU Bichat-Beaujon, Clichy, France
10 CHU Henri Mondor, Créteil, France
11 Hôpital Avicenne, AP-HP, Bobigny, France
12 CHU, Poitiers, France
13 CHU, Grenoble, France
Soumis le 10.12.2013 // Date of submission: 12.10.2013
Mots-clés : Hépatite B chronique | Prise en charge | Services experts en hépatologie | Antigène HBe | Complications hépatiques
Keywords: Chronic hepatitis B | Healthcare provision | Expert services in the field of hepatology | HBe Antigen | Liver-related complications

Résumé

Introduction –

En 2008, l’Institut de veille sanitaire a mis en place un système national de surveillance avec pour objectif la description des caractéristiques épidémiologiques, clinico-biologiques et histologiques des patients nouvellement pris en charge pour une hépatite B chronique dans les services experts en hépatologie.

Méthode –

Ont été inclus, après accord, les patients adultes, naïfs de traitement antiviral, nouvellement pris en charge entre 2008 et 2011 pour une hépatite B chronique, définie par la persistance de l’antigène HBs depuis au moins 6 mois. Des données épidémiologiques (sexe, âge, pays de naissance), biologiques (ALAT, antigène HBe, charge virale) et histologiques (évaluation de la fibrose hépatique) ont été recueillies.

Résultats –

Entre 2008 et 2011, 3 672 patients ont été inclus: 59% étaient des hommes ; l’âge médian était de 36 ans ; 81% étaient nés dans un pays d’endémicité pour l’hépatite B forte (54%) ou modérée (27%) ; 70% avaient été dépistés lors d’un bilan systématique de santé.
La charge virale était ≤2 000 UI/mL chez 58% des patients, le taux d’ALAT était normal chez 72% et l’antigène HBe négatif chez 87%. Une cirrhose ou un carcinome hépatocellulaire était diagnostiqué chez 11% des patients, cette proportion étant plus élevée chez les patients co-infectés (VHC 41% ; VHD 32% ; VIH 31%), les patients consommateurs excessifs d’alcool (33%) ou AgHBe(+) (21%).

Conclusion –

Les porteurs chroniques de l’hépatite B doivent bénéficier d’une prise en charge rapide après le diagnostic pour évaluation de l’atteinte hépatique et recherche des comorbidités associées. Un suivi régulier basé sur la répétition du dosage des ALAT et de la charge virale VHB est nécessaire, afin de limiter les risques d’évolution vers les complications hépatiques (cirrhose et carcinome hépatocellulaire).

Abstract

Introduction –

Since 2008, The French Institute for Public Health Surveillance has implemented a national surveillance system based on hepatology reference centres located in university hospitals to describe epidemiological, clinical, biological and histological characteristics of patients, newly referred for chronic hepatitis B.

Methods –

Antiviral treatment-naïve patients with chronic hepatitis B defined as HBs antigen (Ag) positivity for at least six months were included at first referral in a participating centre after consent. Epidemiological data (sex, age, country of birth), biological data (ALT, HBeAg, viral load) and histological data (assessment of liver fibrosis) were collected.

Results –

Between 2008 and 2011, 3,672 patients were included: 59% were men, the median age was 36 years, 81% were born in hepatitis B endemic countries, 54% and 27% for high and moderate endemic countries respectively, 70% were detected during a systematic health check-up. ALT levels were normal in 72%, HBV DNA viral load was ≤2,000 IU/mL in 58% of cases, and HBeAg was negative for 87%. Cirrhosis or hepatocellular carcinoma were diagnosed in 11%, and this proportion was higher in patients co-infected with HCV (41%), HDV (32%) and HIV (31%), among excessive alcohol consumers (33%) and HBeAg positive patients (21%).

Conclusion –

Patients with chronic hepatitis B should be referred promptly after diagnosis for evaluating the liver disease and comorbidities, and for implementing the follow-up that includes regular measurements of ALT and of viral load, in order to reduce the risk of progression to cirrhosis and hepatocellular carcinoma.

Introduction

La France est un pays de faible endémicité pour l’infection par le virus de l’hépatite B (VHB). La prévalence de l’antigène (Ag)HBs a été estimée en 2004 en France métropolitaine à 0,65% [IC 95% : 0,45-0,93], soit 281 000 individus atteints, dont 55% ne connaissaient pas leur statut 1. L’hépatite B chronique est une maladie à progression lente qui peut, en l’absence d’une prise en charge adaptée, évoluer vers une cirrhose, voire un carcinome hépatocellulaire (CHC). L’ignorance du portage chronique de l’AgHBs constitue une opportunité manquée à la fois pour l’accès aux soins (hygiène de vie des personnes atteintes d'hépatite B chronique, suivi biologique régulier, mise en place d'un traitement adapté) et pour la prévention de la transmission secondaire (vaccination de l'entourage, réduction des comportements à risque de transmission...). Afin d’optimiser cette prise en charge, il est primordial de bien caractériser les porteurs chroniques sur le plan épidémiologique et clinique. Dans ce contexte, l’Institut de veille sanitaire (InVS) et les services experts en hépatologie (pôles de référence) ont mis en place en 2008 un système de surveillance nationale de l’hépatite B chronique, dont l’objectif est de décrire les caractéristiques épidémiologiques, clinico-biologiques et virologiques des patients nouvellement pris en charge pour une hépatite B dans ces services.

Cet article présente l’analyse descriptive de quatre années de surveillance nationale (de 2008 à 2011).

Méthode

Le réseau de surveillance

Parmi les 37 services experts en hépatologie répartis dans toute la France, 33 ont accepté de participer au recueil de données.

Définition de cas

L’hépatite B chronique est définie par la persistance de l’AgHBs depuis au moins six mois. Tout patient âgé de 18 ans ou plus, consultant ou hospitalisé pour la première fois (premier contact) dans un service expert en hépatologie pour une hépatite B chronique entre 2008 et 2011, est inclus après accord. Les patients ont pu être adressés au service expert par un médecin traitant ou un spécialiste pour avis. La prise en charge initiale est définie par les résultats du bilan clinico-biologique issus du premier contact avec le service expert. L’analyse des données 2008-2011 est restreinte aux patients naïfs de traitement antiviral au moment de leur prise en charge initiale.

Variables recueillies

Les principales caractéristiques épidémiologiques (sexe, âge, pays de naissance, date et circonstance du premier dépistage de l’AgHBs, consommation d’alcool), biologiques (ALAT, charge virale ADN VHB, statut AgHBe, co-infections VIH, VHC, VHD), cliniques (présence d’une cirrhose ou d’un CHC à la prise en charge), et les résultats d’évaluation de la fibrose hépatique (biopsie, tests non-invasifs) sont recueillis en transversal, au moment de la prise en charge initiale.

Le délai à la prise en charge est défini par la différence entre la date de prise en charge dans le service expert et la date du premier test positif de l’AgHBs.

Les pays de naissance sont regroupés en trois zones d’endémicité définies par l’Organisation mondiale de la santé 2 selon le niveau de prévalence de l’AgHBs : zone de faible endémicité (<2%), endémicité modérée (entre 2% et 8%) et forte endémicité (≥8%).

La consommation excessive d’alcool est définie par une consommation hebdomadaire (actuelle ou passée) de plus de 280 g d’alcool (>28 verres) chez l’homme et plus de 210 g (>21 verres) chez la femme.

L’activité sérique des ALAT est définie par le rapport entre la valeur absolue des ALAT et la borne supérieure de la valeur normale du laboratoire, puis analysée en deux classes : ALAT normales (≤1xN) et ALAT supérieures à 1 fois la normale (>1xN).

La présence d’une fibrose sévère ou d’une cirrhose est définie : (i) en cas d’évaluation de la fibrose par un score Métavir F3-F4 à la biopsie ou, en l’absence de biopsie, par un résultat d’élastographie impulsionnelle ultrasonore >9 kPa 3 ; (ii) en l’absence d’évaluation de la fibrose, par l’évaluation « clinique » de cirrhose ou de CHC associant des critères diagnostiques clinico-biologiques et d’imagerie (ascite, signes d’hypertension portale, thrombopénie….). Cette définition ne tient pas compte des résultats isolés du test sérique.

La détermination du génotype du VHB a été réalisée sur un échantillon des prélèvements par le Centre national de référence (CNR) des virus des hépatites B, C et Delta, par analyse phylogénique de la séquence nucléotidique d’une portion du gène preS/S.

Analyse statistique

L’analyse des données a été réalisée avec le logiciel Stata 11® (Stata Corporation, College Station, Texas, États-Unis). Les comparaisons des proportions et des moyennes ont été réalisées à l'aide du test Chi2 ou du test de Student avec un seuil de significativité de 5%.

Éthique

La surveillance a reçu un avis favorable du Comité consultatif sur le traitement de l’information en matière de recherche dans le domaine de la santé (CCTIRS), ainsi que l’autorisation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil n° 908277).

Résultats

Caractéristiques épidémiologiques des participants

Entre 2008 et 2011, 4 610 patients ont été pris en charge pour une hépatite virale B chronique pour la première fois, dans l’un des trente-trois services experts participant à la surveillance et 3 672 (80%) patients ont accepté de participer. Majoritairement des hommes (59%), la moyenne d’âge des patients était de 38 ans (médiane 36 ans). Les hommes étaient plus âgés que les femmes (moyenne d’âge : 39 ans vs. 37 ans ; p<10-3). La majorité des patients (81%) était née en zone d’endémicité VHB forte ou modérée (respectivement 54% et 27%). Les patients nés en zone de faible endémicité (principalement en France métropolitaine) étaient plus âgés en moyenne (44 ans) que les patients nés en zone d’endémicité modérée (40 ans) ou forte (35 ans) (p<10-3) (tableau).

Parmi les 2 565 patients qui rapportaient une seule circonstance de découverte de la séropositivité de l’AgHBs, la découverte était principalement fortuite (70%), réalisée à l’occasion d’un bilan de santé systématique, lors d’un bilan de grossesse ou d’un don de sang, et ce quelle que soit la zone d’endémicité du pays de naissance du patient (tableau). Le dépistage était réalisé en raison d’un facteur de risque identifié ou dans le cadre d’une démarche diagnostique dans, respectivement, 14% et 13% des cas.

Le délai de prise en charge après la découverte de l’AgHBs positif était plus souvent supérieur à 2 ans chez les patients nés en zone de faible endémicité (46%) que chez les patients nés en zone d’endémicité modérée (38%) ou forte (32%) ; p<10-3.

Caractéristiques biologiques

L’antigène HBe était négatif pour 87% des patients. L’activité sérique des ALAT était supérieure à la valeur normale pour 28% des patients pour lesquels l’information était renseignée, cette proportion variant selon le statut AgHBe (57% chez les patients AgHBe(+) et 24% chez les AgHBe(-) ; p<10-3). La charge virale était ≥20 000 UI/mL pour 80% des patients AgHBe(+) et pour 15% des patients AgHBe(-). Le génotypage du VHB a été réalisé chez 610 patients : les génotypes D (33%), E (27%) et A (26%) étaient prédominants (tableau).

Les comorbidités

Une consommation excessive d’alcool était rapportée chez 8% des patients, plus fréquemment chez les hommes que chez les femmes (respectivement 12% vs. 2% ; p<10-3) et plus souvent chez les patients nés en zone de faible endémicité. Les sérologies VIH, VHC et VHD étaient renseignées pour respectivement 72%, 78% et 69% des patients et étaient positives pour, respectivement, 2%, 3% et 4% d’entre eux. Les patients présentant une co-infection VHD étaient plus jeunes (moyenne d’âge 38 ans) que les patients co-infectés VIH (40 ans) (p=0,3) ou VHC (44 ans) (p<10-3). La co-infection VHC concernait plus souvent les patients nés en zone de faible endémicité et la co-infection VHD les patients nés en zone de forte endémicité (tableau). Seize patients présentaient des coinfections virales multiples : VIH-VHC (N=5) ; VIH-VHD (N=2) ; VHC-VHD (N=6) ; VIH-VHD-VHC (N=3).

Tableau : Caractéristiques des patients naïfs de traitement antiviral nouvellement pris en charge au sein des services experts en hépatologie pour une hépatique B chronique, en fonction de la zone d’endémicité VHB du pays de naissance (N=3 672). France, 2008-2011
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Sévérité de l’atteinte hépatique

Au moment de la prise en charge, une information sur la réalisation d’une évaluation de la fibrose hépatique était disponible pour 3 364 patients (92%), parmi lesquels 1 033 (31%) n’avaient pas eu d’évaluation. Parmi les 2 331 patients évalués, l’élastographie impulsionnelle était majoritairement réalisée (67%) seule ou en association avec un test sérique d’évaluation de la fibrose. Une biopsie hépatique, seule ou associée aux tests non invasifs, était réalisée chez 27% des patients et un test sérique seul chez 6% d’entre eux.

Un score Métavir F3-F4 était diagnostiqué chez 25% des patients biopsiés (154/623) et les valeurs d’élastographie impulsionnelle étaient supérieures à 9 kPa chez 9% (148/1 572) des patients non biopsiés. Parmi les 883 patients pour lesquels il n’y avait pas d’information sur l’évaluation de la fibrose mais une évaluation du stade clinique disponible, un diagnostic de cirrhose ou de CHC avait été posé chez 50 d’entre eux (6%). Au total, une forme sévère d’atteinte hépatique était trouvée chez 352 (11,4%) des 3 078 patients évalués pour la sévérité de l’atteinte hépatique. Les hommes avaient plus souvent une atteinte sévère que les femmes (respectivement 16% vs. 5% ; p<10-3) et la moyenne d’âge des patients présentant une atteinte hépatique sévère était plus élevée (46 ans vs. 37 ans; p<10-3). Une forme sévère était également plus souvent diagnostiquée chez les patients nés en zone de faible endémicité VHB (15%) par rapport à ceux nés en zone d’endémicité modérée (13%) ou forte (9,5%) (p<10-3) mais cette différence disparaissait après ajustement sur le sexe et l’âge. On observait une proportion de formes sévères importante chez les patients co-infectés (VHC 41% ; VHD 32% ; VIH 31%), chez les consommateurs excessifs d’alcool (33%), chez les patients AgHBe(+) (21%) ainsi que chez les patients présentant des ALAT et une charge virale augmentées (figure).

Figure : Proportion des formes sévères de l’atteinte hépatique selon la co-infection virale, l’alcoolisation, le niveau des ALAT, la charge virale et le statut AgHBe des patients naïfs de traitement antiviral, nouvellement pris en charge pour une hépatite B chronique au sein des services experts en hépatologie. France, 2008-2011
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Discussion

Entre 2008 et 2011, 3 672 adultes atteints d’hépatite B chronique et naïfs de traitement antiviral ont été pris en charge dans les services experts en hépatologie participant à la surveillance nationale de l’hépatite B chronique. Les patients étaient en majorité des hommes et principalement nés dans des pays où la prévalence de l’antigène HBs est modérée ou élevée.

Ces données sont cohérentes avec les résultats de l’enquête de prévalence de 2004 1, qui montrait que la prévalence de l’AgHBs en France métropolitaine était plus élevée chez les hommes (1,10%) que chez les femmes (0,21%) et parmi la population née en zone d’endémicité VHB forte (4,01%) comparée à la population née en zone de faible endémicité (0,53%). Elles sont également cohérentes avec les résultats d’études réalisées dans divers pays européens, notamment au Royaume-Uni 4, en Italie 5, en Grèce 6 et en Norvège 7.

Dépistage et délai de prise en charge des personnes atteintes d’hépatite B chronique

Moins de 15% des patients nés en zone d’endémicité modérée ou forte pris en charge semblent avoir été dépistés sur la base des facteurs de risque. Si l’activité de dépistage de l’AgHBs est en constante augmentation en France depuis 2000, le taux de positivité diminue quant à lui 8, suggérant que le dépistage de l’AgHBs reste peu ciblé sur les populations les plus à risque. Or, le dépistage de l’hépatite B en France est recommandé « chez les partenaires sexuels ou personnes vivant sous le même toit de sujets atteints d’infection aiguë ou chronique par le VHB ». Il est, de plus, obligatoire chez les femmes au 6e mois de grossesse. Par ailleurs, il est recommandé avant la vaccination contre l’hépatite B chez les personnes à risque (1) (2).

Plus de la moitié des patients atteints d’hépatite B chronique nouvellement pris en charge dans les services experts le sont dans les deux ans qui suivent la découverte de la positivité de l’antigène HBs. Toutefois, cette prise en charge, si elle est précoce chez les personnes nées en zone d’endémicité VHB élevée, reste tardive chez les personnes nées en France métropolitaine.

Caractéristiques de l’hépatite B chronique à la prise en charge

La majorité des patients porteurs d’une hépatite B chronique pris en charge dans les services experts est AgHBe négatif (87%). Cette proportion est nettement plus élevée que celle observée en France en 1994 (22%) 9 ou en 2003 (72%) 10, mais semblable à celle observée dans une récente étude multicentrique européenne 11. L’hépatite chronique « AgHBe négatif » est devenue la forme majoritaire des infections chroniques à VHB dans de nombreux pays 10. Cette évolution est multifactorielle et reflète l’impact probable des modifications intervenues au cours du temps, des flux migratoires, de la couverture vaccinale anti-VHB dans la population et des traitements antiviraux spécifiques 12. Bien que l’hépatite B chronique AgHBe (+) soit associée à une charge virale et à un taux d’ALAT élevés, il est intéressant de noter que 15% des patients AgHBe négatif ont une charge virale supérieure à 20 000 UI/mL. Ces patients ont des lésions hépatiques susceptibles de progresser vers une cirrhose 10,13. Il est important de rappeler la nécessité d’un suivi régulier des ALAT et de la charge virale VHB chez les patients atteints d’hépatite B chronique, y compris chez les patients séronégatifs vis-à-vis de l’AgHBe. En effet, l’indication d’un traitement antiviral pour contrôler la charge virale du VHB peut être nécessaire pour limiter la progression vers la cirrhose.

La distribution des génotypes du VHB est le reflet de l’origine géographique des patients, le génotype D se trouvant principalement en Europe et dans le Bassin méditerranéen, le génotype E en Afrique subsaharienne et le génotype A en Europe occidentale. Cette répartition est comparable, à un moindre degré, pour le génotype E (dû notamment à la population d’études), à celle observée chez les donneurs de sang français dépistés positifs pour l'AgHBs (génotype D (42%), E (17%) et A (27%)) 14.

Une atteinte hépatique sévère est présente au moment du premier contact avec les services experts en hépatologie chez 11% des patients. La consommation excessive d’alcool et la co-infection virale étant les principaux facteurs favorisant la progression vers la cirrhose 15, une prise en charge de la maladie alcoolique et la recherche systématique d’une co-infection virale chez le porteur B chronique sont indispensables pour limiter l’évolution de la maladie vers les formes sévères.

Particularités des personnes nées en zone de faible endémicité VHB

Les patients nés en France métropolitaine représentent 19% des personnes prises en charge. Ces patients sont plus âgés que ceux nés dans des zones d’endémicité VHB plus élevée, et leur prise en charge dans un service expert en hépatologie est plus tardive.

Contrairement aux patients nés en zone d’endémicité plus élevée, où le risque de transmission du VHB lors de l’accouchement ou pendant l’enfance est important 16, les patients nés en zone de faible endémicité sont plus souvent infectés à l’âge adulte, en lien avec une transmission sexuelle. Ils présentent également plus souvent des comorbidités que les patients nés en zone d’endémicité VHB plus élevée, ce qui contribue à la sévérité de l’atteinte hépatique. Ces patients peuvent avoir eu plus souvent recours à une prise en charge spécialisée en dehors des services experts ou avoir bénéficié d’un suivi médical par le médecin généraliste avant d’être adressés pour avis dans un service expert. Ceci pourrait expliquer une prise en charge plus tardive par les services experts.

Limites

Notre étude présente plusieurs limites. La collecte des données était transversale et réalisée dans les semaines suivant la prise en charge initiale du patient par le service expert. Nous avons été confrontés à une proportion importante de données manquantes. Certains examens complémentaires (biologiques, histologiques, virologiques…), qui ont pu être réalisés plus tardivement, n’ont donc pas pu être pris en compte dans le recueil. Nous précisons également que les patients pris en charge dans la surveillance ne sont pas représentatifs de l’ensemble des personnes prises en charge pour une hépatite B chronique en France. En effet, la prise en charge de l’hépatite B chronique n’est pas limitée aux services experts. Les patients peuvent avoir été pris en charge ailleurs, par des services d’hôpitaux généraux ou en consultation de ville et adressés aux services experts dans un second temps, pour avis. Cependant, cette surveillance repose sur la majorité des services experts en hépatologie (France métropolitaine et départements d’outre-mer). Elle permet de décrire les caractéristiques épidémiologiques d’un nombre élevé de patients, jamais atteint dans les précédentes études françaises en raison d’un nombre limité de sites participants et d’une distribution géographique restreinte 11,17.

Eléments de réflexion pour l’amélioration du partage des connaissances sur l’hépatite B

Le retard au recours au service expert en hépatologie que nous observons chez certains patients atteints d’hépatite B chronique pourrait être lié à une rupture du suivi médical en rapport avec leur parcours de vie. Il pourrait être également le reflet d’une information insuffisante ou mal comprise sur la nécessité d’un suivi régulier clinique et biologique de l’hépatite chronique.

Il y aurait sans doute un intérêt à renforcer la concertation entre les médecins de ville et les services experts afin que le premier contact pour avis d’expert s’inscrive plus précocement dans le parcours coordonné de soins de ces patients.

Promouvoir l’information sur l’hépatite B des différents professionnels de santé et intégrer la problématique de l’hépatite B dans la formation continue des praticiens ont été jugés comme prioritaires dans le plan national de lutte contre les hépatites B et C 2009-2012 (3). Ces mesures devraient faciliter ce parcours de soins coordonné pour une prise en charge adaptée des patients.

Conclusion

Nos résultats indiquent qu'il persiste un besoin d'information sur l'hépatite B. Les campagnes de communication et d’information doivent être soutenues auprès du grand public et des professionnels de santé. Les messages prioritaires concernent le renforcement du dépistage de l’AgHBs chez les sujets les plus à risque d’être porteurs d’une hépatite B, afin de les prendre en charge rapidement et de proposer la vaccination à leur entourage indemne et la nécessité d’un suivi régulier de la progression de la maladie chez les porteurs d’une hépatite B chronique.

Remerciements

Nous remercions l’Association française pour l’étude du foie, la Fédération nationale des pôles de référence et réseaux hépatites, les virologues qui ont participé au volet virologique de la surveillance, les cliniciens ainsi que les attachés et techniciens de recherche clinique des 33 services experts en hépatologie (pôles de référence) :
1. Alsace, Nouvel Hôpital Civil de Strasbourg, Pôle hépato-digestif - Pr M Doffoel ; 2. Antilles-Guyane, CHU de Fort de France, Service d’hépato-gastro-entérologie - Dr F Lombard ; 3. Antilles-Guyane, CHU de Pointe-à-Pitre, Service d’hépato-gastro-entérologie - Dr E Saillard, Dr M Gelu-Simeon ; 4. Région Aquitaine, CHU de Bordeaux, Hôpital Haut-Lévêque, Service d’hépato-gastro-entérologie - Pr V De Ledinghen ; 5. Région Basse Normandie, CHU de Caen, Service d’hépato-gastro-entérologie - Pr T Dao, Dr C Guillemard ; 6. Région Bourgogne, Hôpital du Bocage, Service d’hépato-gastro-entérologie - Pr P Hillon, Dr A Minello ; 7. Région Bretagne, CHRU Pontchaillou, Rennes, Clinique des maladies du foie - Pr D Guyader ; 8. Région Centre, CHU de Tours, Hôpital Trousseau, Service d’hépato-gastro-entérologie - Pr E Dorval, Dr Y Bacq ; 9. Région Centre, CHR d’Orléans, Hôpital de la Source, Service d’hépato-gastro-entérologie - Dr Causse ; 10. Région Champagne-Ardenne, CHU de Reims, Hôpital Robert Debré, Service d’hépato-gastro-entérologie - Pr G Thiefin, Dr B Bernard-Chabert ; 11. Région Franche-Comté, CHU de Besançon, Service d’hépatologie - Pr V Di Martino ; 12. Région Haute Normandie, CHU Rouen, Hôpital Charles Nicolle, Service d’hépato-gastro-entérologie - Pr E Lerebours, Dr O Goria ; 13. Région Île-de-France (réseau Paris Nord) CHU Bichat Beaujon, Clichy, Service d’hépatologie - Pr P Marcellin ; 14. Région Île-de-France (réseau Paris Est), Hôpital Saint-Antoine, Service d’hépato-gastro-entérologie - Pr R Poupon, Dr L Serfaty ; 15. Région Île-de-France (réseau Sud-Est), CHU Créteil, Service d’hépato-gastro-entérologie - Pr A Mallat, Dr C Hezode ; 16. Région Île-de-France (réseau Paris Ouest), Hôpital Cochin, Service d’hépatologie - Pr S Pol ; 17. Région Ile de France (réseau Est, Bondy), Hôpital Jean Verdier, Service d’hépatologie - Pr M Beaugrand, Dr V Grando ; 18. Région Île-de-France (réseau Est, Bobigny), Hôpital Avicenne, Unité d’hépatologie - Pr D Roulot ; 19. Région Île-de-France (Villejuif), Hôpital Paul Brousse, Service d’hépatologie - Pr D Samuel, Dr B Roche ; 20. Région Languedoc-Roussillon, CHU Montpellier, Service d’hépato-gastro-entérologie - Pr D Larrey ; 21. Région Languedoc-Roussillon, Hôpital Saint Jean, Perpignan, Service d’hépato-gastro-entérologie - Dr AJ Remy ; 22. Région Limousin, CHU de Limoges, Service de gastro-entérologie - Pr D Sautereau, Pr V Loustaud-Ratti ; 23. Région Lorraine, CHR de Metz, Service de gastro-entérologie - Dr JJ Raabe ; 24. Région Lorraine CHU de Nancy, Service d’hépato-gastro-entérologie - Pr JP Bronowicki, Dr M Bensenane-Oussalah ; 25. Région Midi-Pyrénées, CHU Purpan, Toulouse, Service d’hépato-gastro-entérologie - Pr JP Vinel, Dr S Métivier ; 26. Région Nord-Pas de Calais, CHRU de Lille, Service de gastro-entérologie - Pr A Cortot, Dr V Canva ; 27. Région Pays de Loire Est, CHU d’Angers, Service d’hépato-gastro-entérologie - Pr Cales, Dr I Fouchard-Hubert ; 28. Région Picardie, CHU D’Amiens, Service d’hépato-gastro-entérologie - Dr D Capron ; 29. Région Poitou-Charentes, Hôpital Jean Bernard, Poitiers, Service d’hépato-gastro-entérologie - Pr C Silvain, Dr V Roumy ; 30. Région PACA, CHU de Nice, Service d’hépato-gastro-entérologie - Pr A Tran, Dr E Marine-Barjoan ; 31. Région PACA, Hôpital de la Conception, Marseille, Service d’hépatologie - Pr D Botta-Fridlund, Dr I Portal ; 32. Région Rhône-Alpes Nord, CHU Lyon, Service d’hépato-gastro-entérologie - Pr C Trepo, Pr F Zoulim ; 33. Région Rhône-Alpes Sud, CHU Grenoble, Service d’hépato-gastro-entérologie - Pr JP Zarski.

Références

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Citer cet article

Pioche C, Brouard C, Chevaliez S, Alric L, Couzigou P, Delarocque-Astagneau E, et al. Hépatite B chronique : prise en charge en France entre 2008 et 2011. Bull Epidémiol Hebd. 2014;(12):210-6.