Maladie d’Alzheimer et démences apparentées : taux d’ALD, de patients hospitalisés et de mortalité en France métropolitaine, 2007 et 2010

// Long-term affection status, hospitalized patients and mortality rates related to Alzheimer’s disease and dementia in metropolitan France, 2007 and 2010

Nicolas Duport (n.duport@invs.sante.fr), Marjorie Boussac-Zarebska, Aude-Emmanuelle Develay, Isabelle Grémy
Institut de veille sanitaire, Saint-Maurice, France
Soumis le 20.02.2013 / Date of submission: 02.20.2013
Mots-clés : Maladie d’Alzheimer | Démence | Hospitalisation | Mortalité | Épidémiologie | France
// Keywords: Alzheimer’s disease | Dementia | Hospitalization | Mortality | Epidemiology | France

Résumé

Objectifs –

Ce travail dresse un état des lieux de la maladie d’Alzheimer et autres démences (MAAD) en France métropolitaine, à travers les bases de données existantes, et ouvre la discussion sur les modalités de surveillance à mettre en place à partir des bases médico-administratives et des causes médicales de décès.

Méthodes –

Les données portent sur deux années (2007 et 2010) et sont issues des bases des affections de longue durée (ALD) de l’assurance-maladie, des hospitalisations (séjours et patients) et des certificats de décès. L’algorithme de sélection correspond aux codes CIM-10 relatifs aux MAAD (G30, F00, F01, F03).

Résultats –

En 2010, 316 115 personnes étaient en ALD15 ; 228 190 ont été hospitalisées avec une MAAD et 54 291 sont décédées avec une MAAD. Entre 2007 et 2010, malgré la courte période d’étude, le nombre de patients en ALD15 a augmenté de 14,6%, le nombre de personnes hospitalisées avec une MAAD a augmenté de 23,6% et le nombre de décès avec une MAAD a augmenté de 13,9%.

Conclusion –

Ces résultats mettent en lumière le poids considérable, et en augmentation, de la maladie d’Alzheimer et démences apparentées pour la société. Ils confirment de plus l’intérêt de l’analyse des bases médico-administratives, si possible en les croisant, et des causes médicales de décès dans la surveillance de ces pathologies, en complément des cohortes.

Abstract

Objectives –

This study aimed i) to draw up an overview of Alzheimer’s disease and other dementia (ADD) in metropolitan France using Health and Death National databases; ii) to test whether the surveillance of these pathologies is feasible or not, using these databases.

Methods –

Data of years 2007 and 2010 are drawn from three national databases: i) long-term affection status (ALD) database, ii) hospital discharge database, and iii) medical causes of death database. Patients were selected by four ICD10 codes matching Alzheimer’s disease and other dementia (i.e. G30, F00, F01, F03).

Results –

In 2010, 316,115 people had the long-term status for ADD, 228,190 were hospitalized with ADD, and 54,291 deceased with ADD. Between 2007 and 2010, despite the short interval time, the number of patients having a long-term status for ADD increased by 14.6%, the number of hospitalized patients with ADD increased by 23.6%, and the number of deaths with ADD increased by 13.9%.

Conclusion –

These results highlight the considerable and increasing burden of Alzheimer’s Disease and other dementia. They also show that the surveillance of these pathologies from the national databases is feasible and complementary to the cohorts, particularly using databases crossing.

Introduction

La maladie d’Alzheimer et autres démences (MAAD) constituent aujourd’hui un enjeu de santé publique d’une grande ampleur dans tous les pays développés. D’après le CépiDc (Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès, Inserm), elles sont la quatrième cause de décès (cause initiale) pour l’année 2008 après les tumeurs, les pathologies cardiovasculaires et les accidents, avec une progression de +71,8% depuis 2000 1. De plus, en 2010, en France, le nombre de personnes atteintes de MAAD a été estimé, après extrapolation de données issues d’études françaises et européennes, entre 750 000 et 1 000 000, selon les hypothèses, avec des projections entre 1,29 et 1,40 million de personnes en 2030 2,3.

Actuellement, il n’existe aucune surveillance de l’incidence et de la prévalence de ces pathologies. L’objectif de l’étude était, d’une part, de dresser un état de lieux des MAAD en France à travers les bases de données existantes et, d’autre part, de discuter des modalités de surveillance à mettre en place à partir des bases médico-administratives et des causes médicales de décès.

Méthodologie

Les analyses ont porté sur les données de 2007 et 2010, issues de trois bases : deux bases médico-administratives que sont les affections de longue durée (ALD) d’une part et les hospitalisations (via le Programme de médicalisation des systèmes d’information, PMSI) d’autre part, et la base des causes médicales de décès du CépiDc. Les pathologies sont codées dans ces trois bases selon la 10e révision de la Classification internationale des maladies (CIM-10). Les codes retenus pour l’analyse correspondent à la maladie d’Alzheimer, soit F00 (F00.0/F00.1/F00.2/F00.9) et G30 (G30.0/G30.1/G30.8/G30.9), et aux démences apparentées, soit F01 (F01.0/F01.1/F01.2/F01.3/F01.8/F01.9) pour les démences vasculaires et F03 pour les démences sans précision. Ce sont les pathologies retenues dans l’Expertise collective de l’Inserm publiée en 2008 4.

Données sur les ALD

Les données sur les ALD ont été fournies sous forme agrégée par classes d’âge par les trois principaux régimes de l’assurance-maladie (Caisse nationale de l’assurance-maladie des travailleurs salariés (CnamTS), sections locales mutualistes (SLM) incluses, Régime social des indépendants (RSI) et Mutualité sociale agricole (MSA)) en prévalence (calculée au 31 décembre de l’année considérée pour les ALD accordées) et en incidence.

L’analyse a porté sur l’ALD15, correspondant aux MAAD, en France métropolitaine pour 2007 et 2010.

Les calculs portant sur l’âge de mise en ALD ont été réalisés à partir de l’Échantillon généraliste des bénéficiaires (EGB), échantillon représentatif (au 1/97e) de la population couverte par l’assurance-maladie. En 2007 et 2010, seul le Régime général (hors SLM) alimentait l’EGB. Le calcul des âges moyens et médians de mise en ALD15 a donc été réalisé sur les bénéficiaires de ce seul régime.

Données sur les hospitalisations

Les données sur les hospitalisations proviennent de la base nationale du PMSI-MCO (médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie) constituée par l’Atih (Agence technique de l’information sur l’hospitalisation). Chaque hospitalisation en court ou moyen séjour fait l’objet d’un résumé d’unité médicale comportant les diagnostics principal (DP), relié (DR) et associés significatifs (DAS) ainsi que les actes médicaux effectués au cours du séjour.

Entre 2007 et 2010, la version du PMSI a évolué, modifiant notamment la définition du DP pour les séjours multi-unités : en 2007, il correspondait à l’affection qui avait mobilisé l’essentiel de l’effort de soins ; en 2010, il correspondait au motif d’admission.

Les séjours hospitaliers des personnes de tous âges résidant en France métropolitaine, pour lesquels un des codes (MAAD) était présent en DP, DR ou DAS, à l’exclusion des séjours classés dans la Catégorie majeure de diagnostic 90 (CMD90, correspondant à des erreurs ou des séjours inclassables), ont été sélectionnés. Dans un second temps, la sélection des patients a été réalisée à partir du chaînage des séjours, en conservant le dernier pour ne pas perdre la notion de décès à l’hôpital.

Données de mortalité

Les données de mortalité ont été fournies par le CépiDc, qui recueille la partie médicale de tous les certificats de décès. Celle-ci est divisée en deux sections. La première porte sur les causes du décès et permet au médecin certificateur de décrire l’enchaînement causal des maladies ayant conduit au décès. La deuxième permet de notifier les autres états morbides qui ont pu contribuer au décès. Le CépiDc, après avoir analysé les diagnostics inscrits sur les certificats, les code selon la CIM-10.

L’analyse a porté sur les décès survenus en France métropolitaine en 2007 et 2010. Elle a été réalisée en utilisant l’ensemble des causes (initiale et associées) enregistrées pour chaque décès (analyse en causes multiples).

Analyses

Les taux d’ALD15, de patients hospitalisés et de mortalité ont été calculés en utilisant les données de population fournies par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Ils sont présentés bruts et standardisés (standardisation directe), en utilisant la population française au recensement (Insee) de 2006 comme référence de la structure d’âge, afin de tenir compte de l’augmentation et du vieillissement de la population, et par tranches d’âge quinquennales, afin d’avoir une homogénéité entre les différentes bases (les ALD15 n’étant disponibles que de manière agrégée).

Étant donné les effectifs très importants, nous avons considéré que les taux étaient significativement différents dès que les intervalles de confiance à 95% étaient disjoints.

Résultats

Les principaux résultats concernant les analyses 2007 et 2010 des trois bases sont présentés dans le tableau 1.

Tableau 1 : Caractéristiques et taux de patients en ALD pour MAAD, hospitalisés avec une MAAD, ou décédés avec une MAAD, France métropolitaine, 2007 et 2010
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La figure 1 et la figure 2 présentent les taux spécifiques de patients hospitalisés et de décès par classes d’âge (après 70 ans) selon le sexe, respectivement pour les années 2007 et 2010. La figure 3 et la figure 4 présentent les taux spécifiques d’ALD15 (en prévalence) par classes d’âge (après 70 ans) selon le sexe, respectivement pour les années 2007 et 2010.

Figure 1 : Maladie d’Alzheimer et démences apparentées (MAAD) : taux spécifiques de patients hospitalisés et de mortalité par classes d’âge selon le sexe chez les personnes de 70 ans et plus pour l’année 2007, France métropolitaine
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Figure 2 : Maladie d’Alzheimer et démences apparentées (MAAD) : taux spécifiques de patients hospitalisés et de mortalité par classes d’âge selon le sexe chez les personnes de 70 ans et plus pour l’année 2010, France métropolitaine
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Figure 3 : Maladie d’Alzheimer et démences apparentées (MAAD) : taux spécifiques d’ALD15 (en prévalence) par classes d’âge selon le sexe chez les personnes de 70 ans et plus pour l’année 2007, France métropolitaine
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Figure 4 : Maladie d’Alzheimer et démences apparentées (MAAD) : taux spécifiques d’ALD15 (en prévalence) par classes d’âge selon le sexe chez les personnes de 70 ans et plus pour l’année 2010, France métropolitaine
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ALD15

En 2010, comparativement à 2007, le nombre total de personnes en ALD15 a augmenté de 14,6% et celui des nouvelles mises en ALD15 a augmenté de 14,0%. Les femmes étaient majoritaires, représentant presque les trois-quarts du nombre total des ALD15 en 2007 et 2010, et plus de 70% des nouvelles mises en ALD15.

Globalement, les taux standardisés de patients en ALD15 avaient significativement augmenté, de même que les taux standardisés de nouvelles mises en ALD15, avec 87,9/100 000 personnes-années en 2007 et 92,2 en 2010.

Aussi bien en 2007 qu’en 2010, les taux de patients en ALD étaient significativement plus élevés chez les femmes que les hommes. En 2007, ils étaient significativement plus élevés chez les hommes avant 60 ans. À partir de l’âge de 65 ans, ils devenaient significativement supérieurs chez les femmes. En 2010, ils étaient significativement plus élevés chez les hommes avant 55 ans et devenaient significativement plus élevés chez les femmes à partir de 70 ans. Entre 2007 et 2010, il y a eu un rapprochement des taux spécifiques par âge des hommes et des femmes à l’exception des âges extrêmes (95 ans et plus).

Dans l’EGB, 402 personnes au total en 2007 et 459 en 2010 ont été mises en ALD15. Leur âge moyen était très proche pour les deux années, autour de 82 ans.

Hospitalisations

Entre 2007 et 2010, le nombre de séjours liés à une MAAD a augmenté de 7,8% (316 364 en 2007 et 341 058 en 2010). La durée de séjour était renseignée dans 96,3% des cas en 2007 et 100% en 2010. La durée médiane des hospitalisations complètes en 2007 et 2010 (au moins une nuit ou séjour dont l’issue était le décès) était de 9 jours. Le DP était l’un des codes correspondant à une MAAD, pour l’ensemble des séjours, dans 21,7% et 18,7% des cas en 2007 et 2010 respectivement. Les comorbidités les plus fréquentes étaient une maladie cardiovasculaire ou neurovasculaire, une maladie respiratoire infectieuse ou d’inhalation et un traumatisme (notamment fracture du fémur).

Après chaînage des séjours (2,5% non chaînables en 2007, 2,9% en 2010), le nombre de patients hospitalisés avec une MAAD était de 184 579 en 2007 et 228 190 en 2010, soit une augmentation de 23,6%. Ces effectifs, dont l’augmentation en trois ans était significative, correspondaient à des taux standardisés (tous âges) de 0,29% en 2007 et de 0,32% en 2010. Ces taux augmentaient significativement avec l’âge : de 1,7% en 2007 et 1,9% en 2010 chez les personnes de 65 ans et plus, à 4,3% en 2007 et 4,9% en 2010 chez celles de 80 ans et plus. La majorité des patients (75,8% en 2007 et 75,2% en 2010) avait été hospitalisée une seule fois au cours de l’année. La proportion de séjours multiples ne variait pas selon l’âge.

Parmi ces patients hospitalisés, les femmes étaient largement majoritaires, représentant 69% et 66% des patients hospitalisés en 2007 en 2010 respectivement. Même si les taux étaient significativement supérieurs chez les femmes, le ratio entre femmes et hommes était proche de 1.

En effet, en 2007 comme en 2010, l’évolution des taux spécifiques par classes d’âge différait selon le sexe : avant 75 ans, ceux des femmes étaient significativement inférieurs à ceux des hommes avec un ratio de 0,85 ; entre 75 et 79 ans, ils étaient semblables pour les deux sexes ; à partir de 80 ans, ils devenaient systématiquement supérieurs chez les femmes avec un ratio de 1,05.

Entre 2007 et 2010, l’âge moyen à l’hospitalisation avait significativement (p<10-3) augmenté de 0,6 an. Pour ces deux années, il était significativement plus élevé (p<10-3) chez les femmes que chez les hommes de presque 3 ans. Il était globalement significativement supérieur de 0,9 an (p<0,01) en 2007 et de 1,7 ans (p<10-3) en 2010 à celui de mise en ALD15.

Sur l’ensemble des patients hospitalisés avec une MAAD, 8,7% (n=16 100) en 2007 et 9,0% (n=20 577) en 2010 sont décédés à l’hôpital. En 2007 comme en 2010, les femmes étaient plus nombreuses (respectivement 56,2% et 56,8%) à décéder avec un sexe-ratio (F/H) de 1,3. Cependant, la répartition par sexe des décès de patients hospitalisés était différente selon l’âge : les hommes étaient majoritairement touchés avant 80 ans. À partir de 80 ans, les femmes devenaient majoritaires.

Mortalité

Entre 2007 et 2010, le nombre de certificats mentionnant une MAAD en causes multiples a augmenté de 13,9%. Parmi ces décès, plus d’un sur 2 mentionnait ces pathologies en cause initiale, en 2007 comme en 2010. Les décès spécifiquement liés à la maladie d’Alzheimer (codes F00 et G30) représentaient 52,9% des décès en causes multiples (n=25 197) en 2007 et 53,4% (n=28 984) en 2010. La quasi-totalité (>99%) des décès est survenue chez des personnes de 65 ans et plus.

En 2007, les décès avec une MAAD représentaient 11,4% de l’ensemble des 418 760 décès toutes causes survenus chez les personnes de 65 ans et plus. En 2010, cette proportion était de 12,6% (sur 430 007 décès).

Entre 2007 et 2010, les taux standardisés globaux de mortalité liée à une MAAD avaient significativement augmenté. Cette différence s’accentuait lorsqu’ils étaient calculés chez les personnes de 65 ans et plus, et encore plus chez les personnes de 80 ans et plus, avec des taux de 1 328,2/100 000 personnes-années en 2007 et de 1 377,3/100 000 en 2010.

En nombre absolu, les décès avec une MAAD concernaient environ 2 fois plus souvent les femmes que les hommes, en 2007 comme en 2010, ce que confirment également les taux bruts. En revanche, aussi bien en 2007 qu’en 2010, les hommes avaient des taux standardisés de mortalité significativement plus élevés que les femmes. Ainsi, entre 2007 et 2010, les taux standardisés chez les hommes avaient significativement augmenté, qu’ils soient calculés globalement ou spécifiquement sur des personnes plus âgées (65 ans et plus). Chez les femmes en revanche, seuls les taux calculés chez les personnes de 80 ans et plus étaient significativement supérieurs en 2010 par rapport à ceux de 2007.

L’évolution des taux spécifiques par classes d’âge était différente selon le sexe : avant 90 ans, les taux étaient assez proches entre les femmes et les hommes bien que significativement supérieurs chez les hommes avant 80 ans en 2007 et avant 85 ans en 2010. Ce n’est qu’à partir de 90 ans en 2007 et 95 ans en 2010 que les femmes avaient un taux spécifique de mortalité significativement supérieur à celui des hommes.

Entre 2007 et 2010, l’âge moyen au décès avait significativement (p<10-3) augmenté de 0,5 an. Pour ces deux années, il était significativement plus élevé (p<10-3) chez les femmes que chez les hommes, de plus de 3 ans. Globalement, l’âge moyen était significativement supérieur (p<10-3) d’environ 3,5 ans à celui à l’hospitalisation et significativement supérieur (p<10-3) de plus de 4,4 ans à celui de mise en ALD15.

Discussion

Cette étude a montré que le poids des MAAD est considérable pour la société. En 2010, plus de 300 000 personnes étaient en ALD pour MAAD, près de 230 000 ont été hospitalisées au moins 1 fois (pour MAAD, bilan de MAAD ou pour une autre cause mais en lien avec une MAAD) pour un total de plus de 340 000 séjours hospitaliers, et plus de 54 000 personnes avec une MAAD sont décédées. L’étude a confirmé la prédominance féminine de ces pathologies, en particuliers aux âges avancés, avec un sexe-ratio F/H proche de 2 pour les hospitalisations et supérieur à 2 autrement.

L’étude a également montré que, globalement, entre 2007 et 2010, le poids des MAAD avait augmenté malgré la courte période d’étude. L’augmentation a été respectivement, pour les effectifs et les taux bruts, de 14,6% et 12,8% pour les ALD15, 23,6% et 21,7% pour les patients hospitalisés, et 13,9% et 12,1% pour la mortalité. Cette augmentation se voyait également dans le nombre de nouvelles mises en ALD, qui était de 14,0% entre 2007 et 2010 et qui est potentiellement un reflet de la dynamique de la pathologie.

Une grande partie de cette augmentation est imputable au vieillissement de la population. La prise en compte de l’effet âge par la standardisation des taux explique l’atténuation de leur évolution. L’augmentation des taux standardisés entre 2007 et 2010 est de respectivement 4,9% pour les ALD15, 12,9% pour les patients hospitalisés et 2,3% pour la mortalité. Cependant, la standardisation utilisée est basée sur les tranches d’âge quinquennales et non sur l’âge lui-même, ce qui ne gomme pas complètement l’effet de l’âge. Il persiste donc une part du vieillissement dans ces augmentations, même si elle est extrêmement atténuée par la standardisation. L’inversion entre les taux bruts de mortalité (supérieurs chez la femme) et les taux standardisés (supérieurs chez l’homme) s’explique, en grande partie, par le fait que l’évolution des taux de mortalité par âge chez l’homme est différente de celle chez la femme. Les taux bruts donnent une idée du poids de la maladie, les taux standardisés permettent de suivre les évolutions à âge et sexe comparables.

Ces bases de données ont cependant plusieurs limites, qui conduisent à une sous-estimation importante du poids des MAAD. La principale est le fait de ne sélectionner que les personnes qui ont bénéficié d’une prise en charge médicale de leur pathologie. À cette limite s’ajoute que, dans certains cas, la MAAD est secondaire par rapport à la comorbidité et n’est pas codée, soit par méconnaissance, soit parce que le médecin estime qu’il n’y a pas de lien de cause à effet. Dans plusieurs pays, dont la France, on estime que seulement 50% des patients avec une MAAD sont repérés par le système de santé 2,5,6,7,8.

D’autres limites sont principalement inhérentes aux bases elles-mêmes. La première est une disponibilité avec un délai parfois de plusieurs années ne permettant pas une surveillance en temps réel. Néanmoins, les pathologies chroniques évoluent lentement et cette limite a donc un impact assez faible. La deuxième limite réside dans l’évolution périodique des règles de codage, qui peut introduire des ruptures de tendance et une difficulté dans les interprétations. Enfin, des changements importants peuvent survenir au cours du temps concernant i) le recours aux soins des personnes atteintes d’une MAAD : la manière de demander et/ou d’accorder l’ALD15 pourrait évoluer avec le temps, l’accès aux soins pourrait également évoluer, notamment grâce au Plan Alzheimer 2008-2012 9 qui a impulsé la création des Maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer (MAIA, objectif 2, mesure 4) et le développement des centres mémoires (objectif 4, mesures 11 et 12) ou ii) les possibilités de suivre les patients pris en charge, comme, par exemple, en cas de décision de déremboursement des traitements spécifiques pour maladie d’Alzheimer.

Ces limites font que l’analyse des bases médico-administratives (ALD, PMSI) ne permet d’estimer ni l’incidence ni la prévalence de la maladie mais pourrait, en revanche, permettre d’estimer la prévalence des MAAD prises en charge médicalement. Cependant, l’analyse séparée des bases ne permet pas non plus de l’estimer, puisqu’il n’est pas possible de déterminer la proportion de personnes hospitalisées qui ne sont pas en ALD15, ni la proportion des personnes sous traitements spécifiques qui n’ont ni été hospitalisées ni mises en ALD15.

En 2011, Tuppin et coll. 10 se sont intéressés au croisement de ces différentes sources de données pour estimer la prévalence des personnes prises en charge pour une MAAD à partir du SniirAM (uniquement chez les bénéficiaires du Régime général, SLM incluses, ce qui représente 86% de la population générale), en détaillant notamment les différentes proportions de croisement entre ALD15, PMSI et également les remboursements pour traitements spécifiques de MAAD. Dans leur étude, pour l’année 2007, la proportion de personnes en ALD15 qui ont été hospitalisées était de 7,1%. Cette proportion variait peu puisqu’elle était de 7,2% pour l’année 2009. Ils ont montré que la prise en compte des remboursements pour traitements spécifiques de MAAD était majeure dans l’estimation de la prévalence puisque la part supplémentaire due aux traitements spécifiques seuls (parmi les personnes ni en ALD15 ni hospitalisées) était en 2007 de 33,9%.

En appliquant les mêmes proportions, calculées par Tuppin et coll., aux données d’ALD15 de notre étude, soit 275 000 personnes en ALD15 en 2007, nous pourrions alors ajouter environ 35 000 personnes hospitalisées (diagnostic principal de MAAD) - mais sans ALD15 - et environ 105 000 personnes sous traitement spécifique - mais sans ALD15 ni hospitalisation. La prévalence estimée des personnes prises en charge pour une MAAD pour l’année 2007 serait alors de l’ordre de 415 000 personnes versus 426 000 personnes (après extrapolation à la population générale) dans leur étude, ce qui a priori semble assez cohérent. Cependant, d’une part, à la fois leur extrapolation et l’application de leurs proportions à nos données ont comme pré-requis fort que les autres régimes d’assurance-maladie (en particulier MSA et RSI) ont des résultats proches du Régime général. D’autre part, dans leur étude, ils ont considéré les hospitalisations sous le seul angle du diagnostic principal, ce qui exclut a priori les personnes hospitalisées avec une MAAD mais pour une autre cause (soit 78,2% des hospitalisations en 2007). Enfin, les codes CIM-10 correspondant à MAAD étaient différents : dans leur étude, les codes étaient G30 et de F00 à F99 alors que dans la nôtre, la MAAD était définie par les quatre codes de la CIM-10 correspondant à la maladie d’Alzheimer G30 et F00 et aux démences apparentées F01 et F03.

Les estimations françaises de prévalence et d’incidence des MAAD sont issues d’extrapolations de cohortes françaises, en particulier la cohorte Paquid, et européennes 2,3. Dans les cohortes, ces pathologies sont recherchées activement, ce qui permet de les repérer dès les stades précoces, et utilisent des outils standardisés limitant les erreurs diagnostiques et permettant d’identifier les patients déments non diagnostiqués et non pris en charge. Cependant, elles ont quelques limites. La première est la faible représentativité nationale due à un développement souvent très local (deux départements, la Dordogne et la Gironde, pour la cohorte Paquid). La deuxième est l’attrition de sélection, en particulier chez les personnes âgées, qui est un biais de sélection potentiellement important et dû à un excès de morbidité et de mortalité de la population étudiée, conduisant à un refus de participation ou une impossibilité de suivi des plus touchés. Ce phénomène est décrit depuis les années 1970 pour les études longitudinales, et clairement évoqué en 1987 pour celles portant sur les démences 11. Il a comme conséquence une sous-estimation de l’incidence et de la prévalence qui a été estimée au maximum à 30% dans une étude canadienne 4. Cependant, ce biais est bien connu et est désormais considérablement réduit par l’approche très active mise en œuvre. L’analyse des bases médico-administratives (ALD, PMSI, SniirAM pour les traitements spécifiques) et des causes médicales de décès est donc complémentaire des cohortes.

Lorsque les ALD de la MSA auront pu être intégrées aux bases interrégimes de l’assurance-maladie, il sera possible d’estimer la prévalence des personnes prises en charge médicalement pour une MAAD à partir du SniirAM en estimant les parts respectives des ALD15, hospitalisations liées à une MAAD (diagnostics principaux mais également reliés et associés significatifs) et des traitements spécifiques pour maladie d’Alzheimer avec une couverture de la population générale de 95,5%. Cette évolution devrait être opérationnelle à partir de 2014.

En conclusion, ces résultats mettent en lumière le poids considérable et en augmentation de la maladie d’Alzheimer et démences apparentées pour la société. Ils confirment de plus, malgré leurs limites, l’intérêt de l’analyse croisée des bases médico-administratives et des causes médicales de décès dans la surveillance de la prévalence et de l’incidence des personnes prises en charge médicalement pour ces pathologies, en complément des cohortes.

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