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PROPHYLAXIE DES INFECTIONS À MÉNINGOCOQUE
Circulaire DGS/PGE/1 C du 5 février 1990

Le méningocoque est une bactérie responsable d'environ 30 % des méningites bactériennes en France. La mortalité de cette infection est loin d'être négligeable malgré la sensibilité de la bactérie aux antibiotiques.

Une prophylaxie bien conduite dans l'entourage d'un cas doit permettre d'éviter la survenue de cas secondaires. Cependant, l'épidémiologie de cette infection est souvent mai connue et les réactions naturelles d'angoisse provoquées par cette maladie dans la population peuvent entraîner des difficultés lors de l'application de ces règles de prophylaxie, Cette situation conduit parfois à des prescriptions inutiles et coûteuses. A la lumière de l'analyse des données de surveillance et d'un travail bibliographique sur l'épidémiologie et la prévention des infections à méningocoque, il a paru nécessaire de procéder à une mise à jour de la conduite à tenir face à un cas d'infection à méningocoque.

La présente circulaire, qui se substitue à celles du 28 janvier 1 980 et du 1 3 février 1 987, est un document technique destiné d'une part, aux médecins-inspecteurs de la santé qui sont amenés à prendre et à expliquer sur le terrain les mesures de prophylaxie et d'autre part, aux praticiens hospitaliers qui prennent en charge les malades. Ce document comporte trois parties :

Je vous demanderais de bien vouloir diffuser aux médecins de Santé publique et aux praticiens hospitaliers ce document qui devrait permettre de mieux affronter dans l'avenir des situations parfois difficiles à gérer.

I. ÉPIDÉMIOLOGIE DES INFECTIONS À MÉNINGOCOQUE

La méningite à méningocoque et les méningococcémies sont des maladies à déclaration obligatoire (décret n, 86-770 du 10-6-1986). Les critères de déclaration sont les suivants : isolement de N- meningitidis dans le LCR et/ou le sang ou présence d'antigènes solubles de cette bactérie dans le LCR, le sang ou les urines.

1. Incidence.

Depuis 1945, l'incidence des infections à méningocoque déclarées en France connaît des fluctuations entre 1 et 4 pour 100 000 habitants. Depuis 1982, elle baisse de façon régulière et constante pour atteindre 1 pour 100 000 habitants en 1988. Cette incidence est très différente selon l'âge. Les taux d'incidence par tranche d'âge exprimés pour 100 000 sont les suivants : <:1 an : 8,2: 1-4 ans : 3,6; 5-9 ans : 2,0: 10-14 ans : 0,8; 15-19 ans 1,4; 20 ans et plus : 0,2.

2. Tendances annuelles, épidémies et saisonnalité.

Il semble que l'incidence des infections à méningocoque suive un rythme avec des pics survenant tous les dix ans environ. Des épidémies locales, régionales, voire nationales (Brésil) peuvent apparaître. Les sérogroupes A et C sont le plus fréquemment responsables de ces épidémies. Les variations saisonnières en France montrent une fréquence accrue du mois de février au mois d'avril, excepté en 1988 où le pic de fréquence a eu lieu en décembre.

3. Sérogroupes.

Le sérogroupe est basé sur l'identification immunologique de polyosides capsulaires du méningocoque. Le sérogroupe B est prédominant en France et représente 60 % des cas d'infection à méningocoque. Cependant, de nets changements dans la répartition par sérogroupe des cas sont survenus depuis 1975. Le sérogroupe B connaît depuis 1980 une diminution progressive. Le sérogroupe C est en augmentation lente et est en cause maintenant dans presque 1 cas sur 3.

4. Sérotypes et sous-types.

Indépendamment du sérogroupe, il existe des marqueurs antigéniques dont l'intérêt épidémiologique est d'identifier avec précision une souche donnée et d'affirmer donc la similitude des souches lors des foyers de cas groupés. Cinq protéines de membrane externe permettent de définir des sérotypes et des sous-types. Ces sérotypes et sous-types sont identiques pour les sérogroupes B, C, Y, W 135. En France, les sérotypes prédominants sont le 4, 2a, 14, 15 pour le sérogroupe B et 2a pour le C. Les sous-types prédominants sont le P 1.2, P 1.6, P 1.7. Une formule antigénique, véritable « carte d'identité » de la souche, peut alors être définie en combinant sérogroupe, sérotype et sous-type, par exemple : C : 2a : P 1.2. Plusieurs études ont confirmé la virulence particulière du sérotype 2b pour le sérogroupe B et des sérotypes 2, 15, 16 pour les sérogroupes B et C.

5. Létalité et facteurs pronostiques.

Le taux de létalité des infections à méningocoque en France est relativement constant depuis 1985 et varie entre 8 et 10 %.

Le taux de létalité dépend :

6. Portage rhinopharyngé et infection.

La transmission du méningocoque se fait essentiellement par les sécrétions rhinopharyngées émises lors de la toux ou de la parole. La bactérie se loge alors sur la paroi postérieure du rhinopharynx. L'acquisition du méningocoque est asymptomatique ou entraîne une simple pharyngite non spécifique. Dans la grande majorité des cas, le sujet s'immunise en fabriquant des anticorps protecteurs et devient porteur sain. Dans un petit nombre de cas, l'infection diffuse par voie sanguine et provoque une infection systémique : méningite ou méningococcémie.

a. Rôle du portage
b. Études de portage.

Les études réalisées sur le taux de portage trouvent des résultats assez différents d'une étude à l'autre probablement en raison de techniques différentes de prélèvement. En effet, N. meningitidis est retrouvée uniquement sur la paroi postérieure du rhinopharynx et non sur les amygdales. Le taux de portage d'une souche chez les sujets asymptomatiques dépend étroitement de sa virulence et de sa transmissibilité.

7. Facteurs favorisant la transmission du méningocoque.

Plusieurs facteurs pouvant faciliter la transmission du méningocoque ont été mis en évidence. Certains sont bien établis, d'autres prêtent encore à discussion :

8. Épidémiologie des cas secondaires.

a. Définition d'un cas secondaire.

Un cas secondaire se définit comme un cas d'infection à méningocoque survenant chez un sujet contact d'un cas avec un délai supérieur à 24 heures. Les cas secondaires sont rares : 3% des cas de méningococcie en France en 1987-1988. Les cas groupés survenant dans un délai inférieur à 24 heures sont définis comme des cas coprimaires et représentent 3% de l'ensemble des méningococcies en France.

b. Taux d'attaque secondaire en milieu familial et scolaire.

Dans les familles où au moins un cas est survenu, le taux d'attaque secondaire s'échelonne entre 2 et 4/1000 en période d'endémie et 60/1000 en période épidémique. Le risque de survenue d'un cas est dans ces familles de 500 à 800 fois supérieur au taux d'incidence de la population générale en période non épidémique. Le risque est multiplié par 76 dans les crèches et 23 dans les écoles maternelles. Le risque n'a été évalué pour les écoles primaires et secondaires que lors de l'épidémie brésilienne : les classes des cas n'avaient pas un taux d'incidence plus important que la population générale.

c. Délai de survenue des cas secondaires.

Près de 60% des cas secondaires apparaissent dans la semaine suivant le cas index, et 87% dans les 15 jours. De rares cas peuvent apparaître de 3 à 8 mois après le cas index, mais le lien avec le cas index peut être indirect par l'intermédiaire de porteurs sains.

II. PRINCIPES DE LA PRÉVENTION DES CAS SECONDAIRES

1 - Populations cibles

La prophylaxie des infections à méningocoque a deux objectifs :

De plus, les cas eux-mêmes devront faire l'objet d'une chimioprophylaxie après le traitement curatif administré à l'hôpital. En effet, ce traitement s'est révélé inefficace pour éliminer le portage rhinopharyngé, et ces sujets risquent de transmettre ultérieurement une souche virulente à des sujets contacts.

La prophylaxie doit être appliquée le plus rapidement possible après le diagnostic car son intérêt diminue avec le temps. Idéalement, elle doit être entreprise le jour même ou le lendemain du diagnostic. Il s'agit d'une véritable « urgence préventive ».

2. Chimioprophylaxie

L'antibiotique choisi doit être efficace sur N. meningitidis et en doit pas créer d'émergence de souches résistantes. Il doit atteindre des concentrations salivaires supérieures à la Concentration Minimale Inhibitrice pour N. meningitidis. Son action doit être rapide et prolongée dans le temps. Il ne doit pas décapiter une éventuelle méningite. Il doit être bien toléré et avec peu de contre-indications. Il doit être d'un emploi pratique avec un traitement de courte durée.

La pénicilline, l'ampicilline et l'érythromycine n'atteignent pas des concentrations locales suffisantes et sont inefficaces sur le portage.

De nombreuses souches de N. meningitidis sont résistantes aux sulfamides, qui sont donc contre-indiqués dans cette indication.

La minocycline entraîne des effets secondaires vestibulaires dans de nombreux cas et est contre-indiquée chez le jeune enfant et la femme enceinte.

Il n'existe pas un recul suffisant pour évaluer convenablement des antibiotiques plus récents tels que la ceftriaxone ou la ciprofloxacine.

La spiramycine atteint des concentrations salivaires satisfaisantes. Elle a très peu de contre-indications et d'effets secondaires, mais la durée du traitement est relativement longue (5 jours). Cet antibiotique ne passe pas la barrière hémato-méningée. La spiramycine est efficace pour réduire le portage à court terme (15% des sujets restent porteurs 2 jours après la fin du traitement), mais il existe une réacquisition importante puisque 12 jours après la fin du traitement. 41% des sujets sont porteurs (ce taux est de 75 % pour les sujets hébergeant un méningocoque C). Il n'existe pas d'essai clinique satisfaisant permettant d'affirmer qu'elle élimine le portage rhinopharyngé après un délai de plus de 15 jours après son administration.

Deux cas d'infections à méningocoque après une chimioprophylaxie correctement prise ont été rapportés en France.

La rifampicine s'est révélée efficace, dans des essais cliniques rigoureux, pour réduire le portage (75% à 98% de succès, selon les études, une semaine après le traitement). Le taux de réacquisition est faible : environ 10% au bout de 11 mois. La concentration salivaire est suffisante pour éliminer la bactérie. Il existe très peu d'effets secondaires aux doses employées dans cette indication. Son emploi est peu contraignant (2 jours) et les contre-indications sont rares, surtout chez les moins de 1 8 ans qui forment la majorité des sujets à risque. La rifampicine est largement utilisée dans les pays anglo-saxons depuis les années 70. Malgré cette large utilisation, l'apparition de souches résistantes après chimioprophylaxie ne paraît pas avoir d'incidence pratique. L'émergence de souches résistantes in vitro après traitement prophylactique existe chez 1 à 10% des sujets, mais seulement 0,15% des souches isolées à partir de malades, de 1975 à 1980 aux États-Unis, se sont révélées résistantes à la rifampicine. Son utilisation comme traitement de la tuberculose a été un argument contre son emploi comme moyen prophylactique. Cependant, il n'a jamais été démontré qu'une prescription de courte durée puisse induire l'apparition de BK résistants. De plus, le risque de prescription de rifampicine à but prophylactique chez un tuberculeux dont le diagnostic n'aurait pas été fait, a été estimé aux États-Unis à environ 1 sur 100 millions.

3. Vaccination

Un vaccin anti-méningocoque A+C est commercialisé en France. Le vaccin est strictement spécifique des sérogroupes contre lesquels il est conçu. Il n'existe pas de vaccin contre le méningocoque B. L'injection du vaccin est suivie par une ascension du taux d'anticorps atteignant un seuil protecteur en 5 à 8 jours. La vaccination s'est révélée efficace pour une protection individuelle chez environ 90 % des sujets vaccinés.

Le vaccin est efficace dès l'âge de 3 mois pour le sérogroupe A et à partir de 1 an pour le C. La protection optimale pour les deux sérogroupes est obtenue après l'âge de 18 mois et augmente avec l'âge. La durée de protection est assez faible pour les deux sérogroupes (3 ans environ, et moins chez les enfants de moins de 18 mois).

Les effets secondaires du vaccin sont rares (2%) et consistent en un érythème au point d'injection et/ou une fièvre modérée. Il n'existe aucune contre-indication au vaccin, y compris pendant la grossesse.

III. ACTUALISATION DES RECOMMANDATIONS FRANÇAISES

1. Conduite à tenir chez le malade :

2. Conduite à tenir chez les sujets contacts du malade

a. Définition des sujets contacts

Les mesures de prophylaxie doivent être proposées aux sujets contacts définis de la façon suivante (récapitulée dans l'organigramme joint en annexe) :

b. Règles de prophylaxie dans l'entourage d'un cas

Les mesures prophylactiques sont d'autant plus efficaces qu'elles sont instituées rapidement. Elles ne présentent plus qu'un intérêt limité si elles sont prises plus de 8 jours après le diagnostic.

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Mise à jour le 8 mai 1998 CONTACTS Contacts