BULLETIN EPIDEMIOLOGIQUE HEBDOMADAIRE
21 octobre 2008 / n°38-39-40


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Numéro thématique - Qu’avons-nous appris de l’épidémie de chikungunya dans l’Océan Indien en 2005-2006 ?
Special issue - What did we learn from the chikungunya outbreak in the Indian Ocean in 2005-2006?



Ce numéro du BEH est dédié à la mémoire de Vincent PIERRE, qui l'a conçu et coordonné en collaboration avec Martine Ledrans.

Disparu le 12 octobre, Vincent Pierre était Coordonnateur scientifique de la Cellule interrégionale d’épidémiologie Réunion-Mayotte, et à ce titre a joué un rôle majeur dans la gestion et la surveillance des suites de l'épidémie de chikungunya à La Réunion en 2005-2006.

Françoise Weber, Directrice de la publication, et l’ensemble de la rédaction du BEH lui rendent hommage à l’occasion de la sortie de ce numéro dont il n’aura pas pu voir la forme finale, et s’associent au chagrin de son épouse et de ses deux enfants.

Coordination scientifique du numéro / Scientific coordination of the issue:Martine Ledrans, Institut de veille sanitaire, et Vincent Pierre, Cellule interrégionale d’épidémiologie Réunion-Mayotte et pour le comité de rédaction : Christine Jestin, Inpes, et Bruno Morel, Cellule interrégionale d’épidémiologie Rhône-Alpes

Sommaire

- Éditorial / Editorial

L’ÉPIDÉMIE DANS L’OCÉAN INDIEN
THE EPIDEMICS IN THE INDIAN OCEAN

- L’épidémie de chikungunya à La Réunion et à Mayotte, France, 2005-2006 : le contexte et les questions de surveillance et d’évaluation posées / Chikungunya outbreak on the Reunion Island and Mayotte, France, 2005-2006: context and questions raised for surveillance and evaluation [ Lire le résumé / Read the abstract ]

- Description des cas de chikungunya notifiés par les médecins du Réseau de surveillance pendant l’épidémie à La Réunion, France, 2005-2006 / Epidemic of chikungunya virus infection on the Reunion Island, France, 2005-2006: description of cases reported by practitioners of a surveillance network [ Lire le résumé / Read the abstract ]

- Formes atypiques de chikungunya en période épidémique, La Réunion, France, 2005-2006 / Atypical forms of chikungunya in epidemic period, Reunion Island, France, 2005-2006 [ Lire le résumé / Read the abstract ]

- Description des fluctuations de la mortalité réunionnaise dans le contexte de l’épidémie de chikungunya en 2005-2006 / Description of mortality fluctuations in the Reunion Island population in the context of the 2005-2006 chikungunya outbreak [ Lire le résumé / Read the abstract ]

- Chikungunya dans l’Océan Indien : connaissances acquises sur le virus au décours de l’épidémie 2005-2006 / Chikungunya in the Indian Ocean: acquired knowledge on the virus by the end of the 2005-2006 outbreak [ Lire le résumé / Read the abstract ]

- Déterminants de l’infection à virus chikungunya à La Réunion : résultats de l’enquête Serochik de séroprévalence en population, août-octobre 2006 / Determinants of chikungunya virus infection in the Reunion Island: Results of the SEROCHIK seroprevalence survey in the population, August-October 2006 [ Lire le résumé / Read the abstract ]

- Séroprévalence et facteurs de risque de la fièvre chikungunya à Mayotte (France) au cours de l’épidémie de 2005-2006 / Seroprevalence and associated risk factors during the outbreak of chikungunya fever in Mayotte (France) in 2005-2006 [ Lire le résumé / Read the abstract ]

- Intérêt et limites d’un réseau d’échanges de données épidémiologiques régional : l’exemple du RÉseau de VEille épidémiologique de l’Océan Indien (Reve) au cours de l’épidémie de chikungunya en 2005-2006 / Interest and limits of a regional data exchange network: example of the South West Indian Ocean Epidemiologic Network (REVE) during the chikungunya outbreak in 2005-2006 [ Lire le résumé / Read the abstract ]

LES MANIFESTATIONS ARTICULAIRES PERSISTANTES
PERSISTENT RHEUMATIC MANIFESTATIONS

- Manifestations articulaires du chikungunya 12 à 18 mois après l’infection : évolution clinique et facteurs de risque associés aux formes persistantes, La Réunion, France, 2006 / Rheumatic manifestations of chikungunya 12 to 18 months following infection: clinical course and risk factors associated with persistent forms, Reunion Island, France, 2006 [ Lire le résumé / Read the abstract ]

- Encadré 1 : Symptomatologie articulaire aiguë et chronique du chikungunya de l’adulte : connaissances acquises lors de l’épidémie de La Réunion, France (2005-2006) / Box 1: Acute and chronic rheumatic symptoms of chikungunya in adults: acquired knowledge during the Reunion Island outbreak, France (2005-2006)

- Encadré 2 : Les douleurs articulaires du chikungunya 9 mois après la fin de la vague épidémique, La Réunion, France (2005-2006). Une enquête de médecine générale / Box 2: Joint pain due to chikungunya 9 months after the epidemic wave,the Reunion Island, France (2005-2006). A general practice survey

LA LUTTE ANTIVECTORIELLE : DÉMOUSTICATION ET MOBILISATION SOCIALE
MOSQUITO CONTROL AND SOCIAL MOBILISATION

- Plan de lutte contre Aedes albopictus pendant l’épidémie de chikungunya à La Réunion en 2005-2007 / The plan against Aedes albopictus during the chikungunya outbreak in the Reunion Island in 2005-2007 [ Lire le résumé / Read the abstract ]

- Impact entomologique des campagnes de sensibilisation à la destruction des gîtes larvaires d’ Aedes albopictus à La Réunion (Kass’ Moustik) / Entomological evaluation of public awareness campain (called Kass’Moustik) for removing breeding sites of Aedes albopictus in the Reunion Island [ Lire le résumé / Read the abstract ]

- Sociologie comparée de l’épidémie de chikungunya à La Réunion et à Mayotte (France) / Comparative sociology of chikungunya outbreaks on the Reunion and Mayotte Islands (France) [ Lire le résumé / Read the abstract ]


L’ÉPIDÉMIE DANS L’OCÉAN INDIEN

THE EPIDEMICS IN THE INDIAN OCEAN


L’épidémie de chikungunya à La Réunion et à Mayotte, France, 2005-2006 : le contexte et les questions de surveillance et d’évaluation posées
Chikungunya outbreak on the Reunion Island and Mayotte, France, 2005-2006: context and questions raised for surveillance and evaluation
Philippe Renault (philippe.renault@sante.gouv.fr)1, Daouda Sissoko1, Martine Ledrans2, Vincent Pierre1, Gilles Brücker2
1 / Cellule interrégionale d’épidémiologie Réunion-Mayotte, Saint-Denis (La Réunion), France 2 / Institut de veille sanitaire, Saint-Maurice, France

Résumé
Introduction – Cet article présente les données épidémiologiques de l’épidémie de chikungunya à Mayotte et à La Réunion et des éléments de réflexion pour l’évaluation de l’impact des arboviroses.
Méthodes – À La Réunion, la surveillance reposait sur une recherche active en période d’incidence modérée et sur les signalements de médecins sentinelles au pic épidémique. Les formes graves hospitalisées et les décès ont fait l’objet de surveillances spécifiques. À Mayotte, il s’agissait d’un dispositif passif de signalement basé sur les médecins, complété par une recherche prospective des formes graves hospitalières. Des enquêtes complémentaires ont permis de contrôler la fiabilité des résultats.
Résultats – À La Réunion, 266 000 cas ont été rapportés ainsi que près de 250 cas graves, 44 cas de transmission materno-néonatale et plus de 250 décès. À Mayotte, le nombre de cas a été réévalué à 60 000 grâce aux enquêtes complémentaires. Six formes graves et 9 cas de transmission materno-néonatale ont été identifiés.
Discussion – Une réflexion sur la surveillance entomologique, la veille internationale, la modélisation, l’évaluation de la lutte antivectorielle et la communication apparaît nécessaire pour mieux gérer les arboviroses émergentes.
 

Abstract
Introduction – The purpose of this study was to describe the methods and main findings from chikungunya surveillance on the Reunion Island and Mayotte, and to point out the questions raised by the monitoring of arboviral outbreaks.
Methods – On the Reunion Island, chikungunya cases were monitored by active case finding throughout periods of moderate epidemic activity, and on estimations from sentinel physicians reporting when the epidemic reached massive proportions. These systems were complemented by specific hospital case finding and death surveillance. On Mayotte, passive community and active hospital-based surveillance were performed. Transversal surveys were operated to assess the reliability of community surveillance.
Results – Overall, 266,000 chikungunya cases, 250 serious forms, 44 cases of mother-to-child transmission, and over 250 deaths were recorded on the Reunion Island. In Mayotte, the number of chikungunya cases had to be reevaluated to 60,000 from transversal surveys. Hospital-based surveillance identified 6 serious cases and 9 cases of mother-to-child transmission.
Discussion – Further thought needs to be given to entomological surveillance, international epidemic intelligence, modelling, evidence-based vector control, and communication in order to improve the approach of emerging arboviral diseases in the future.


Mots clés / Key words
Chikungunya, arbovirose, surveillance épidémiologique, La Réunion, Mayotte / Chikungunya, arbovirosis, epidemiological surveillance, Reunion Island, Mayotte



Description des cas de chikungunya notifiés par les médecins du Réseau de surveillance pendant l’épidémie à La Réunion, France, 2005-2006
Epidemic of chikungunya virus infection on the Reunion Island, France, 2005-2006: description of cases reported by practitioners of a surveillance network
Elise Brottet (e.brottet@orsrun.net)1, Philippe Renault2, Sylvie Glorieux-Montury3, Jean-Marc Franco3, Michel Turquet4, Elsa Balleydier2,
Vincent Pierre2, Christian Lassalle5, Emmanuelle Rachou1
1 / Observatoire régional de la santé de La Réunion, Saint-Denis (La Réunion), France 2 / Cellule interrégionale d’épidémiologie Réunion-Mayotte, Saint-Denis (La Réunion), France 3 / Médecin généraliste, Réseau de surveillance, La Réunion, France 4 / Pédiatre, Réseau de surveillance, La Réunion, France 5 / Direction régionale des affaires sanitaires et sociales de La Réunion, Saint-Denis (La Réunion), France

Résumé
Le Réseau de surveillance de la grippe, de la dengue et des diarrhées aiguës de La Réunion, composé de médecins libéraux et animé par l’Observatoire régional de la santé (ORS), a été mobilisé pour surveiller le chikungunya dès l’apparition des premiers cas en avril 2005.
L’objectif est de décrire les caractéristiques des cas cliniques de chikungunya notifiés par les médecins du Réseau de surveillance au cours de l’épidémie. Ce Réseau reposait sur 28, puis 43 médecins répartis sur 23 des 24 communes de l’île. Les données concernant les cas ont été saisies par la Cellule interrégionale d’épidémiologie Réunion-Mayotte (Cire RM).
Les médecins du Réseau ont notifié un total de 6 434 cas de chikungunya vus en consultation. Les patients ayant consulté les médecins du Réseau ont été plus fréquemment des adultes et des femmes qu’en population générale. Les signes cliniques les plus fréquemment déclarés étaient : la fièvre et les arthralgies (critères d’inclusion), suivis par les céphalées, les myalgies, les éruptions cutanées, puis les signes digestifs et autres signes cutanés. Des différences cliniques selon la période épidémique ont été observées.
Les cas notifiés par les médecins sentinelles ont permis d’estimer le nombre de cas incidents survenus à La Réunion chaque semaine. Ce système de surveillance a démontré sa réactivité et sa représentativité lors de cette épidémie, et ainsi acquis une bonne expérience pour la surveillance d’un phénomène émergent.

 

Abstract
Epidemic of chikungunya virus infection on the Reunion Island, France, 2005-2006: description of cases reported by practitioners of a surveillance network The surveillance network of influenza, dengue and acute diarrhoea on the Reunion Island, composed of practitioners and managed by the Regional Health Observatory (ORS), was used to supervise chikungunya infection when the first cases were diagnosed in April 2005.
The objective is to describe the characteristics of clinical cases of chikungunya reported by practitioners network during the epidemic. This network was based on 28, then 43 practitioners over 23 of the 24 cities of the island. Cases data were recorded by the Cellule interrégionale d’épidémiologie Réunion-Mayotte (Cire RM).
The practitioners network reported 6,434 cases of chikungunya over the whole epidemic period. Patients who consulted the practitioners network were more frequently adults and women than in the general population. The most frequently reported clinical symptoms were fever and joint pain (inclusion criteria), then headache, myalgia, skin eruptions as well as digestive and cutaneous signs. Clinical differences were observed according to the epidemic period.
Cases reported by practitioners network made it possible to estimate the number of incident cases which occurred on the island each week. This surveillance system has demonstrated its response capacity and representativeness during this epidemic and can be a good experience for surveillance of an emerging phenomenon.


Mots clés / Key words
Chikungunya, surveillance épidémiologique, réseau sentinelle, pathologie émergente, La Réunion / Chikungunya, epidemiological surveillance, practitioners network, emerging disease, Reunion Island



Formes atypiques de chikungunya en période épidémique, La Réunion, France, 2005-2006
Atypical forms of chikungunya in epidemic period, Reunion Island, France, 2005-2006
Morgane Dominguez1,2, Assimoula Economopoulou1,3, Daouda Sissoko4, Véronique Boisson5, Bernard-Alex Gaüzère6, Vincent Pierre4, PhilippeRenault4, Philippe Quenel7, Jet De Valk1, Isabelle Quatresous1, Brigitte Helynck (b.helynck@invs.sante.fr)1
1 / Institut de veille sanitaire, Saint-Maurice, France 2 / Programme Profet, Institut de veille sanitaire, Saint-Maurice, France et École nationale de santé publique, Rennes, France 3 / European Programme for Intervention Epidemiology Training (EPIET), Stockholm, Suède 4 / Cellule interrégionale d’épidémiologie Réunion-Mayotte,Saint-Denis (La Réunion), France 5 / Groupe hospitalier Sud Réunion, Saint-Pierre (La Réunion), France 6 / Centre hospitalier départemental Félix Guyon, Saint-Denis (La Réunion), France 7 / Cellule interrégionale d’épidémiologie Antilles-Guyane, Fort-de-France (Martinique), France

Résumé
Le chikungunya est une arbovirose réputée bénigne et caractérisée par une fièvre et des arthralgies. Au cours d’une épidémie d’une ampleur exceptionnelle qui a touché l’île de La Réunion en 2005-2006, des médecins hospitaliers ont rapporté des cas de transmission virale materno-néonatale et des formes cliniques différant de celles classiquement décrites. Un système de surveillance active a été mis en place en février 2006, afin de décrire les formes atypiques hospitalières de chikungunya à La Réunion en période épidémique et d’en déterminer la fréquence. Un recensement rétrospectif et prospectif a été conduit dans les quatre hôpitaux de l’île.
Entre mars 2005 et avril 2006, 44 cas materno-néonatals et 834 cas atypiques dont 247 (30 %) cas graves, ainsi que 68 décès ont été recensés. Les formes atypiques représentaient 0,35 % des cas de chikungunya dans la population. Les manifestations cliniques des cas atypiques les plus fréquentes étaient les manifestations digestives et neurologiques. Les cas atypiques survenaient principalement chez des sujets vulnérables (jeunes enfants, personnes âgées, patients présentant des antécédents médicaux). Ces résultats indiquent la nécessité de formuler des recommandations de prévention prioritairement à l’attention de ces sujets et aux femmes enceintes au cours d’une épidémie de chikungunya.
 
Abstract
Chikungunya is an arbovirosis known to be mild and characterized by fever and arthralgia. During a chikungunya outbreak on the Reunion Island, a French overseas district, in 2005-2006, cases of materno-neonatal viral transmission and clinical forms differing from the typical fever and arthralgia association were reported in hospitals. An active surveillance system was established in February 2006, to describe severe and atypical presentations of chikungunya in the Reunion Island in epidemic period, and assess their frequency.
Data were collected retrospectively from the four hospitals on the island. Between Mrach 2005 and April 2006, 44 materno-neonatal cases and 834 atypical cases, 247 (30%) of them severe, were recorded, as well as 68 deaths. Atypical cases represented 0.35% of all chikungunya cases in the population. The most frequent clinical manifestations in atypical cases were mainly of a digestive and neurological nature. Atypical cases were mostly vulnerable subjects (young children, elderly persons, patients presenting comorbidities). These results indicate the need for prevention recomendations intended specifically to vulnerable persons and pregnant women during a chikungunya outbreak.

Mots clés / Key words
Chikungunya, La Réunion, surveillance épidémiologique, cas graves, transmission materno-néonatale / Chikungunya, Reunion Island, epidemiological surveillance, severe cases, materno-neonatal transmission



Description des fluctuations de la mortalité réunionnaise dans le contexte de l’épidémie de chikungunya en 2005-2006
Description of mortality fluctuations in the Reunion Island population in the context of the 2005-2006 chikungunya outbreak
Loïc Josseran (l.josseran@invs.sante.fr)1, Jean-Louis Solet2, Philippe Renault2, Nadège Caillère1, Anne Fouillet1, Alain Le Tertre1, Abdelkrim Zeghnoun1, Philippe Quenel3, Vincent Pierre2, Danièle Ilef1, Martine Ledrans1, Gilles Brücker1
1 / Institut de veille sanitaire (InVS), Saint-Maurice, France 2 / Cellule interrégionale d’épidémiologie Réunion-Mayotte, Saint-Denis (La Réunion), France 3 / Cellule interrégionale d’épidémiologie Antilles-Guyane, Fort-de-France (Martinique), France

Résumé
Introduction – Une épidémie majeure de chikungunya a touché La Réunion entre mars 2005 et juin 2006 et a concerné près de 270 000 personnes. La présente étude vise à décrire la mortalité sur cette même période.
Méthodes – Le nombre observé de décès en 2005 et 2006 a été comparé au nombre attendu, estimé à partir des taux de mortalité par âge et sexe sur la période 2002-2004 et des estimations de population en 2005 et 2006. Les effectifs de décès sont issus d’une remontée automatique de données de 13 communes de l’île dont les états civils sont informatisés.
Résultats – En 2005, le nombre observé de décès était proche des valeurs attendues. En 2006, la mortalité a fortement augmenté et dépassé significativement la valeur attendue entre les semaines 4 et 10 ; entre janvier et avril 2006, les variations mensuelles étaient respectivement de + 7,1 %, + 34,4 % (p<0,01), + 25,2 % (p<0,01) et + 10,1 % (p<0,01), soit un excès total de 230 décès (base des 13 communes) et 267 pour l’ensemble de l’île. L’excès de mortalité a concerné essentiellement les plus de 75 ans. A partir de mai 2006, la mortalité observée est revenue dans ses limites habituelles de fluctuation. Cette dynamique est proche de celle de l’épidémie.
Discussion-Conclusion – Ces observations suggèrent que l’excès de mortalité des quatre premiers mois de 2006 est associé à l’épidémie, aucun autre phénomène sanitaire connu susceptible d’expliquer cette augmentation n’ayant touché l’île sur cette période.
 
Abstract
Introduction – Reunion Island has been affected by an important outbreak of chikungunya disease between March 2005 and June 2006, an estimated 270,000 cases have been reported. This study describes the evolution of mortality during this period.
Methods – The number of deaths observed in 2005 and 2006 was compared with the expected number of deaths computed from the 2002-2004 mortality rates by age and sex, modified by an estimation of the evolution of population size for the period 2005-2006. The number of deaths in the Reunion Island was obtained daily from 13 computerized registry offices on the island.
Results – Over the year 2005, observed deaths remained within expected range of statistical variation. From January to April 2006 (between weeks 4 and 10), numbers of observed deaths were higher than expected (respectively +7.1%, +34.4% (p< 0.01), +25.2% (p< 0.01) et +10.1% (p< 0.01)). This corresponded to 230 excess deaths in the 13 communes participating in the study, and to 267 excess deaths when extrapolated to the entire island’s population. Excess mortality was mainly observed in the 75 years and above age group. From May 2006, numbers of observed deaths remained within expected range of statistical variation.
Discussion – Our results suggest that chikungunya outbreak was possibly responsible for a large part of the excess mortality observed in Reunion during the first four months of 2006, no other abnormal health event affected the island at this time.

Mots clés / Key words
Mortalité, chikungunya, La Réunion / Mortality, chikungunya, Reunion Island



Chikungunya dans l’Océan Indien : connaissances acquises sur le virus au décours de l’épidémie 2005-2006
Chikungunya in the Indian Ocean: acquired knowledge on the virus by the end of the 2005-2006 outbreak
Isabelle Schuffenecker (isabelle.schuffenecker@chu-lyon.fr)1, Hervé Zeller1, Sylvain Brisse2, Marc Grandadam3, Hughes Tolou3, Anna-Bella Failloux4, Thérèse Couderc5, Marc Lecuit5, Alain Michault6
1 / Centre de référence des Arbovirus, Institut Pasteur, IFR 128, Lyon, France 2 / Plateforme de génotypage des pathogènes, Institut Pasteur, Paris, France 3 / Unité de virologie tropicale, Institut de médecine tropicale du service de santé des armées, Marseille, France 4 / Génétique moléculaire des Bunyaviridæ, Institut Pasteur, Paris, France 5 / Groupe microorganismes et barrières de l’hôte, Inserm avenir U604, Institut Pasteur, Paris, France 6 / Laboratoire de microbiologie, Groupe hospitalier Sud-Réunion, Saint-Pierre (La Réunion), France

Résumé
Le virus Chikungunya (CHIKV) a été responsable, entre 2005 et 2007, d’épidémies majeures qui ont touché les îles de l’Océan Indien (OI) et le sous-continent Indien. Des analyses moléculaires ont démontré que ces épidémies ont été causées par un virus d’origine africaine. Une mutation dans le gène codant pour la protéine virale d’enveloppe E1, sélectionnée pendant l’épidémie réunionnaise et expérimentalement associée avec une plus grande infectivité chez Aedes (Ae.) albopictus, a probablement facilité la transmission du virus par ce vecteur, expliquant, au moins en partie, l’ampleur de l’épidémie. Cette mutation a été sélectionnée indépendamment en Inde du Sud et au cours d’autres épidémies où Ae. albopictus était le moustique vecteur principal. Pour la première fois, la transmission verticale du CHIKV a été démontrée au cours de l’épidémie réunionnaise et a été observée essentiellement en per-partum. L’émergence récente et la transmission épidémique du CHIKV en Italie pose la question de l’extension du CHIKV à d’autres pays européens et souligne la nécessité de renforcer les surveillances entomologique et humaine.
 
Abstract
Chikungunya virus (CHIKV) was responsible for huge epidemics in the southwestern Indian Ocean archipelago and the Indian subcontinent in 2005-2007. Molecular analyses showed that both outbreaks were caused by a virus of African origin. A mutation in the envelope protein E1 selected during the outbreak in the Reunion Island and experimentally associated with a higher infectivity in Aedes (Ae.) albopictus has probably facilitated the transmission of the virus by this vector, hence partly explaining the magnitude of the epidemic in the Reunion Island. This mutation has been selected independently during the outbreak in Southern India and other outbreaks, where Ae. albopictus was the main vector. Vertical transmission of CHIKV was demonstrated for the first time, mainly observed during the per-partum period. The recent emergence and subsequent epidemic transmission of CHIKV in Italy raises the question of the extension of CHIKV to other European countries and underlines the necessity to reinforce entomological and human surveillance.

Mots clés / Key words
Chikungunya, virus, transmission, manifestations cliniques / Chikungunya, virus, transmission, clinical manifestations



Déterminants de l’infection à virus chikungunya à La Réunion : résultats de l’enquête Serochik de séroprévalence en population, août-octobre 2006
Determinants of chikungunya virus infection in the Reunion Island: Results of the SEROCHIK seroprevalence survey in the population, August-October 2006
Patrick Gérardin (patrick.gerardin@chr-reunion.fr), Joëlle Perrau, Adrian Fianu, François Favier
Centre d’investigation clinique-épidémiologie clinique de La Réunion, Inserm, Saint-Pierre (La Réunion), France

Résumé
A l’issue de l’épidémie 2005-2006 à l’île de La Réunion qui a affecté 38,2 % de sa population, nous avons recherché, dans l’échantillon représentatif de l’enquête de séroprévalence en population, les déterminants de l’infection à virus Chikungunya (CHIKV) par régression logistique. Dans un modèle ajusté sur le sexe, l’âge, l’existence d’une maladie chronique et le nombre de personnes vivant au domicile, les variables indépendantes associées significativement à une sérologie CHIKV positive étaient par ordre de fraction attribuable en population décroissante : vivre en maison individuelle avec jardin (OR : 2,9 ; [IC95 % 2,0-4,1], FA : 59,5 %), une histoire de chikungunya chez les voisins (OR : 2,7 ; [IC95 % 1,7-4,2], FA : 43,8 %), une absence d’activité professionnelle ou d’étude en cours (OR : 1,9 ; [IC95 % 1,4-2,5], FA : 41,5 %), un habitat situé à moins de 500 mètres d’altitude (< 250 m, OR : 4,9 ; [IC95 % 2,1-11,4] ; 250-499 m, OR : 4,9 ; [IC95 % 2,0-12,0], FA : 22,2 %), l’indice de masse corporelle (surpoids, OR : 1,3 ; [IC95 % 1,1-1,6] ; obésité, OR : 1,6 ; [IC95 % 1,1-2,4], FA non calculée), une mauvaise connaissance sur la transmission du CHIKV (score de connaissance à 0/4 bonne réponse, OR : 1,6 ; [IC95 % : 1,1-2,3], FA non calculée). Les déterminants de l’infection à CHIKV sont à la fois entomologiques, bio-climatiques et socioéconomiques. Ces données sont à considérer pour le contrôle des futures épidémies de chikungunya.
 

Abstract
At the end of the 2005-2006 epidemic in the Reunion Island which affected 38.2% of its population, we searched out of a representative sample from a serosurvey in the community, the determinants of chikungunya virus (CHIKV) infection by dichotomous logistic regression. In a model adjusted on gender, age, history of chronic disease and the number of people living at home, the independent variables significantly associated with positive CHIKV IgG serology were in order of decreasing population attributable fraction: living in an individual house with garden (OR: 2.9; [CI95% 2.0-4.1], PAF: 59.5%), history of chikungunya among neighbours (OR: 2.7; [CI95% 1.7-4.2], PAF: 43.8%), absence of professional activity or ongoing studies (OR: 1.9; [CI95% 1.4-2.5], PAF: 41.5%), a habitat located within 500 meters of altitude (<250 m, OR: 4.9; [CI95% 2.1-11.4]; 250-499 m, OR: 4.9; [CI95% 2.0-12.0], PAF: 22.2%), body mass index (overweight, OR: 1.3; [CI95% 1.1-1.6]; obesity, OR: 1,6; [CI95% 1.1-2.4], PAF not calculated), poor knowledge about the transmission of CHIKV (score of knowledge 0/4 correct answer, OR: 1.6; [CI95%: 1.1-2.3], PAF not calculated). The determinants of CHIKV infection are entomologic, bio-climatic, and socio-economic. These data are of paramount importance for the control of future chikungunya outbreaks.


Mots clés / Key words
Chikungunya, épidémie, étude transversale, facteurs de risque / Chikungunya, epidemic, cross-sectional study, risk factors



Séroprévalence et facteurs de risque de la fièvre chikungunya à Mayotte (France) au cours de l’épidémie de 2005-2006
Seroprevalence and associated risk factors during the outbreak of chikungunya fever in Mayotte (France) in 2005-2006
Daouda Sissoko (daouda.sissoko@sante.gouv.fr)1, Amrat Moendandze2, Claude Giry3, Denis Malvy4, Jean-Louis Solet1, Louis Collet3, Khaled Ezzedine4,Vincent Pierre1
1 / Cellule interrégionale d’épidémiologie La Réunion et Mayotte, Saint-Denis, France 2 / Équipe Serochimay, Direction des affaires sanitaires et sociales de Mayotte et Centre hospitalier de Mayotte, Mamoudzou, France 3 / Centre hospitalier de Mayotte, Mamoudzou, Mayotte, France 4 / Centre hospitalier universitaire de Bordeaux et Centre René Labusquière, Université de Bordeaux II, Bordeaux, France

Résumé
Objectifs – Évaluer la séroprévalence post-épidémique du chikungunya virus (CHIKV), déterminer la proportion de formes symptomatiques et identifier les facteurs de risque associés à cette infection.
Méthodes – Une enquête sérologique auprès de 1 154 habitants de Mayotte âgés de 2 ans et plus sélectionnés par sondage en grappes à plusieurs degrés a été réalisée entre novembre et décembre 2006. Les associations entre la séropositivité au CHIKV (présence d’IgM et/ou d’IgG mesurés parEnzym Linked Immuno Sorbent Assay, Elisa) et les facteurs de risque ont été investiguées par des analyses bi et multivariables par régression logistique tenant compte du plan de sondage.
Résultats – La séroprévalence globale pondérée du CHIKV était de 37,2 % (IC95 % = 33,9-40,5). Parmi les 440 participants séropositifs au CHIKV, 318 (72,3 %) ont rapporté un épisode clinique présomptif de CHIKV pendant la période épidémique. Les facteurs retrouvés significativement associés à la séropositivité CHIKV chez les personnes âgées de 15 ans et plus étaient : genre masculin, faible indice socio-économique, durée totale des études < 6 ans et vivre dans un habitat de fortune.
Conclusion – Nos résultats indiquent que l’infection CHIKV était symptomatique chez trois personnes sur quatre. La réduction des inégalités et la réhabilitation de l’habitat insalubre devraient être considérées en même temps que la lutte antivectorielle et l’éducation sanitaire comme une des composantes majeures de la prévention contre de futures épidémies CHIKV.

 

Abstract
Objectives – To assess the post epidemic seroprevalence of CHIKV, determine the range of symptomatic illness, and identify risk factors associated with this infection
Methods – A population-based cross-sectional survey, among 1,154 inhabitants of Mayotte aged 2 years or more, was conducted from November to December 2006, by using a complex multistage cluster sampling. Bivariate and multiple logistic regression design-based analyses were performed to investigate associations between CHIKV infection seropositivity (presence of IgM and/or IgG to CHIKV by enzyme-linked immunosorbent assay, ELISA) and risk factors.
Findings – The overall seroprevalence of CHIKV infection was 37.2% (95% CI = 33.9-40.5). Out of the 440 participants seropositive for CHIKV infection, 318 (72.3%) self-reported a history of febrile illness consistent with a CHIKV infection during the epidemic period. Factors associated to CHIKV seropositivity among adults (aged 15 years and older) were male gender, low socioeconomic index, overall schooling length 6 years and living in improvised housing.
Interpretation – Our findings indicate that CHIKV infection is symptomatic in roughly three out of four persons. Reduction of inequalities and investments in housing rehabilitation, as well as vectors control and public education are required to prevent occurrence and spread of further outbreaks.


Mots clés / Key words
Chikungunya, facteurs de risque, séroprévalence, enquête transversale, Mayotte / Chikungunya, risk factors, seroprevalence, cross-sectional survey, Mayotte



Intérêt et limites d’un réseau d’échanges de données épidémiologiques régional : l’exemple du RÉseau de VEille épidémiologique de l’Océan Indien (Reve) au cours de l’épidémie de chikungunya en 2005-2006
Interest and limits of a regional data exchange network: example of the South West Indian Ocean Epidemiologic Network (REVE) during the chikungunya outbreak in 2005-2006
Salima Cosadia (s.cosadia@orsrun.net)1, Christian Lassalle2, Daouda Sissoko3, Élise Brottet1, Philippe Renault3, Mohamed Mlindasse4, Gayibor Anani Hila5, Éliane Huguette Rahelison Raveloarison6, Arthur Rakotonjanabelo Lamina7, Jugdish Dhunputh8, Amita Pathak8, Jude Gedeon9, Joachim Didon Senior9, Vincent Pierre3, Émmanuelle Rachou1
1 / Observatoire régional de la santé de La Réunion 2 / Direction régionale des affaires sanitaires et sociales de La Réunion 3 / Cellule interrégionale d’épidémiologie La Réunion-Mayotte 4 / Ministère de la santé de l’Union des Comores 5 / Organisation mondiale de la santé (Comores) 6 / Ministère de la santé (Madagascar) 7 / Organisation mondiale de la santé (Madagascar) 8 / Ministry of Heath (Ile Maurice) 9 / Ministry of Heath (Seychelles)

Résumé
Introduction – Le Réseau de veille épidémiologique de l’Océan Indien (Reve) est un réseau d’échanges de données épidémiologiques sur les maladies infectieuses entre les îles du Sud-Ouest de l’Océan Indien créé en 1996. Les objectifs de ce travail sont de décrire les données reçues au cours de l’épidémie régionale du chikungunya en 2005-2006 et de souligner l’intérêt et les limites de ce type de réseau dans ce contexte.
Méthode – Elle consistait à analyser les notifications hebdomadaires des membres du réseau qui regroupe cinq territoires de la zone Sud-Ouest de l’Océan Indien ainsi qu’un partenaire, Mayotte. Il est basé sur des échanges de données agrégées relatives à des maladies infectieuses dans ces territoires. Les données proviennent des points focaux du réseau et de la veille de signaux informels. L’animation qui consiste à la réception, la relance, la synthèse et la rétrodiffusion des données est assurée par l’Observatoire régional de la santé (ORS) de La Réunion.
Résultats – Du 1er janvier 2005 au 31 juillet 2006, 191 notifications hebdomadaires chikungunya ont été reçues. Ces données étaient hétérogènes et incomplètes. Toutefois, plusieurs signaux précédant l’identification de l’agent causal ont circulé dans le réseau Reve permettant de signaler précocement aux correspondants des départs épidémiques confirmés plus tard comme étant du chikungunya.
Discussion – Dans le contexte d’épidémie régionale de chikungunya, le Reve a montré l’utilité d’un tel réseau d’échanges de données épidémiologiques dans la région Sud-Ouest de l’Océan Indien. Toutefois, l’absence de fonction de réponse aux alertes n’a pas permis la mise en oeuvre d’interventions appropriées. L’évolution de ce réseau vers un dispositif d’appui à la surveillance épidémiologique et à l’investigation des épidémies, en cohérence avec le nouveau du Règlement sanitaire international est fortement souhaitable.
 
Abstract
Introduction – The network for the exchange of epidemiological data on infectious diseases between the south western islands of the Indian Ocean (REVE) was launched in 1996. The objectives of this study are to describe the data received during the regional epidemic of chikungunya in 2005-2006, and highlight the interest and limits of this type of network in this context.
Methods – We analysed the weekly data notifications from network members, which includes five territories in the South West Indian Ocean and an associate, Mayotte. It was based upon aggregated data related to targeted infectious diseases in these territories. Data were both provided by focal points of the network and through the surveillance of informal alerts from the mass media. The monitoring ensured by the Regional Health Observatory (ORS) of La Reunion included the reception, the synthesis, the reiteration and the feedback of data.
Results – From 1 January 2005 to 31 July 2006, 191 weekly chikungunya notifications were received. These data were mixed and incomplete. However, several warnings of possible outbreak before the formal identification of the causative agent of this outbreak were identified by the REVE Network, leading to their early notification to the correspondents.
Discussion – In the context of regional outbreak of chikungunya, the REVE Network has shown the usefulness of such a system for the exchange of epidemiological data in the Southern Indian Ocean. However, the lack of response function related to epidemic warnings did not allow the implementation of appropriate interventions. The upgrading of this network toward a supportive mechanism for the epidemiological surveillance and outbreak investigation, compliant with the new International Health Regulations is highly recommended.


Mots clés / Key words
Réseau de surveillance régional, Océan Indien, épidémie, maladies transmissibles, chikungunya / Regional surveillance network, Indian Ocean, outbreak, communicable diseases, chikungunya fever


LES MANIFESTATIONS ARTICULAIRES PERSISTANTES

PERSISTENT RHEUMATIC MANIFESTATIONS


Manifestations articulaires du chikungunya 12 à 18 mois après l’infection : évolution clinique et facteurs de risque associés aux formes persistantes, La Réunion, France, 2006
Rheumatic manifestations of chikungunya 12 to 18 months following infection: clinical course and risk factors associated with persistent forms, Reunion Island, France, 2006
Daouda Sissoko (daouda.sissoko@sante.gouv.fr)1, Frédéric Moscetti2, Philippe Renault1, Elsa Balleydier1, Martine Ledrans3, Khaled Ezzedine4, Denis Malvy4,Vincent Pierre1
1 / Cellule interrégionale d’épidémiologie Réunion-Mayotte, Saint-Denis (La Réunion), France 2 / Médecin généraliste, Saint-Paul (La Réunion), France 3 / Institut de veille sanitaire, Saint-Maurice, France 4 / Service de médecine interne et des maladies tropicales, Centre hospitalier universitaire de Bordeaux et Centre René Labusquière, Université de Bordeaux II, France

Résumé
Objectifs – Évaluer la fréquence des manifestations articulaires persistantes après l’infection par le virus du chikungunya (CHIKV) et investiguer les facteurs liés à la persistance des manifestations articulaires.
Méthodes – Nous avons interrogé par téléphone entre juin et septembre 2006 une cohorte de patients âgés de 16 ans et plus ayant présenté, 12 à 18 mois auparavant, une infection CHIKV confirmée.
Résultats – Sur les 147 personnes incluses dans l’étude, 69 % étaient des femmes. L’âge médian était de 52 ans (IQ25-75 : 43-63). Cette étude a mis en évidence une proportion élevée de manifestations articulaires au sein de cette cohorte puisque 84 participants (57 %) rapportaient des manifestations articulaires 12 à 18 mois après l’infection. Parmi ces 84 patients, 53 (63 %) rapportaient des troubles permanents et 31 (37 %) des troubles occasionnels. Ajustés sur le sexe, l’âge > 45 ans (OR 3,9 ; IC95 % 1,7-9,7), la sévérité des douleurs articulaires initiales (OR 4,8 ; IC95 % 1,9-12,1) et les antécédents d’arthrose (OR 2,9 ; IC95 % 1,1-7,4) étaient retrouvés significativement
associés à la persistance des troubles.
Conclusion – Ces résultats devraient permettre de mieux cibler à l’avenir les personnes à risque d’évolution vers la chronicité.
 
Abstract
Objective – This study aimed at assessing the time course of chikungunya virus (CHIKV) rheumatic manifestations 12-18 months after acute illness and investigating factors associated to the delayed recovery of these manifestations.
Methods – Patients aged > 16 were interviewed from June to September 2006 by telephone on self-perception of rheumatic symptoms 12 to 18 months after CHIKV illness onset.
Results – We recruited 147 subjects, 69% were female. The median age was 52 years (IQ25-75 : 43-63). At 12-18-month evaluation after acute CHIKV infection, 84 participants (57%) reported rheumatic symptoms. Of these, 53 (63%) reported permanent trouble while 31 (37%) had intermittent symptoms. Adjusted on gender, age > 45 years (OR 3.9; IC95% 1.7-9.7), initial joint pain self-rated as severe (OR 4.8; IC95% 1.9-12.1) and presence of underlying osteoarthritis condition (OR 2.9; IC95% 1.1-7.4) were found to be associated to non recovery.
Conclusion – These findings suggest that long term CHIKV rheumatic manifestations seem to be a frequent post epidemic condition and may assist for early identification of those at greatest risk for prolonged CHIKV disease.


Mots clés / Key words
Chikungunya, manifestations articulaires chroniques, cohorte rétrospective, île de La Réunion / Chikungunya virus infection, Chronic rheumatic manifestations, Retrospective cohort study, Reunion Island



Encadré 1: Symptomatologie articulaire aiguë et chronique du chikungunya de l’adulte : connaissances acquises lors de l’épidémie de La Réunion, France (2005-2006)
Box 1: Acute and chronic rheumatic symptoms of chikungunya in adults: acquired knowledge during the Reunion Island outbreak, France (2005-2006)
Marie-Pierre Moiton (mpmoiton@yahoo.fr)1, Marie-Christine Jaffar-Bandjee1, Frédérick Gay2
1 / Centre hospitalier départemental, Saint-Denis (La Réunion), France 2 / Unité mixte de recherche S511, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, APHP, Paris, France


Encadré 2 : Les douleurs articulaires du chikungunya 9 mois après la fin de la vague épidémique, La Réunion, France (2005-2006). Une enquête de médecine générale
Box 2: Joint pain due to chikungunya 9 months after the epidemic wave,the Reunion Island, France (2005-2006). A general practice survey
Philippe Girard1, Bernard-Alex Gaüzère (bagauzere@gmail.com)2
1 / Médecin généraliste, Bras Panon (La Réunion), France 2 / Service de réanimation polyvalente, Centre hospitalier régional, Saint-Denis (La Réunion), France


LA LUTTE ANTIVECTORIELLE : DÉMOUSTICATION ET MOBILISATION SOCIALE

MOSQUITO CONTROL AND SOCIAL MOBILISATION



Plan de lutte contre Aedes albopictuspendant l’épidémie de chikungunya à La Réunion en 2005-2007
The plan against Aedes albopictus during the chikungunya outbreak in the Reunion Island in 2005-2007
Jean-Sébastien Dehecq (Jean-Sebastien.DEHECQ@sante.gouv.fr), Gaëlle Fohr, Julien Thiria
Service de Lutte anti-vectorielle, GIP SPR-Drass Réunion, Saint-Denis (La Réunion), France

Résumé
Les épidémies de dengue en 2004 et de chikungunya en 2005-2007 ont démontré le rôle vectoriel du moustique Aedes albopictus à La Réunion. L’omniprésence de ce vecteur dans l’île impose d’orienter la lutte antivectorielle (LAV) vers les zones urbaines, où cette espèce colonise essentiellement des gîtes larvaires anthropiques. Pendant l’épidémie de chikungunya 2005-2007, le plan de lutte contre Aedes albopictus reposait sur trois volets : la surveillance entomologique, la LAV et la mobilisation sociale. Il a notablement évolué en fonction du contexte épidémiologique. Cet article en décrit les grandes phases et leurs évolutions au décours de l’épidémie.
 
Abstract
Outbreaks of dengue in 2004 and chikungunya in 2005-2007 have demonstrated the vectorial role of mosquito Aedes albopictus in the Reunion Island. The pervasiveness of this vector in the island imposes to direct an antivectorial fight (LAV) towards urban areas, where this species mainly colonizes anthropic larvae reservoirs. During the 2005-2007 outbreak of chikungunya, the plan against Aedes albopictus was based on three elements: entomological surveillance, LAV and social mobilization. It has evolved significantly depending on the epidemiological context. This article describes the major phases and their developments upon the decline of the epidemics.

Mots clés / Key words
Lutte anti-vectorielle, surveillance entomologique, mobilisation sociale, Aedes albopictus, chikungunya / Mosquito control, entomological surveillance, community networks, Aedes albopictus, chikungunya


Impact entomologique des campagnes de sensibilisation à la destruction des gîtes larvaires d’ Aedes albopictus à La Réunion (Kass’ Moustik)
Entomological evaluation of public awareness campain (called Kass’Moustik) for removing breeding sites of Aedes albopictus in the Reunion Island
Jean-Sébastien Dehecq (jean-sebastien.dehecq@sante.gouv.fr)1, Julien Thiria1, Gaëlle Fohr1, Hélène Delatte2, Didier Fontenille2, Caroline Domerg3, Étienne Billot1, Catherine Chaussade1, Bernard-Alex Gaüzère4
1 / Direction régionale des affaires sanitaires et sociales-Drass, Saint-Denis, La Réunion, France 2 / Institut de recherche pour le développement-IRD, UR 016 Montpellier, France 3 / Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement-Cirad, Saint-Pierre, La Réunion, France 4 / Centre hospitalier régional, Saint-Pierre, La Réunion, France

Résumé
La prévention contre les arboviroses s’appuie sur la lutte intégrée afin de cumuler les moyens de lutte communautaire, de lutte physique (destruction des gîtes et aménagement de l’environnement), de lutte larvicide et adulticide. Depuis l’épidémie de chikungunya survenue à l’Ile de La Réunion entre 2005 et 2007 des campagnes de mobilisation sociale sont réalisées. Des opérations de sensibilisation soutenues par l’État sont organisées par des associations, relais locaux de mobilisation sociale, dans des quartiers urbains. Un suivi entomologique a été proposé pour évaluer l’impact de ces actions pendant un mois, sur les comportements de la population quant à la destruction des gîtes autour de leur habitation. Sur les sept quartiers urbains suivis en 2006 et 2007, six d’entre eux présentent une baisse des densités larvaires mesurées les jours suivants ces actions. En revanche, dans six quartiers, ces densités augmentent de nouveau 15 jours après la sensibilisation, montrant l’impact limité de la campagne dans le temps. Même si le nombre de gîtes avec présence de larves a fortement diminué après l’opération, les petits récipients constituent toujours l’essentiel des lieux de ponte retrouvés (75 % des gîtes décrits). Cette opération montre son intérêt dans l’élimination des gîtes larvaires à court terme et doit continuer à s’intégrer aux campagnes de mobilisation sociale sur la prévention des arboviroses à La Réunion.
 
Abstract
Prevention against arboviral outbreaks is based on integrated vector borne control, which combines community participation, physical destruction (destruction of sites and environmental control measures), and spraying of larvicides and adulticides. Since the 2005 and 2007 chikungunya virus outbreaks in the Reunion Island, social mobilisation campaigns have been conducted. Government-supported public awareness campaigns are organised by associations and local partners in urban areas. A one-month long entomological surveillance was proposed to assess the impact of these campaigns on population behaviours as regards the destruction of Ae. albopictus breeding sites around their houses. Among the seven urban areas followed in 2006 and 2007, a decrease of larval densities was observed in six of them just days following the campaign. However, in these same areas, these larval densities increased again 15 days after the campaign, illustrating its limited impact over time. Despite the decreasing number of breeding sites after the operation, small containers usually represent most of the breeding sites (75% of the sites described). This campaign has shown its benefits in eliminating larval sites in the short term, and its integration in social mobilisation campaigns on arboviroses prevention in the Reunion Island must be pursued.

Mots clés / Key words
Lutte anti-vectorielle, évaluation entomologique, lutte communautaire, Aedes albopictus, chikungunya, La Réunion / Mosquito control, entomological evaluation,community participation Aedes albopictus, chikungunya, the Reunion Island


Sociologie comparée de l’épidémie de chikungunya à La Réunion et à Mayotte (France)
Comparative sociology of chikungunya outbreaks on the Reunion and Mayotte Islands (France)
Michel Setbon (michel.setbon@univmed.fr)1,2, Jocelyn Raude2
1 / Laboratoire d’économie et de sociologie du travail (LEST-CNRS), Aix-en-Provence, France 2 / École des hautes études en santé publique-EHESP, Paris, France

Résumé
L’épidémie de chikungunya qui a largement affecté les populations réunionnaises et mahoraises entre mars 2005 et juin 2006, a donné lieu à la réalisation d’enquêtes socio-épidémiologiques visant à l’identification des facteurs objectifs et subjectifs associés à la contamination. L’analyse des données collectées sur la base d’un questionnaire quasi-commun, soumis à des échantillons représentatifs des populations locales (N=1035 à La Réunion, N=888 à Mayotte), a permis de mettre en évidence un certain nombre de similarités entre ces deux îles. Les résultats montrent que le risque de contamination est significativement associé dans les deux îles au statut social, les ménages les plus démunis étant sensiblement plus touchés que les ménages les plus favorisés. Les variables environnementales et les variables sociocognitives sont également apparues associés à des degrés divers à la contamination. Parmi ces dernières, la contrôlabilité perçue du risque et l’utilité perçue de la prévention semblent avoir une influence déterminante et transversale sur les comportements de protection. Enfin, une analyse des correspondances multiples entre les différentes modalités en relation avec la contamination indique que les facteurs « subjectifs » identifiés dans ces enquêtes ne sont pas indépendants du contexte socioculturel qui tend à structurer les représentations du risque et de la maladie.
 
Abstract
The outbreak of chikungunya which widely affected the populations from the Reunion and Mayotte Islands between March 2005 and June 2006, gave rise to the implementation of socio-epidemiological surveys aiming at identifying objective and subjective factors associated with the contamination. The analysis of data collected on the basis of a quasi-common questionnaire, submitted to representative samples of the local populations (N=1035 in the Reunion, N=888 in Mayotte), permitted to highlight numerous similarities between these two islands. The results showed that the infectious risk is significantly associated on both islands with the social status, the most deprived households being appreciably more touched than the most facilitated households. The environmental variables and the socio-cognitive variables also seemed more or less associated with the contamination. Among these last ones, the perceived controllability from the risk and the perceived utility from the prevention seem to have a strong and wide influence on protective behaviours. Finally, a multiple correspondence analysis between the various modalities in association with the contagion indicates that the « subjective » factors identified in these studies are not independent from the sociocultural context which tends to structure the representations of risk and disease.

Mots clés / Key words
Chikungunya, représentations, risque d’infection, protection, socio-démographie / Chikungunya, representations, risk of infection, protective behaviour,
socio-demography


 

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Institut de veille sanitaire
Mise en ligne le 21 octobre 2008
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