Tuberculose
Traitement et prévention
Introduction
Les personnes de l'entourage proche des malades porteurs de tuberculose contagieuse sont les plus exposées au risque d'infection tuberculeuse et, lorsqu'elles ont été infectées, c'est dans la période qui suit immédiatement l'infection qu'elles ont le plus grand risque de développer une tuberculose-maladie [1]. Ces deux éléments fondamentaux de l'épidémiologie et de l'histoire naturelle de la tuberculose justifient la priorité du dépistage des cas d'infection tuberculeuse et de tuberculose-maladie dans l'entourage d'un malade dont la tuberculose a été récemment diagnostiquée.
La famille ne constitue pas le seul milieu favorable à la transmission du bacille tuberculeux. Les collectivités reproduisant des conditions de promiscuité assez similaires à la promiscuité familiale sont multiples. Certaines d'entre elles peuvent regrouper des personnes particulièrement susceptibles (jeunes enfants, adolescents, malades immunodéprimés ou, de plus en plus, personnes infectées par le VIH), ce qui justifie une vigilance particulière. Dans la situation épidémiologique actuelle de la France où l'incidence de la tuberculose est devenue relativement basse [2], le dépistage "ciblé" prend toute son importance.
Les objectifs de l'investigation sont d'abord d'identifier les personnes pouvant être des sources d'infection et de les traiter pour interrompre la chaîne de transmission, ensuite d'identifier les personnes récemment infectées et de leur offrir le cas échéant une chimioprophylaxie (chimiothérapie préventive) pour empêcher que leur infection n'évolue à court terme vers une tuberculose-maladie. Dans une collectivité, il faut de plus évaluer le risque de transmission et mettre en évidence les éventuels facteurs favorisant cette transmission afin d'adapter les mesures préventives.
Ce texte a pour but de constituer un guide pour la conduite des investigations lorsqu'un cas de tuberculose ou d'infection tuberculeuse a été identifié dans une famille ou une collectivité. Il ne concerne pas la surveillance régulière des personnels (tels que le personnel hospitalier) particulièrement exposés à un risque de transmission, qui fait l'objet de recommandations spécifiques.
Une tuberculose est confirmée chez un malade lorsqu'une
culture a montré la présence de bacilles tuberculeux (Mycobacterium
tuberculosis, bovis ou africanum) [3].
Cependant, dans une certaine proportion des cas (un tiers en France d'après
les données de la déclaration obligatoire [4]),
la confirmation bactériologique n'est pas obtenue et la mise au traitement
est décidée sur des arguments cliniques et radiologiques.
Une tuberculose est contagieuse s'il y a des bacilles
tuberculeux dans l'expectoration. La tuberculose n'est donc contagieuse que
dans sa forme pulmonaire [1]. Les formes
extrapulmonaires (osseuse, ganglionnaire, uro-génitale, pleurale, méningée...)
ne sont qu'exceptionnellement contagieuses. En pratique la contagiosité est
définie par la présence de bacilles acido-alcoolo résistants (B.A.A.R.)
à l'examen microscopique direct de l'expectoration. La contagiosité est
beaucoup plus faible si l'examen microscopique direct de l'expectoration est
négatif et que seule la culture soit positive [5].
L'infection tuberculeuse est consécutive à l'inhalation du bacille
tuberculeux et à son implantation dans l'alvéole pulmonaire. Dans 90% des
cas en moyenne, chez les sujets immunocompétents, cette infection restera
latente, mais dans 10% des cas elle évoluera vers une tuberculose-maladie,
le risque étant maximal dans les deux ans suivant l'infection [6].
Une infection récente est identifiée par le virage récent (moins
de deux ans) des réactions cutanées à la tuberculine. S'il n'y a ni
signes radiologiques ni signes cliniques, il s'agit d'une infection latente.
S'il existe des signes radiologiques ou cliniques, il s'agit d'une infection
patente (primo-infection) et elle doit être traitée comme un cas de
tuberculose.
La découverte d'un cas de tuberculose ou d'infection tuberculeuse doit conduire à évaluer le risque de transmission du bacille tuberculeux et les facteurs de risque individuels des personnes vivant dans l'entourage du cas dépisté.
Elle repose sur l'évaluation de trois types d'éléments qui doivent être
passés en revue systématiquement :
- le cas contagieux et ses caractéristiques ;
- l'environnement ;
- le type de contacts entre le cas et son entourage.
La probabilité de faire une tuberculose-maladie à la suite d'une infection tuberculeuse est d'autant plus grande que la quantité des bacilles transmis est importante [1]. La probabilité dépend en outre de différentes caractéristiques individuelles de la personne exposée :
Devant tout cas nouvellement diagnostiqué de tuberculose contagieuse,
on doit entreprendre une recherche de cas de tuberculose-maladie et de
personnes infectées dans l'entourage. Cette recherche constitue une priorité
car elle permet de dépister et de prévenir rapidement des cas secondaires.
Devant un cas démontré d'infection tuberculeuse récente, soit
patente (avec signes radio-cliniques), soit latente (virage simple)
diagnostiquée sur des résultats de tests tuberculiniques antérieurs récents
et effectués de façon correctement standardisés, on recherchera le
contaminateur et ensuite les éventuelles autres personnes infectées. En
revanche, cette recherche ne se justifie pas pour une réaction
tuberculinique positive retrouvée lors d'un dépistage systématique en
l'absence d'autres éléments.
On doit rechercher également le contaminateur autour d'un cas de tuberculose-maladie
faisant probablement suite à une infection récente, ce qui est :
- certain chez l'enfant de moins de 5 ans ;
- probable chez l'adolescent ;
- possible chez un malade n'ayant jamais reçu de traitement antituberculeux
et porteur de bacilles multirésistants (résistants à la fois à
l'isoniazide et à la rifampicine) ;
- possible chez une personne infectée par le VIH ou sévèrement immunodéprimée.
Il est possible que les deux stratégies (recherche de cas secondaires et
recherche du contaminateur) doivent être conduites simultanément,
notamment dans une collectivité.
Tableau 1
Pour dépister le contaminateur ("source" d'infection) on se
basera sur la radiographie pulmonaire. Le dépistage sera conduit suivant le
même principe des cercles concentriques, d'abord parmi les membres de la
famille ou, dans une collectivité, chez les personnes en contact étroit
avec le cas. Le traitement du contaminateur doit être institué immédiatement.
Devant plusieurs cas d'infection tuberculeuse récente diagnostiqués dans
une même collectivité, le dépistage sera effectué également dans la catégorie
des personne en contact étroit avec chaque cas. De plus, et avant de se
livrer à un dépistage radiologique étendu, la recherche d'activités
communes ou d'appartenance à un groupe commun à ces cas doit être
conduite de façon approfondie, ce qui permettra d'orienter éventuellement
sur une circonstance commune d'infection.
Lorsque le contaminateur aura été identifié, on conduira un dépistage
dans son entourage à la recherche d'éventuelles autres personnes infectées.
Les tests doivent être effectués par intra-dermo réaction (test
de Mantoux). Les autres tests (timbre, Monotest), insuffisamment standardisés
et n'ayant pas de valeur quantitative, sont à proscrire.
La tuberculine utilisée doit fournir des résultats standardisés avec la
tuberculine de référence de l'OMS. En France, la tuberculine Mérieux est
la seule disponible depuis 1993. Une dose de 10 unités internationales de
tuberculine Mérieux correspond à la dose de 2 unités tuberculiniques de
la tuberculine de référence OMS RT 23 (+ Tween 80) de Copenhague. La dose
de 50 UI ne doit pas être utilisée.
La technique consiste en l'injection intradermique d'un volume de 0,1 ml,
soit une dose correspondant à 10 unités internationales de tuberculine Mérieux.
La lecture se fait 72 heures plus tard. On mesure le diamètre transversal
de l'induration en millimétres.
Le résultat est à interpréter en fonction des résultats de tests antérieurs,
des antécédents de vaccination BCG, et de la présence ou non d'infection
à VIH.
Résultats connus de tests antérieurs standardisés (effectués selon
la méthode décrite ci-dessus) datant de moins de deux ans :
L'infection tuberculeuse récente est mise en évidence par une
augmentation significative de l'allergie tuberculinique (virage) définie comme
suit :
- chez les non vaccinés :
- induration passant de < 10 mm à > ou = 10 mm, avec au moins 10 mm de
différence entre les deux mesures ;
- ou induration passant de 0 mm à > ou = 5 mm ;
- chez les vaccinés :
- induration augmentant d'au moins 10 mm entre les deux tests, indépendamment
de la valeur de départ.
Aucun virage mis en évidence par rapport aux résultats des tests antérieurs,
ou résultats ne pouvant être comparés à aucun résultat de test fiable
datant de moins de deux ans :
- l'infection tuberculeuse récente est probable si l'induration est >
ou = 10 mm dès le premier test chez les non vaccinés. Chez les vaccinés, le résultat
est à interpréter en fonction de l'ancienneté du BCG (l'immunité s'atténuant
en dix à quinze ans) et des résultats de tests tuberculiniques standardisés
effectués dans les dix années précédentes, s'ils existent ;
- si l'induration est < 10 mm, il faut répéter le test 2 mois plus tard
pour rechercher un virage. Si au deuxième test, l'induration a augmenté d'au
moins 10 mm, il s'agit certainement d'une infection tuberculeuse récente.
Cependant chez les sujets âgés de plus de 55 ans, une augmentation de taille
de l'induration peut être le témoin du réveil, par l'effet du premier test
(effet "booster"), d'une hypersensibilité cutanée ancienne et doit
donc être interprétée avec prudence [24].
Chez les personnes infectées par le VIH
- Si les lymphocytes CD4 sont > ou = 500/mm3 : la démarche et les critères
d'interprétation sont les mêmes que ci-dessus.
- Si les lymphocytes CD4 sont < 500/mm3 :
- l'infection tuberculeuse récente est probable si l'induration est >
ou = 10 mm au premier test chez un sujet vacciné depuis moins de quinze ans, ou
> ou = 5 mm chez un sujet non vacciné ou vacciné depuis plus de quinze ans.
- si l'induration est < 5mm et si les lymphocytes CD4 sont < 200/mm3, on
recherchera une anergie en pratiquant des tests cutanés à au moins deux autres
antigènes (exemple: Multitest ® Mérieux) . Si les réactions sont négatives,
l'infection tuberculeuse récente est possible, et la chimioprophylaxie
est donc indiquée pour un sujet vacciné ou non en contact avec un cas
contagieux.
Proposition de grille de recueil de données pour l'investigation épidémiologique autour d'un cas de tuberculose contagieuse
La première étape de l'investigation consiste à obtenir une description précise
des activités du malade et des collectivités qu'il fréquente régulièrement
ou occasionnellement. Cette étape va permettre de déterminer les personnes
ayant été en contact avec le cas et de les classer dans les 3 catégories de
contact (étroit, régulier, occasionnel). La stratégie de dépistage sera
conduite ensuite de façon progressive, selon l'image du "caillou dans
l'eau". En prenant l'exemple fictif d'un cas survenu chez un adolescent
scolarisé, les résultats pourraient être synthétisés dans le tableau
suivant :
Ce texte a reçu un avis favorable du Conseil supérieur d'Hygiène publique de France le 27 janvier 1994. Nous remercions le Pr. J. Chrétien, les Drs H. Rieder, A. Rouillon et A. Trébucq, de l'Union Internationale Contre la Tuberculose et les Maladies Respiratoires, qui ont accepté de relire ce document et nous ont fait part de leurs commentaires et suggestions.
Références bibliographiques
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Mise à jour le 20 août 1997 | CONTACTS |